dimanche 18 novembre 2012

La destruction du Temple


1er DIMANCHE DE L'AVENT (Mt 24, 1-14)
Homélie prononcée le 17 novembre 1968 en l'Église cathédrale Saint-Irénée






En relisant cette homélie ancienne pour le dimanche d'aujourd'hui (merci à Philippe P. de me l'avoir rappelée), j'ai été saisi du vif désir de lui donner une nouvelle audience. Car la leçon qui en résulte immédiatement pour moi, c'est que l'espérance véritable, c'est celle qui éclate à travers le désespoir, qui le transperce !

Elle date de 1968, elle date d'aujourd'hui, un aujourd'hui qui se traîne avant le demain qui se fait attendre...


Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen !
Comme vous le savez, dans la tradition du rite des Gaules, l'Avent est composé non pas de quatre dimanches mais de six, qui font une "quarantaine", comme dans l'Église orientale.
L'Avent est une période très spéciale. Nous sommes revêtus d'ornements violets car nous nous préparons à la venue du Christ. C'est une période d'abstinence, de jeûne, de préparation, de pénitence, mais c'est en même temps une période joyeuse. Nous chantons "Alléluia" pour montrer que nous sommes avides, assoiffés du retour du Christ. Comme dit l'Apocalypse, l'Esprit et l'Église disent : "Viens".
Pendant l'Avent, deux événements sont fêtés, attendus. C'est à deux événe­ments que notre âme se prépare, dépassant le temps linéaire. Le premier, attendu à travers l'Ancien Testament depuis l'antiquité du monde, est l'Avènement du Christ, Son Incarnation, Sa naissance de la Vierge. Le deuxième est Son glorieux retour.
L'évangile d'aujourd'hui parle de ce temps eschatologique qui prépare la deuxième venue. Je suis étonné que nombre de chrétiens soient pleins d'agita­tion, d'inquiétude devant les événements du monde. Pourtant, le Christ qui a voulu que nous soyons éclairés et non pas aveugles ou poussés par différents vents, tels des objets inconscients, nous a prévenus : "Cela doit arriver". Pourquoi être surpris par le manque de charité ou le grand nombre d'athées ? Tout cela est prévu.
Ce qui est à souligner dans cet évangile, c'est que ces événements tragiques, troubles, au cours desquels l'humanité va se haïr chaque fois davantage et les hommes se dresser les uns contre les autres, les événements cosmiques, la perte de la foi, les guerres, tout cela est comparé par le Christ à une femme enceinte. Et cela n'est pas seulement applicable au destin du monde, à ce dernier soubre­saut avant la fin des temps, mais aussi à notre vie personnelle, à la vie des groupes, des Églises.
Les épreuves, les troubles, les agitations autour de notre personne, dans notre vie, sont dans la pensée du Christ et, pour un vrai chrétien, enraciné en Lui, les soubresauts de l'enfantement du monde nouveau. Le Christ le dit : c'est comme une femme qui ressent les douleurs ; mais quand l'enfant est né, elle est remplie de joie.
Ainsi, en face de tous les événements tragiques du monde, ou personnels, ou ceux d'un groupe de personnes, la première attitude du chrétien doit être la lucidité. Il ne faut pas céder à la panique mais garder une attitude tranquille et stable. A travers ces événements se profile déjà la joie car nous savons que tous ces soubresauts, toutes ces douleurs ne sont que le neuvième mois, quelques jours avant la naissance des Cieux nouveaux et de la Terre nouvelle.
Les chrétiens ne doivent pas rechercher les souffrances, la guerre - nous prions pour la paix - les troubles, l'agitation ; mais, lorsque ceux-ci arrivent, ils doivent se réjouir et faire que leurs souffrances participent à cet engendrement du monde nouveau. Car si nous sommes tous enracinés dans la paternité divine, revêtus de la lumière du Christ, alors notre regard n'est pas tourné vers le passé, ni même vers le présent ; il perce l'avenir et, à travers la mort, il voit la Résurrection.
A travers les épreuves qui sont de plus en plus fortes dans le monde, nous percevons ce dont le Christ nous parle : cette joie que l'homme nouveau naisse et que le monde nouveau soit engendré.
Quelle douleur, quelle inquiétude chez tous les prophètes qui attendaient le Christ et Son premier Avènement ! Que de fois ont-ils demandé : "Quand ?" Lui, répondait : "Me voici ! Si je tarde, attendez ! Me voilà !" Le temps passait ; ils étaient maltraités mais cependant ils espéraient, ils prêchaient, poussés par l'Esprit. Et Il est venu ! Il en sera de même pour le Second Avènement : nous allons être haïs à cause de Son Nom et, malgré l'aveuglement des hommes, nous persisterons, tel Habacuc à sa place de prophète, tel Ezéchiel sentinelle de Dieu et, dans cette attente, notre cœur sera rempli de cette joie qui précède, anticipe le monde nouveau.
J'ajoute encore un mot à propos de la destruction de Jérusalem. Une littéra­ture circule parmi les chrétiens ; elle prétend que les premiers chrétiens et le Christ Lui-même s'imaginaient que la destruction de Jérusalem et la fin des temps auraient lieu simultanément et elle conclut qu'ils se sont trompés en vivant dans cet état eschatologique : Jérusalem a été détruite en 70 et la fin n'est pas venue.
Vous avez écouté l'Évangile. Le Christ parle de la destruction du Temple. Puis, après un arrêt, Il Se rend sur le Mont des Oliviers. Les disciples Lui posent des questions, en particulier sur la fin des temps, sur la destruction du Temple. Il répond devant la foule par son discours comme Il parle en secret avec les intimes. Il distingue le fait historique de 70, date de la destruction du Temple de Jérusalem, du Deuxième Avènement et Il montre qu'il y aura aussi dans la destruction du Temple une image universelle. Lorsqu'Il dit : "Pierre sur pierre, il ne restera rien", Il ne parle pas seulement du Temple de Jérusalem ; Il veut dire : pierre sur pierre, il ne restera rien de la Révélation chrétienne. Progressivement elle sera détruite, de telle manière qu'à la fin des temps peu de gens comprendront. C'est l'annonce de la destruction de la doctrine chrétienne par une multitude de théories, d'hypothèses, d'écoles, d'enseignements. 
Voilà pourquoi nous les chrétiens devons être vigilants et ne pas prendre un faux prophète pour un vrai, "car beaucoup viendront et diront : Moi, je suis le Christ" et ils séduiront un grand nombre . Alors, et c'est l'autre attitude : sérénité devant les événements, confiance car ils ne sont qu'un soubresaut, un enfantement et, en même temps, vigilance et fidélité à la Révélation.
Ainsi notre temple intérieur, le temple de notre intellect et de notre cœur, ne sera pas détruit - ruine de pierres et de pierres. Fidélité à ce que le Christ nous a confié ! Amen !

Evêque Jean de Saint-Denis

mardi 13 novembre 2012

Les 100 000 martyrs de Tbilissi


LES CENT MILLE MARTYRS DE TBILISSI († 1227)
fête le 31 octobre /13 novembre

En 1227, le sultan Jalal al-Din de Khwarazm et son armée de Turkmènes attaquèrent la Géorgie. Le premier jour de la bataille, l'armée géorgienne repoussa valeureusement les envahisseurs, alors qu'ils approchaient de Tbilissi. Cette nuit-là, cependant, un groupe de Perses qui vivaient à Tbilissi ouvrit secrètement les portes et fit entrer l'armée ennemie dans la ville.

Selon un manuscrit dans lequel ce jour le plus terrible de l'histoire géorgienne a été décrit: "Les mots sont impuissants à exprimer la destruction que l'ennemi infligea: arrachant les enfants au sein de leurs mères, ils frappaient leur tête contre le pont, en regardant leurs yeux sortir de leurs crânes... "

Une rivière de sang coulait à travers la ville. Les Turkmènes castrèrent les jeunes enfants, violèrent les femmes, et poignardèrent à mort les mères sur les corps sans vie de leurs enfants. La ville entière frémit au son des pleurs et des lamentations. Le fleuve et les rues de la ville étaient remplis de mort.

Le sultan ordonna que la coupole de la cathédrale de Sioni soit démontée et remplacée par son vil trône. Et à sa demande, les icônes de la Mère de Dieu et de notre Sauveur furent enlevées de la Cathédrale de Sioni et placées au centre du pont sur la rivière Mtkvari. Les envahisseurs poussèrent les gens sur le pont, leur ordonnant de le traverser et de cracher sur les saintes icônes. Ceux qui trahissaient la foi chrétienne et se moquaient des icônes eurent leur vie épargnée, tandis que les confesseurs orthodoxes étaient décapités.



Cent mille géorgiens sacrifièrent leurs vies pour vénérer les saintes icônes. Cent mille têtes coupées et des corps sans tête furent emportés par le courant sanglant sur la rivière Mtkvari.

Ô vous, milliers d'étoiles, peuple élu, qui gardez l'Eglise géorgienne avec vos ailes d'or, intercédez sans cesse pour nous devant la Face de Dieu!

Version française Claude Lopez-Ginisty 
d'après Lives of the Georgian Saints de l'Archiprêtre Zakaria Machitadze
 in http://www.pravoslavie.ru/english/



dimanche 11 novembre 2012

"La doctrine de la réintégration des êtres"





Eh bien, la voici enfin mise au jour la nouvelle Apocalypsis revelata¸ cette nouvelle « Apocalypse révélée selon son sens spirituel… » si fébrilement attendue…
… Comment ? Vous dites ? Vous protestez ? Mais en quoi est-il choquant, en quoi est-il désobligeant de comparer cet ouvrage à l’un des traités majeurs de ce grand illuministe chrétien que fut Swedenborg ? Pour moi, c’est au contraire flatteur ! C’est tout simplement à la mesure du grand, du considérable  événement attendu,  si j’en crois son éditeur :
« …en bref ...une nouvelle "respiration " du RER tel qu'il est vécu aujourd'hui ...cela montre au demeurant la "force "du livre comme "arme-de-destruction-massive" des certitudes de certains quant au devenir du RER ! » ; et encore : « Je crois qu'il nous faudra nous fédérer autour d'une personne qui nous fédère et catalyse par ses réflexions nos aspirations les plus intimes ...la métamorphose est à ce prix ! Savoir quitter "la coque ancienne" pour migrer dans un autre appareil...PERIT UT VIVAT ! » (Facebook 4 novembre 2012, 15h43 et 15h57)
Donc je l’ai ouvert, ce livre, non pas,  comme aurait dit Kierkegaard, avec « crainte et tremblement », mais avec une réelle curiosité, attisée qu’elle fut par le concert de louanges anticipés qui ont précédé son apparition… C’est un procédé publicitaire, me dit-on, qu'on appelle « teasing » ; je n’en sais rien, je n’y connais rien. Ce n’est pas cela qui m’aurait incité à me le procurer si je n’en avais pas eu envie.
Je l’ai donc ouvert, et feuilleté. Livre volumineux : 226 pages en tout petits caractères, corps 11 si ma vue est bonne. Livre important par la matière qu'il embrasse. Qu'on en juge : chapitre introductif : Origène et l’illuminisme, avec sept sous-chapitres, dont un sur l’apocatastase ; chapitre 1 : Martinès de Pasqually et la doctrine de la réintégration des êtres,  avec huit sous-chapitres ; chapitre 2 : Louis-Claude de Saint-Martin et le corps de matière ténébreuse, avec neuf sous-chapitres ; chapitre 3 : Le Régime Ecossais Rectifié et la doctrine de la matière, avec huit sous-chapitres ; enfin huit appendices portant sur les sujets annexes aux matières déjà traitées, notamment sur l’ésotérisme chrétien ou encore l’augustinisme et le jansénisme.
Certes, ce livre ne peut se lire que précautionneusement, pas à pas. Indépendamment du style si particulier de l’auteur, qui (toute qualité mise à part) se rapproche plus de Proust que de Pascal (écrivain qu’il aime) en sorte qu’il faut prendre son souffle au début de chaque phrase – les phrases de 18 à 20 lignes (en petits caractères !) abondent – la lecture n’est pas rendue aisée par l’abondance des citations, généralement longues. Longues aussi sont les notes, également farcies de citations ; et j’en ai repéré deux qui occupent chaque fois une page et demie… Ce n’est pas là une critique (comme des esprits malveillants seraient portés à le croire), c’est une constatation.  Non, qu'on ne s’attende pas à une lecture aisée, d’autant que la dialectique de l’auteur est serrée et argumentée.
De l’enseignement de l’Alma Mater, j’ai retenu (entre autres) qu'il fallait toujours aborder un livre par la table des matières (c’est fait), par l’introduction et surtout par la conclusion. C’est en effet  dans la conclusion que l’auteur ramasse l’essentiel de ses thèses. Et c’est le cas ici. Je citerai donc :

« De ce fait il faut être cohérent.
Soit on tient les deux bouts de la chaîne entièrement, d’un côté ou de l’autre :
1°) En adhérant fidèlement à la foi de l’Eglise dans ses préalables au sujet de la Création – en regardant le monde matériel ainsi qu'un don et le corps charnel de l’homme de même -, comme dans ses conséquences, en espérant logiquement en une régénération de  la chair et sa vocation à l’éternité par purification et spiritualisation de son essence, simplement flétrie et affaiblie non substantiellement mais accidentellement un instant par le péché, lors de la résurrection des morts.
2°) Au contraire en faisant siennes les thèses de Martinès, ce que firent Willermoz et Saint-Martin, en considérant que la création matérielle a été tout d’abord une punition pour les corps révoltés, et la chair une enveloppe ténébreuse ayant transformé substantiellement les fils d’Adam en êtres de matière impure, regardant ainsi l’anéantissement des formes corporelles lors de la réintégration comme une véritable libération et le retour à l’Unité spirituelle originelle.
Ou bien alors, fatalement en ne respectant pas la cohésion interne des doctrines, en oubliant volontairement un bout de leur unité conceptuelle, on tombe dans le piège de l’assemblage disparate, visant à faire tenir, dans un exercice à l’illogisme évident, une origine ténébreuse du composé matériel créé en punition de la révolte des esprits pervers et du crime d’Adam « souillé par une création si impure », avec une destination spirituelle en se fondant sur les Pères de l’Eglise, et en premier lieu saint Irénée dont on peut citer intégralement bien sûr le livre V du Adversus Haereses, mais auquel on pourrait aussi ajouter avantageusement, pour faire bonne mesure, les décisions de tous les conciles œcuméniques si l’on y tient, ce qui ne change rien au problème, car n’aboutissant à nulle autre « chose » qu’à l’édification d’une abstraction conceptuelle non seulement singulièrement bancale, mais surtout absolument intenable, car ne pouvant être admise paradoxalement ni par l’Eglise – qui s’indignera toujours que l’on puisse soutenir le caractère « nécessaire » de la création et rejettera violemment cette idée d’une « matière prison » que Martines partage avec Origène -, ni non plus par aucun Ordre authentique issu de l’héritage martinésien, et l’on pense évidemment en premier lieu au Régime Ecossais Rectifié qui est le seul à pouvoir se prévaloir par Willermoz d’une transmission initiatique effective d’avec l’auteur du Traité sur la réintégration, et dont les Instructions à tous les grades regardent la volonté d’une « spiritualisation de la chair » comme chimérique et appellent l’âme, dès l’état d’Apprenti, à ses dégager des « vapeurs grossières de la matière ». [21 lignes !]
C’est pourquoi cette volonté de chercher à concilier de force martinésisme et foi dogmatique de l’Eglise n’a strictement aucun sens sur le plan ecclésial, pas plus qu’elle n’en a sur le plan initiatique, puisque conduisant à la constitution d’une impasse catégorique, en forme de perspective fondée sur une analyse vouée à une évidente impossibilité. La seule attitude cohérente, si l’on veut se considérer comme participant véritablement des Ordres dont on prétend être membre, c’est d’assumer clairement la pensée des fondateurs, bien sûr l’interroger, la travailler, l’approfondir ce qui est plus que souhaitable, mais avant tout la respecter dans ses affirmations et fondements essentiels, et non chercher à la tordre ou à la transformer par d’inacceptables contorsions théoriques pour la rendre, dans un exercice improbable, « doctrinalement compatible » avec l’enseignement de l’Eglise.
Reste, ce qui est admissible et sans aucun doute préférable si la contradiction devient trop pénible, la solution de rejoindre l’Eglise et d’y vivre pleinement sa foi de manière non schizophrénique. Nous pensons toutefois qu’une autre voie est envisageable, consistant à admettre la différence doctrinale, la reconnaître honnêtement, et à se considérer comme « cas particuliers » postulant la non-incompatibilité entre la foi et l’anthropologie platonicienne au sein de l’épouse du Christ. Si l’idée d’universalité signifie quelque chose – et les divergences entre courants (augustiniens, thomistes, scotistes, etc.) très opposés, y compris sur l’économie du salut, au sein de la catholicité, en est [sic] un très bon exemple – alors pourquoi l’illuminisme mystique, qui en revient souvent à soutenir les thèses d’Origène après christianisation de Martinès opérée par Willermoz et Saint-Martin lors des Leçons de Lyon (1774-1776), n’aurait-il pas la possibilité d’une humble place, avec sa singularité, à l’intérieur de la maison du Père ? Nous avons la conviction qu'une réponse non fermée a priori peut être apportée à cette question, n’adhérant pas à l’idée que la métaphysique grecque soit totalement contradictoire d’avec le christianisme, ce que nous ne cessons de soutenir depuis longtemps déjà. » (pages 202 à 204)
J’ai cité mot à mot sans y rien changer ce qui est à mon sens le cœur de la thèse de l’auteur, que je répète pour que tout soit bien clair : incompatibilité foncière entre la doctrine de l’illuminisme chrétien abrité dans le willermozisme et l’enseignement dogmatique de l’Eglise du Christ, de quelque confession qu’elle soit. L’auteur en tire ailleurs une conséquence beaucoup plus radicale que celle qui est énoncée ci-dessus :
« Par ailleurs, il convient de noter sur le plan maçonnique l’aspect doctrinal défini et précis du Régime rectifié ce qui est une caractéristique unique dans tout le champ rituel de la franc-maçonnerie, et confère au système willermozien une originalité à nulle autre pareille en le distinguant entièrement des autres Rites, ce qui n’est pas sans provoquer, souvent, de nombreuses incompréhensions. Mais si l’on se dit maçon rectifié et qu’on souhaite le rester – ce qui n’est imposé à personne et relève du libre arbitre de chacun – il faut adhérer à cette doctrine et  la respecter, non chercher à la transformer en voulant la rendre conforme à l’enseignement dogmatique des confessions chrétiennes, fusse-t-il [sic] pour un catholique, et nous mesurons ce qu’une telle affirmation peut avoir d’étonnant, mais il en va ainsi sur le plan initiatique, l’enseignement magistériel de l’Eglise. 
C’est là un devoir supérieur de nature impérieuse, que certains prêtent sous serment au niveau ultime de l’Ordre. De ce fait la pensée de Willermoz, puisqu'il le voulut et fit en sorte que cela soit, n’est pas négociable, adaptable ou modifiable. Elle est un héritage, dont le régime rectifié possède, et lui seul, le dépôt et le devoir de conservation de la sainte doctrine de Moïse ‘’parvenue d’âge en âge par l’Initiation jusqu'à nous’’. » (page 27)
Voilà qui est catégorique et qui ne laisse place à aucune des échappatoires que le texte précédent paraissait ménager.
Pour cerner, non pas complètement mais d’un peu plus près, la pensée de l’auteur, je m’en voudrais, étant donné ce que je suis et où j’écris, d’omettre ces très significatives remarques énoncées en note (page 207, note 128) :
"Gerberon, dans son Histoire du jansénisme (t. I, p. 185), fit savoir : ‘’ Vous avez oublié que vous êtes enfant de l’Eglise latine, et l’Eglise latine ne renvoie pas ses enfants aux Pères grecs, mais à saint Augustin pour savoir ce qu'ils doivent croire et penser des mystères de la grâce. » (dictionnaire de théologie catholique, t. VIII, col. 469). Ce rappel n’est pas sans évoquer l’avertissement solennel de Thomas Bradwardine qui déclarait : « Les Pères grecs sont des fauteurs de Pélagianisme ». (cf. Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Dupin, 1730)."
J’en ai terminé pour aujourd’hui. On aura remarqué que je me suis bien gardé d’émettre quelque remarque que ce soit. Je me réserve pour des temps plus opportuns, quand j’aurai analysé à fond l’ouvrage. Il est appelé sans nul doute à un certain retentissement. Sans mêler ma voix aux trompettes de la renommée, j’ai tenu à en donner un aperçu objectif à ceux qui me font le plaisir de fréquenter ce site.

11 novembre 2012
Fête de saint Martin de Tours, apôtre des Gaules








samedi 10 novembre 2012

Contre les faux docteurs, conteurs de fables


Quelle époque l'apôtre fustige-t-il ? La sienne ? ou bien la nôtre ? 



2e épître de l’apôtre Paul à Timothée

Chapitre 2

23. Τὰς δὲ μωρὰς καὶ ἀπαιδεύτους ζητήσεις παραιτοῦ, εἰδὼς ὅτι γεννῶσιν μάχας.
Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu'elles font naître des querelles.

24 Δοῦλον δὲ κυρίου οὐ δεῖ μάχεσθαι, ἀλλ’ἤπιον εἶναι πρὸς πάντας, διδακτικόν, ἀνεξίκακον,
Or, il ne faut pas qu'un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience ;

25 ἐν πρᾳότητι  παιδεύοντα τοὺς ἀντιδιατιθεμένους: μήποτε δῷ αὐτοῖς ὁ θεὸς μετάνοιαν εἰς ἐπίγνωσιν ἀληθείας,
il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l'espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité,

26 καὶ ἀνανήψωσιν ἐκ τῆς τοῦ διαβόλου παγίδος, ἐζωγρημένοι ὑπ’ αὐτοῦ εἰς τὸ ἐκείνου θέλημα.
et que, revenus à leur bon sens, ils se dégageront des pièges du diable, qui s'est emparé d'eux pour les soumettre à sa volonté.

Chapitre 3

1 Τοῦτο δὲ γίνωσκε, ὅτι ἐν ἐσχάταις ἡμέραις ἐνστήσονται καιροὶ χαλεποί.
Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles.

2 Ἔσονται γὰρ οἱ ἄνθρωποι φίλαυτοι, φιλάργυροι, ἀλαζόνες, ὑπερήφανοι, βλάσφημοι, γονεῦσιν ἀπειθεῖς, ἀχάριστοι, ἀνόσιοι,
Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux,

3 ἄστοργοι, ἄσπονδοι, διάβολοι, ἀκρατεῖς, ἀνήμεροι, ἀφιλάγαθοι,
insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien,

4 προδόται, προπετεῖς, τετυφωμένοι, φιλήδονοι μᾶλλον ἢ φιλόθεοι,
traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu,

5 ἔχοντες μόρφωσιν εὐσεβείας, τὴν δὲ δύναμιν αὐτῆς ἠρνημένοι: καὶ τούτους ἀποτρέπου.
ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force. Éloigne-toi de ces hommes-là.
6 Ἐκ τούτων γάρ εἰσιν οἱ ἐνδύνοντες εἰς τὰς οἰκίας, καὶ αἰχμαλωτεύοντες γυναικάρια σεσωρευμένα ἁμαρτίαις, ἀγόμενα ἐπιθυμίαις ποικίλαις,
Il en est parmi eux qui s'introduisent dans les maisons, et qui captivent des femmes d'un esprit faible et borné, chargées de péchés, agitées par des passions de toute espèce,

7 πάντοτε μανθάνοντα, καὶ μηδέποτε εἰς ἐπίγνωσιν ἀληθείας ἐλθεῖν δυνάμενα.
apprenant toujours et ne pouvant jamais arriver à la connaissance de la vérité.

8Ὃν τρόπον δὲ Ἰαννῆς καὶ Ἰαμβρῆς ἀντέστησαν Μωϋσῇ, οὕτως καὶ οὗτοι ἀνθίστανται τῇ ἀληθείᾳ, ἄνθρωποι κατεφθαρμένοι τὸν νοῦν, ἀδόκιμοι περὶ τὴν πίστιν.
De même que Jannès et Jambrès s'opposèrent à Moïse, de même ces hommes s'opposent à la vérité, étant corrompus d'entendement, réprouvés en ce qui concerne la foi.

9 Ἀλλ’ οὐ προκόψουσιν ἐπὶ πλεῖον: ἡ γὰρ ἄνοια αὐτῶν ἔκδηλος ἔσται πᾶσιν, ὡς καὶ ἡ ἐκείνων ἐγένετο.
Mais ils ne feront pas de plus grands progrès ; car leur folie sera manifeste pour tous, comme le fut celle de ces deux hommes.

***

16 Πᾶσα γραφὴ θεόπνευστος καὶ ὠφέλιμος πρὸς διδασκαλίαν, πρὸς ἔλεγχον, πρὸς ἐπανόρθωσιν, πρὸς παιδείαν τὴν ἐν δικαιοσύνῃ:
Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice,

17 ἵνα ἄρτιος ᾖ ὁ τοῦ θεοῦ ἄνθρωπος, πρὸς πᾶν ἔργον ἀγαθὸν ἐξηρτισμένος.
afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre.

Chapitre 4

1 Διαμαρτύρομαι οὖν ἐγὼ ἐνώπιον τοῦ θεοῦ, καὶ τοῦ κυρίου Ἰησοῦ χριστοῦ, τοῦ μέλλοντος κρίνειν ζῶντας καὶ νεκρούς, κατὰ τὴν ἐπιφάνειαν αὐτοῦ καὶ τὴν βασιλείαν αὐτοῦ,
Je t'en conjure devant Dieu et devant le Seigneur Jésus Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume,

2 κήρυξον τὸν λόγον, ἐπίστηθι εὐκαίρως, ἀκαίρως, ἔλεγξον, ἐπιτίμησον, παρακάλεσον, ἐν πάσῃ μακροθυμίᾳ καὶ διδαχῇ.
prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant.

3 Ἔσται γὰρ καιρὸς ὅτε τῆς ὑγιαινούσης διδασκαλίας οὐκ ἀνέξονται, ἀλλὰ κατὰ τὰς ἐπιθυμίας τὰς ἰδίας ἑαυτοῖς ἐπισωρεύσουσιν διδασκάλους, κνηθόμενοι τὴν ἀκοήν:
Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs,

4 καὶ ἀπὸ μὲν τῆς ἀληθείας τὴν ἀκοὴν ἀποστρέψουσιν, ἐπὶ δὲ τοὺς μύθους ἐκτραπήσονται.
détourneront l'oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables.

5 Σὺ δὲ νῆφε ἐν πᾶσιν, κακοπάθησον, ἔργον ποίησον εὐαγγελιστοῦ, τὴν διακονίαν σου πληροφόρησον.
Mais toi, sois sobre en toutes choses, supporte les souffrances, fais l'œuvre d'un évangéliste, remplis bien ton ministère.

vendredi 9 novembre 2012

Petits arrangements pour ne pas obéir à Dieu




Soren Kierkegaard

En fait, la chose est très simple. La Bible est très simple à comprendre. Mais nous, chrétiens, nous ne sommes qu'une bande d'escrocs rusés.

Nous prétendons être incapables de la comprendre parce que nous savons pertinemment bien qu'à l'instant même où nous comprendrons, nous serons forcés d'agir en conséquence.

Prenez n'importe quelle citation du Nouveau Testament, et oubliez tout, sauf de vous promettre d'agir en accord avec ça. Mon Dieu !, direz-vous, si je fais ça, toute ma vie sera ruinée. Comment pourrai-je réussir en ce monde?

C'est là que se trouve la vraie place de l’exégèse biblique chrétienne. Cette exégèse chrétienne est la prodigieuse invention de l'Église pour se défendre contre la Bible, pour s'assurer que nous puissions continuer à être de bons chrétiens sans que la Bible devienne trop proche..

Oh, précieuse exégèse, que ferions-nous sans toi? Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant.

Oui, mais il est aussi terrible d'être seul avec le Nouveau Testament.

Søren Kierkegaard


 In : "Provocations: Spiritual Writings of Kierkegaard"
                        (édité par Charles E. Moore)



                        source : http://stmaterne.blogspot.fr


mardi 6 novembre 2012

Le pardon et l’action du Saint-Esprit




Le soir de ce même jour, le premier de la semaine, alors que, par peur des Juifs, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient fermées, Jésus vint et se tint au milieu d’eux, et il leur dit : « Paix à vous ! » Et, ayant dit cela, il leur montra et ses mains et son côté.
 Les disciples furent donc remplis de joie à la vue du Seigneur.
            Il leur dit donc de nouveau :
« Paix à vous ! 
                        Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »
            Et, ayant dit cela, il souffla sur eux, et il leur dit :
                        « Recevez l’Esprit-Saint ;
                        les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez,
ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. (Jn 20, 19-23).

Cet épisode, seul Jean le relate en détails, alors que Matthieu ne le mentionne pas et que Marc et Luc (celui-ci dans son évangile et dans les Actes) le décrivent différemment.
Si Jean le Théologien nous fournit ces détails, c’est à cause de leur valeur théologique. Cet épisode est en effet clairement ecclésial.
Le Christ apparaît à l’ensemble de ses disciples (il ne résulte pas clairement du texte de saint Jean si seuls les apôtres – les Onze – sont présents, ou si avec eux sont aussi présents tous les disciples, mais la comparaison avec Luc, qui mentionne « les Onze et leurs compagnons » ([Lc 24, 33] montre que la seconde interprétation est la bonne).
Il apparaît donc à l’ensemble de ses disciples – hormis Thomas, mais son tour viendra huit jours plus tard.
Il leur donne la paix une première fois, puis une seconde fois, c’est-à-dire qu’il confirme son don.
Et sa présence les met en joie. Et l’on sait que la paix et la joie sont, avec l’amour, les dons du Saint-Esprit.
Précisément, il leur donne le Saint-Esprit, et cela, non pas symboliquement, mais effectivement, concrètement, par le souffle de sa bouche.
A ce sujet, il est très important de noter que le verbe « souffla » employé ici, en grec enephusèsen¸ est exactement le même que celui que la Septante a utilisé dans sa traduction du verset 7 du chapitre 2 de la Genèse :
« Le Seigneur Dieu façonna l’homme, poussière tirée du sol, il insuffla dans ses narines un souffle (ou : une haleine) de vie, et l’homme devint une âme vivante ».
Verset auquel fait fidèlement écho ce passage du Livre de la Sagesse (15,11) :
« (L’idolâtre) a méconnu celui qui l’a modelé, qui lui a insufflé (même verbe) une âme agissante et inspiré un souffle vital ».
Et enfin – ce qui est plus important – on retrouve encore le même verbe dans un passage de la prophétie d’Ezéchiel qui est proclamée le Vendredi saint :
« Esprit, vient des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu'ils revivent ! »
Il est donc clair que ce qui s’opère ici, c’est une nouvelle création. Non pas seulement un renouvellement, un renouveau, mais une création totalement nouvelle, par le Verbe et par l’Esprit.
(On peut évoquer le verset 30 du psaume cosmique : « Tu envoies ton souffle et ils sont créés, et tu renouvelles la face de la terre ».)
Auparavant, le Christ a dit à ses disciples :
« Comme mon Père m’a envoyés, je vous envoie ». L’œuvre dont il les charge ainsi, c’est la mission, que la puissance du Saint-Esprit leur permettra d’accomplir, comme l’illustreront d’une manière les Actes des Apôtres, qu’on a pu appeler « l’évangile du Saint-Esprit ».


Enfin, l’autre œuvre qu’il leur confie, c’est la rémission des péchés :
« Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ». Il est important de noter que ce membre de phrase suit immédiatement, au sein de la même phrase, celui où Jésus dit : « Recevez l’Esprit-Saint ».
En effet, la rémission des péchés n’est possible qu’à Dieu : c’est ce que les Juifs, scandalisés, objectaient véhémentement à Jésus à chaque fois qu’il disait à quelqu’un : « Va, tes péchés te sont remis ». Et voici que ce pouvoir divin, exclusivement divin, le Christ le donne à son Eglise.
Je dis bien : son Eglise. En effet, les apôtres sont assemblés, et, la fois suivante, au complet.
C’est donc au collège apostolique que Jésus
-    donne la paix,
-     confie la mission,
-     communique le Saint-Esprit,
-     donne le pouvoir de la rémission des péchés.
Il leur donne tout cela « en bloc », avant de leur envoyer personnellement le Saint-Esprit le jour de la Pentecôte, Saint-Esprit qui, par sa puissance, leur donnera alors à chacun la capacité et la force d’accomplir ce dont le Christ les a chargés. Ce que lui-même leur avait annoncé auparavant en leur disant : « Vous, c’est dans l’Esprit-Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours » (Actes 1, 5) et : « Lorsque le Saint-Esprit descendra sur vous, vous serez revêtus de force, et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1, 8).
Ainsi donc, l’Eglise est fondée – car cet épisode en est le fondement, la vie dynamique lui étant communiquée à la Pentecôte – sur quatre piliers :
-      la paix,
-       la mission (ou l’évangélisation ou le témoignage rendu à Jésus-Christ),
-       la réception du Saint-Esprit,
-        la rémission des péchés ou le pardon.
Si un seul de ces piliers manque, l’Eglise s’effondre.
Le pardon, en l’occurrence, est ce qu’on peut appeler le pardon sacramentel : le pardon donné en  Eglise et par l’Eglise, pardon donné au nom du Christ et par la vertu puissante du Saint-Esprit.
De ces trois éléments étroitement liés :
-   la puissance du nom du Christ (« Il n’est pas d’autre nom sous le ciel par lequel nous devions être sauvés », proclame Pierre devant le Sanhédrin [Actes 4, 12]),
-      la réception du Saint-Esprit,
-      la rémission des péchés,
le troisième est la conséquence des deux premiers, mais il dépend aussi d’une condition sine qua non : le repentir.
Ainsi que le déclare l’apôtre dans son discours à la foule le matin de la Pentecôte (Actes 2, 14-40, en particulier 38) :
« Repentez-vous, et que chacun soit baptisé au nom de Jésus- Christ pour la rémission des péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit ». Je reviendrai plus tard sur le repentir.
Je veux, à ce point de mon exposé, mettre en relief un point important : dans l’Eglise, pour que celle-ci soit conforme aux desseins du Seigneur, pour que nos célébrations soient justes, pour que nous puissions dire sans hypocrisie : « En paix, prions le Seigneur », il faut à tout prix pratiquer le pardon entre frères.
C’est une prescription du Christ lui-même (Mt 5, 23-24) :
« Si tu présentes ton offrande sur l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, et alors viens présenter ton offrande ».


Remarquons bien ce dont il est question ici : non pas des griefs ou de la rancune que je peux éprouver contre mon frère, mais bien de ceux que mon frère éprouve contre moi, même si je n’en éprouve pas moi-même, et même si ces griefs et cette rancune ne sont pas fondés ! C’est extraordinairement exigeant !
Mais il faut remarquer aussi que cette prescription figure dans la liste des huit prescriptions que l’on trouve dans le chapitre 5 de saint Matthieu à la suite des Béatitudes – huit prescriptions, comme les huit Béatitudes – et cela dans un passage qui commence par :
« Car je vous dis que si votre justice n’abonde pas plus que celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 5, 20)
et s’achève par :
« Vous serez donc parfaits, vous, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 47).
Ces huit prescriptions – dont la dernière n’est autre que celle d’aimer ses ennemis – sont, comme les huit Béatitudes, un passeport pour le Royaume des cieux. Elles sont hors de portée des hommes...mais « à Dieu rien n’est impossible ». En l’occurrence, c’est l’action du Saint-Esprit sanctificateur – action qu’il serait sacrilège de dissocier de celle des deux autres Personnes divines, mais qui pourtant lui est propre –qui rend parfait.
Je passe maintenant à un autre sujet, et c’est cette fois la parabole du fils prodigue qui me fournira mon thème, lequel est le pardon personnel, j’entends par là le pardon demandé et reçu pour soi-même.
Inutile de la relire, chacun l’a en mémoire. Rappelons simplement que cette histoire est celle de l’homme en général, et aussi l’histoire de chacun de nous – et souvent répétée, hélas...Histoire qui n’est pas mythique car elle peut être, et est souvent expérimentée par tout homme dans son existence : Adam, exclu du Paradis par sa faute, c’est-à-dire privé de la familiarité et de l’intimité divines, plongé dans une existence de misère, de malheur, d’hostilité ; mais qui, en fin de compte, se repentant, fait retour à son Père.
Il faudrait davantage de temps pour traiter à fond du repentir. Brièvement, on peut dire ceci : se repentir, c’est faire retour. Se détourner de soi-même et faire retour à Dieu en esprit ; puis faire retour sur soi-même et se considérer en vérité à la lumière divine : roi de l’univers devenu gardien de cochons ; et enfin faire de nouveau retour à Dieu,  non plus seulement en esprit, mais en se présentant devant lui tel que l’on est dans l’entièreté de notre être, et le cœur empli de confiance dans son amour miséricordieux.
Faire retour à son Père qui est Dieu : il faut se déshabituer de voir Dieu comme un Juge ! C’est un Père, et un Père qui nous aime tendrement.
Faire retour à son Père qui est Dieu, c’est aussi reconnaître ce qu’on avait précédemment nié ou renié : un lien de dépendance, non pas servile (même si le fils prodigue dit qu’il n’est plus digne d’être fils, mais mercenaire), mais dans l’amour réciproque. Amour du Père pour son fils et du fils pour son Père. Or seul le Saint-Esprit, qui communique l’amour, peut tisser ce que l’apôtre appelle « le lien de la charité ».
Mais il y a plus. Ce Père, c’est Dieu ; mais comment donc pouvons-nous dire de Dieu qu’il est notre Père ?
Certes, en écoutant le Christ, et d’abord en priant sa propre prière que lui-même nous a enseignée : « Notre Père qui es aux cieux... ». Combien de fois n’a-t-il pas répété à ses disciples que son Père est aussi le nôtre ? La toute dernière fois, c’est à Marie-Madeleine, lorsqu’il lui apparaît le matin même de l’épisode que j’ai relu en commençant, et qu’il lui dit : « Ne me touche pas ! Va-t-en vers mes frères (« frères », et non pas « disciples », ni même « amis », comme à la Cène) et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).
Or comment être, et savoir que l’on est, fils de Dieu ? L’apôtre Paul nous l’enseigne : « Tous ceux qui sont menés par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit de servitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit d’adoption filiale, par lequel nous crions : Abba ! Père ! » (Ro 8, 15).
De la même façon, « nul ne peut dire : Seigneur Jésus, si ce n’est par l’Esprit-Saint » (1Co 12, 3), cet Esprit-Saint que le Père nous a envoyé au nom du Christ « pour demeurer avec nous à jamais » (Jn 14, 16). C’est l’Esprit-Saint qui, en demeurant en nous, en faisant de chacun de nous son habitation et son temple (« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit-Saint de Dieu habite en vous » [1 Co 3, 16]), c’est lui qui nous rend conformes au Christ.
C’est lui, par conséquent, qui nous communique la capacité – qui, autrement, est tout à fait hors de notre portée – d’aimer nos ennemis et de leur pardonner entièrement : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » - parole rapportée par saint Luc, c’est-à-dire, peut-on supposer, confiée à lui par Marie (puisque, selon la tradition, il a recueilli les souvenirs de la Mère de Dieu. Exactement de la même façon, Etienne, le proto-martyr, « rempli de l’Esprit-Saint » (Actes 7, 55), s’écria, pendant qu’on le lapidait : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché ! » (ibid. 60). Il était devenu totalement conforme au Christ !
« Mais – nous avertit l’apôtre - l’homme psychique n’accepte pas les dons de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge » (1Co 2, 14).
Le pardon, il faut bien l’admettre, n’est pas du tout naturel à l’homme. Il est extrêmement difficile de pardonner à autrui, et aussi – les Pères, dont Monseigneur Jean, insistent beaucoup là-dessus – de se pardonner à soi-même, et même de pardonner à Dieu ! L’âme se révolte contre cela.
D’où le précepte que Jésus fait dire au docteur de la Loi qui l’interroge – juste avant la parabole du Bon Samaritain : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même » (Lc 10, 27). Aimer (Dieu, autrui, soi-même) exclut obligatoirement la rancœur et inclut obligatoirement le pardon, le pardon demandé et donné. Le pardon est don, une forme supérieure du don.
C’est le gage de l’entrée dans le Royaume des cieux. Le Christ après la déclaration du docteur de la Loi, conclut : « Tu as correctement répondu ; fais cela, et tu vivras » (ibid. 28). La vie dont il est question ici, c’est évidemment la vie éternelle, que Dieu nous communique par son Esprit en nous rendant conformes à lui.
En effet :
« Si l’Esprit de Celui qui a relevé Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a relevé d’entre les morts le Christ Jésus fera vivre aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous », enseigne saint Paul aux Romains (8, 11), après avoir déclaré : « La loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a libéré de la loi du péché et de la mort » (ibid. 2).
Soyons bien conscients que, réduits à nos propres forces, nous ne pouvons rien, ou pas grand-chose, en tout cas nous ne pouvons rien mener à son achèvement. Nous ne savons ni aimer, ni prier, ni pardonner autrement que médiocrement.
C’est pourquoi le Père qui nous aime tendrement nous envoie son Esprit, qui est aussi l’Esprit de son Fils, pour suppléer à notre faiblesse – mais non à notre paresse : il n’a pas d’indulgence pour les indolents ! Ainsi que l’apôtre Paul l’enseigne aussi aux Romains (Ro 8, 26-27) :
« De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse. Car nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables, et Celui qui scrute les cœurs sait quels sont les désirs de l’Esprit, et que c’est selon Dieu qu’il sollicite en faveur des saints ».
Je conclurai, avec le même apôtre (en modifiant légèrement son texte pour passer du « vous » au « nous ») :
« Je plie les genoux devant le Père, de qui toute paternité aux cieux et sur la terre tire son nom : qu’il nous donne, selon la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit en vue de l’homme intérieur ; que le Christ habite en nos cœurs par le moyen de la foi ; soyons enracinés dans la charité et fondés sur elle, afin d’avoir la force de comprendre avec les saints quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, pour que nous soyons remplis de toute la plénitude de Dieu » (Eph 3, 14-19).


dimanche 4 novembre 2012

L'image de Dieu en l'homme


Saint Jean de Cronstadt: L'image de Dieu en l'homme



Ne confondez pas la personne, formée à l'image de Dieu, avec le mal qui est en elle; car le mal est une infortune du hasard, une maladie, une rêverie diabolique.

Mais l'essence-même de la personne est l'image de Dieu, et celle-ci demeure en dépit de toute déformation.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Rev. A. James Bernstein
Surprised by Christ
Conciliar Press Ministries
Ben Lomond, California,
USA
2008