vendredi 30 mars 2012

Une citation frauduleuse (suite...et j'espère, fin)

Naguère (le 27 janvier dernier) j'ai consacré un billet 
à démontrer l'inanité, pour ne pas dire le caractère mensonger, de la citation que voici : “La vraie tendance du Régime Rectifié est et doit rester une ardente aspiration à l’établissement de la cité des hommes spiritualistes, pratiquant la morale du Christianisme primitif, dégagée de tout dogmatisme et de toute liaison avec une Eglise quelle qu’elle soit.” J'ai prouvé qu'elle n'avait pas du tout sa place à la date qui lui était assignée, à savoir à la séance d'ouverture du convent de Wilhelmsbad, le 16 juillet 1782.

Plus récemment, dans un travail que j'ai découvert sur "Les Fondamentaux du rite écossais rectifié" signé C.B. (avec remerciements à P.N. et R.B., ce qui en situe l'origine), j'ai trouvé mieux : cette phrase, dont le style dénote, selon l'auteur, qu'elle serait "bien évidemment" de la plume de Willermoz, figurerait dans le Recès du convent de Wilhelmsbad.

Il faut vraiment n'avoir pas fréquenté Willermoz pour lui attribuer cette phrase en style helvète de basse époque, dont au surplus l'inspiration jure avec tout ce que le fondateur du Rectifié a toujours pensé et cru.

En outre, je mets au défi qui que ce soit de la trouver où que ce soit dans le texte du Recès, lequel a été publié dans le numéro hors série des "Cahiers verts" intitulé "Les convents du Régime écossais rectifié" (avril 2005), qu'on peut aisément se procurer en écrivant au secrétariat du GPDG, Cour de Bretagne, 4-6 rue du Buisson Saint Louis, 75010 Paris. Avis aux amateurs...

Il est une formule célèbre selon laquelle "la fausse monnaie chasse la bonne". Il en va de même pour les fausses citations, erronées voire mensongères : elles pullulent, c'est une véritable inflation quasi impossible à endiguer.

Libérons en tout cas la mémoire de Willermoz d'une pensée aussi inutile que fausse tant dans son fond que dans sa forme.


Saint Jean de San Francisco à Moscou


Les habitants de Moscou pourront vénérer les reliques de saint Jean de Changhaï


Jeudi dernier, un fragment des reliques de saint Jean de Changhaï et de San Francisco a été apporté depuis San Francisco à Moscou, où il pourra être vénéré par les fidèles en l’église dédiée à la Déposition de la précieuse robe de la très sainte Mère de Dieu, dans le quartier de Leonovo. Après la liturgie, le père Pierre Perekrestov, secrétaire du conseil diocésain de la cathédrale de la Très-sainte-Mère de Dieu «Joie de tous les affligés » à San Francisco, qui accompagnait la relique, s’est adressé aux paroissiens par une homélie, dans laquelle, il mentionna, entre autres, que « que ce n’est pas seulement une parcelle des reliques qui est arrivée dans cette église, mais c’est le saint lui-même qui est venu ». Le père Georges Goutorov, recteur de la paroisse de Leonovo a chaleureusement remercié le père Pierre et raconté les miracles qui se sont produits par la prière de saint Jean de Changhaï, et dont il a lui-même fait l’expérience.

C’est ainsi que lorsqu’il lut l’article décrivant la cérémonie au cours de laquelle les saintes reliques ont été revêtues de nouveaux ornements liturgiques en 2011, il eut le sentiment de se trouver en présence d’un homme vivant. Cet article l’incita à demander une parcelle des reliques, et un contact fut établi par un paroissien entre le recteur et le père Pierre. À la fin de la liturgie, le père Pierre a oint tous les fidèles présents avec de l’huile de la veilleuse du saint à San Francisco.

Saint Jean de Changhaï et de San Francisco a été le protecteur canonique de l'Eglise orthodoxe de France.

Mon épouse et moi avons vénéré le tombeau du saint dans sa cathédrale à San Francisco, et tous deux avons été saisis par une puissante et suave "odeur de sainteté".

Des reliques d'où coule de l'huile sainte


Des reliques des nouveaux martyrs roumains donnent du myrrhon pour la quatrième année consécutive



Pour la quatrième année consécutive, des reliques des saints Nouveaux Martyrs de Roumanie qui ont été tués dans les prisons communistes ont donné du myrrhon.Le miracle a eu lieu à Iasi, en Roumanie le 19 Mars 2012 où il y avait des pourparlers pour la canonisation des nouveaux martyrs sous les communistes.

Des centaines furent témoins du miracle. Tellement de myrrhon a coulé des reliques qu'il s'est répandu sur la table. Le premier faire jaillir du myrrhon était le crâne d'un martyr dont la tête fut scié. Ensuite, les reliques d'autres martyrs ont commencé à faire couler du myrrhon. La première fois que les reliques ont donné du myrrhon était le 19 Mars 2009. Voir les photos du même miracle qui a eu lieu en 2011, ici..

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
citant

Source http://orthodoxologie.blogspot.fr/

Avis aux esprits forts : j'ai moi-même été témoin de ce phénomène en Georgie : de la tombe d'un saint "ancien" l'huile coulait en telle abondance qu'on en remplissait des fioles. J'ai des photos qui l'attestent.

jeudi 29 mars 2012

Le christianisme du Rectifié : post-scriptum




Ceci est un post-scriptum à mon billet du 21 mars.

J’y ai prouvé par les textes, d’une manière irréfutable – j’attends toujours la contradiction – le caractère chrétien, je dirai même l’exigence chrétienne, dès le grade d’apprenti, du Régime rectifié. Je me suis en particulier fondé sur « la formule de l’engagement des apprentis »  où celui qui est reçu « promet sur le saint Evangile […] d’être fidèle à la sainte religion chrétienne, etc. »

Or voici ce que je découvre dans une étude, au demeurant intéressante et instructive, intitulée « De la Stricte Observance au Rite écossais rectifié » signée d’un auteur que par courtoisie je ne désignerai que par ses initiales : P. N. Bon historien de la maçonnerie en général et du Rectifié en particulier, P. N. sait trouver les documents, les rassembler, les éclairer l’un par l’autre : tout cela est irréprochable. Il les fait aussi parler, et c’est là que les choses se gâtent, car le langage qu’il leur prête, c’est le sien propre, conformément à ses idées préconçues, quitte à les torturer au besoin. Qu’on en juge :

A propos de la formule référée plus haut, il écrit en note ce qui suit :

13] Il ne suffit pas d'exiger dans un serment la fidélité à la religion chrétienne (ou  israélite, ou musulmane) pour que l'objet de ce serment devienne chrétien (ou  israélite ou musulman). Imaginez qu'une telle clause soit ajoutée au serment  d'Hippocrate, cela ne ferait pas de la pratique médicale une pratique chrétienne (ou  israélite ou musulmane).

Oh ! l’admirable sophisme ! comment comparer ce qui relève de l’éthique professionnelle (le serment d’Hippocrate) à ce qui relève du sacré, du religieux même ? Car enfin il est bien question de fidélité à une religion précisément nommée et qualifiée de « sainte », fidélité sanctionnée par un serment prêté sur le Livre saint de cette même religion (qui est le « saint Evangile » et non pas la Bible comme dans les rites anglo-saxons) ! 
Que serait une « fidélité » (fidelitas) à une religion qui ne reposerait pas sur la « foi » (fides) à cette même religion ? Une imposture, une hypocrisie, une tartufferie !
Le même auteur a beau exciper du fait (incontestable) que, dans la France du XVIIIe siècle, tous les engagements maçonniques étaient pris sur l’évangile, et plus précisément sur l’évangile de saint Jean, qui était parfois seul présent en loge (les rapports de police le prouvent). Et d’en conclure que cette présence relevait d’une habitude sociale. Probablement, encore qu’elle ait pu être signifiante pour certains. Mais, signifiante, elle l’était (et l’est toujours) dans les loges rectifiées, vu la doctrine métaphysique que celles-ci enseignent et qui est indissociable de la révélation chrétienne : quantité de textes doctrinaux l’attestent (comme ceux que j’ai précédemment cités), et soutenir le contraire, c’est les censurer, les bâillonner !
Qu’on laisse donc parler les textes sans leur prêter une voix d’emprunt, ils savent très bien s’exprimer seuls et parler vrai !

mardi 27 mars 2012

Naissance au ciel du pape Chenouda III

Le 17 mars dernier est né au ciel le pape d'Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc Chenouda III, 117e successeur de saint Marc. Il était âgé de 88 ans (né le 3 août 1923) et patriarche depuis 41 ans (novembre 1971).

Sous son long règne, l'Eglise copte connut un grand renouveau et une importante expansion, en Egypte (en dépit des tracasseries administratives) et surtout dans le monde au sein des diasporas. Mal en cour auprès du président Sadate, il fut par lui assigné à résidence de 1981 à 1985 au monastère Saint-Bichoï, qu'il rénova et développa au point d'en faire un haut lieu du monachisme et un lieu de rencontre pour personnalités chrétiennes du monde entier et de toutes confessions. Sous son impulsion, le monachisme devint une force d'attraction et accueillit, non plus seulement des gens humbles, mais des diplômés de toutes sortes qui abandonnaient des situation souvent aisées pour se consacrer exclusivement à Dieu.

Revenu à Alexandrie après l'assassinat du président Sadate, il incarna l'Eglise copte, s’identifiant à elle, non seulement aux yeux des chrétiens, mais aussi des musulmans, avec qui il ne cessa de prêcher l'entente. 

Auteur prolixe, prédicateur inlassable, il prononçait chaque mercredi dans la cathédrale patriarcale une catéchèse qui attirait des milliers d'auditeurs ; à l'issue de celle-ci, il répondait pendant des heures aux questions qui lui étaient posées sous forme de billets qu'on lui faisait parvenir.

On disait de lui que c'était un pharaon bienveillant.

Sa disparition en un temps où l'Egypte nouvelle se cherche encore laisse un grand vide qui sera difficile à combler

 le corps embaumé du pape Chenouda exposé durant trois jours 
à la vénération des fidèles
.  

mercredi 21 mars 2012

Le Rectifié est-il vétéro-testamentaire dans ses trois premiers grades ?


Que le Rite rectifié ait un caractère chrétien, ce n’est plus contesté par personne. Mais l’acceptation de ce fait, qui est une vérité d’évidence, ne va pas sans restrictions qui en restreignent plus ou moins sensiblement la portée. Ainsi, d’aucuns le disent « christique » plutôt que chrétien, au prix d’une distorsion du sens du terme, qui ne signifie nullement « d’un christianisme atténué », comme ils pensent, mais, en bonne langue, « qui se rapporte à la personne du Christ ». En quoi le Rectifié est à la fois chrétien et christique. Qui qu’en grogne, aurait dit Robert Amadou.

D’autres, et c’est le cas d’un auteur réputé comme Guy Verval, soutiennent que ce christianisme-là n’est pas cultuel mais culturel, que c’est une réminiscence de la sociabilité du XVIIIe siècle, tout comme l’épée, et que ni l’une ni l’autre n’ont plus de valeur spirituelle : que c’est du décorum.

D’autres enfin, plus subtilement, affirment que ce caractère chrétien ne devient affirmé et ostensible qu’à partir du quatrième grade de Maître écossais et qu’il n’apparaît pas dans les grades précédents, ceux-ci relevant de la « vulgate maçonnique », laquelle, dans tous les rites, est exclusivement vétéro-testamentaire, puisque prenant appui en tout et pour tout sur le temple de Salomon. Guy Verval, toujours lui, est là-dessus catégorique. Tous prennent texte de plusieurs passages de l’Instruction finale du frère nouveau reçu au quatrième et dernier grade symbolique de Maître écossais dans le Régime rectifié. Ces passages seraient à citer intégralement, limitons-nous à quelques extraits :

« …Vous avez été prévenu qu’il viendrait un moment où vous seriez tenu de vous expliquer nettement, précisément, et de faire connaître sans détour, sans ambiguïté, vos véritables opinions religieuses, et on ne vous a pas dissimulé que vos progrès ultérieurs dépendraient toujours de leur conformité avec celle de l’Ordre. […]
« Ceux de vos frères qui ont été chargé de votre préparation pour chacun des grades précédents vous ont toujours dit que de votre croyance, considérée comme le premier garant des vertus maçonniques, dépendraient vos progrès ultérieurs dans l’Ordre. Ce qu’ils vous ont dit alors privément, nous vous le disons aujourd’hui tout haut et sans mystère, parce que le moment est venu de le dire. »

Vient alors la fameuse phrase qui a suscité tant de commentaires :

« Oui, l’Ordre est chrétien ; il doit l’être, et il ne peut admettre dans son sein que des chrétiens, ou des hommes disposés à le devenir de bonne foi, à profiter des conseils fraternels par lesquels il peut les conduire à ce terme. »

Conclusion : le Régime rectifié peut admettre en son sein des non chrétiens, ou des non encore chrétiens, sous la réserve expresse de les faire devenir chrétiens. C. Q. F. D.

C’est cette conclusion, et le raisonnement qui y conduit, que je veux battre en brèche.

Pareille interprétation méconnaît quantité d’affirmations qui la disqualifient catégoriquement, et cela dans le texte même dont on prétend s’autoriser. Que lit-on dans le paragraphe qui précède immédiatement celui dont a été extrait le passage ci-dessus :

« …les instructions que vous recevez depuis longtemps vous font assez connaître pourquoi les juifs, les mahométans, et tous ceux qui ne professent pas la religion chrétienne, ne sont pas admissibles dans nos loges. »

« Dans nos loges » : pas « dans nos loges écossaises », pas « au grade de maître écossais » ; non, « dans nos loges », c’est-à-dire dès le grade d’apprenti. Et pourquoi cela ? Par antisémitisme, comme en a proféré l’accusation Jean Granger, brisant avec son passé de Grand Prieur du Grand Prieuré des Gaules ? Par sectarisme ? Point du tout :

« Car il est évident que l’admission d’hommes, tant recommandables soient-ils d’ailleurs, mais qui ne peuvent donner pour la validité de leurs engagements dans l’Ordre la seule garantie qu’il exige partout depuis un temps immémorial, serait une contradiction inconcevable dans ses principes et sa doctrine… »


Et quelle est cette « seule garantie » indispensable ? Elle a été explicitée précédemment :

« C’est pourquoi, depuis bien des siècles, depuis l’époque incertaine où les descendants des initiés du temple de Jérusalem, ayant été éclairés par la lumière de l’évangile, purent, avec son secours, perfectionner leurs connaissances et leurs travaux, tous les engagements maçonniques, dans toutes les parties du monde où l’institution s’est successivement répandue, sont contractés sur l’évangile, et spécialement sur celui de saint Jean, dans le quel ce disciple bien-aimé, éclairé par une divine lumière, a établi avec tant de sublimité la divinité du Verbe incarné. C’est sur ce Livre saint que depuis votre premier pas dans l’Ordre vous avez contracté tous les vôtres. »

Ici, se pose une question simple : quelle valeur aurait un engagement contracté sur un Livre saint à la sainteté duquel on ne croirait pas ? dont on ne recevrait pas la révélation ?

Et qu’on n’objecte pas que tout cela n’est exprimé en clair qu’à ce grade, ce serait une contre-vérité. Quelle est la formule par laquelle le profane s’engage dans l’Ordre ?

« Moi, …, je promets sur le saint Evangile, en présence du Grand Architecte de l’Univers, et je m’engage sur ma parole d’honneur, devant cette respectable assemblée, d’être fidèle à la sainte religion chrétienne, etc. »

Le « saint » Evangile, la « sainte » religion chrétienne… N’est-ce pas assez martelé ? et, auparavant, le Vénérable Maître a averti le récipiendaire :

« Celui qui est la Vérité même a dit : Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu. » : citation textuelle de l’évangile selon saint Jean (20, 29), l’évangile même sur lequel est pris le serment. Et le Vénérable Maître d’ajouter :

« Souvenez-vous donc de ces choses lorsque vous méditerez ce qui est écrit dans ce saint évangile. C’est sur le prix que vous devez attacher que nous fondons notre confiance pour la sincérité et la stabilité de l’engagement que vous allez contracter. La droiture de votre cœur en est la base, la religion doit en être le gage à jamais. »

En bref, le fondement de l’engagement de l’apprenti dans l’Ordre, qui en garantit la stabilité, c’est la religion, mais pas n’importe laquelle : celle qui est révélée dans l’évangile de saint Jean, la religion du Christ, Verbe incarné.

Tout cela est, non pas seulement affirmé, mais solennellement proclamé dans la Règle maçonnique. Là, certains se récrieront, affirmant tout uniment qu’elle ne fait pas véritablement partie des textes fondateurs, qu’elle a été ajoutée postérieurement, etc. Tout cela est bel et bon, sauf que c’est faux. La règle maçonnique a été adoptée au convent de Wilhelmsbad en sa séance du 15 août 1782, la veille de l’adoption du catéchisme (c’est-à-dire de l’instruction par demandes et réponses) et de l’instruction morale du grade d’apprenti :

(cf. mon billet du 27 janvier 2012

Elle est donc exactement contemporaine des rituels mis au point et imprimés sur place à Wilhelmsbad. Or, qu’y lit-on ?

« Rends donc grâce à ton Rédempteur ; prosterne-toi devant le Verbe incarné, et bénis la Providence qui te fit naître parmi les chrétiens. Professe en tous lieux la divine religion du Christ, et ne rougis jamais de lui appartenir. L’Evangile est la base de nos obligations ; si tu n’y croyais pas, tu cesserais d’être maçon. » (Article I, paragraphe II)

N’est-ce pas assez ? voyons ce qu’enseigne l’Instruction morale pour le grade d’apprenti franc-maçon déjà mentionnée :

« L’Evangile est la loi du maçon, qu’il doit sans cesse méditer et suivre. »

Et puis, comme j’ai mentionné l’épée en commençant, je ne résiste pas à citer la phrase qui suit immédiatement :

« L’épée qui était posée par-dessus signifie la force de la foi en la Parole de la Vérité [c’est-à-dire le Verbe] sans laquelle la loi seule ne saurait conduire le maçon à la Vraie Lumière. »

Où donc est l’Ancien Testament dans tout cela ? Nulle part. Il n’y a que le Nouveau. On objectera le temple de Salomon. Oui, certes, il joue un grand rôle, mais en renvoyant à autre chose que lui-même. C’est un « type fondamental » car :

« … ce temple mémorable fut et sera toujours, tant par lui-même que par les grandes et étonnantes révolutions qu’il a éprouvées, le type général de l’histoire de l’homme et de l’univers. »

Si au demeurant la présence du roi Salomon suffisait à conférer à quoi que ce soit un caractère vétéro-testamentaire, alors toutes les cathédrales sur la façade desquelles il figure (en tant qu’ancêtre et préfigure du Christ) ressortiraient de l’Ancienne Alliance !

Ce qui est en outre à noter, c’est qu’à la différence des autres rites maçonniques, ce n’est pas Salomon qui, au rectifié, joue le rôle prépondérant, c’est Hiram.

Le mot de la fin reviendra à l’Instruction morale déjà mentionnée. Il s’agit de la batterie d’apprenti :

« Les deux premiers coups précipités désignent la loi de nature qui fut donnée à l’homme pour le diriger dans le premier âge du monde, et la loi écrite qui fut donnée à Moïse sur le mont Sinaï dans le second âge. Mais le dernier coup vous indique la perfection de la loi de grâce pour le troisième, et la force qui résulte pour le chrétien de la réunion de toutes et de l’accomplissement des deux premières. »

Bref, tous les travaux de tous les maçons rectifiés de tous grades se déroulent sous les auspices de la loi de grâce, qui est parfaite. Chercher à les faire rétrograder vers l’inachèvement et l’imperfection est une entreprise inconséquente que seule l’ignorance peut expliquer sans l’excuser.







































































 

mercredi 14 mars 2012

Relâche...

Je m'apprête à passer une bonne semaine, sinon aux antipodes, du moins dans l'hémisphère sud, et à contempler la Croix du Sud au lieu de l'Etoile polaire (beaucoup moins brillante et spectaculaire que son adverse...).

Mon blog fera donc relâche durant ce temps. Que cela ne vous dissuade pas de le visiter, et d'aller voir en particulier les billets plus anciens, qui, je pense, conservent leur intérêt.

Je vous reviendrai la semaine prochaine avec des idées neuves et, j'espère, non tourneboulées par ce changement de sens de la pesanteur !

dimanche 11 mars 2012

Comment faire pour entrer dans la prière hésychaste


Asseyez-vous et recueillez-vous, et rappelez-vous que Dieu est présent. Dites les prières du Trisaghion [Saint Dieu…] si vous le souhaitez. Respirez lentement et profondément à quelques reprises, et suivez votre souffle au centre de votre poitrine. Commencez à dire la prière de Jésus tranquillement, lentement, jusqu'à ce que vous ayez la sensation de la Présence de Dieu. Ensuite, laissez faire la Prière de Jésus, et entrez dans le silence. Des pensées viendront, mais laissez-les tout simplement passer. Ne les laissez pas attirer votre attention. Mais si elles le font, rejetez-les doucement et reportez votre attention sur la Présence de Dieu, peut-être à l'aide de la prière de Jésus pour rétablir votre intention de prier. Allez plus loin en vous-même, sous les pensées, dans le plus profond silence et la conscience de la Présence, et restez-y simplement.

La période de prière doit commencer avec quelques minutes, et peut être entièrement occupée d'abord avec la Prière de Jésus. Finalement, sur une période de plusieurs semaines ou plusieurs mois, alors que vous commencez à maîtriser la garde de votre attention concentrée et à rejeter les pensées, laissez-la se poursuivre jusqu’ à vingt ou trente minutes. Deux périodes de prière, au début de la matinée et tôt en soirée sont une excellente discipline.

Métropolite Jonas, Eglise Orthodoxe d’Amérique

Traduction Claude Lopez-Ginisty



vendredi 9 mars 2012

Une controverse de mauvais aloi


Depuis environ une semaine, a surgi et s’est étendue à divers blogs ce qu’il faut bien appeler une controverse de mauvais aloi. Elle a eu pour point de départ des prises de position de martinésophobes s’armant de Louis-Claude de Saint-Martin afin de mieux combattre Martines de Pasqually, et elle a ensuite dérivé sur la prière et la valeur relative de ses divers modes, en externe et en interne.

Je n’épiloguerai pas sur la comparaison-opposition entre Saint-Martin et Martines, sauf pour remarquer que l’éloignement du Philosophe inconnu à l’égard de l’Ordre des élus coens n’a pas été réservé à ce dernier exclusivement, et qu’il en a marqué autant à l’égard de la maçonnerie, en l’espèce le Régime écossais rectifié constitué par Jean-Baptiste Willermoz, et bien davantage à l’égard de l’Eglise catholique romaine. Si cet éloignement valait condamnation, cette condamnation a dû s’appliquer aux trois. Mais y a-t-il eu condamnation ? A l’égard de l’Eglise, indubitablement. A l’égard du Régime rectifié et de l’Ordre coen, c’est beaucoup plus douteux. Dans les deux cas, il les taxe de superfluités provoquant de la dissipation loin du « centre ». Quant aux mises en garde au sujet des éventuels résultats des invocations pratiquées dans la rituélie coen, elles ressortissent à la plus élémentaire prudence, à l’instar de celles dont l’Eglise prévient les membres de son clergé qui pratiquent des exorcismes. Je cite Emile Dermenghem dans sa préface à son ouvrage Les Sommeils (Paris, La Connaissance, 1926) :

« Il craignait non seulement les illusions auxquelles toute métapsychique donne parfois lieu, mais aussi les dangers des opérations magiques qui risquent de faire intervenir des agents inférieurs ou même mauvais, qui entretiennent en nous « l'orgueil et l'ambition de vouloir briller par nos propres puissances », et qui, au lieu d'anéantir le moi pour lui faire trouver l'Absolu, peuvent l'inciter à user des forces naturelles et occultes dans un esprit de domination et d'égoïsme. « Avec une habileté qui nous jette dans des aberrations bien funestes, le principe des ténèbres fait qu'avec de simples puissances spirituelles, de simples puissances élémentaires ou figuratives, peut-être même avec des puissances de réprobation, nous nous croyons revêtus des puissances de Dieu » (Ecce homo).
(Les Sommeils, pp.33-34)

La mise en garde est sévère, mais elle n’étonnera aucun mystique, car tous savent que, comme nous en avertit l’apôtre, « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2 Corinthiens 11, 14). De même tout prêtre qui célèbre les saints mystères sait que, si les puissances angéliques concélèbrent avec lui, les puissances démoniaques se rassemblent pour lancer contre lui leurs attaques. Et cela en dehors de toute « opération » coen. Car la divine liturgie est une opération infiniment plus puissante, et même infiniment puissante, et donc infiniment honnie par Satan.

Et pourquoi croit-on que Martines imposait à ses émules l’assistance à a messe et la pratique des sacrements de l’Eglise ? Par goût des formes cérémonielles ? point du tout : parce qu’il avait compris intuitivement que cette pratique, et singulièrement celle du sacrement des sacrements qui est l’eucharistie, était leur véritable palladium. Chose que n’a pas comprise Saint-Martin qui, tout entier axé sur l’interne, n’a jamais senti la puissance incomparable, parce que divine, des sacrements. Pour lui, il est évident que les sacrements ne sont que des formes, ou des formalités, dont il est préférable de se passer. On peut appliquer à ces formes ecclésiales les réflexions suivantes :

« Les personnes qui ont du penchant pour les établissements et sociétés philosophiques, maçonniques et autres, lorsqu'elles en retirent quelques heureux fruits sont très portées à croire qu'elles le doivent aux cérémonies et à tout l'appareil qui est en usage dans ces circonstances. Mais avant d'assurer que les choses sont ainsi qu'elles le pensent, il faudrait avoir essayé de mettre aussi en usage la plus grande simplicité et l'abstraction entière de ce qui est forme et si alors on jouissait des mêmes faveurs, ne serait-on pas fondé à attribuer cet effet à une autre cause; et à se rappeler que notre Grand Maître a dit : "Partout où vous serez assemblés en mon nom, je serai au milieu de vous"[Matthieu 18, 20]. » (Saint-Martin, Mon Livre vert, Paris, Cariscript, 1991).

C’est de ce refus radical du formalisme que provient son incompréhension elle aussi radicale de la nature de l’Eglise. Mais je m’engage sur un terrain que j’ai dit vouloir éviter…

Pour finir, cet éloignement manifesté par Saint-Martin envers les pratiques coens ne l’a pas empêché d’être fidèle jusqu’au bout à la mémoire de celui qu’il dénommait « mon premier maître » et dont il devait écrire : « Cet homme extraordinaire dont je n’ai jamais réussi à faire le tour ».

Je ne discuterai pas davantage sur les diverses formes de la prière et sur la supériorité supposée de la prière intérieure sur la prière extérieure, me réservant d’y revenir en une autre occasion en exposant ce qu’enseigne en la matière la Tradition des Pères de l’Eglise.

Entrons donc dans la controverse elle-même et détaillons-en les points :

1) Saint-Martin a éprouvé de la méfiance contre l’Ordre coen et a cherché à dissuader ceux qui lui appartenaient ou qui souhaitaient y entrer ;

2) L’Ordre coen véhicule des conceptions hétérodoxes :

3) L’Ordre coen se livre à des opérations magique ;

4) L’Ordre coen est donc pernicieux, voire dangereux et entraîne à la dérive les chrétiens qui s’y laisseraient prendre ;

5) Willermoz lui-même n’a finalement éprouvé que méfiance envers lui et s’en est définitivement éloigné après la mise en sommeil de l’Ordre en 1781 par le Souverain Maître Las Casas ;

6) Willermoz a transféré tout ce que le martinésisme avait de bon dans le Régime écossais rectifié.

Sur les points 1) à 4), je renvoie pour l’essentiel au blog « Un martinésiste chrétien » (http://reconciliationuniverselle.over-blog.com/) dont l’animateur, Esh, d’une part fait justice des accusations infondées, mais d’autre part procède aux corrections qu’appelle la pensée parfois erronée de Martines, en sorte que lui qui avait été qualifié « plus juif que chrétien » devienne plus chrétien que juif. Ce travail remarquable de justesse qu’accomplit Esh mérite grande attention.

Je précise simplement au passage que l’éloignement que Saint-Martin manifeste à l’endroit de l’Ordre coen – et simultanément à l’endroit de la maçonnerie - vient avant tout du choix radical que lui-même a fait de la « voie du cœur » (je déteste l’expression « voie cardiaque » popularisée par Papus qui pour moi a un relent d’opération chirurgicale…) à l’exclusion de toute autre, et qu’il voudrait voir empruntée par tous les « élus » (les lettres de Salzac que publie Esh sont à cet égard symptomatiques) : entreprise pour le moins risquée et qui ne pouvait qu’échouer. Nous en reparlerons dans le billet à venir sur la prière.

Pour ce qui est du caractère supposé maléfique de l’Ordre coen, je voudrais prendre à témoin les bons auteurs. Je citerai Jean-Marc Vivenza, qui est tenu pour un expert en la matière. Dans son ouvrage Les Elus coëns et le Régime écossais rectifié (Grenoble, le Mercure Dauphinois, 2010), il écrit (pp. 54-56) :

« Nous sommes bien loin de cette prétendue "magie", dont on a longtemps soutenu, et l'on soutient, hélas, encore dans divers opuscules plus ou moins sérieux, qu'elle constituait la base des pratiques de l'Ordre des Elus Coëns […].
« Or, disons-le fortement, si les rites, instructions et catéchismes de l'Ordre des Elus Coëns, contiennent effectivement des éléments empruntés à un certain courant à l'intérieur duquel Cornelius Agrippa occupe une place non négligeable, cependant en aucun cas le but, nous disons bien le "but" des opérations enseignées par Martinès, c'est-à-dire l'objectif visé et entrevu par les Réaux-Croix, ne relève de la magie, fût-elle angélique ou "divine". Les opérations, au sommet de l'Ordre, il importe d'y insister tant la question est centrale, sont subordonnées à la manifestation de la "Chose" qui n'est autre que la Sainte Présence de Jésus-Christ [...].
« Convoquant, dans certaines circonstances, les anges afin qu'ils l'aident à accomplir son travail, l'élu s'adonnait donc surtout, et tout d'abord, à d'intenses purifications, implorant le secours du Compagnon fidèle qui lui fut attribué par l'Eternel de manière à ce qu'il intercède pour lui auprès du Très Haut et qu'ensuite, seulement, béni et sanctifié, il soit en mesure de s'avancer, en tremblant, devant la "Sainte Présence" du Verbe.
« Le culte primitif, que transmit Martinès de Pasqually, est non pas de nature "magique", il est essentiellement, par les quatre temps qui le constituent à présent que, depuis le crime d'Adam, nous nous trouvons absolument tous marqués par la faute et le péché, un culte d'expiation, de purification, de réconciliation et de sanctification. Tel est le difficile et contraignant labeur auquel devaient s'astreindre les disciples de Martinès, et l'on comprend peut-être mieux pourquoi cette tâche ne pouvait convenir, et ne concerner, qu'une élite de maçons choisis, c'est-à-dire "élus", souhaitant se plier à une rude discipline morale et spirituelle les faisant vivre dans le monde presque comme des moines, ou plus exactement des prêtres, auxquels il ne manquait même pas l'obligation de la récitation de leur bréviaire puisque, de six heures en six heures, les élus coëns qui se devaient impérativement par ailleurs d'assister aux principales messes festives de l'Eglise, œuvrant inlassablement, chaque jour que Dieu faisait, à se rendre digne de recouvrer leur "première propriété, vertu et puissance spirituelle divine", étaient contraints à la lecture des prières de l'Ordre composées principalement des sept Psaumes de la pénitence, de diverses oraisons pieuses et d'invocations particulières, s'endormant, la nuit venue, en prononçant dans leurs lits le De Profundis. »

Et encore, du même Jean-Marc Vivenza (Louis-Claude de Saint-Martin et la théurgie des Elus coens) :

« L’élu coën, qui devait impérativement être catholique pour se conformer à la règle prescrite par Martinès, et avait juré, lors de ses serments, de « rester fidèle à la sainte religion apostolique et romaine », avant chacune des cérémonies assistait à la messe en communiant, ceci sans compter la rigoureuse observation de la Prière des six heures, (six heures du matin, midi, dix-huit heures et minuit), qui ne pouvait avoir nulle dérogation et était une obligation formelle. Enfin, pour sa purification, l’élu récitait les sept Psaumes de Pénitences à chaque renouvellement de Lune et les jours qui faisaient suite aux périodes de travail, de même qu’il lui fallait dire l'Office du Saint Esprit tous les jeudis, prononcer le Miserere, debout face à son Orient, et le De Profundis, en se mettant la face contre terre. »

Ainsi (si l’on me passe cette expression plaisante), la messe est dite ! A moins de considérer les coens comme autant de tartuffes… ce qui serait d’une totale invraisemblance, notamment pour un personnage aussi pieux que Willermoz.

Mais je n’en resterai pas là ; j’appelle à la rescousse un personnage dont nul ne peut révoquer en doute le jugement : j’ai nommé Joseph de Maistre, l’auteur catholique romain par excellence, et même papiste [1]. Qu’écrit-il dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg (Lyon & Paris, 1821) :

« Les connaissances surnaturelles sont le grand but de leurs travaux et de leurs espérances ; ils ne doutent point qu'il ne soit possible à l'homme de se mettre en communication avec le monde spirituel, d'avoir un commerce avec les esprits et de découvrir ainsi les plus rares mystères. Leur coutume invariable est de donner des noms extraordinaires aux choses les plus connues sous des noms consacrés ; ainsi un homme pour eux est un mineur, et sa naissance émancipation. Le péché d'origine s'appelle le crime positif ; les actes de la puissance divine ou de ses agents dans l'univers s'appellent des bénédictions, et les peines infligées aux coupables, des pâtiments. Souvent je les ai tenus moi-même en pâtiment, lorsqu'il m'arrivait de leur soutenir que tout ce qu'ils disaient de vrai n'était que le catéchisme couvert de mots étranges. J'ai eu l'occasion de me convaincre, il y a plus de trente ans, dans une grande ville de France [Lyon], qu'une certaine classe de ces illuminés avait des grades supérieurs inconnus aux initiés admis à leurs assemblées ordinaires ; qu'ils avaient même un culte et des prêtres qu'ils nommaient du nom hébreu Cohen... Ces hommes, parmi lesquels j'ai eu des amis, m'ont souvent édifié ; souvent ils m'ont amusé, et souvent aussi... Mais je ne veux point me rappeler certaines choses. Je cherche au contraire à ne voir que les côtés favorables. »
(XIe entretien, 4e chapitre)

Certes il n’accepte pas qu'un prêtre dût nécessairement être thaumaturge et kabbaliste. Il appelle cela une « séduisante erreur », à cause de quoi il juge le martinisme [2] plutôt dangereux dans les pays catholiques, quoiqu'il soit, selon lui, des plus utiles dans les pays schismatiques et protestants et même, à une époque d'incrédulité, dans les pays catholiques imprégnés d'irréligion. Car, dit-il, « ce système s'oppose à l'incrédulité générale, il est chrétien jusque dans ses sciences ; il accoutume les hommes aux dogmes et aux idées spirituelles », il les rapproche des doctrines catholiques, préserve du « rienisme protestant » et maintient « la fibre religieuse de l'homme dans toute sa fraîcheur ». (cité dans Les Sommeils, pp. 41-42) ;

Et le comte de déclarer au sénateur (qui a fait l’apologie des martinistes) que ces explications audacieuses peuvent être utilement accueillies pourvu qu'on ne les considère pas nécessairement comme des dogmes absolus. Ces systèmes lui paraissent acceptables si on les « propose modestement pour tranquilliser l'esprit... » s'ils « ne mènent surtout ni à l'orgueil ni au mépris de l'autorité... On tâtonne dans toutes les sciences, pourquoi la métaphysique, la plus obscure de toutes, serait-elle exceptée ? » (Les Sommeils, p. 43).

On le voit, rien sur de supposées pratiques magiques, voire sulfureuses, que l’Eques a Floribus eût été bien placé pour connaître. D’ailleurs Jean-Marc Vivenza a découvert dans les documents privés de Joseph de Maistre que celui-ci, quand il était ambassadeur de Sardaigne à Saint-Pétersbourg, avait pratiqué des « opérations » coens. Joseph de Maistre invoquant le diable ? on voit le ridicule de la chose…

Pour le reste je renvoie, je le répète, au blog du Martinésiste chrétien.

J’ai mentionné Willermoz, ce qui me conduit aux points 5) et 6).

Les documents concordent tous pour prouver que, si Willermoz a parfois été fort irrité par le comportement de l’homme Martines, sa créance en l’initié, et initiateur, n’a jamais faibli. Inutile de multiplier les textes, contentons-nous de la grande lettre des 12-18 août 1821 à Jean de Turkheim, sa « lettre testament » comme on l’a appelée, où Willermoz prend la peine de répondre en détails, avec renvois au Traité sur la réintégration, à plusieurs points de doctrine, huit au total, sur lesquels son correspondant lui avait demandé des éclaircissements que le patriarche (91 ans) lui donne de bon gré. Et comme Turkheim lui avait demandé des détails sur Martines, voici ce que conte Willermoz :

« Comme vous désirez connaître Pasqually en long et en large sur tout ce qui le concerne, voici à son sujet une anecdote connue de moi seul et qui ne doit pas devenir publique.
"Etant à Paris, au jour qu'il avait choisi pour me conférer mes derniers grades, il m'assigna pour les recevoir un jour suivant à Versailles ; il y assigna en même temps quelques autres Frères de degrés inférieurs et les plaça aux angles de l'appartement où ils restèrent jusqu'à la fin en silence ; lui debout au centre et moi seul à genoux devant lui, aucun autre ne pouvant rien entendre de ce qui se passait entre lui et moi. Avant la fin du cérémonial il me tombe tout subitement les bras sur les épaules et son visage collé contre le mien, il m'inonde de ses larmes, ne pouvant pousser que de gros soupirs. Tout étonné, je lève les yeux sur lui et j'y démêle tous les signes d'une grande joie. Je veux l'interroger ; il me fait signe de garder le silence. L'opération terminée, je veux le remercier de ce qu'il vient de faire pour moi, et j'en étais tout ému. - "C'est moi, me dit-il, qui vous dois beaucoup et beaucoup plus que vous ne pensez. Vous avez été pour moi l'occasion du bonheur que j'éprouve. J'étais depuis un certain temps tombé dans la disgrâce de mon Dieu pour certaines fautes que le Monde compte peu, et je viens de recevoir la preuve, le signe certain de ma Réconciliation. Je vous la dois, parce que vous en êtes la cause et l'occasion. J'étais malheureux ; je suis maintenant bienheureux. Pensez quelquefois à moi, je ne vous oublierai jamais." Et en effet, depuis lors, j'ai reçu de lui beaucoup de preuves d'amitié et de grande confiance. »

Y a-t-il là la moindre trace de défiance, de répulsion, ou même de critique ? Quarante années après la fin supposée de l’Ordre coen, quarante-sept ans après le décès de Martines de Pasqually, le temps était propice à une remise en question, à l’expression de doutes, s’il dût y en avoir…Rien de tel ! au contraire, dans une autre lettre au même Turkheim du mois précédent de juillet , on trouve cette fameuse formule souvent citée : « Cet homme extraordinaire auquel je n’ai jamais connu de second ». L’admiration était toujours là, intacte.

Mais, pourrait-on objecter, tout cela ne s’applique qu’à la doctrine, à laquelle en effet Willermoz avait adhéré au point d’en faire la substance même de la Profession et de la Grande Profession ; mais point aux opérations qu’il avait évidemment abandonnées. Eh bien, non. C’est le contraire qui apparaît à la lecture d’une lettre que Rodolphe Saltzmann écrivit à Willermoz le 22 septembre 1813 (publiée dans Renaissance Traditionnelle n° 150, avril 2007) [3]. Satzmann écrit :

« Mon premier acte de gratitude et de la plus vive reconnaissance a été rendu à Celui qui a daigné bénir mon voyage et vous donner la volonté et les forces nécessaires d'opérer pour sa gloire et mon salut. Le second s'adresse à vous, mon T[rès] C[her] et P[uissant] M[aîtr]e, qui m'avez donné une nouvelle preuve bien précieuse de votre amitié. Vous m'avez sacrifié un repos, que votre grand âge vous rend si nécessaire, et vous avez pour ainsi dire couronné votre ouvrage. Car je n'ose espérer recevoir encore davantage, et je ne dois m'occuper qu'à bien profiter de ce que j'ai reçu et d'être fortifié dans la voie dans laquelle j'ai eu le bonheur d'entrer. Mais vous ne négligerez pas ce que vous avez semé et vous nourrirez la flamme que vous avez allumée. [...]
« Ne m'oubliez pas, mon T.C. et P.M. Songez à votre élève dans vos prières et aux jours et heures destinés à des travaux supérieurs. Envoyez-moi, aussitôt qu'il sera possible, ce que vous m'avez promis et battons le fer pendant qu'il est encore chaud. Ah ! s'il était possible de m'envoyer ce qui est marqué par + après les noms usités ![...] » [Signé] Ab Hedera.

Selon son habitude, Willermoz a mis sur la lettre une annotation , qui est :

« Fre Saltzmann à moi W. [...] Son contentement de ce que j'ai fait pour lui à Lyon, Gd Archi. Il espère l'Invo[cation] promise. »

Autrement dit, à 83 ans, Willermoz a pratiqué une cérémonie de réception de Grand Architecte. Curieuse façon de manifester de l’ « éloignement » !

On pourrait multiplier les preuves documentaires, mais celles-ci me paraissent suffire pour l’instant. Du moins justifient-elles l’expression que j’ai employée au début : une controverse de mauvais aloi. On est libre d’adhérer à Saint-Martin et pas à Martines, on est libre d’adhérer à Martines et pas à Saint-Martin, on est libre de n’adhérer ni à l’un ni à l’autre ; mais on n’est pas libre, si l’on veut rester honnête, de justifier son choix par des affirmations sans preuve ou par des preuves controuvées, des documents sollicités. Ce n’est pas honorable, et d’ailleurs ce n’est pas crédible.


[1] Du Pape (Lyon, 1819) fut le premier ouvrage « ultramontain » de l’histoire.
[2] Ne nous y trompons pas, ce vocable englobe aussi le « martinésisme », terme qui n’avait pas encore été inventé.
[3] Et signalée par A Valle Sancta dans son blog.







lundi 5 mars 2012

Un chef-d'oeuvre : la Théologie dogmatique de Vladimir Lossky


Cet ouvrage dont j'ai annoncé la publication le 23 février est désormais disponible en librairie. Rappelons qu'il s'agit de cours professés (en français) par Vladimir Lossky de 1953 jusqu'à deux mois avant sa mort soudaine,en 1958 ;  cours enregistrés, transcrits ensuite par Olivier Clément et finalement revus par Lossky. Ainsi le naturel de l'expression orale s'allie-t-il heureusement à la précision de la pensée.

De prime abord, cet ouvrage me part aussi fondamental que l'Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient, qu'il précise et complète en plusieurs points.

La pensée de Vladimir Lossky a marqué, à son époque, un retour aux sources patristiques les plus pures : les Pères cappadociens (saint Basile le Grand, saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse) saint Jean  Damascène, saint Denys l'Aréopagite, saint Maxime le Confesseur, saint Grégoire Palamas, et aussi saint Augustin d'Hippone dans ce qu'il a d'orthodoxe, et cela par opposition à ce qu'on dénomme "la philosophie russe"; dont les représentants les plus illustres sont Khomiakov et le père Boulgakov. Il enseigne une "anthropologie théocentrique [qui] trouve sa véritable et concrète expression dans le mystère du Christ ressuscité, exprérimenté dans la vie ecclésiale dont le sommet est l'eucharistie" (Michel Stavrou, Préface, p. 13).

Voici, pour mettre les futurs lecteurs en appétit, le sommaire de l'ouvrage :

I - Introduction
     1. La théologie chrétienne entre science et contemplation
     2. Les deux "monothéismes"
     3. Voie négative et voie positive
     4. Transcendance et immanence de Dieu
II - Le dogme trinitaire
     1. La Trinité
     2. Terminologie trinitaire
     3. Procession des personnes et attriburs divins
     4. Procession du Saint-Esprit
     5. Principes de la théologie trinitaire orthodoxe
III - L'être créé
     1. La notion absolue de création
     2. Trinité créatrice et idées divines
     3. Création : temps et éternité
     4. Création : ordre cosmique
IV - Anthropologie chrétienne
     1. Image et ressemblance
     2. Vocation du Premier Adam
     3. Le péché des origines
     4. Le sens de l'Ancien Testament
V - Le Christ, vrai Dieu et vrai homme
     1. Incarnation
     2. Le dogme de Chalcédoine
     3. "Forme de Dieu" et "forme de serviteur"
     4. Deux énergies, deux volontés
     5. Dualité et unité dans le Christ
     6. Rédemption
     7. Résurrection
VI - L'oeuvre du Saint-Esprit
     1. Economie du Fils et économie du Saint-Esprit
     2. La descente de l'Esprit-Saint et la grâce de la Pentecôte
VII - Le mystère de l'Eglise
     1. Le Christ, l'Esprit-Saint et l'Eglise
     2. Ecueils ecclésiologiques
     3. Les sacrements
     4. Ecclésiologie, eschatologie


Nous serons certainement appelés à en reparler. En attendant, ne manquez pas de vous le procurer.