lundi 28 mars 2011

Une homélie de saint Philarète de Moscou, à propos de l'Echelle Sainte

Durant ce temps de Carême que, cette année encore, les chrétiens de toutes confessions partagent, il est juste et salutaire de se rassasier l'âme de quelques propos spirituels.
Un des plus éminents ascètes et pères spirituels est saint Jean Climaque, qui vécut aux VIe et VIIe siècles, où il fut abbé du monastère du mont Sinaï. Son traité "L'Echelle sainte" l'a immortalisé.
Il n'est pas inutile de publier ici une homélie que le saint métropolite Philarète prononça à son sujet.




Homélie
sur Saint Jean Climaque
et

l'Echelle de la Divine Ascension

par le saint métropolite Philarète de Moscou

Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Frères, à plus d'une reprise, il a été mentionné que, durant le Grand Carême, il y a d'autres commémoration en plus de celle de la Résurrection. Ainsi, en ce jour, l'Eglise glorifie le bienheureux Jean Climaque, un de ces ascètes parmi les plus grands, que l'Eglise, parlant d'eux, appelle « anges terrestres et hommes célestes. »

Ces grands ascètes étaient des gens extraordinaires. Ils commandaient aux éléments ; les bêtes sauvages leur obéissaient volontairement et prestement. Pour eux, il n'existait pas de maladie qu'ils ne puissent guérir. Ils marchaient sur les eaux comme sur la terre sèche ; tous les éléments du monde leur étaient soumis, parce qu'ils vivaient en Dieu et avaient la puissance de la grâce pour vaincre les lois de la nature terrestre. Saint Jean Climaque était un de ces ascètes.

Il a été surnommé « Climaque » (Echelle) parce qu'il a composé un ouvrage immortel, L'Echelle Sainte. Dans cet ouvrage, nous voyons comment, en trente étapes, le chrétien gravit progressivement du bas jusqu'aux hauteurs de la suprême perfection spirituelle. Nous voyons comment une vertu amène à une autre, à mesure que l'homme s'élève encore et toujours plus, et pour finir atteint ce sommet où se trouve la couronne des vertus, qui est appelée « l'amour chrétien. »

Saint Jean a composé son immortel ouvrage en particulier pour les moines, mais dans les temps, son Echelle a toujours été la lecture favorite en Russie pour quiconque de zélé voulait vivre pieusement, bien que n'étant pas moine. Le saint y démontre clairement comment l'on passe d'un échelon au suivant.

Souviens-toi, âme chrétienne, que cette ascension vers le sommet est indispensable pour quiconque aspire à sauver son âme pour l'éternité.

Lorsque nous jetons une pierre en l'air, elle monte jusqu'à ce qu'elle arrive au point où la force de propulsion cesse d'être effective. Tant qu'agit cette force, la pierre monte toujours plus haut, surmontant la force de la gravitation terrestre. Mais quand cette force de propulsion est épuisée et cesse d'agir, alors, comme vous le savez, la pierre ne reste pas suspendue en l'air. Immédiatement, elle commence à retomber, et plus loin elle retombe, plus grande sera la force de sa chute. Et cela, uniquement en raison des lois physiques de la gravitation terrestre.

Il en est de même dans la vie spirituelle. A mesure que le chrétien gravit progressivement l’Echelle, la force des travaux spirituels et ascétiques le porte. Notre Seigneur Jésus Christ a dit : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. » Cela signifie que le chrétien doit être un ascète. Pas seulement le moine, mais tout chrétien. Cela doit lui en coûter pour son âme et sa vie. Il doit diriger sa vie sur la voie chrétienne, et purger son âme de toute souillure et impureté.

Mais si, pour le chrétien occupé à gravir cette échelle de perfection spirituelle par ses luttes et travaux ascétiques, soudain cessent son œuvre et son effort ascétiques, alors son âme ne restera pas à l’altitude atteinte, mais, comme la pierre, elle retombera sur terre. Et si rapide sera la chute que si, pour finir, l'homme ne reprend pas ses esprits, elle le fera s'enfoncer dans les abysses de l'Hadès.

Il est nécessaire de s'en souvenir. Les gens oublient que la voie du christianisme est véritablement un travail ascétique. Le Seigneur a dit : « Si l'on veut venir à ma suite, il faut renoncer à soi-même, prendre sa croix, et Me suivre ainsi »(Mt 16,24). Le Seigneur a beaucoup insisté sur cela. Le chrétien doit être celui qui prend sa croix, et sa vie, dès lors, doit être l'œuvre ascétique consistant à porter cette croix. Quelles que soient les circonstances extérieures de sa vie, qu'il soit moine ou laïc, cela n'a pas d'importance. Dans les deux cas, s'il ne se force pas de lui-même à entreprendre l'ascension, alors, assurément, il chutera toujours plus bas.

Et hélas, à cet égard, les gens sont dans la confusion. Par exemple, un clerc rend visite à une maison durant une période de jeûne. Cordialement et avec prévenance, on lui offre de la nourriture carémique, et on observe : « Pour vous, de la nourriture carémique, bien entendu! »A cela, un de nos hiérarques répond habituellement : « Bien sûr, puisque je suis orthodoxe. Mais qui vous a donné l'autorisation de ne pas respecter le jeûne? » Tous les jeûnes de l'Eglise, toutes les ordonnances, sont obligatoires pour tout chrétien orthodoxe. Des moines, des ascètes tels que saint Jean Climaque et ses semblables jeûnaient bien plus rigoureusement que ce que l'Eglise prescrit; mais cela faisait partie de leur ardeur spirituelle, c’était une illustration de leur travail ascétique personnel. Cela, l'Eglise ne le réclame de personne, parce que ce n'est pas dans les forces de tout un chacun. Mais l'Eglise DEMANDE à tout orthodoxe de respecter les jeûnes qu'elle a décrétés.

J'ai souvent cité des paroles de saint Séraphin de Sarov, et à nouveau je vais le citer. Un jour, une mère de famille vint le trouver, elle était soucieuse pour savoir comment arranger le meilleur mariage possible pour sa fille cadette. Alors qu'elle était près de saint Séraphin pour lui demander conseil, il lui dit : « Avant tout, assure-toi que celui que ta fille choisit comme compagnon pour la vie respecte bien les jeûnes. S'il ne le fait pas, alors c'est qu'il n'est pas chrétien, quoiqu'il puisse lui-même penser l’être. » Vous voyez comment parlait des jeûnes saint Séraphin de Sarov, le plus grand saint de l'Eglise de Russie, un homme qui, mieux que nous, connaissait ce qu'est l'Orthodoxie?

Dès lors, souvenons-nous de ceci. Saint Jean Climaque a décrit l'échelle de l'ascension spirituelle : n'oublions pas que chaque chrétien doit l'escalader. Les grands ascètes la gravissaient comme des aigles agiles ; nous ne la montons que fort péniblement. Et cependant n'oublions pas qu'à moins que nous appliquions tous nos efforts à nous corriger, nous-mêmes et nos vies, nous cesserons notre ascension, et, sans aucun doute, nous commencerons à chuter.

Amen.




jeudi 24 mars 2011

Méditation sur l'Annonciation

Une belle méditation du Père Lev Gillet (Un moine de l'Eglise d'Orient)


La plus grande des fêtes qui se rencontre en cette période de l’année est assurément la fête de l'Annonciation de la maternité divine faite par l’ange Gabriel à la Théotokos, la très sainte Vierge Marie. Une phrase des chants des matines résume toute la signification de cette fête : « Le mystère éternel est révélé aujourd'hui; le Fils de Dieu devient Fils de l'homme...». L'épître aux Hébreux, lue à la liturgie (2:11-2:18), insiste sur ce que, du fait de l'Incarnation, « le sanctificateur et les sanctifiés ont tous même origine. C'est pourquoi il ne rougit pas de les nommer frères ». L'évangile relate la révélation que Gabriel, à Nazareth, fit à Marie. La réaction de Marie : « comment cela se fera-t-il ? », n'est pas l'expression d'un doute, et en cela elle diffère de la réaction de Zacharie, lorsque la naissance de Jean lui fut prédite. Marie pose simplement une question respectueuse ; et, quand l'ange explique que le Saint-Esprit descendra sur elle et la couvrira de son ombre, Marie répond, avec l'humilité et l'obéissance qui caractérisent toute sa personne : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole ».

La fête de l’Annonciation a en quelque sorte deux faces. L'une d'elles est tournée vers la Très Sainte Mère de Dieu. Elle concerne sa gloire et notre piété envers Marie. La déclaration de cette gloire et l'expression de cette piété trouvent leur forme parfaite dans la première phrase du message de l’ange : « Réjouis-Toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec Toi ». Nous ne pouvons mieux nous adresser à la Sainte Vierge qu’en répétant cette phrase avec vénération et tendresse. L'autre face du mystère de l'Annonciation est tournée vers les hommes. Dans la vie de tout chrétien, il doit y avoir des annonciations divines à des moments où Dieu nous fait connaître sa volonté et son dessein à notre égard. Mais toutes ces annonciations doivent s'unir et se fondre dans une Annonciation essentielle : l'annonce que Jésus peut naître en nous, peut naître de nous - non point dans le sens où il fut conçu et mis au monde par la Vierge Marie, car il s’agit là d'un miracle unique et inégalable, mais dans le sens d'une prise de possession toute spirituelle et en même temps très réelle de notre personne par le Sauveur. Et puis rappelons-nous que toute annonciation authentique est aussitôt suivie d'une visitation : la faveur divine étendue sur nous doit immédiatement provoquer de notre part une démarche, une parole ou un acte de charité envers nos frères. Voilà pourquoi l’évangile des matines de l’Annonciation est le récit de la visite faite par Marie à Elisabeth. La Mère de Dieu, aussitôt après son entretien avec Gabriel, va porter la grâce à sa cousine et faire rayonner cette grâce sur Elisabeth et Jean.

Extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet (Editions du Cerf)


Repris du blog  http://www.blog-prions.org/




 

mercredi 16 mars 2011

Saint Patrick




Demain, tous les Irlandais de la terre vont fêter saint Patrick...à la celte ! c'est-à-dire avec exubérance. Et pourquoi pas ? pourquoi se retenir lorsqu'on est dans la joie ?

Ce sont d'ailleurs tous les chrétiens qui devraient fêter saint Patrick. Il a évangélisé l'Irlande, c'est un fait : presqu'entièrement païenne à son arrivée, à sa mort elle était totalement chrétienne. Mais ce n'est pas là son vrai titre de gloire. Il réside dans le fait que cette évangélisation s'est faite sans aucune violence et ne s'est heurtée à aucune violence : l'Irlande des premiers siècles n'a compté aucun martyr ! (Elle s'est rattrapée au temps de Cromwell). Ce fait est tellement exceptionnel qu'on ne saurait assez s'en réjouir. Gloire à saint Patrick !

Il y a quelque temps, Galahad a donné dans son blog http://www.relianceuniverselle.com/ une version de la "prière de saint Patrick". En voici une autre, légèrement différente dans la forme, identique dans le fond. On peut en recommander l'usage, l'expérience prouve qu'elle est très efficace.

Je l'ai fait précéder d'un extrait de la "Confession" de saint Patrick, et suivre d'un hymne du Ve siècle  du barde saint Fiacc, consacré évêque de Leinster par saint Patrick.


CONFESSION DE NOTRE TRES SAINT PERE PATRICK, ARCHEVEQUE D'ARMAGH.
(extrait)

Moi, Patrick, misérable pécheur et le dernier des serviteurs de Jésus Christ, j'eus pour père le diacre Calpurnius, fils du prêtre Potitus. Je naquis l'an 377 de l'Incarnation, à Bonaven Taberniae, dans une villa que possédait mon père, et où je fus plus tard capturé par des pirates, dans les circonstances que je vais raconter. J'avais alors 16 ans, et ne m'étais jamais préoccupé sérieusement du service de Dieu. Les barbares m'enlevèrent avec plusieurs milliers d'autres captifs. On nous entassa sur des barques et nous fûmes transportés en Irlande. Le Seigneur voulait ainsi châtier nos offenses et nos ingratitudes passées. Jeté, pauvre adolescent parmi ces nations étrangères, mon cœur s'ouvrit à la grâce. Je pleurai mes fautes, et résolus de changer de vie. Dans sa miséricordieuse bonté, le Seigneur daigna agréer mes vœux encore stériles ; sa main me protégea parmi tant de dangers et me sauva la vie.

J'étais profondément ignorant. Dès mon enfance, j'avais manifesté une véritable horreur de l'étude. Seule me plaisait la vie libre au grand air des champs. Maintenant, captif et exilé, il me fallait conduire les troupeaux aux pâturages. Le goût de la prière me saisit peu à peu. Je passais les journées et une partie de la nuit dans ce saint exercice. Je m'agenouillais sur la neige, sur la terre gelée ou détrempée par les pluies d'hiver.

Six ans s'écoulèrent ainsi, et j'étais heureux dans ma captivité, parce que le Seigneur consolait mon âme. Une nuit, j'entendis dans une vision la voix d'un ange qui me disait : "Tes prières et tes jeûnes ont été agréés par Dieu. Tu reverras bientôt ta patrie. Le navire qui doit t'emmener attend au port". J'étais alors à deux cent milles de la côte et ne connaissais pas le port dont on me parlait. Toutefois, plein de confiance en Dieu, je pris la fuite et j'arrivai heureusement au port de Boyle. Un navire y stationnait ; j'y montai et demandai au pilote de m'emmener avec lui. Il s'y refusa brutalement, et je reprenais déjà la route, pleurant et priant, lorsque le pilote me cria : "Viens si tu veux, mais sois-nous soumis".

Or, ces hommes étaient des païens. On leva l'ancre, et après trois jours de navigation, nous débarquâmes dans une terre inhabitée où nous marchâmes pendant 27 jours. Les vivres et l'eau vinrent à manquer, et la faim se fit affreusement sentir. Le pilote me dit : "Tu es chrétien, et tu prétends que ton Dieu est Tout-Puissant. Prie Le donc pour nous et qu'il vienne notre aide." Et je répondis : "Convertissez-vous du fond du cœur et Dieu vous sauvera." A peine avais-je achevé ces paroles, que nous aperçûmes une troupe de sangliers. On en tua un grand nombre, et l'abondance revint dans la caravane. Tous louaient le Seigneur et me témoignaient la plus vive reconnaissance.

J'arrivai enfin dans ma patrie; j'y étais depuis deux ans lorsque, pour la seconde fois, une bande de pirates m'enleva. Je priai le Seigneur, et une voix divine me dit : "Ta captivité ne durera que deux mois". En effet, le soixantième jour, je fus délivré et je revins près de mes parents. Or, en ce temps, une nuit, je vis se dresser devant moi un homme céleste, tenant à la main un recueil de lettres et il me : "Mon nom est Victrice", et il me montra la collection de ses lettres, et j'y lus : " Voix de l'Irlande’’ A ce moment se firent entendre les voix des bûcherons de Foclayd qui s'adressaient à moi en disant : "Reviens vers nous, saint jeune homme, et enseigne nous la voie du Seigneur." Le lendemain, je m'ouvris de cette vision mystérieuse à un ami d'enfance. Il me répondit : "Un jour, tu seras évêque en Irlande". Cette parole me jeta dans la consternation, moi misérable pécheur : elle se réalisa cependant.

Ainsi a parlé de lui-même notre père saint Patrick, que ses prières nous obtiennent la bienveillance de Dieu et soutienne notre foi ! Amen.



PRIERE DE SAINT PATRICK

Je me lève aujourd'hui
par une force puissante,
l'invocation de la Trinité,
la croyance en la Trinité,
la confession de l’unité
du Créateur du monde.

Je me lève aujourd'hui
par la force de la naissance du Christ et de Son Baptême,
la force de Sa Crucifixion et de Sa mise au tombeau,
la force de Sa Résurrection et de Son Ascension,
la force de Sa Venue au jour du Jugement.

Je me lève aujourd'hui
par la force des ordres des Chérubins,
dans l'obéissance des Anges,
dans le service des Archanges,
dans l'espoir de la Résurrection,
dans les prières des Patriarches,
dans les prédications des Prophètes,
dans les prédications des Apôtres,
dans les fidélités des Confesseurs,
dans l'innocence des Vierges saintes,
dans les actions des Hommes justes.

Je me lève aujourd'hui
par la force du Ciel,
lumière du Ciel
lumière du Soleil,
éclat de la Lune,
splendeur du Feu,
vitesse de l'éclair,
rapidité du vent,
profondeur de la mer,
stabilité de la terre,
solidité de la pierre.

Je me lève aujourd'hui
par la force de Dieu pour me guider,
la puissance de Dieu pour me soutenir,
l'intelligence de Dieu pour me conduire,
l'œil de Dieu pour regarder devant moi,
l'oreille de Dieu pour m'entendre,
la parole de Dieu pour parler pour moi,
la main de Dieu pour me garder,
le chemin de Dieu pour me précéder,
le bouclier de Dieu pour me protéger,
l'armée de Dieu pour me sauver
des filets des démons,
des séductions des vices,
des inclinations de la nature,
de tous les hommes qui me désirent du mal,
de loin et de près,
dans la solitude et dans une multitude.

J'appelle aujourd'hui toutes ces forces
entre moi et le mal,
contre toute force cruelle impitoyable
qui attaque mon corps et mon âme,
contre les incantations des faux prophètes,
contre les lois noires du paganisme,
contre les lois fausses des hérétiques,
contre la puissance de l'idolâtrie,
contre les charmes des sorciers,
contre toute science qui souille
le corps et l'âme de l'homme.

Que le Christ me protège aujourd'hui
contre le poison, contre le feu,
contre la noyade, contre la blessure,
pour qu'il me vienne une foule de récompenses,
le Christ avec moi,
le Christ devant moi,
le Christ derrière moi,
le Christ en moi,
le Christ au-dessus de moi,
le Christ au-dessous de moi,
le Christ à ma droite,
le Christ à ma gauche,
le Christ en largeur,
le Christ en longueur,
le Christ en hauteur,
le Christ dans le cœur
de tout homme qui pense à moi
le Christ dans tout œil qui me voit,
le Christ dans toute oreille qui m'écoute.

Je me lève aujourd'hui
par une force puissante
l'invocation à la Trinité,
la croyance en la Trinité,
la confession de l'unité
du Créateur du monde.

Au Seigneur est le salut,
au Christ est le salut.

Que Ton salut, Seigneur, soit toujours avec nous.

Amen.



SAINT FIACC: HYMNE SUR LA VIE DE SAINT PATRICK

L'Hymne de Fiacc est une des rares sources primaires reconnues concernant la vie de saint Patrick, en dehors de ses propres écrits. Bien que sa date exacte de composition soit encore discutée, il est hors de doute qu'elle soit extrêmement ancienne, un document de l'Eglise Celtique d'avant les invasions Vikings. La tradition l'attribue au barde Fiacc du Ve siècle, qui apparaît aussi comme personnage dans certaines légendes au sujet de Patrick.

1. Patrick naquit à Emptur:
C'est ce que l'histoire nous apprend.
Un enfant de 16 ans (qu'il était)
Lorsqu'il fut emmené dans les liens.

2. Succat était son nom, nous dit-on;
Celui qui était son père, voici qu'on nous dit:
Il était fils de Calpurn, fils d'Otidus,
Petit-fils de Deochain Odissus.

3. Il demeura six ans dans l'esclavage;
De la nourriture humaine, il ne mangea pas.
Cothraige était son surnom,
Parce comme esclave, il servait quatre familles.

4. Victor dit à l'esclave de Milcho:
"Toi, pars sur la mer:"
Il plaça son pied sur le *leac* [pierre]
Sa trace demeure, elle ne disparaît pas.

5. Il l'envoya traverser les Alpes;
Vers le merveilleux outre-mer était son voyage,
Jusqu'à ce qu'il demeure avec Germain [saint Germain d'Auxerre] dans le sud.
Dans la Letah du sud.

6. Dans les îles de la Mer Thyrrhene il resta;
En celles-là il médita :
Il lut le canon avec Germain:
C'est ce que l'histoire nous apprend.

7. En Irlande il fut ramené
En vision par les Anges de Dieu:
Souvent par une vision il était
Appelé pour y retourner à nouveau.

8. Le Salut pour l'Irlande
C'était l'arrivée de Patrick à Fochlaidh;
Au loin avait été entendu le son
De l'appel des enfants de Caill-Fochladh.

9. Ils priaient afin que le saint vienne,
Afin qu'il revienne de Letha,
Pour convertir le peuple d'Erin
De l'erreur à la vie.

10. Les Tuatha d'Erin prophétisaient
Qu'un nouveau royaume de Foi viendrait,
Qu'il durerait à jamais:
La terre de Tara serait une étendue silencieuse.

11. Les druides de Loegaire ne lui dissimulèrent pas
La venue de Patrick;
Leur prophétie se vérifia
Concernant le royaume dont ils avaient parlé.

12. Patrick marcha dans la piété jusqu'à sa mort :
Il fut puissant pour extirper le péché :
Il leva ses mains en bénédiction
Sur les tribus des hommes.

13. Les Hymnes, et l'Apocalypse, et les 3 fois 50 [Psaumes]
Il avait l'habitude de chanter;
Il prêchait, baptisait et priait;
De louer Dieu jamais il ne s'arrêtait.



samedi 12 mars 2011

Symbole de saint Athanase

SYMBOLE
dit de saint Athanase

Le premier dimanche de Carême, les Eglises orthodoxes célèbrent le "Triomphe de l'Orthodoxe", c'est-à-dire la condamnation de l'iconoclasme par le second concile de Nicée en 787. Pourquoi cette condamnation ? Parce que le refus de toute représentation figurée sacrée des saints et même du Christ était une manière oblique de nier, et son incarnation, et la transfiguration déifiante de la chair.
Donc, en cette même occasion, l'Eglise proclame solennellement le Symbole de la foi attribué à saint Athanase, symbole qui englobe toutes les vérités de la foi et toutes les hérésies possibles. De ce dernier point de vue, on constatera qu'il s'applique parfaitement bien à la plupart des idées professées dans les milieux "ésotériques".






Evêque.  La foi catholique consiste à adorer un seul Dieu en trois Personnes et trois Personnes en un seul Dieu, sans confondre les Personnes, ni séparer la Substance.

A voix forte :

Tous. Nous confessons.

Ev. Car autre est la Personne du Père, autre est Celle du Fils, autre est Celle du Saint-Esprit. Mais la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est une ; leur gloire, égale ; leur majesté, co-éternelle.

Ts. Nous confessons.

Ev. Tel qu’est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit. Le Père est incréé, le Fils est incréé, le Saint-Esprit est incréé. Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint-Esprit est immense. Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éterne1. Et néanmoins, ce ne sont pas trois Incréés, ni trois Immenses, mais un seul Incréé, un seul Immense.

Ts. Nous confessons.

Ev. De même le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant, le Saint-Esprit est tout-puissant ; cependant ce ne sont pas trois tout-puissants, mais un seul Tout-Puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; et néanmoins, ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu.

Ts. Nous confessons.

Ev. Ainsi, le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur, et néanmoins ce ne sont pas trois seigneurs, mais un seul Seigneur. Car, comme la vérité chrétienne nous oblige à reconnaître et à confesser que chacune des trois Personnes est Dieu et Seigneur, aussi la religion catholique nous défend de dire trois dieux ou trois seigneurs.

Ts. Nous confessons.

Ev. Le Père n'a été ni fait, ni créé, ni engendré. Le Fils n'a été ni fait, ni créé, mais engendré du Père seul. Le Saint-Esprit n'a été ni fait, ni créé, ni engendré, mais Il procède du Père seul.

Il n'y a donc qu’un seul Père et non trois pères, un Fils et non trois fils, un Saint-Esprit non trois saints esprits. Et dans cette Trinité, il n'y a ni plus ancien, ni moins ancien ni plus grand, ni moins grand, mais les trois Personnes sont co-éternelles et égales entre Elles. De sorte qu'en tout comme il a été dit, on doit adorer l'Unité dans la Trinité et la trinité dans l’unité.

Ts. Nous confessons.

Ev. Or, la pureté de la foi consiste à croire et à confesser que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu est Dieu et homme. Il est Dieu étant engendré de la substance du Père avant tous les temps, et Il est homme, étant né dans le temps de la substance de sa Mère. Dieu parfait et homme parfait, ayant une âme raisonnable et une chair humaine. Egal au Père selon la divinité et moindre que le Père selon l'humanité.

Ts. Nous confessons.

Ev. Et quoiqu'Il soit Dieu et homme, Il n'est pas, néanmoins deux personnes, mais un seul Jésus-Christ. Il est un, non que la divinité ait été changée en humanité, mais parce que Dieu a pris l'humanité et l'a unie à sa divinité. Un enfin, non par confusion de nature, mais par unité de Personne.

Ts. Nous confessons.

Ev. Car, comme l'âme raisonnable et la chair est un seul homme, de même Dieu et l'homme est un seul Jésus-Christ ; qui a souffert la mort pour notre salut, est descendu en enfer, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’ou il viendra juger les vivants et les morts. A l'avènement duquel tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront compte de leurs actions.

Ts. Nous confessons.

Dia. Ceci est la foi apostolique, ceci est la foi de nos pères, ceci est la foi orthodoxe. Cette foi est le fondement de l'univers.

Ev. Nous croyons et confessons tout ce que les saints Conciles, la sainte Tradition et les saintes Ecritures enseignent, conformément à la Révélation divine. Nous le recevons et nous le proclamons !

Ceux qui soumettent leur intelligence et leur raison à la Vérité libératrice de la Révélation, nous les honorons ; ceux qui résistent à la Vérité libératrice, dans l'attente espérante de leur conversion nous les excluons de l'Eglise.

Dia. Les doctrines qui nient l'existence du Créateur et idolâtrent à sa place la raison humaine ou la nature et son évolution autonome, les doctrines qui ne professent point que tout est de Dieu, par Lui, et en Lui ;

Ts. Qu'elles soient écartées !

Dia. Les doctrines qui nient que le Père est l'unique Source de la divinité et des Hypostases du Fils et de l'Esprit-Saint,

Ts. Qu'elles soient écartées !

Dia. Les doctrines qui nient la divinité du Christ et Le considèrent comme un homme supérieur ; les doctrines qui nient son humanité réelle, enseignant que ses souffrances et sa mort ne sont qu'apparence,

Ts. Qu'elles soient écartées !

Dia. Les doctrines qui prétendent qu'il n'y a qu'une seule volonté divine en Christ ; les doctrines qui affirment que notre salut n'est donné que par la grâce, sans la collaboration de la volonté libre de l'homme ; les doctrines qui professent que la volonté de l'homme suffit au progrès du monde, rejetant la synergie,

Ts. Qu'elles soient écartées !

Dia. Les doctrines qui nient le péché et le salut, la mort et la résurrection rédemptrice du Christ,

Ts. Qu'elles soient écartées !

Dia. Les doctrines qui nient 1a vénération des anges, des saints, des reliques et des icônes,

Ts. Qu'elles soient écartées ! Qu'elles soient écartées ! Qu'elles soient écartées !

Dia. Aux défenseurs de la foi des sept Conciles Œcuméniques :
Père parmi les saints : Athanase le Grand,
Père parmi les saints : Basile le Grand,
Père parmi les saints : Cyrille d'Alexandrie,
Père parmi les saints : Léon le Grand
Grand parmi les grands : l'Empereur Justinien,
Père parmi les saints : Maxime le Confesseur,
Père parmi les saints : Jean Damascène,

Honneur, magnificence et mémoire éternelle.

De la chaire, le diacre chante :

Dia. Mémoire éternelle ; mémoire éternelle ; mémoire éternelle !

Le célébrant tourne autour de l’autel pendant le chant.

Ts. Mémoire éternelle ; mémoire éternelle ; mémoire éternelle !



Prière matinale, par saint Philarète de Moscou

PRIERE MATINALE
Par saint Philarète de Moscou



Seigneur, fais que j'accepte calmement tout ce que ce jour pourrait m'apporter, et que je me consacre complètement à ta volonté sainte. Dirige-moi et aide-moi à chaque heure de cette journée. Contrôle mes pensées et mes sentiments dans toutes mes actions et mes paroles. Lorsque des circonstances imprévues arrivent, ne me laisse pas oublier que tout vient de Toi.

Apprends-moi à être juste envers mon frère, à ne jamais provoquer la colère ou causer de la peine. Contrôle ma volonté et apprends-moi à prier, à croire, à espérer, à souffrir, à pardonner et à aimer.

Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix, là où il y a la haine, que je répande l'amour ; là où sont les insultes, le pardon ; là où est la discorde, l'unité ; l'espérance là où il y a le désespoir ; la lumière où sont les ténèbres ; la joie où est la tristesse.

O Divin Maître, laisse-moi donner plutôt que de recevoir la consolation ; que je comprenne les autres plutôt que d'être compris ; que j'aime les autres plutôt que d'être aimé. Car lorsque nous pardonnons, nous sommes pardonnés. Quand nous donnons, nous recevons et quand nous mourons, nous naissons à la vie éternelle.

Esprit-Saint, aide-moi à consacrer toute cette vie à mon Sauveur et mon Dieu.

Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, il vaut mieux ne pas vivre que de vivre sans Toi.

Je Te remercie, ô Dieu, pour le don de cette journée, et pour toutes les bonnes actions que Tu m'aideras à accomplir aujourd'hui.

Dieu miséricordieux, délivre-moi du désir du confort et rends-moi digne de m'oublier par amour pour Toi et pour mon frère à n'importe quel moment, car c'est pour cela que Tu m'as donné la vie.

Aide-moi à rejeter tout ce qui ne vient pas de Toi, et à accepter tout ce qui vient de Toi avec une foi dévote, espérance et amour.

Donne-moi le courage de Te servir dignement, de mettre la justice au-dessus du profit, la réalisation de nobles actions au-dessus des plaisirs éphémères, de placer les autres au-dessus de moi et d'accomplir Ton commandement d'Amour.

Que la lumière de ta Beauté, de ta Bonté et de ton Amour, brille en mon âme.

Amen!

vendredi 11 mars 2011

Encore saint Syméon

Parmi les saints pères les plus aimés, on trouve saint Syméon le Nouveau Théologien, qui était abbé de Saint-Mamas à Constantinople. Il est un des trois Pères à qui l'Église Orthodoxe a accordé le titre de "Théologien", parce qu'il est un des rares, dans l'histoire du Christianisme, à "connaître" Dieu. Les deux autres Théologiens sont saint Jean l'Évangéliste et saint Grégoire de Nazianze (+ 390).

Saint Syméon est né en 949 en Galatie, dans la Paphlagonie (Asie Mineure). Ses parents, Basal et Théophana, étaient des nobles Byzantins de province. Jusqu'à l'âge de 11 ans, saint Syméon ne reçut que les bases de l'éducation scolaire grecque. Il acheva son éducation secondaire à 14 ans à la cour des deux frères empereurs Basile et Constantin Porphyrogénètes.

A 14 ans, il rencontra saint Syméon le Studite, qui devint son père spirituel et qui le mena à la vie d'ascétisme et de prière. Bien qu'à 14 ans il voulut déjà entrer au célèbre monastère du Studion, son père spirituel le fit patienter jusqu'à ses 27 ans. Durant cette période de préparation, l'Ancien saint Syméon continua à lui prodiguer conseils et guidance, le préparant progressivement à la vie monastique quand bien même il se trouvait au milieu des soucis du monde. Syméon s'occupa de la gestion d'une maison patricienne et peut-être entra au service de son empereur en tant que diplomate et sénateur. Pendant qu'il était "occupé dans le monde", il luttait aussi pour mener la vie de moine le soir, passant son temps dans des vigiles de nuit et lisant les livres spirituels de Marc l'Ermite et Diadoque de Photicé. Un des conseils de son Ancien était : "Si tu désires toujours avoir une guidance salvatrice pour l'âme, prête attention à ta conscience et accompli sans faillir ce qu'elle t'inspirera en toi."

La plupart des nombreuses œuvres de saint Syméon ont été traduites en français (collection « Sources Chrétiennes »). Ses écrits sont nés de sa prédication et de la direction spirituelle de ceux qui étaient sous sa guidance. C'est un auteur partageant ses expériences en prière et en la Tri-Unité. De nos jours, les moines du Mont Athos lisent ses œuvres avec enthousiasme, dans ce siècle de renouveau spirituel. Ses œuvres sont aussi découvertes dans des monastères catholiques-romains, où l’on commence à comprendre la richesse et la beauté de ses écrits et de son expérience personnelle.

Les mots de saint Syméon nous parlent encore aujourd'hui, bien qu'il aie vécu il y a mille ans d'ici. Particulièrement importante est son insistance à retourner à l'essence ou à l'esprit de l'antique Eglise Orthodoxe, et non pas se contenter de dépendre ou se cacher sous des formes externes de vie ecclésiale. Sa conviction brûlante est que la vie chrétienne doit être plus que simplement une routine ou une habitude, mais qu'elle devrait plutôt être une expérience personnelle de vie en Christ. Saint Syméon exhorte tant les moines que les laïcs baptisés à recommencer à vivre une expérience spirituelle de la Tri-Unité, s'appelant lui-même le "zélé enthousiaste" qui a des expériences personnelles, mystiques. Cependant, son accentuation spirituelle est mal utilisée par nombre de "chrétiens charismatiques" et autres qui, de nos jours, prétendent avoir "les dons du Saint Esprit", qui sont probablement plus d'ordre émotionnel ou "scolastique" que spirituel.

Voici une citation de saint Syméon sur la spiritualité:

"Ne dites pas qu'il est impossible de recevoir l'Esprit Divin.
Ne dites pas que sans Lui il est possible d'être sauvés,
Ne dites pas qu'on peut Le posséder sans le savoir,
Ne dites pas que Dieu ne se fait pas voir aux hommes,
Ne dites pas que des hommes ne peuvent voir une Lumière Divine
Ou que c'est impossible dans les temps actuels !
Jamais cela ne se trouve impossible, amis,
Et c'est très possible au contraire, quand on le veut."

(Hymne 27, 125-132).



saint Syméon le Nouveau Théologien

J'aimerais aujourd'hui, avant-veille de sa fête, faire découvrir, ou redécouvrir, une des plus grandes lumières de la théologie des Eglises orthodoxes.




Vie de saint Syméon le Nouveau Théologien

Révélé à l’Occident dans la collection " Sources chrétiennes " par le métropolite orthodoxe Basile Krivochéine, et le père jésuite J. Paramelle, ce spirituel byzantin qu’est Syméon est, dans l’Église orthodoxe, l’un des trois saints - avec l'Apôtre Jean et Grégoire de Nazianze - à avoir reçu le titre de " théologien ".

La vie de Syméon nous est connue, outre les éléments autobiographiques contenus dans ses écrits, par son disciple Nicétas Stéthatos. Né en 949 à Galatai en Paphlagonie, dans une famille de petite noblesse provinciale, le futur Syméon est nommé Georges. Il se rend à Constantinople pour ses études et il est reçu chez un oncle, fonctionnaire impérial. A la mort de cet oncle, il tente d'entrer au monastère du Stoudion, mais il n'a alors que 14 ans. Il fait cependant la connaissance d'un moine qui deviendra son père spirituel : Syméon le Pieux ou Syméon le Studite.

Trop jeune pour être admis, il reste "dans le monde" jusqu'en 977, où il entamera une carrière politique.

En 976, il retourne brièvement en Paphlagonie pour régler sa situation de famille, et l'année suivante, il est enfin admis au Stoudion. L'higoumène Pierre le confie à la direction de Syméon le Pieux. Georges reçoit alors l'habit monastique et le nom de Syméon. Un an plus tard, il entre au monastère de Saint-Mammas. En 980, l'higoumène Antoine de Saint-Mammas le fait ordonner prêtre, et peu après, à la mort d'Antoine, c'est Syméon qui est désigné higoumène par le patriarche Nicolas.

L'influence de Syméon le Pieux, qui lui avait enseigné le goût de l’expérience spirituelle personnelle porte ses fruits. Sa vie spirituelle se purifie, s’approfondit, l’amène à une communion riche, lumineuse, personnelle avec le Christ ressuscité. C'est aussi une période d'intense activité où il doit rénover les bâtiments du monastère, rétablir la discipline monastique. C'est de cette époque que datent les Catéchèses qu'il dispensa à ses moines. Son énergie, sa force de conviction ne lui font pas que des admirateurs : il eut aussi à se défendre d'une révolte d'une trentaine de moines, que le patriarche Sisinnius envoya en exil.

Quelques années plus tard, à partir de 1003, un procès lui est intenté par le métropolite Etienne de Nicomédie au prétexte, selon Nicétas Stéthatos, de la vénération que Syméon avait pour son défunt père spirituel Syméon le Pieux. En effet, depuis 16 ans, l'higoumène de Saint-Mammas avait introduit, à la date anniversaire du décès de son Père spirituel, un "office" à Syméon, selon une pratique courante. Sous cette pression, et en accord avec le patriarche Sergius, Syméon se démet de sa charge d'higoumène en 1005. Le procès aboutit en 1009 à une condamnation de Syméon à l'exil. Débarqué à Chrysopolis, sur la rive asiatique du Bosphore, il s'installe à Paloukiton, à proximité de la chapelle de Ste Marine avec quelques disciples. Il n’écrit plus, semble-t-il, que des hymnes.

Réhabilité de son vivant par le patriarche de Constantinople, il demeure néanmoins à Paloukiton, où il meurt le 12 mars 1022. Il fut canonisé moins d’un demi-siècle après sa mort, l’Eglise se reconnaissant dans son témoignage.

Au tournant de l'an Mil, l’Eglise en Orient comme en Occident tendait à s'identifier à une chrétienté d'Empire. Les rites devenaient ritualisme, l'expérience spirituelle se raréfiait. Alors qu'une soif de spiritualité allait secouer l'Europe sous la forme des mouvements contestataires cathares et bogomiles, au sein même d'un monastère de Constantinople Syméon et ses disciples portèrent témoignage dans l’Eglise de la liberté prophétique et de l’expérience de l’Esprit.

Quoique l'ordre hiérarchique soit, selon lui, une réalité nécessaire de l'Eglise, il ne lui confère pas pour autant - et en tant que tel - une autorité ; l'enseignement est réservé aux spirituels, qu'ils soient évêques, prêtres ou laïcs, moines ou non.

La théologie mystique de Syméon est une théologie de la Lumière incréée déjà enseignée par son Père spirituel et Paul de Latros. Ici encore, la théologie orientale de la Lumière qui se développe jusqu'à Gemiste Pléthon ne peut pas ne pas être rapprochée de la théosophie orientale de Sohrawardi et sa fameuse Lumière de Gloire. Mais aucune comparaison systématique n'a encore été tentée. En tous cas, à partir de Syméon, la vision de la Lumière incréée sera au centre de toute la théologie mystique byzantine. C'est une théologie intégralement visionnaire. Elle ne doit rien aux sciences profanes, à la spéculation intellectuelle, à la connaissance rationnelle. En ce sens la théologie mystique de Syméon est une vraie nouveauté. C'est peut-être la toute première doctrine purement mystique de toute la chrétienté.

Le point de départ de cette théologie est la découverte de la paternité spirituelle, directement inspirée par le Saint-Esprit. Ce genre d'inspiration personnelle ne manqua pas de choquer les autorités religieuses, soucieuses de leurs prérogatives. La paternité spirituelle, à l'opposé de tout autoritarisme, repose entièrement sur la liberté de choix, la confiance et l'amour réciproque qui lie le père à ses fils dans l'esprit.

Syméon n'en renonce pas pour autant à l'ascèse. Si la vision est bien un don du Saint- Esprit, la purification de l'âme reste nécessaire. Ascèse des sens, des passions. Si les passions ne sont pas combattues, l'union avec Dieu est impossible. L'ascèse entraîne le repentir et le repentir l'affliction. C'est la conversion de l'âme se reconnaissant pécheresse. Si le moyen de l'ascèse est le jeûne, l'expression du repentir sont les larmes. Syméon évoque souvent les larmes spirituelles comme « voie nécessaire de la purification du cœur et, par là, de la vision de Dieu et de l'union avec lui ». Mais les larmes sont un don accordé par Dieu à ceux qui le recherchent sincèrement. C'est le don des larmes qui finit par extirper les passions du cœur. Les larmes sont donc indispensables à la componction. « Les larmes purifient le cœur et font disparaitre les grands péchés ». C'est elles qui fertilisent notre cœur et le rendent apte à recueillir les fruits de l'esprit.

Cette anticipation terrestre de la vie éternelle, qui est l'un des thèmes de prédilection de Syméon n'allait pas sans provoquer des tensions. Que chacun puisse dès maintenant recevoir la Lumière incréée du Saint-Esprit, participation anticipée à la gloire éternelle des saints, en scandalisait plus d'un qui reprochaient à Syméon de trop livrer les secrets d'une expérience à laquelle eux-mêmes ne participaient pas. Pourtant, Syméon considérait cette expérience comme normale. Loin de se limiter aux seuls moines, elle s'adresse à tous, y compris "ceux qui vivent au milieu du monde". Pour lui, tout homme peut vivre l’expérience de Dieu. Il ne s'agit pas de quelque chose d'exceptionnel, chacun devant « être mû par l'Esprit divin et ressentir sa présence d'une manière perceptible à la conscience...au même titre que les Apôtres du Christ ». Les dons de la vie éternelle commencent donc maintenant. S'il fallait attendre la mort pour en jouir, la condition de l'homme après sa conversion serait pire qu'avant : il ne lui resterait plus qu'une vie sensible crucifiée, s'il est impossible d'accéder ici même à la vison de la Lumière incréée. Pire encore, si nous refusons les dons du Saint-Esprit dans cette vie, nous prenons le risque de les refuser à tout jamais, avant comme après la mort, éternellement.

D'autre part, la réception de la Lumière divine transfiguratrice, quoiqu'elle se fasse au-delà du sensible, de l'intelligible, du noûs même, finit néanmoins par envahir l'être entier, pénétrant sa chair, ses membres, son corps, préfigurant alors la transfiguration du Christ déifié dans sa chair. Cette expérience n'est donc qu'une préparation à la Parousie intégrale et à la grâce immense qu'elle répand dans tout le cosmos.

C'est dans cette vaste perspective que l’Esprit repose sur l’Eglise comme corps sacramentel du Christ. Le baptême pour être pleinement vécu doit être actualisé par une expérience consciente dans l’Esprit ; il en est de même pour l’eucharistie. L'eucharistie est une véritable communion au corps déifié du Christ. Ce n'est plus seulement le pain et le vin que le communiant reçoit, mais le feu divin lui-même. L'homme qui brûle de ce feu divin est comme le buisson ardent. Il brille et brûle mais ne se consume pas.

D'après de nombreux témoignages, Syméon était lui-même ce qu'il enseignait.

Fort de son expérience spirituelle, Syméon se sent tenu de faire rayonner la lumière. Il va devenir écrivain, poète. Il écrit ainsi, outre les Catéchèses, des Traités théologiques et éthiques, des Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques, des Lettres et des Hymnes, où, fait exceptionnel en Orient, il multiplie les données autobiographiques, non par complaisance, mais pour le partage. Tous ces textes sont accessibles en français dans la collection « Sources chrétiennes ».



Garde ton coeur pur ! par saint Jean de Cronstadt

GARDE TON CŒUR PUR
Par saint Jean de Cronstadt

(Extrait de son Journal, 1894‑1899)

En ce début de Carême, voici de précieux  conseils spirituels du grand thaumaturge saint Jean de Cronstadt (1829-1908), qu'il serait très utile de méditer longuement... et d'appliquer !


 

L'âme de l'homme est créée à l'image et à la ressemblance de Dieu. C'est là sa dignité et son plus grand sujet d'honneur. La sainteté et la lumière, la justice, la simplicité, la bonté, la douceur, l'humilité, l'absence de méchanceté, la spiritualité, la vigilance, la prière, l'amour ardent de Dieu, tout cela était inné chez elle. Jusqu'à la chute honteuse et pernicieuse, Dieu Lui-même avait fait sa demeure dans les premiers hommes. L'Esprit-Saint les parait, les éclairait, les consolait. Mais avec la chute, l'âme se modifia totalement : elle devint pécheresse, ténébreuse, maligne, voluptueuse, orgueilleuse, méchante, envieuse, désobéissante, inamicale, avide, adultère, s'aimant elle-même au lieu d'aimer Dieu. Mais puisqu'elle avait été séduite et dépouillée par le Diable, le meurtrier déchu, le repentir lui fut accordé ; elle peut désormais se relever lumineusement de la chute par la grâce et la miséricorde de Dieu.
 
Sois attentive, âme chrétienne ! Le Seigneur t'a honorée d'un amour suprême. L'Epoux t'a choisie pour fiancée à des fiançailles incorruptibles, spirituelles, immaculées, éternelles et bienheureuses. Tu dois Lui rester fidèle chaque jour, à chaque instant, jusqu'à ton dernier souffle. Et là-bas, dans l'éternité, tu seras pour toujours en sûreté dans un continuel présent. La vie ici-bas est brève, mais c'est par elle que s'achète l'éternité. Ne t'endors pas, ne t'affaiblis pas, ne trahis pas Dieu, ne te souille pas par les passions terrestres et charnelles. Prie, jeûne, fais des bonnes œuvres.
 
L'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu avec une âme immortelle, raisonnable et libre, élevé au-delà de toute mesure au-dessus de toutes les créatures déraisonnables, prédestiné à la béatitude éternelle par l'accomplissement du commandement de Dieu et la soumission de sa volonté imparfaite et limitée à la volonté céleste, très sage et infiniment parfaite de Dieu, fut séduit par le fruit défendu et tomba dans le péché de désobéissance, d'orgueil, d'insubordination, par manque d'attention, ingratitude et corruption. Si elle aime le monde, elle éprouve de l'inimitié pour Dieu. L'amitié pour le monde est inimitié contre Dieu (Jacques 4, 4). Pour détourner l'homme de l'amour de Dieu, des choses saintes et de la vérité, l'ennemi dirige avec malignité et violence ses pensées et son cœur vers le monde, l'amour terrestre et impur, le lustre et la douceur de la terre, et surtout la douceur féminine et la beauté, car l'homme est passionnel et réfléchit peu. C'est pourquoi ceux qui désirent sincèrement servir Dieu et Lui plaire doivent dédaigner les jouissances terrestres, la richesse de ce monde et sa pompe, et diriger leurs cœurs vers les jouissances célestes et élevées, vers la beauté céleste et incorruptible, vers la lumière sans déclin.
 
Homme ! Essaie de toutes tes forces d'implanter, de développer et d'affermir dans ton âme l'amour et une sincère bienveillance pour chaque homme ! Chasse toujours et sans pitié de ton cœur toute envie ou malveillance, qui engendreront le mépris, l'inimitié ou la haine, ces engeances du Diable. Laisse au juste Juge qui scrute les cœurs le soin de juger les hommes iniques. De ton côté, prie pour eux avec zèle, afin qu'ils se tournent vers la justice pour ne pas périr et pouvoir être sauvés. Il arrive que nous nous irritions contre les hommes iniques, que nous les jugions sévèrement, que nous leur souhaitions un châtiment ou des souffrances, et même la mort, en oubliant qu'ils ont une âme raisonnable capable de sentiment, d'amour, de repentir, d'amendement, d'amélioration. Essaie de toutes tes forces de donner de l'amour à tous, de souhaiter du bien à chacun, afin qu'on t'en souhaite à toi aussi et qu'on t'aime. Imite non le mal (le Diable) mais le bien (Dieu) (3 Jean 1, 11).

Garde ton cœur pur plus que toute autre chose car de lui viennent les sources de la vie (Proverbes 4,23). Ne laisse pas pénétrer dans ton cœur les convoitises terrestres et passionnelles. Une petite convoitise passagère souille l'âme et la sépare de Dieu. Fais en sorte que ton cœur soit constamment attiré vers le ciel et non vers la terre, vers Dieu et non vers les idoles, afin qu'il désire l'incorruptibilité, l'amour, la vertu, la douceur, l'humilité, la simplicité, l'absence de méchanceté, et non la corruption terrestre, fût‑elle douce ou brillante. La corruption terrestre nous met constamment en danger. L'homme pécheur est attiré vers tout ce qui est défendu. Garde ton cœur de la colère, de la méchanceté, de l'envie, de la volupté, de l'orgueil, de la présomption, et de la tendance à se mettre en avant devant les autres.

L'attachement déraisonnable de l'âme à la vie d'ici bas brise son intégrité, sa paix, sa liberté et sa santé, alors qu'elle tend naturellement vers Dieu, qui l'a créée. Alors surviennent des tribulations, des afflictions et des blessures. Elle tombe dans une vanité infinie et se détache de Dieu. L'amitié pour le monde est inimitié contre Dieu. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui (1 Jean 2,15). Tout m'est permis mais je ne me laisserai dominer par rien (l Corinthiens 6,12).
 
Tout est accompli ! Le conseil éternel a été tenu. La volonté de Dieu sur le salut du genre humain a été réalisée. Le conseil du serpent assassin sur la perdition du genre humain et les œuvres du Diable ont été détruites. L'homme est sauvé ! L'existence bienheureuse avait été perdue, mais une existence meilleure, plus heureuse encore, a été accordée aux cieux dans l'avenir : la déification. L'homme, qui avait d'abord désiré être Dieu, ne l'est pas devenu, et a perdu même ce qu'il avait. Mais Dieu est devenu Homme afin que l'homme devienne dieu. O merveilleux conseil divin, que Tes œuvres sont ineffables ! A présent, il dépend de la volonté de l'homme lui-même d'être sauvé ou de périr.

Notre Créateur, l’initiateur des combats, a établi dès le commencement que le temps de notre vie terrestre était un temps de préparation à l'éternité, un temps d'apprentissage, un temps de combats et d'exploits, un temps de guerre spirituelle, et non un temps d'inaction, d'oisiveté, de vaines préoccupations. Il a également établi que notre état futur et immortel serait un état de rétribution, de gloire et de béatitude éternelle, ou bien un état de déshonneur éternel, de souffrances terribles endurées pour l'inaction, la paresse, la négligence et les autres innombrables péchés.
 
Chaque chrétien, chaque chrétienne, doit connaître et bien mémoriser la véritable destination que le Créateur de toutes choses en ce monde a assignée aux puissances de l'âme et aux membres du corps : le bien personnel, le bien d'autrui et la gloire de Dieu. Mais nous, à cause de nos passions, de nos péchés et de la cécité de notre âme, nous oublions l'objectif bienfaisant du Créateur et détournons ses bonnes intentions vers le mal, vers notre perdition et celle des autres, soit en dépassant la mesure, soit en œuvrant de façon inopportune, soit en travaillant à contre sens. Et alors, que de nuisances morales ou physiques, que de désordre, que de corruption de l'âme et du corps !
 
Chez le véritable chrétien, tout, dans son esprit, dans son corps, et dans sa vie, prend un tour à part : ses pensées sont spirituelles et saintes, ses désirs célestes et spirituels, sa volonté juste, sainte et bonne, son imagination pure et sainte, sa mémoire autre, son regard pur, simple, saint, sans malignité. Bref, le chrétien doit être un homme différent, céleste, nouveau, saint, vivant divinement, pensant, sentant, parlant, agissant par l'Esprit de Dieu. Tels sont les saints. Lisez leur vie, écoutez, instruisez‑vous, imitez !
 
Scrute avec davantage d'attention ton monde intérieur et spirituel, plein d'intérêts intellectuels et moraux, et ne sois plus attiré par le monde extérieur, matériel, temporel. Le ciel et la terre passeront, est‑il dit dans les paroles immuables du Créateur, mais Mes paroles ne passeront point (Marc 13, 31). Dans ce monde intérieur, beaucoup de labeur et d'efforts t'attendent. L'homme en effet pervertit l'ordre spirituel et les lois de la création, et son âme et son corps s'en trouvent corrompus. Le royaume de Dieu est au milieu de vous (Luc l7, 21). Le royaume des cieux souffre violence et les violents s'en emparent (Matthieu 11, 12). Souviens‑toi du figuier stérile (Matthieu 21, 18‑22), de la vigne et du Vigneron (Matthieu 21, 33‑43), du serviteur redevable à son Maître d'une multitude de talents (Matthieu 18, 28‑35).

Le Seigneur connaît ceux qui Lui appartiennent ; quiconque prononce le Nom du Seigneur, qu'il s'éloigne de l'iniquité (2 Timothée 2, 19). Qui sont ceux qui Lui appartiennent ? Ceux qui vivent non pour la chair et le sang, mais par l'esprit et l'intelligence du Seigneur, qui combattent leurs passions et les vainquent, qui œuvrent pour la justice, qui réfléchissent à ce qui est élevé et ne regardent pas en bas, qui ont constamment dans leur cœur les commandements du Seigneur et les suivent infailliblement, ou bien se relèvent immédiatement s’ils chutent par faiblesse ou par habitude, qui donnent leur vie pour le Seigneur et ne refusent pas de mourir pour Lui, pour la justice et la vérité.
 
Dans cette vie d'épreuves et d'exploits spirituels, le chrétien se tient constamment entre deux courants : le bien et le mal, l'épreuve et la tribulation venant des ennemis et la consolation et l'aide venant de Dieu. C'est une sorte de compétition entre Dieu, qui est juste, saint et magnanime, et l'ennemi malin et totalement pernicieux. Tantôt l'homme est sous l'influence de l'ennemi, tantôt sous la grâce de Dieu. L'ennemi l'entraîne vers des fautes et des péchés de toutes sortes, et le Seigneur pardonne aux pécheurs qui se repentent, les purifie, les sanctifie, les justifie, les apaise, les renouvelle et les fortifie. Cette compétition et la victoire de la grâce sur le péché ont lieu surtout pendant la Liturgie eucharistique, ce merveilleux, pacifiant et sanctifiant sacrifice de Dieu, la miséricorde de paix, le sacrifice de louange.
 
Ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde des ténèbres (Ephésiens 6, 12). Notre vie sur la terre est une guerre, une guerre permanente. Nos ennemis invisibles nous combattent constamment à travers nos innombrables passions. Notre chair elle-même, soumise aux passions, nous combat aussi. Le monde adultère et pécheur nous combat par ses tentations, ses injustices. Notre chair nous combat par l'amour de nous-mêmes, par les plaisirs, par la paresse pour la prière et toute bonne œuvre, par l'hypocrisie, la malignité, la dissimulation, la volupté, les pensées d'adultère, la convoitise, la méchanceté, la rancune, la malveillance, l'envie, l'irritation, l'acédie, le murmure, la lâcheté, le mensonge, la tromperie, l'injustice, les pensées blasphématoires, la passion de juger les autres, l'intempérance, l'ivrognerie, la gourmandise, l'avidité, l'impiété, la libre pensée, l'insoumission, la désobéissance, la froideur, le zèle pour tout péché et l'éloignement de tout bien. C'est pourquoi notre Seigneur a dit dans l'Evangile : le Royaume des cieux souffre violence et les violents s'en emparent (Matthieu 11, 12). Mais nous devons toujours croire et nous souvenir que Dieu est avec nous, aide invisible et compagnon d'armes contre le péché, protecteur rapide et tout-puissant, et vainqueur de nos ennemis ; avec nous aussi notre Souveraine la Mère de Dieu, notre conductrice invincible ; avec nous aussi les anges gardiens ; avec nous encore les saints, qui par leurs prières intercèdent auprès du Seigneur et par leur vie nous montrent toutes les manières de résister constamment au péché, de prier, d'être attentifs à nous-mêmes, de vaincre le péché par la grâce du Christ.

Garde ton cœur plus que toute autre chose car de lui viennent les sources de la vie. Par tous les moyens, garde ton cœur des convoitises charnelles qui apportent la souillure, le trouble, l'enténèbrement, l'esclavage, la corruption. C'est par la convoitise charnelle que le péché se glisse le plus facilement en nous car la chair aime la douceur, et la corruption entre facilement par la douceur.
 
Le chrétien doit se préoccuper résolument de son éducation spirituelle. D'abord, il renaît dans les fonds baptismaux par l'Esprit-Saint, reçoit le renouvellement spirituel, est marqué par le Saint-Chrême et le don du Saint Esprit, devient digne de communier au Corps très pur et au Sang du Christ. Selon la volonté de Dieu, la Sainte Eglise est la première éducatrice des âmes chrétiennes et la plus appropriée. Il n'y a pas d'œuvre plus importante que l'éducation des âmes chrétiennes. Jugez et comprenez vous-mêmes combien sont chères à Dieu ces âmes raisonnables et immortelles rachetées par le Sang du Fils de Dieu Lui-même, rappelées des ténèbres à la connaissance de Dieu par le Seigneur Lui-même, fiancées et unies au Seigneur comme des vierges pures à un Epoux tout pur. Comme est précieux le salut de ces âmes auxquelles Dieu propose en nourriture et en boisson Son Corps et Son Sang très purs, ces âmes que Lui-même S'est engagé à instruire spirituellement par ces admirables, terribles, vivifiants et bienfaisants Mystères ! Occupez-vous tous de votre éducation spirituelle, avec toute l'attention et tout le zèle qui conviennent. Occupez‑vous d'élever vos pensées vers Dieu, de prier, de vous scruter vous-mêmes, de vous juger vous-mêmes, de vous amender. Exercez‑vous dans les vertus, dans la douceur, l'humilité, l'obéissance, la patience, la miséricorde, la chasteté, la simplicité, la bonté. Retranchez toutes les pensées de convoitise, les habitudes et passions pécheresses.
 
La vie du chrétien est un combat et un exploit spirituel. Ce combat doit avoir comme but et aboutissement l'affermissement dans la foi, et l'amour de Dieu et du prochain. L'ennemi combat l'humanité, il s'associe des combattants puissants et des serviteurs volontaires ou involontaires, comme les hérétiques, les membres des sectes, les libres penseurs, les blasphémateurs, les traîtres à Dieu et au souverain, les adultères, les ivrognes, les envieux, les orgueilleux, les meurtriers, les voleurs, les fauteurs de trouble... Par eux, il agit contre Dieu, contre les hommes, contre les pouvoirs en place. Plus ces hommes‑là satisfont leurs passions, plus ils deviennent forts, et plus ils servent le Diable et deviennent d'encore plus grands adversaires de Dieu et des hommes (pensons à Judas le traître, à Léon Tolstoï). La justice de Dieu exige que l'homme, qui est devenu un être déchu par sa propre volonté, œuvre consciemment contre le péché, le combatte, et le vainque en appelant avec zèle la grâce de Dieu à son aide. Sans cette grâce, il ne pourra jamais vaincre le péché, ni mériter la rétribution éternelle de Dieu.

Dans l'Evangile, la vie du chrétien est comparée aux multiples gardes du soldat, la première, la seconde, la troisième... Ceci suggère la vigilance constante du chrétien sur ses pensées, ses sentiments, les mouvements de sa volonté, sa vigilance contre les ennemis incorporels qui l'attaqueront jusqu’à la fin et tenteront de l'engloutir. De jour comme de nuit, les saints sont spirituellement de garde. Ils prient sans cesse, jeûnent, peinent, mènent une vie à la fois active et contemplative. Toute notre vie, en vérité, nous devons être de garde. Notre vie est brève, et nous avons à résoudre un problème grand et compliqué ; or, une multitude d'ennemis nous attaquent avec force, malignité et méchanceté. Soyons prudents comme les serpents et purs comme les colombes (Matthieu 10, 16).

Que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite ! Le chrétien doit se souhaiter et souhaiter aux autres que le Nom de Dieu soit glorifié constamment en lui et dans les autres ; il doit s'affliger lorsque ce Nom n'est pas glorifié, mais blasphémé par divers péchés. Il doit désirer que tous soient des temples de Dieu non faits de main d'homme. Ne savez‑vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? (1 Corinthiens 3,16)
 
Tout est pur pour les purs. Mais pour ceux qui sont souillés et qui n'ont pas la foi, rien n'est pur. Leur esprit même et leur conscience sont souillés (Tite l, 15). Tout scandalise l'homme impur, les choses saintes elles-mêmes lui paraissent impures. Voilà comment le péché contamine le cœur et l'être humain tout entier. Homme, purifie donc ton cœur jour et nuit par la prière, le repentir et les larmes, tant que dure le temps de la pratique et de l'épreuve.
 
La description que l'apôtre Paul fait des mœurs de ses contemporains ne conviendrait‑elle pas aussi à nos contemporains ? Il écrivait alors : ils sont remplis de toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice ; ne respirant qu'envie, meurtre, dispute, fourberie, malignité ; diffamateurs, détracteurs, ennemis de Dieu, insulteurs, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, insensés, déloyaux, sans cœur, sans pitié (Romains 1, 29‑31).
 
Chrétiens orthodoxes ! Savez‑vous, croyez‑vous, comprenez-vous que le Seigneur notre Dieu voit constamment nos pensées, nos désirs, nos intentions, nos actes, et juge avec justesse chaque homme ? Vous souvenez‑vous que votre conscience est le témoin de la justice de Dieu qui vous éprouve et vous guide, et que c'est selon elle et selon l'Evangile du Seigneur que vous serez jugés le jour du jugement ? Souvenez‑vous de ce que le prophète et roi David a répété à plusieurs reprises : le Seigneur vient pour juger la terre, Il jugera l'univers dans la justice et les peuples dans la droiture (Psaume 97, 8‑9). Si vous l'aviez oublié, je vous le rappelle...

Au jugement de Dieu tu sauras, pécheur impénitent, que tu te trouvais dans l'union vénérable, sainte, et pleine d'honneur de l'Eglise et du ciel, et tu verras combien tu en étais indigne. Tu sauras quels intercesseurs puissants tu avais devant Dieu pour ton salut, intercesseurs que tu n'appelles pas à l'aide par impiété, orgueil et dépravation, car tu comptes en tout sur toi-même et sur ton intelligence myope et passionnelle.
 
A Dieu la gloire dans les siècles des siècles. Amen.