Un texte de Chesterton qui reste singulièrement d'actualité :
Aujourd’hui l’hérétique se vante de l’être alors que jadis il prétendait être le seul à posséder la vérité. Même dans l’erreur, le critère restait le vrai. Aujourd’hui, en 1905, c’est l’inverse qui s’est imposé : l’erreur se revendique comme telle et réclame ses droits. Rien ne trahit plus singulièrement un mal profond et sourd de la société moderne, que l’emploi extraordinaire que l’on fait aujourd’hui du mot « orthodoxe ». Jadis l’hérétique se flattait de n’être pas hérétique. C’étaient les royaumes de la terre, la police et les juges qui étaient hérétiques. Lui il était orthodoxe. Il ne se glorifiait pas de s’être révolté contre eux ; c’était eux qui s’étaient révoltés contre lui. Les armées avec leur sécurité cruelle, les rois aux visages effrontés, l’État aux procédés pompeux, la Loi aux procédés raisonnables, tous comme des moutons égarés. L’hérétique était fier d’être orthodoxe, fier d’être dans le vrai. Seul dans un désert affreux, il était plus qu’un homme : il était une Église. Il était le centre de l’univers ; les astres gravitaient autour de lui. Toutes les tortures arrachées aux enfers oubliés n’auraient pu lui faire admettre qu’il était hérétique. Or il a suffi de quelques phrases modernes pour l’en faire tirer vanité. Il dit avec un sourire satisfait : « je crois que je suis bien hérétique », et il regarde autour de lui pour recueillir les applaudissements. Non seulement le mot « hérésie » ne signifie plus être dans l’erreur, il signifie, en fait, être clairvoyant et courageux. Non seulement le mort « orthodoxie » ne signifie plus qu’on est dans le vrai, il signifie qu’on est dans l’erreur. Tout cela ne peut vouloir dire qu’une chose, une seule : c’est que l’on ne s’inquiète plus autant de savoir si l’on est philosophiquement dans la vérité. Car il est bien évident qu’un homme devrait se déclarer fou plutôt que de se déclarer hérétique. Gilbert Keith Chesterton
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