Sur la condition du premier Adam, l’Homme paradisiaque, beaucoup d’approximations et d’incertitudes sont proférées, tant nos facultés intellectuelles sont inaptes à appréhender réellement ce qu’elle fut. En effet, ce n’est qu’en apparence que notre intellect est illimité. Il le paraît relativement à nos facultés corporelles ; néanmoins il est tributaire de conditionnements tels le temps et l’espace, qui sont hérités de la chute. Non que le temps ni l’espace n’existassent point dans l’existence paradisiaque, mais ce n’étaient ni notre espace géographiquement borné ni notre temps chronologiquement mesuré. C’étaient un méta-espace et un méta-temps (ce dernier probablement analogue au « temps des anges ») dont on peut seulement dire qu’ils étaient, sans plus, puisqu’ils nous sont, au sens propre, inconcevables.
La raison est donc impuissante à nous dire là-dessus quoi que ce soit d’assuré. La raison, oui ; mais la sagesse venue de Dieu, l’illumination du Saint-Esprit ? Le Saint-Esprit, selon la promesse du Christ, « [nous] enseignera toutes choses » (Jn, 14, 26).
Ecoutons donc ceux dont l’esprit illuminé par l’Esprit a eu la révélation des mystères cachés aux intelligents. Ceux-là sont les saints, dont la parole n’est pas verbiage mais est inspirée en-haut.
Ecoutons ce que le Saint-Esprit nous révèle à travers les propos de saint Séraphim de Sarov.
Entretien avec Motovilov
« Le Seigneur Dieu a créé Adam de la glaise du sol dans l’état dont parle l’apôtre Paul quand il affirme : ‘‘Que votre esprit, votre âme et votre corps soient parfaits à l’avènement du Seigneur Jésus-Christ’’ (1 Th 5, 23).
« Toutes ces trois parties de notre être furent créées de la glaise du sol. Adam ne fut pas créé mort, mais créature animale agissante, semblable aux autres créatures vivant sur terre et animées par Dieu. Mais voilà qui est important. Si Dieu n’avait pas insufflé ensuite dans la face d’Adam ce souffle de vie, c’est-à-dire la grâce du Saint-Esprit procédant du Père et reposant sur le Fils et envoyé dans le monde à cause de lui, tout parfait qu’il était et supérieur aux autres créatures, Adam serait resté privé de l’Esprit déifiant et serait semblable à toutes les créatures ayant chair, âme et esprit conformément à leur espèce, mais privées à l’intérieur de l’Esprit-Saint qui apparente à Dieu. A partir du moment où Dieu lui donna un souffle de vie, Adam devint, d’après Moïse, une âme vivante¸c’est-à-dire en tout semblable à Dieu, éternellement immortel. Adam avait été créé invulnérable. Aucun des éléments n’avait pouvoir sur lui. L’eau ne pouvait pas le noyer, le feu ne pouvait pas le brûler, la terre ne pouvait pas l’engloutir et l’air ne pouvait pas lui nuire. Tout lui était soumis comme au préféré de Dieu, comme au propriétaire et roi des créatures. Il était la perfection même, la couronne des œuvres de Dieu et admiré comme tel.
« Le souffle de vie qu’Adam reçut du Créateur le remplit de sagesse au point que jamais il n’y eut sur terre et que probablement jamais il n’y aura un homme aussi rempli de connaissance et de savoir que lui. Quand Dieu lui ordonna de donner des noms à toutes les créatures, il les nomma selon les qualités, les forces et les propriétés de chacune conférées par Dieu.
« Ce don de la grâce divine supranaturelle, venant du souffle de vie qu’il avait reçu, permettait à Adam de voir Dieu se promener dans le paradis et de comprendre ses paroles, ainsi que la conversation des saints anges et le langage de toutes les créatures, des oiseaux, des reptiles vivant sur la terre, tout ce qui est nous dissimulé, à nous, pécheurs, depuis la chute mais qui, avant la chute, était tout à fait clair pour Adam.
« La même sagesse, la même force et le même pouvoir, ainsi que toute autre sainte et bonne qualité, avaient été conférés par Dieu à Eve, au moment de sa création, non de la glaise du sol, mais de la côte d’Adam dans l’Eden des délices, au paradis éclos au milieu de la terre.
« Afin qu’Adam et Eve puissent toujours commodément entretenir en eux leurs propriétés immortelles, parfaites et divines venant du souffle de vie, Dieu planta au milieu du paradis l’arbre de vie, dans les fruits duquel il enferma toute la substance et la plénitude des dons de son divin souffle. Si Adam et Eve n’avaient pas péché, ils auraient pu, eux et leurs descendants, en mangeant des fruits de cet arbre, entretenir en eux la force vivifiante de la grâce divine, ainsi qu’une plénitude immortelle, éternellement renouvelée, des forces corporelles, psychiques et spirituelles, un non-vieillissement perpétuel, un état de béatitude qu’actuellement notre imagination a de la peine à se représenter.
« Mais ayant goûté au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal avant l’heure et contrairement aux commandements de Dieu, ils connurent la différence entre le bien et le mal et devinrent la proie des désastres qui s’abattirent sur eux après qu’ils eurent enfreint le commandement divin. Ils perdirent le don précieux de la grâce du Saint-Esprit et, jusqu’à la venue sur terre de Jésus-Christ, Dieu-Homme, ‘‘ l’Esprit n’était pas dans le monde, car Jésus n’était pas encore glorifié’’ (Jn 7, 39). »
[…]
« Lorsque notre Seigneur Jésus-Christ acheva son œuvre de salut, ressuscité des morts il souffla sur les apôtres, renouvelant le souffle de vie dont jouissait Adam et leur redonnant la même grâce qu’Adam avait perdue […] »
Extrait de :
Séraphim de Sarov, Sa vie par Irina Goraïnov, Entretien avec Motovilov & Instructions spirituelles, traduit du russe par Irina Goraïnov (Ed. Abbaye de Bellefontaine , coll. Spiritualité orientale n° 11, 1ère éd. 1973, rééd. 2004), pp. 158 à 160).
PS Je venais d'insérer ce billet lorsque j'ai constaté que l'excellent site "Les Amis de Martines de Pasqually" a fait paraître hier un autre extrait du même entretien. Heureux concours de circonstance !
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