vendredi 31 août 2012

Une prière de saint François d'Assise


La sainteté n'a pas de frontières, et les barrières que les hommes édifient entre eux ne montent pas jusqu'au ciel.

Saint François d'Assise, le Séraphique, est un de ceux qui peuvent faire que les chrétiens fraternisent. Il est vénéré dans les pays orthodoxes, tel la Roumanie, et un de ses meilleurs biographes fut un pasteur, Paul Sabatier.


François a vécu jusqu'à l'extrême la radicalité de l'évangile. Demandons-lui son intercession aimante, nous infirmes qui claudiquons sur ce chemin.





Prière de Saint François

Tu es le seul Saint, Seigneur Dieu,
Toi qui fais des merveilles !
Tu es fort, tu es grand,
Tu es le Très-Haut, Tu es le roi tout-puissant,
Toi, Père saint, roi du ciel et de la terre.
Tu es trois et un, Seigneur Dieu,
Tu es le bien, Tu es tout bien, Tu es le souverain bien,
Seigneur Dieu vivant et vrai.
Tu es amour et charité, Tu es sagesse,
Tu es humilité, Tu es patience,
Tu es beauté, Tu es douceur,
Tu es sécurité, Tu es repos,
Tu es joie, Tu es notre espérance et notre joie,
Tu es justice, Tu es mesure,
Tu es toute notre richesse et surabondance.
Tu es beauté, Tu es douceur,
Tu es notre abri, notre gardien et notre défenseur,
Tu es la force, Tu es la fraîcheur.
Tu es notre espérance,
Tu es notre foi,
Tu es notre amour,
Tu es notre grande douceur
Tu es notre vie éternelle,
grand et admirable, Seigneur,
Dieu tout puissant, ô bon Sauveur
*
Que le Seigneur te bénisse et te garde,
Que le Seigneur te découvre sa Face et te prenne en pitié !
Qu’il tourne vers toi son Visage et te donne la paix !

mardi 28 août 2012

A propos (encore) des Pussy Riot




Pussy Riot, une écrivaine suisse nous appelle à la réflexion


Laurent Brayard
27.08.2012, 16:52
                                  

Hélène Richard-Favre est une écrivaine suisse, vivant à Genève, qui a des attaches anciennes avec la Russie, celle d’hier et celle d’aujourd’hui. Par le biais de son blog, qui a été relayé par La tribune de Genève, elle a donné son opinion sur l’affaire des Pussy Riot. Son avis est intéressant, car il s’agit de celui d’une connaisseuse de la culture et du monde russe, une qualité peu courante en Occident. Elle 
a accepté de répondre aux questions de La Voix de la Russie.

Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Hélène Richard-Favre bonjour, je vous remercie tout d'abord de répondre à nos questions, vous êtes donc écrivain et vous résidez en Suisse si j'ai bien compris, vous êtes également russophile et vous avez donné un avis tranché sur l'affaire « Pussy Riot », mais avant tout, dites-nous en un peu plus à votre sujet :

Hélène Richard-Favre : Oui, je suis écrivaine et vis à Genève. J'y ai étudié le russe et connu l'ex-URSS comme étudiante. Depuis 2005, c'est comme écrivain que j'ai été invitée à me rendre en Russie car tous mes recueils de nouvelles ont été traduits en russe et publiés à Moscou. C'est ainsi que j'ai pu mesurer non seulement les changements intervenus depuis l'époque soviétique mais aussi ceux qui se poursuivent d'année en année au sein de la société russe. Cependant, on ne peut se satisfaire d'évaluer la situation de ce pays avec les seuls critères occidentaux. Ainsi doit-on nuancer les appréciations et éviter de tomber dans le cliché ou l'image un peu trop facile et caricaturale. La Russie a une histoire et une culture qui n'ont rien à envier à celles d'autres pays occidentaux. Et cette richesse ne doit pas être occultée par une affaire de punks que certains n'hésitent déjà pas à comparer à d'illustres personnalités du monde artistique ou intellectuel russe. C'est aller un peu vite en besogne et méconnaître soit les unes soit les autres.

La Voix de la Russie : Hélène, venons-en tout de suite au vif du sujet, vous vivez dans un pays partiellement francophone, qui possède une des rares vraies démocraties européennes, vous avez pris une position contre les Pussy Riot, expliquez-nous pourquoi ?

Hélène Richard-Favre : Je tiens à préciser avant tout que ma réaction à l'affaire Pussy Riot a surtout consisté à indiquer dans ses grandes lignes le parcours de ce groupe et son lien à celui qui a été fondé en 2007 et qui s'appelle Voïna (guerre). Il m'a aussi paru nécessaire de situer cette affaire dans un contexte plus large que celui de la prestation des Pussy Riot dans la Cathédrale du Christ Sauveur de Moscou. Dès lors, je me permettrai de nuancer votre propos. Je n'ai pas pris position contre les Pussy Riot. J'ai retracé les grandes lignes de leur parcours et invité à réfléchir sur l'accueil que l'on réserverait à ce genre d'actions en Occident. Car les raccourcis empruntés par certains medias plus prompts à stigmatiser la Russie actuelle que de s'interroger sur la portée des prestations de ce groupe m’ont laissée songeuse.

J'ai avant tout réagi à certains propos simplificateurs et réducteurs qui ont accompagné le traitement médiatique de ce dossier en Occident. Dans le déferlement d'articles qui a suivi le procès et son verdict, je n'ai trouvé que bien peu d'appréciations nuancées. Or un tel dossier ne peut s'envisager de manière manichéenne. Il pose de graves questions qui ont trait à l'identité profonde de chacun, croyant ou non, et ne se résume pas à l'attaque en règle d'un pays dont n'on a vu remonter à la surface que ses aspects les plus sombres.

La Voix de la Russie : Les Pussy Riot comme vous le faites remarquer dans votre blog ont fait de la provocation un système, elles se définissent comme punks mais moi-même étant fan de cette musique, je leur conteste ce « titre », qu'en pensez-vous vous-mêmes, qu'est-ce qui peut bien motiver ces jeunes filles ?

Hélène Richard-Favre : Il m'est difficile de me prononcer sur leur statut de punk. Par contre, les liens entre le groupe Voïna et Bansky, l'une des figures les plus représentatives du Street art, sont établis. Pour le reste, je connais mal la musique dont vous vous dites vous-même fan, je ne m'estime dès lors pas en mesure d'évaluer la qualité de celle des Pussy Riot. Ce qui frappe, par contre, est la violence de leurs prestations. Elles ont certes déclaré vouloir la guerre, elles l'ont menée et elles en paient désormais le prix. Mon dernier sujet de blog évoque cet aspect de leur action et ses conséquences. http://voix.blog.tdg.ch/archive/2012/08/23/la-guerre.html

La Voix de la Russie : Le fait que vous soyez une femme, et peut-être une mère, est intéressant, j'aimerais avoir à ce sujet un avis plus intime, celui de votre genre bien que vous ne puissiez y être réduite bien entendu, mais qu'est-ce qui vous choque à ce propos, dans votre essence au sujet des Pussy Riot ?

Hélène Richard-Favre : Ma réaction a été dictée davantage par la quête du sens des actions de ce groupe de femmes que par un regard de femme porté sur d'autres. Ainsi, les scènes sexuelles filmées dans un musée ou dans un supermarché ne m'ont pas paru relever de l'art. S'exhiber dans des lieux tels qu'un musée ou un supermarché face à une caméra qui filme des scènes de type orgiaque alors que l'une des femmes était enceinte[1], ne m'a pas semblé dénoter une esthétique à relever. C'est plutôt insulter l'art que l'honorer.

La Voix de la Russie : En Europe l'affaire des Pussy Riot est instrumentalisée comme un outil de combat pour « casser du curé » comme nous pourrions le dire vulgairement en France, les FEMEN qui nous avaient habitué à autre chose ont réalisé un acte encore plus incroyablement provocateur en sciant un Christ en Ukraine planté là en l'honneur des victimes de Staline, que pensez-vous de cela et de leur appel à la population à s'attaquer aux « églises russes » ?

Hélène Richard-Favre : L'image de cette femme filmée seins nus en train de scier une croix est un acte outrancier et outrageant. Je ne le conçois pas comme artistique.

La Voix de la Russie : Peut-être ne le savez-vous pas, mais le groupe Anonymous dans la foulée des professionnels de la provocation ont attaqué et bloqué le site du tribunal de Moscou pendant un certain temps, pour « défendre les Pussy Riot », tandis que Madonna lors de son dernier concert à Moscou a piétiné une croix orthodoxe au talon durant son spectacle en portant une cagoule Pussy Riot, les provocations ne manquent pas, je voudrais savoir comment vous expliquez cette orgie soudaine qui de mon avis propre ne fait que commencer ?

Hélène Richard-Favre : Vous ne croyez pas si bien dire ! Cet après-midi, un groupe punk a investi la Cathédrale Saint-Pierre de Genève pour manifester son soutien aux Pussy Riot et réclamer leur libération. Il n'y a pas eu de dégâts matériels mais un lieu de culte a été violé. Et à Genève, c'est une première que la Cathédrale le soit. Aucune plainte n'a été déposée. Pour ma part, j'ai réagi par la publication immédiate d'un nouvel article. Le cinquième depuis vendredi, jour du jugement des Pussy Riot. http://voix.blog.tdg.ch/archive/2012/08/24/geneve-punk-a-la-cathedrale.html

La Voix de la Russie : Dans un de mes propres articles je disais que les Pussy Riot réalisaient là surtout une opération financière de grande envergure pour leur « carrière future », pensez-vous effectivement que leur fortune est faite, via les contrats qui pleuvront sur elles à leur sortie de prison ?

Hélène Richard-Favre : Je n'ai pas réfléchi à cet aspect. Je me suis plutôt demandé quels étaient les appuis dont bénéficiaient les Pussy Riot pour mener leur guerre au pouvoir en place. Car ce besoin de détruire par la violence physique et symbolique a peut-être rencontré d'autres intérêts que ceux affichés par les Pussy Riot. C'est une question qui se pose et qui mériterait qu'on s'en préoccupe. Ne serait-ce que pour y apporter l'infirmation ou la confirmation du bien-fondé.

La Voix de la Russie : Vous avez parlé des buts des Pussy Riot, notamment celui d'ébranler l'image de la Russie, dans une guerre de l'information, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi et qui pourrait y avoir intérêt ?

Hélène Richard-Favre : La couverture médiatique du procès des Pussy Riot et surtout celle du verdict a relevé de l'inflation. Par ailleurs, lire quelques grands titres de la presse française évoquer le Goulag ou convoquer les ombres de personnalités du passé politique ou culturel russe plutôt que de se borner à rendre compte d'une peine infligée en 2012 à des jeunes provocatrices russes m'a semblé inadapté. C'est ce traitement démesuré d'une information qui méritait un simple relai qui m'a paru n'avoir de raison que celle de refléter le but avoué des Pussy Riot d'attaquer le pouvoir de leur pays.

Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Je vous remercie sincèrement d'avoir donné votre avis et de nous avoir fait partager vos analyses pertinentes et je vous dis merci aussi de nous faire l'honneur de nous suivre sur le site de La Voix de la Russie. Merci à vous Hélène Richard-Favre et à bientôt !




[1] Ce que les médias occidentaux se sont bien gardés de révéler…

A propos des "Pussy Riot"...


Je publie pour information et sans commentaire le communiqué suivant :

Déclaration du Conseil ecclésial suprême de l’Eglise orthodoxe russe à propos de la sentence prononcée à l’égard des personnes ayant souillé l’espace sacré de la cathédrale du Christ Sauveur

« Nous estimons que les expressions de compassions à l’égard des personnes appréhendées émanant des enfants de l’Eglise ainsi que de personnes qui n’en font pas partie sont quelque chose de tout à fait naturel ».
Le Conseil ecclésial suprême de l’Eglise orthodoxe russe vient de publier une déclaration officielle à propos de la sentence prononcée par le Tribunal du district de Khamovniki (Moscou) en ce qui concerne les actes de vandalisme commis dans la cathédrale du Christ Sauveur. Le Conseil estime nécessaire de clarifier la position de l’Eglise quant aux actes blasphématoires en question ainsi qu’à propos de la sentence judiciaire qui vient d’être prononcée. Reconnaissant la necéssité d’une réaction adéquate de la part de l’Etat nous rappelons que la hiérarchie de l’Eglise n’a pas compétence à formuler des appréciations d’ordre juridique.
Il ressort des prérogatives exclusives de la justice laïque de définir les sanctions à appliquer. L’Eglise ne dispose pas de moyens d’exercer son influence sur le cours de la justice et ne souhaite pas en disposer. Notre analyse de ce qui s’est passé n’est en rien d’ordre politique ou esthétique. Le devoir pastoral de l’Eglise consiste à formuler une appréciation spirituelle et morale des évènements qui se sont produits. Il s’agit d’actes de blasphème, de sacrilège et d’offenses conscientes et délibérées contre ce qui est Saint, de manifestations brutales d’hostilité à l’égard des sentiments éprouvés par des millions de personnes. Il est par conséquent impensable d’accepter les affirmations selon lesquelles ce qui s’est produit à l’intérieur de la cathédrale serait une prière dite d’une manière non traditionnelle.
Malheureusement ces affirmations ont induit beaucoup de gens en erreur. Nous pensons à particulier à certains membres de l’Eglise mal informés des paroles blasphématoires et révulsantes qui ont été proférées à l’ambon de la cathédrale du Christ Sauveur. Cet esclandre est la suite d’une série d’actes immoraux commis en public par les mêmes personnes et leurs acolytes. Ces actes étaient restés impunis. Le blasphème est un péché très grave. Un orthodoxe ne saurait commettre d’actes blasphématoires, y participer, les approuver de manière directe ou indirecte. Il convient de différencier les péchés commis contre la personne humaine et ceux commis contre Dieu.
Si un chrétien devient, en tant que personne, la victime d’un péché il a vocation à pardonner celui qui l’a offensé. Mais il est impossible de pardonner un péché commis contre Dieu sans que le pêcheur n’exprime devant Lui sa profonde contrition. L’Evangile nous dit que le Christ a pardonné ceux qui lui ont porté atteinte en tant que personne mais qu’il nous a en même temps prévenu du danger de pêcher à l’égard de l’Esprit Saint : « Mais quiconque aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura jamais de rémission » (3, 29). Le blasphème est la manifestation suprême de l’ennemi de Dieu, ce que nous dit le livre de la Révélation : «Alors elle se mit à proférer des blasphèmes contre Dieu, à blasphémer son nom et sa demeure, ceux qui demeurent au ciel » (Ap. 13, 6).
Accorder, au nom de Dieu, le pardon à celui ne se repent pas devant Lui d’actes blasphématoires serait de la part de l’Eglise s’approprier un pouvoir qui ne Lui a pas été conféré. « Si un homme pêche contre un autre homme, Dieu sera l’arbitre, mais si c’est contre Yahvé que pêche un homme, qui intercèdera pour lui ? « (1S. 2, 25). Les pêcheurs qui ne se sont pas repentis sont livrés au Jugement de Dieu : «A moi la vengeance et la rétribution » (Dt. 32, 35 ; Rm. 12, 19).
Les exactions dans les églises l’avilissement des reliques vénérées par le peuple et les manifestations de haine à l’égard de l’Eglise sont nombreuses dans l’histoire. Ces actes émanent toujours de forces qui n’ont apporté au peuple ni la paix, ni le bien-être, ni la liberté. Au XX siècle la haine contre la religion de même que la haine ethnique ont fait des millions de victimes. Notre peuple a subi la cruauté de l’athéisme militant ainsi que l’agression fasciste. Cette expérience a été une leçon tragique qui a formé en nous une sensibilité particulière à l’égard des humiliations infligées aux sentiments religieux et nationaux. Aussi, la provocation des haines et des animosités d’ordre religieux et national porte toujours une menace de chocs destructeurs.
Comment maintenir les fondements de la société sans manifester notre respect à l’égard de ceux qui sont tombés pour la Patrie ? Les actes blasphématoires commis dans une cathédrale érigée à la mémoire des guerriers russes de la campagne de 1812 sont particulièrement provocateurs alors que nous célébrons le deux centième anniversaire de leurs exploits. Un Etat qui respecte ses citoyens se doit de ne pas tolérer l’humiliation des sentiments qu’éprouvent les fidèles, les comportements blasphématoires et le vandalisme visant les monuments historiques. La jurisprudence dont il est question a pour but de prévenir des récidives de ces comportements.
Sans remettre en question le bien-fondé de cette décision de justice nous nous adressons aux autorités les priant de manifester, dans le cadre de la loi, leur compassion à l’égard des personnes condamnées, ceci dans l’espoir qu’elles renonceront à réitérer ces comportements blasphématoires.
L’Eglise exprime sa gratitude à tous ceux qui Lui ont accordé leur soutien et condamné le blasphème ainsi que protesté d’une manière pacifique contre ces comportements. Nous estimons que les expressions de compassions à l’égard des personnes appréhendées émanant des enfants de l’Eglise ainsi que de personnes qui n’en font pas partie sont quelque chose de tout à fait naturel. Il nous faut discerner le péché de la personne du pêcheur, il nous faut condamner l’acte et espérer la contrition du pêcheur. Dieu cherche le salut des pêcheurs et les exhorte au repentir. De même l’Eglise aspire à la paix et à la guérison des plaies infligées par les comportements blasphématoires et hostiles.
L’Eglise s’adresse à ceux dont les sentiments religieux et nationaux ont été profondément humiliés par ces comportements ainsi que la par la campagne de propagande qui les a suivi les priant de s’abstenir de toute volonté de vengeance et de tout acte illicite et d’autant plus violent. En même temps l’Eglise donne sa bénédiction aux actions civiques pacifiques visant à protéger le peuple orthodoxe et les reliques qu’il vénère du blasphème et de l’hostilité.
Nous exhortons tous les fidèles de l’Eglise orthodoxe russe de se maintenir dans la paix et la prière.
Traduction :  «Parlons d'orthodoxie »
Source : Patriarhia;ru

lundi 27 août 2012

Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles



















Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles
Volumes 1 & 2

Je viens de recevoir ce double pavé de 1676  pages au total... Pas spécialement le format d'un ouvrage à lire sur la plage !

Oeuvre d'un père jésuite espagnol réputé, mort il y a neuf ans à l'âge de 86 ans, elle avait été annoncée et recommandée en termes élogieux par Jean-Claude Larchet sur le site orthodoxie : tout arrive ! 

Le sujet est particulièrement passionnant : le christianisme primitif  dans toutes ses composantes, celles qui s'agrégèrent pour constituer ce qu'on appelle la Grande Eglise, et les autres non reçues par elle, qu'elles soient simplement déviantes ou franchement hérétiques. Bien évidemment, saint Irénée y occupe une place de choix : presque 200 occurrences ! Car c'est lui qui occupe le medium perfectum.

Une lecture cursive des titre des 49 chapitres et de leur sous-sections montre que 100 ou 200 ans après la vie terrestre du Sauveur étaient déjà posés, analysés et discutés tous les thèmes essentiels de la destinée de l'homme, thèmes toujours d’actualité comme le prouvent les controverses qui surgissent ici ou là sur les réseaux sociaux. Et l'on constate aisément que la discussion n'a guère avancé depuis 1 800 ans, elle aurait même plutôt régressé, de pair avec la baisse du niveau de la culture.

Je reviendrai assurément sur cet ouvrage, somme de toute une vie de labeur et qui fera date, j'en suis convaincu. En attendant, je vous invite à prendre connaissance de la présentation qui en faite par l'éditeur.


traduction de l'espagnol par Joseph M. Lopez de Castro
revue et complétée par Agnès Bastit et Jean-Michel Roessli
avec la collaboration de Bernard Jacob et Pierre Molinié
liminaire de Luis F. Ladaria
avant-propos de Jean-Michel Roessli
Cerf , Paris
collection Patrimoines
collection Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles , numéro 1
Parution :  juin 2012
Résumé
Cette somme englobe la littérature chrétienne des deuxième et troisième siècles, y compris gnostique et apocryphe. Elle s'inscrit dans une vision de la théologie de l'histoire : à chaque étape, les auteurs sont mis en relation dans une discussion qui éclaire les passages scripturaires, objet de cette confrontation. Leur première réception est ainsi éclairée, dessinant un christianisme pluriel.
Quatrième de couverture
Christianisme

Cette introduction est une somme qui englobe toute la littérature chrétienne des IIe et IIIe siècles, de quelque provenance que ce soit, y compris gnostique ou apocryphe. Elle s'inscrit dans une vision de la théologie de l'histoire et adopte donc un plan correspondant aux étapes du plan divin de salut, depuis le Dieu inconnu et son entreprise créatrice jusqu'à l'accomplissement final du cosmos et de l'humanité, en passant par l'action de l'Esprit dans le temps et l'incarnation du Verbe en Jésus. L'enjeu est cosmique, mais surtout anthropologique : il s'agit de comprendre quel salut est apporté par quel Sauveur.

À chaque étape, les auteurs chrétiens, qu'ils soient gnostiques ou « orthodoxes », sont mis en relation et inaugurent sous les yeux du lecteur une discussion féconde qui éclaire les passages scripturaires, objets de cette confrontation. Il en résulte une vision d'ensemble à la fois simple et riche, qui renouvelle en grande partie la représentation reçue du christianisme primitif et de son rapport au texte biblique. Les versets de l'Écriture ainsi commentés apparaissent sous un jour inédit, représentatif de leur toute première réception dans les communautés chrétiennes. Se dessine alors un christianisme pluriel, traversé de tensions, mais non éclaté, car partageant les mêmes problématiques.

mardi 14 août 2012

Dormition & Assomption de la Toute Sainte Mère de Dieu (Panaghia Theotokos)


LA DORMITION DE LA TOUTE SAINTE MÈRE DE DIEU
par Vladimir Lossky


icône de la Dormition  galerie Tretyakov Moscou

La fête de la Dormition de la Mère de Dieu, connue en Occident sous le nom de l’Assomption, comprend deux moments distincts mais inséparables pour la foi de l’Église : la mort et l’ensevelissement de la Mère de Dieu ; et sa résurrection et son ascension. L’Orient orthodoxe a su respecter le caractère mystérieux de cet événement qui, contrairement à la résurrection du Christ, n’a pas fait l’objet de la prédication apostolique. En effet, il s’agit d’un mystère qui n’est pas destiné aux oreilles de « ceux de l’extérieur », mais se révèle à la conscience intérieure de l’Église. Pour ceux qui sont affermis dans la foi en la résurrection et l’ascension du Seigneur, il est évident que, si le Fils de Dieu avait assumé sa nature humaine dans le sein de la Vierge, celle qui a servi à l’Incarnation devait à son tour être assumée dans la gloire de son Fils ressuscité et montéE au ciel. « Ressuscite, Seigneur, en ton repos, toi et l’Arche de ta sainteté » (Ps 131, 8, qui revient à maintes reprises dans l’office de la Dormition). « Le cercueil et la mort » n’ont pas pu retenir « la Mère de la vie » car son Fils l’a transférée dans la vie du siècle futur (kondakion).

La glorification de la Mère est une conséquence directe de l’humiliation volontaire du Fils : le Fils de Dieu s’incarne de la Vierge Marie et se fait « Fils de l’homme », capable de mourir, tandis que Marie, en devenant Mère de Dieu, reçoit la « gloire qui convient à Dieu » (vêpres, ton 1) et participe, la première parmi les êtres humains, à la déification finale de la créature. « Dieu se fit homme, pour que l’homme soit déifié » (S. Irénée, S. Athanase, S. Grégoire de Nazianze, S. Grégoire de Nysse [PG 7, 1120 ; 25, 192 ; 37, 465 ; 45, 65] et d’autres Pères de l’Église). La portée de l’incarnation du Verbe apparaît ainsi dans la fin de la vie terrestre de Marie. « La Sagesse est justifiée par ses enfants » (Lc 7, 35) : la gloire du siècle à venir, la fin dernière de l’homme est déjà réalisée, non seulement dans une hypostase divine incarnée, mais aussi dans une personne humaine déifiée. Ce passage de la mort à la vie, du temps à l’éternité, de la condition terrestre à la béatitude céleste, établit la Mère de Dieu au-delà de la résurrection générale et du jugement dernier, au-delà de la parousie qui mettra fin à l’histoire du monde. La fête du 15 août est une seconde Pâque mystérieuse, puisque l’Église y célèbre, avant la fin des temps, les prémices secrètes de sa consommation eschatologique. Ceci explique la sobriété des textes liturgiques qui laissent entrevoir, dans l’office de la Dormition, la gloire ineffable de l’Assomption de la Mère de Dieu (l’office de « l’Ensevelissement de la Mère de Dieu », 17 août, d’origine très tardive, est au contraire trop explicite : il est calqué sur les matines du Samedi saint («Ensevelissement du Christ»).

La fête de la Dormition est probablement d’origine hiérosolymitaine. Cependant, à la fin du IVe siècle, Éthérie ne la connaît pas encore. On peut supposer néanmoins que cette solennité n’a pas tardé à apparaître, puisque au VIe siècle, elle est déjà répandue partout : S. Grégoire de Tours est le premier témoin de la fête de l’Assomption en Occident (De gloria martyrum, Miracula I, 4 et 9 - PL 71, 708 et 713), où elle était célébrée primitivement en janvier (le missel de Bobbio et le sacramentaire gallican indiquent la date du 18 janvier). Sous l’empereur Maurice (582-602) la date de la fête est définitivement fixée au 15 août (Nicéphore Calliste, Hist. Eccles., 1. XVII, c. 28 - PG, 147, 292).

Parmi les premiers monuments iconographiques de l’Assomption, il faut signaler le sarcophage de Santa Engracia à Saragosse (début du IVe siècle) avec une scène qui est très probablement celle de l’Assomption (Dom Cabrol, Dict. d’archéol. chrét., I, 2990-94) et un relief du VIe siècle, dans la basilique de Bolnis-Kapanakéi, en Georgie, qui représente l’Ascension de la Mère de Dieu et fait pendant au relief avec l’Ascension du Christ (S. Amiranaschwili, Histoire de l’art géorgien (en russe, Moscou, 1950), p. 128 ). Le récit apocryphe qui circulait sous le nom de S. Méliton (IIe siècle), n’est pas antérieur au commencement du Ve siècle (PG, 5, 1231-1240). Il abonde en détails légendaires sur la mort, la résurrection et l’ascension de la Mère de Dieu, informations douteuses que l’Église prendra soin d’écarter. Ainsi, S. Modeste de Jérusalem (+634), dans son « Éloge à la Dormition » - (Encomium, PG 86, 3277-3312), est très sobre dans les détails qu’il donne : il signale la présence des Apôtres « amenés de loin, par une inspiration d’en haut », l’apparition du Christ, venu pour recevoir l’âme de sa Mère, enfin, le retour à la vie de la Mère de Dieu, « afin de participer corporellement à l’incorruption éternelle de celui qui l’a fait sortir du tombeau et qui l’a attirée à lui, de la manière que lui seul connaît ». (Patrologia Orientalis, XIX, 375-438.) L’homélie de S. Jean de Thessalonique (+vers 630) ainsi que d’autres homélies plus récentes – de S. André de Crète, de S. Germain de Constantinople, de S. Jean Damascène (PG 97, 1045-1109 ; 98, 340-372 ; 96, 700-761) – sont plus riches en détails qui entreront aussi bien dans la liturgie que dans l’iconographie de la Dormition de la Mère de Dieu.

Le type classique de la Dormition dans l’iconographie orthodoxe se borne, habituellement, à représenter la Mère de Dieu couchée sur son lit de mort, au milieu des Apôtres, et le Christ en gloire recevant dans ses bras l’âme de sa Mère. Cependant, quelquefois, on a voulu signaler également le moment de l’assomption corporelle : on y voit alors, en haut de l’icône, au-dessus de la scène de Dormition, la Mère de Dieu assise sur un trône dans la mandorle, que les anges portent vers les cieux.

Sur notre icône (Paris, XXe siècle), le Christ glorieux entouré de mandorle regarde le corps de sa Mère étendu sur un lit de parade. Il tient sur son bras gauche une figurine enfantine revêtue de blanc et couronnée de nimbe : c’est « l’âme toute lumineuse » (vêpres, stichère du ton 5) qu’il vient de recueillir. Les douze Apôtres « se tenant autour du lit, assistent avec effroi » (vêpres, stichère du ton 6) au trépas de la Mère de Dieu. On reconnaît facilement, au premier plan, S. Pierre et S. Paul, des deux côtés du lit. Sur quelques icônes, on représente en haut, dans le ciel, le moment de l’arrivée miraculeuse des Apôtres, rassemblés « des confins de la terre sur les nues » (kondakion, ton 2). La multitude d’anges présents à la Dormition forme parfois une bordure extérieure autour de la mandorle du Christ. Sur notre icône, les vertus célestes qui accompagnent le Christ sont signalées par un séraphin à six ailes. Trois évêques nimbés se tiennent derrière les Apôtres. Ce sont S. Jacques, « le frère du Seigneur », premier évêque de Jérusalem, et deux disciples des Apôtres : Hiérothée et Denys l’Aréopagite, venus avec S. Paul (kondakion, ton 2 ; voir le passage des Noms divins du Pseudo-Denys sur la Dormition : III, 2 PG, 3, 681). Au dernier plan, deux groupes de femmes représentent les fidèles de Jérusalem qui, avec les 633 évêques et les Apôtres, forment le cercle intérieur de l’Église où s’accomplit le mystère de la Dormition de la Mère de Dieu.

L’épisode d’Athonius, un Juif fanatique qui eut les deux mains coupées par le glaive angélique, pour avoir osé toucher à la couche funèbre de la Mère de Dieu, figure sur la plupart des icônes de la Dormition. La présence de ce détail apocryphe dans la liturgie (tropaire de l’ode 3) et l’iconographie de la fête doit rappeler que la fin de la vie terrestre de la Mère de Dieu est un mystère intime de l’Église qui ne doit pas être exposé à la profanation : inaccessible aux regards de ceux de l’extérieur, la gloire de la Dormition de Marie ne peut être contemplée que dans la lumière intérieure de la Tradition.

Article paru dans Le Messager de l’Exarcat du Patriarcat russe en Europe occidentale, n° 27, juillet-septembre 1957.

N.B.L'icône reproduite ci-dessus n'est pas exactement celle que décrit Vladimir Lossky mais en est très proche.

dimanche 5 août 2012

Homélie de saint Léon le Grand sur la Transfiguration


Homélie de saint Léon le Grand sur la Transfiguration

Sermon 51, 3-4

L'Eglise fête aujourd'hui la Transfiguration du Seigneur à laquelle sont associés trois dans le ciel : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, trois sur la hauteur: Moïse, Elie et le Fils de l'Homme, et trois sur la terre : Pierre, Jacques et Jean.

Le Christ manifeste ainsi sa nature humaine glorifié, qui fut celle d'Adam aux origines et qui sera celle que le Nouvel Adam communiquera à la fin des temps à tous ceux des humains qui auront accepté son salut.

Un détail non négligeable à relever : Satan, qui parodie sacrilègement tout ce que Dieu fait, a choisi cette même date du 6 août pour inciter l'homme à faire exploser à Hiroshima la bombe atomique, cette gloire luciférienne.  


Transfiguration monastère sainte Catherine du Sinaï (VIe siècle)


Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: « Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Matthieu 13,43). Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: « J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous » (Romains  8,18). Et encore: « Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Colossiens 3,3-4).

Cependant, pour confirmer les apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: « Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins » (Deutéronome 19,15).

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.

Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement ; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: « Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (Jean 1,17). En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute ma dilection ; écoutez-le ! » (Matthieu 17, 5)

samedi 4 août 2012

DEVENIR ET RESTER UN CHRÉTIEN ORTHODOXE


DEVENIR ET RESTER UN chrétien orthodoxe
Exposé donné lors d'un pèlerinage orthodoxe à Felixstowe en août 2001

INTRODUCTION
Nous entendons parfois des gens raconter comment ils en sont venus à rejoindre l'Eglise orthodoxe. Bien que chaque histoire soit intéressante, et parfois même extraordinaire, je pense que les histoires racontant comment des gens sont restés de fidèles chrétiens orthodoxes malgré les tentations seront de plus grande utilité. Comme il est écrit dans l’évangile: "C'est à votre constance que vous devrez votre salut" (Luc 21,19).

De plus, je n'ai pas intitulé cet entretien "Comment entrer dans l'Eglise orthodoxe" mais "Comment devenir et rester un chrétien orthodoxe." Car rejoindre l'Eglise orthodoxe ou devenir un membre de l'Eglise orthodoxe, cela concerne des changements externes, et ce n'est pas la même chose que "devenir un chrétien orthodoxe," qui concerne des changements intérieurs. Et rester un chrétien orthodoxe est encore plus important, c'est pourquoi j'ai consacré 3 fois plus de temps à cette partie-là qu'à comment devenir chrétien orthodoxe.


DEVENIR orthodoxe – CONVERSION ET INTÉGRATION
Définissons d'abord nos termes en parlant d'un nombre de mots qui sont utilisés dans ce contexte. Tout d'abord, il y a la phrase nulle "orthodoxe de naissance." Cela n'existe pas. Personne n'est "né orthodoxe", nous sommes tous nés païens. C'est pour cela que nous exorcisons d'abord puis baptisons. Plus acceptables sont les termes, "né dans une famille orthodoxe" et "orthodoxe depuis le berceau". Il est intéressant de noter que les gens qui utilisent avec condescendance des termes comme "orthodoxe de naissance" appellent les enfants des "convertis"… des "convertis".

Ensuite il y a le mot "converti." Lorsque des gens disent qu'ils sont convertis, je leur demande d'abord : "Convertis à quoi?" Au folklore grec? A l'alimentation russe? Au pharisaïsme? A la nostalgie d'un anglicanisme ou d'un catholicisme-romain démodés? A un passe-temps intellectuel de syncrétisme?

Il est vrai, en un sens, que nous sommes tous, toujours, des convertis, parce que nous avons tous à constamment nous convertir au Christ. C'est le sens du Psaume 51. Le roi-prophète David aussi fut un converti, un "né de nouveau", après son grand péché. Hélas, le mot "converti" n'est en général pas utilisé dans ce sens spirituel mais dans un sens séculier. J'espère que quand les gens s'appellent eux-mêmes "convertis", ils veulent dire qu'ils sont convertis au christianisme (qui est le mot correct pour orthodoxie). J'espère aussi que quand ils disent qu'ils sont "convertis", cela signifie qu'ils ont été très récemment reçus dans l'Eglise. Hélas, je dois admettre que ce n'est pas toujours le cas. Les années passant, j'ai rencontré des gens qui étaient entrés dans l'Eglise orthodoxe dix, vingt, trente ans auparavant voire plus, et qui étaient encore des "convertis" et même qui s'appelaient eux-mêmes "convertis". Et ceci même dans le cas de certains clercs, prématurément ordonnés.

Cela me dépasse, car cela signifie que même après des années comme membres "de nom" de l'Eglise orthodoxe, ils ne sont pas encore devenus chrétiens orthodoxes, ils n'ont pas encore intégré l'Eglise, ils n'ont pas encore grandit naturellement dans l'orthodoxie, et il ne mènent toujours pas un genre de vie orthodoxe, ils n'ont pas encore acquis cet instinct d'orthodoxie, qui signifie que l'orthodoxie est leur unique demeure spirituelle, qu'elle est leur os et leur sang, qu'ils respirent l'orthodoxie parce que leurs âmes sont orthodoxes. Ils souffrent de l'affliction spirituelle du "convertitisme". Ils sont restés néophytes. Ils n'ont accompli que ce que le diable voulait qu'ils accomplissent – être incomplets. C'est pourquoi les Russes, faisant un jeu de mot sur le mot russe "konvert", qui signifie une enveloppe, disent plutôt vrai en parlant de certains convertis : "le problème avec le 'konvert', c'est qu'il est soit souvent vide, ou souvent décollé."…

Il peut y avoir bien des raisons à cet état de convertitisme. Ce peuvent être des gens qui sont rentrés dans l'Eglise orthodoxe et n'ont pas trouvé de paroisse où aller, au moins avec des offices dans une langue qu'ils pourraient comprendre. Par exemple, j'ai rencontré des gens qui avaient été orthodoxes depuis quarante ans mais n'avaient jamais participé à une vigile pascale dans leur propre langue! J'ai rencontré des gens qui étaient orthodoxes depuis cinq ans et n'avaient jamais assisté à la moindre vigile pascale, parce que leur communauté orthodoxe locale n'a que dix liturgies par an et uniquement des samedis matin ! J'ai rencontré des gens qui étaient orthodoxes depuis soixante ans et n'avaient jamais été à des vêpres ou un office de vigile! En d'autres mots, de telles personnes n'ont jamais eu l'opportunité d'apprendre et de s'intégrer. Cependant, il y a malheureusement aussi d'autres raisons pour lesquelles des gens ne s'intègrent pas dans la vie de l'Eglise.

En principe, le clergé ne devrait recevoir quelqu'un au sein de l'Eglise orthodoxe que pour des raisons positives. Le fait est qu'il y a des gens qui souhaitent rejoindre l'Eglise orthodoxe pour des raisons négatives, par exemple par dégoût pour une Eglise ou un membre de son clergé. C'est de la psychologie, pas de la théologie, et en plus, pas très saine, ni très chrétienne, comme psychologie.

Je me souviens comment dans les années 1970, celui qui est à présent l'évêque Kallistos [Ware] me raconta comment un groupe de convertis lui avaient demandé d'écrire un livre dénonçant toutes les hérésies de l'anglicanisme. Les convertis en question, et ils étaient en effet convertis, étaient bien entendu tous des ex-anglicans! Ils n'avaient pas compris que leur motivation, à tous, provenait de leurs problèmes psychologiques personnels, de leur réaction, qu'ils étaient occupés à masquer derrière leur zèle passionné. C'est fort justement que l'évêque Kallistos refusa d'écrire quelque chose de négatif. En tout cas, aucun orthodoxe n'aurait acheté le bouquin, parce qu'il n'aurait pu être de quelqu'utilité que ce soit pour des néophytes ex-anglicans. Ce fut un livre en moins à réduire en pâte !

Habituellement, un prêtre sait découvrir si les motivations de ceux qui souhaitent rejoindre l'Eglise orthodoxe sont négatives rien qu'en attendant de voir si ces gens viennent aux offices religieux. Habituellement, ces gens super-zélés qui aiment lire à propos de la foi ou parler de la foi dans des forums ou ailleurs, sont ces mêmes personnes qui font de l'absentéisme à l'église. Leur zèle se passe tout dans la tête ou dans leurs émotions, pas dans leur cœur et âme, et dès lors pas dans leur vie et leur pratique.

Ensuite, il y a ceux qui ont été attirés à l'Eglise par une découverte durant un voyage. J'appelle ces gens des "orthodoxes de vacances." Leur attirance n'est souvent pas vers le Christ, mais vers une culture étrangère et exotique – et plus exotique c’est, mieux c'est ! Menant une vie très monotone, l'Eglise orthodoxe leur donne quelque chose pour rêver, habituellement leurs prochaines vacances en Crête ou quelque part du genre. A nouveau, un prêtre sait facilement découvrir si leur intérêt est sérieux en regardant s'ils viennent à l'église. En général, ils ne viennent pas, parce qu'ils ne sont pas en vacances! Hélas, certains d'entre eux ont été reçus dans l'Eglise par des prêtres manquant de discernement, dans leur lieu de villégiature, que ce soit en Roumanie, Russie, Grèce, Chypre, au Mont Athos ou ailleurs. Ne connaissant rien de la foi orthodoxe, ils se présentent sur le pas de votre porte et vous avez à leur expliquer que bien qu'ils soient membres de l'Eglise orthodoxe, ils ne sont en réalité pas encore devenus orthodoxes. Souvent, de toute manière, de telles personnes peuvent bien vous téléphoner, mais en général ne viendront jamais à un office à l'église, parce qu'ils auront cessé de pratiquer avant de s'être préparés à venir à l'église.


Ensuite il y a ces gens qui viennent avec leur propre agenda, souvent des "je-sait-tout", qui ont lu tous les livres existant sous le soleil, mais n'ont pas encore la moindre idée de la lettre A de l'ABC chrétien. Et ils arrivent avec leurs desiderata qu'ils souhaiteraient imposer! "Oui, je veux rejoindre l'Eglise orthodoxe, mais à condition qu'elle ait d'abord été 'réformée' et 'modernisée'!" - "Oui, c'est bon ainsi, mais je voudrais qu'on rajoute quelques hymnes occidentaux avant le Canon!", ou "Je ne rejoindrai l'Eglise orthodoxe que lorsqu'elle célébrera Pâques en même temps que ma tante Suzanne qui est protestante!", ou "Tout est parfait sauf que vous utilisez beaucoup trop de cierges. Retirez ces cierges et je rejoindrai l'Eglise orthodoxe." - "Je ne deviendrai orthodoxe que si vous avez une icône de S. François d'Assise!" - "Je ne rejoindrai l'Eglise orthodoxe qu'à condition que tout le monde y vote pour le parti politique XYZ et aille en vacances en Toscane!". Ce sont peut-être des exemples extrêmes, mais ce sont des exemples authentiques. Ce sont tous des exemples de manque d'humilité. Aucun prêtre ne devrait recevoir des gens pareils au sein de l'Eglise pour la simple raison qu'ils n'aiment pas et n'acceptent pas l'Eglise et son Maître le Christ. Il n'y a qu'un seul critère pour entrer dans l'Eglise orthodoxe, c'est parce que vous êtes convaincus que c'est pour votre salut personnel, pour votre survie spirituelle, parce que c'est la sainte volonté de Dieu pour vous, parce que vous savez que c'est votre demeure spirituelle, et que quelqu'en soit le prix, vous ne pourrez jamais être rien d'autre.

Récemment, un prêtre qui avait reçu des gens dans l'Eglise au cours des vingt dernières années me raconta que la liste de gens qu'il avait reçus et qui avaient fait défection était plus longue que celle de ceux qu'il avait reçus et qui avaient persévéré. Ce prêtre est relativement prudent quand il s'agit de recevoir les gens, mais je connais deux autres paroisses où la liste des défections est au moins vint fois plus longue que celle des persévérants. Dans les deux cas, je dois admettre que c'est la politique de la paroisse qui est à remettre en cause. Présentez-vous y et demandez, et vous serez automatiquement reçus dans l'Eglise endéans les deux semaines, sans la moindre instruction.

Mais pourquoi alors est-ce que des gens abandonnent la pratique de la foi à laquelle ils ont choisit d'appartenir de leur plein gré? Si nous examinons cette question, peut-être pourrons-nous apprendre quelques leçons qui sont utiles pour nous et qui pourrons nous aider à rester un fidèle orthodoxe.

Tout d'abord, nous devons nous examiner nous-mêmes. A quoi sommes-nous en fait attachés dans l'Eglise? Il y en a qui disent : "C'était si merveilleux à l'église aujourd'hui! Le chant était si beau, l'encens sentait si bon!" Des paroles pareilles me font penser qu'il est peu probable que cette personne revienne. De telles personnes semblent avoir un feu intérieur qui éclate dans un jaillissement d'enthousiasme et d'émotion. Mais comme tous les feux vifs, ils brûlent vite et ne laissent que des cendres froides. Cet attachement aux apparences et à l'exotisme est dangereux, parce que nous passons à côté de l'essentiel.

L'attachement aux apparences peut s'étendre aux vêtements, langues, nourriture et folklore étrangers. Je me souviens d'une paroisse russe en Belgique, on savait directement qui y étaient les convertis : les hommes portaient des barbes de paysans russes du XIXe  siècle, et les femmes portaient des longues jupes sans élégance et semblaient porter une nappe de table sur la tête. Vous saviez qui étaient les Russes parce qu'ils étaient habillés normalement. Dans une paroisse grecque ici, il y avait deux prêtres, un Grec et un converti. Vous reconnaissiez directement qui était le converti parce qu'il portait d'énormes robes à large manches et un énorme chapeau-cheminée sur sa tête ; le Grec ne portait qu'une tunique. Dans une autre paroisse russe, les Russes parlaient toujours de chanter, de Noël et de Pâques, mais les "convertis" (et c'est bien ce qu'ils étaient) parlaient de "psalmodier" et "la Nativité" et "Pascha." Un vrai Russe, né en Union Soviétique, me raconta un peu cruellement pourquoi il aimait le converti de sa paroisse "parce qu'il me fait marrer avec tout son folklore." Le zèle non-éclairé est toujours ridicule.


Le zèle doit être canalisé afin d'atteindre quelque chose de positif. J'ai un ami Chypriote grec, né et élevé à Londres, qui me raconta que son plat préféré était le steak et la tourte aux rognons, et que c'était la première chose qu'il mangeait à Pâques lorsque le jeûne était finit. Je lui ai demandé s'il mangeait parfois dans un restaurant grec. Il répondit : "Oh non, ça c'est juste bon pour les Anglais." Il me raconta aussi comment à Londres, dans les mariages entre Chypriotes, les invités avaient l'habitude d'attacher des billets de banque aux vêtements du nouveau couple, une sorte de cadeau de mariage. Lorsque pour la première fois il vit un mariage à Chypre, alors qu'il avait 25 ans, les gens là-bas ne firent pas cela. Pourquoi? Parce qu'ils avaient cessé de le faire dans les années 1960, considérant cela comme une sorte de coutume paysanne primitive. En d'autres termes, ils avaient cessé de le faire après que la plupart de leurs compatriotes Chypriotes grecs avaient émigré à Londres, mais ceux à Londres avaient conservé la vieille coutume des années 1950. Et voilà que les convertis veulent imiter cette coutume morte !

A cet égard, j'ai rencontré récemment un autre "converti" qui venait de rentrer de vacances en Grèce, et en parlait avec beaucoup d'enthousiasme comme étant une "terre sainte" pleine de "saintes personnes," parce que "les orthodoxes sont saints". Hé bien, je ne peux que supposer qu'il a dû passer tout son séjour dans d'excellents monastères – en passant, tous les monastères ne sont pas excellents. Je recommanderais à de telles personnes d'aller visiter les prisons grecques. Elles sont pleines d'orthodoxes – des voleurs, des assassins, des violeurs, des proxénètes, des escrocs orthodoxes. Vous pouvez le dire, ils sont tous orthodoxes! Voyez-vous, la nature humaine est la même dans le monde entier.

Ce que je veux dire c'est que si nous nous attachons aux apparences, alors nous devrions d'abord nous demander à nous-mêmes : à quelles apparences sommes-nous donc attachés? Si nous ne faisons pas preuve de discernement, nous pourrons en effet avoir l'air fort bête. Toutes les apparences ne sont naturelles que si elles reflètent ce qui est en nous. Si le christianisme orthodoxe est en nous, alors nos apparences seront celles de tout chrétien orthodoxe. Nous gagnerions certainement à prendre l'habitude de visiter d'autres paroisses orthodoxes, des pays où il y a beaucoup d'églises orthodoxes, observant et analysant notre aspiration à l'authenticité. La pire des choses ce sont ces petites communautés de "convertis", refermées sur elles-mêmes, et qui ne voient jamais rien d'autre. Elles peuvent finir par avoir des pratiques qui n'existent nulle part ailleurs sur terre, et cependant penser être "plus orthodoxes" que qui que ce soit d'autre! A nouveau, l'humilité est la solution pour guérir cette maladie, et l'humilité commence avec le réalisme, pas avec la fantaisie. Aucune spiritualité n'a jamais été fondée sur de la fantaisie. Sans une sobre humilité, il y a toujours l'illusion, qui est suivie par le découragement et la dépression. C'est la loi spirituelle.

Voir la réalité d'églises orthodoxes est un excellent remède contre la maladie des fantaisies. Se rappeler que certaines Eglises orthodoxes sont des Eglises d'Etat, et que bien d'autres ont des mentalités d'Eglise d'Etat. Une expérience qui donne à réfléchir, c'est la rencontre avec un certain nombre de ces diacres, prêtres et évêques qui se vantent de combien "ils gagnent" comme salaire, qui sont "hors service" à partir de 17h et les lundis et jeudis, et qui ne peuvent dès lors pas y célébrer de funérailles, qui disent qu'être dans le clergé c'est un bien meilleur boulot que ce qu'ils auraient autrement dû faire parce qu'ils n'étaient pas trop brillants à l'école et que l'alternative c'était être larbin dans une usine. .. Mais c'est la réalité. Le contact avec cette réalité peut être de grand secours pour mettre un terme au zèle non-éclairé, aux ghettos de convertis, à tout ce que j'appelle "l'effet de serre". Cela ramène les gens les pieds sur terre, et cela leur rappelle que c'est là où il devrait se trouver, car notre religion est la religion de l'Incarnation. Ce que les autres pensent et font, ce ne sont pas nos affaires, notre tâche c'est le salut de notre propre âme.

A cet égard, une des principales raisons pour laquelle certains convertis ne cessent pas d'être des convertis et ne deviennent pas orthodoxes, c'est parce qu'ils n'ont pas de travail. Le besoin de gagner votre pain quotidien, d'être avec d'autres personnes, est un excellent moyen pour que les gens commencent à vivre leur foi (au lieu de juste y réfléchir). Ceci peut éviter ce qu'on appelle les tentations de la gauche et de la droite. Les tentations de gauche sont le laxisme, la faiblesse, le compromis, l'indifférence. Les tentations de droite sont : juger sévèrement les autres, le zèle méprisant du Pharisien, "le zèle non-éclairé." Ces tentations sont d'un danger équivalent et doivent être autant combattues les unes que les autres. Toutes amènent à un gaspillage d'une quantité énorme de temps et d'énergie dans des distractions telles que la discussion sur des problèmes sans intérêt genre l'œcuménisme, plutôt que de prier. Vivre dans la société est le moyen qui nous permet d'apprendre à nous connaître nous-mêmes, voir nos défauts et éviter de nous fourvoyer dans des problèmes théoriques. 

Certains sont vraiment imbus d'eux-mêmes! Certains sont vraiment pleins de suffisance et se gonflent. D'abord – si vous le leur permettez – ils vont vous détailler l'histoire de leur vie, et ensuite ils vont vous raconter les derniers ragots à propos du prêtre X, de l'évêque Y, et ensuite de la juridiction Z. Et cela quand bien même ils ne connaîtraient pas l'ABC de la foi d'un enfant. Cependant, le fait est que le christianisme, et c'est ce dont nous parlons, ce n'est rien de tout cela. Si vous n'avez pas de contact avec la réalité, alors vous n'apprendrez jamais les choses réelles. La vie de l'Eglise n'a rien à voir avec toute cette absurdité. Il n'y a rien de plus ennuyeux que de discuter de la personnalité et des activités d'autrui, clergé ou laïc, sauf bien sûr du péché les concernant, car le péché est toujours ennuyeux, c'est toujours la même chose. Posez la question à quelqu'un qui écoute des confessions !

La vie d'Eglise, c'est : qui va faire le café? Qui va faire la vaisselle? Qui va s'occuper des fleurs? Qui va tondre la pelouse? Qui va préparer et cuire les prosphores? Qui va nettoyer les toilettes? Saint Nectaire accomplissait cette dernière tâche alors qu'il enseignait à Athènes, quand bien même il portait l'imposant titre de "métropolite de la Pentapole". Alors comment pourrions-nous nous en plaindre? Après tout, c'est une des premières tâches confiées aux novices dans les monastères !

Bien entendu, ce ne sont pas les principales tâches dans la vie de l'Eglise. Continuons :

La vie d'Eglise, c'est : Qui va apprendre à chanter? Qui va venir à tous les offices à l'église? Qui va respecter tous les jeûnes de l'Eglise? Qui va lire chaque jour ses prières matinales et vespérales? Qui va se préparer consciencieusement pour la confession et la communion? Qui va lire tous les jours les lectures prévues de l'évangile et de l'épître? Et en fait, si vous voulez la réalité brute, qui choquera certains "convertis": la vie d'Eglise c'est aussi: qui paiera les factures? Oui, la vie d'Eglise, cela concerne l'engagement, la chose qui manque le plus dans notre culture actuelle, tiédasse et médiocre. Etre un chrétien, et je vous le rappelle, c'est tout ce que le mot "orthodoxe" signifie, c'est très difficile. Depuis le Christ, personne n'a jamais dit autre chose. Sans un engagement ferme, nous ne resterons jamais orthodoxes. Etre chrétien, c'est aimer Dieu et aimer son prochain. Si nous ne sommes pas préparés ne fût-ce qu'à l'essayer et le mettre en pratique, alors ça n'ira jamais. Malheureusement, certains pensent qu'être un chrétien orthodoxe – je sais, c'est un raisonnement vide, un cercle vicieux – ça ne concerne pas l'amour de Dieu et de son prochain. Ils pensent qu'il s'agit de lire des bouquins, d'avoir des opinions, de condamner autrui, de manger de la nourriture étrange, d'être intolérant, ou de porter des vêtements bizarres. Notre Seigneur n'a jamais rien dit de tout cela. Il a dit : "Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres" (Jean 13,34). Le fait est que tous les chrétiens étaient autrefois chrétiens orthodoxes, mais la plupart n'ont pas compris et ont chuté.

Le christianisme orthodoxe, ce n'est pas être reçu dans l'Eglise orthodoxe et puis dire : "Ça y est, j'y suis arrivé." C'est entrer dans l'arène, c'est se trouver sur la croix. J'ai souvent entendu des anglicans dire: "Je sais que l'orthodoxie, c'est l'authentique, mais je n'y parviendrais jamais." Je suppose que cela a au moins le mérite de l'honnêteté. Je pense toujours à ces paroles de ce saint prêtre, Clément d'Alexandrie, au IIIe siècle: "Si l'homme n'est pas couronné par le martyre, veillez à ce qu'il ne soit pas loin de ceux qui le sont." La solution, c'est de lire l'évangile selon saint Jean, d'avoir une règle de prière quotidienne. "Le Royaume des cieux est pris par la force", dit l'évangile. 

La nostalgie se définit par un attachement au passé. Ce n'est pas chrétien, quand bien même nous trouverions naturel et humain d'avoir de l'indulgence envers nous-mêmes de temps à autre. Le problème est que cela nous détourne de vivre dans la réalité du temps présent, ce que nous sommes supposés faire. Certains par exemple vous diront qu'ils ne peuvent pas rester orthodoxes parce que cela signifie qu'ils ne pourraient plus faire ce qu'ils avaient l'habitude de faire – aller au bistrot les samedis soirs, ne plus manger de viande les dimanches durant les jeûnes. D'autres vous diront qu'ils trouvent non-hygiénique le fait d'embrasser des icônes, des reliques, la main du prêtre (et même prendre la communion) – ils n'ont jamais eu l'habitude de le faire. On se demande pourquoi de telles personnes se sont donné la peine de venir ici !

Oui, je comprends les problèmes des mariages mixtes, les problèmes de régime alimentaire, le problème de rendre visite à des parents qui ne sont pas orthodoxes, le problème des calendriers. Alors, voici deux choses. La première, l'Eglise n'est pas un bâton qui est là pour nous décourager. Mais souvent, les gens se fabriquent leur propre bâton pour se battre eux-mêmes. Si nous rendons visite à un parent durant une période de jeûne et qu'il nous offre de la nourriture non-carémique, l'Eglise ne nous dit pas d'être des bigots auto-satisfaits et de refuser. Elle nous dit d'être humbles. Certains disent : "Je ne peux pas manger cela car je suis saint." Oh oui, nous avons tous entendu cela, sinon dans ces termes-là, au moins dans cet esprit. Si l'oncle Alfred de votre épouse est terriblement malade, cloué sur son lit d'hôpital et désespérément seul et que la seule solution pour lui rendre visite, c'est le dimanche matin, alors l'Eglise nous dit d'aller lui rendre visite. C'est mieux que de refuser d'emmener votre épouse parce que vous avez besoin de la voiture pour aller "à mon église" et puis avoir une querelle familiale. Le bon sens commun et le discernement dans nos choix sont essentiels.

En ce qui concerne les mariages mixtes, le discernement est vital. J'ai vu des "convertis" orthodoxes harceler et harceler leur conjoint pour devenir membre de l'Eglise orthodoxe. Le résultat est toujours négatif. D'un autre côté, j'ai vu des gens attendre patiemment, 10, 20 ou 30 ans durant, sans ne fût-ce que mentionner la possibilité d'entrer dans l'Eglise orthodoxe, et pour finir, l'autre conjoint demandait spontanément à y entrer. C'est l'exemple de patience chrétienne du conjoint qui avait converti.

Dans les petites paroisses anglaises de l'Eglise orthodoxe, certains des problèmes d'isolement rencontrés par beaucoup qui se joignent à l'Eglise orthodoxe ont été résolus, au moins en partie. Si vous allez dans ce que j'appelle des "paroisses d'Eglise d'Etat", vous ne trouverez pas souvent du café ou du thé après l'office, ou quelqu'un avec qui parler. Inversement, la plupart des paroisses anglaises ont une salle paroissiale. Là, après la liturgie ou un office de semaine, les orthodoxes isolés, de quelqu'origine que ce soit, peuvent se rencontrer. Une personne venue chez nous, provenant d'Europe orientale, voyant cela, dit : "Ici, c'est comme dans l'Eglise ancienne". Bien sûr, elle ne voulait pas dire que nous étions "saints" ou quelque chose du genre, mais elle voulait dire que dans notre communauté, nous étions proches, nous nous connaissions les uns les autres.
Et ceci ne veut en rien dire qu'ici c'est "mieux" qu'en Europe orientale; c'est simplement que nous avons à former une communauté, avec une salle paroissiale, avec café et thé, parce que sinon nous ne pouvons pas survivre en tant que petit groupe minoritaire confessant des valeurs spirituelles dans le grand désert spirituel de la Grande-Bretagne moderne [- ou quelqu'autre pays d'Occident; note du traducteur]. C'est notre survie, c'est notre famille et communauté de substitution dans la société actuelle, fragmentée, individualiste, consumériste et sans vie relationnelle. Ce n'est pas nécessaire dans certaines parties de l'Europe orientale, parce que tout le monde y est orthodoxe, donc la communauté orthodoxe est tout autour de vous. Mais ici ce n'est plus le cas. 


A présent, j'aborderai un problème très particulier qui concerne spécialement l'Anglais contemporain, et en particulier, le caractère anglican. La culture protestante ambiante en Grande-Bretagne pour au moins les six dernières générations a rendu les gens très "coincés" et réservés, ce qui est en réalité une forme d'orgueil. Pour nombreux Anglais, il est très difficile d'aborder la confession, un important sacrement dans l'Eglise orthodoxe. C'est pourquoi dans des cultures protestantes un peu moins coincées, comme dans ces Etats-Unis imprégnés de culture de l'introspection, bien que les gens n'aillent pas se confesser, ils vont chez leur psychothérapeute. Là, ils peuvent tout dire, et puisqu'ils paient, ils peuvent s'y entendre dire qu'ils sont des gens bien comme il faut. La confession est différente de cela. C'est une question délicate, et je pense qu'il est bon de parler de vos réserves avec un prêtre en dehors de la confession avant même d'aller en confession. Apprenez d'abord à vous connaître mutuellement. 

Voici un certain nombre de choses à comprendre: Premièrement, aucune confession n'est faite à un prêtre. C'est à Dieu, en présence d'un prêtre, qui est supposé essayer de donner quelques conseils judicieux. La plupart des prêtres n'auront aucune objection à ce que vous vous confessiez auprès d'un autre prêtre, hors de votre propre paroisse. Certains se réjouiront même que vous le fassiez ! Trouvez le bon confesseur, qui vous convienne. S'il vit fort loin, donnez-lui votre confession par téléphone, courrier électronique ou lettre. Il vous répondra et ensuite vous irez chercher l'absolution auprès de votre prêtre local qui est au courant de cet arrangement. C'est la solution utilisée par les épouses et enfants des prêtres. Elle pourrait l'être par vous.
Pour finir, comme je l'ai déjà dit, il n'y a rien de plus ennuyeux que le péché. Je suis toujours surpris lorsque des gens viennent en confession et s'attendent à ce que je me souvienne de leur dernière confession. J'oublie toujours les choses ennuyeuses. Un des meilleurs pères confesseurs que j'aie jamais rencontré était presque totalement sourd. Après avoir dit ma partie, dont il n'avait quasiment rien entendu, il me donnait quelques-uns des meilleurs conseils que j’aie jamais reçus.

Il est inévitable que vous ne vous entendrez pas toujours avec tout le monde dans votre paroisse. Ainsi en est-il de la nature humaine. Mais ce n'est pas une raison pour vous en aller, claquant la porte, et ne restant pas orthodoxe. Peut-être passez-vous trop de temps à l'église en dehors des offices? Oui, nous prenons une tasse de café ou de thé après l'office, mais vous n'êtes pas obligé de rester. Certains des meilleurs orthodoxes ne restent pas ! Peut-être vos relations sont-elles trop proches avec les autres paroissiens ? Est-ce que ces personnes-là ne sont pas dans la même situation ? Si vous n'avez pas de centres d'intérêt communs, autres qu'avoir une foi commune, pourquoi passer tant de temps avec eux ? Passer trop de temps avec des gens avec qui vous avez si peu en commun en termes de caractère et de goûts est une bonne recette pour les conflits. Après tout, vous n'êtes pas marié avec eux !

Et il en est de même concernant votre relation avec le prêtre. Vous pouvez avoir quelque chose en commun en matière de personnalité. Mais peut-être pas. Peut-être ne le trouverez vous "pas assez monastique" ou peut-être le trouverez-vous trop "libéral" [laxiste, moderniste, ndt], ou peut-être tout simplement profondément ennuyeux. Bon, d'accord, mais aller à l'église n'a rien à voir avec une étroite amitié avec le prêtre et acheter les mêmes céréales pour petit-déjeuner que lui. Franchement, si vous savez ce qu'il mange au petit-déjeuner, alors vous le connaissez un peu trop bien.

Un autre domaine de conflits dans la vie paroissiale ce sont les assemblées et conseils paroissiaux. Dans la plupart des paroisses orthodoxes, ils ont lieu une fois par an, après la liturgie dominicale, durant le Grand Carême. Et cependant, j'ai entendu de certains groupes de convertis qu'ils se réunissent sans cesse, une fois par mois voire plus, discutant toujours des mêmes vieux trucs. C'est quelque chose qui vient de l'anglicanisme, pas d'une pratique orthodoxe. Franchement, cette sorte de vie est "presqu'incestueuse", beaucoup trop de proximité pour être à l'aise. La discussion de détails pointilleux n'est pas seulement ennuyeuse, mais c'est aussi une perte de temps. Pire encore, certains s'y impliquent de manière passionnée et s'attachent aux détails. Je me souviendrai toujours d'une personne, professeur d'Université, dans une réunion paroissiale il y a quelque 25 ans d'ici, qui déclara que si on repeignait le plafond de l'église en bleu, il n'y remettrait plus jamais les pieds. En fait, il ne l'a pas fait. Il est mort peu après…

Que retiendrez-vous de cet exposé? J'espère les points suivants :

Nous rentrons dans l'Eglise et nous restons dans l'Eglise afin de sauver nos âmes, et rien d'autre. L'Eglise n'est pas un loisir, un jeu, un intérêt privé, un prétexte, ou même une communauté. C'est le salut de nos âmes. Nous y réussissons en étant d'abord nous-mêmes et ensuite en étant le meilleur de nous-mêmes. S'il y a quoique ce soit d'autre, tout cela est secondaire. Nous ne devons jamais perdre cela de vue. Si nous le faisons, alors nous nous trompons et nous sommes sur la voie pour quitter l'Eglise.

Afin de sauver nos âmes, nous devons d'abord nous connaître nous-mêmes, recherchant et découvrant nos propres fautes, péchés et défauts. Ensuite, nous devons les prendre à bras le corps et les combattre, mais progressivement et en douceur, et commencer à les dompter, et ne jamais laisser tomber ce combat. Nous saurons que nous ne sommes pas occupés à cela à chaque fois que nous commencerons à nous occuper des fautes des autres. Si notre fierté personnelle est blessée au cours de la vie ecclésiale, Dieu merci. C'est pour ça que nous y sommes, pour devenir humble.

Ce texte est long, peut-être trop long pour beaucoup de mes visiteurs ; mais je me suis régalé en le lisant, et je pense que certains d'entre eux se régaleront aussi. Merci à mon ami Pierre B. de me l'avoir fait découvrir !
Il est empreint de ce réalisme teinté d'humour qui est un des traits les plus attachants du caractère anglais.
Et s'ils concernent au premier chef les orthodoxes, bien des faits gentiment moqués peuvent aussi se rencontrer dans les autres "dénominations", comme on dit en anglais, c'est-à-dire les autres confessions. Nulle n'est à l'abri !