JESUS
Quand il s’agit du Christ Jésus, le premier plumitif venu se croit en droit d’écrire à son sujet tout et n’importe quoi, et plutôt n’importe quoi. Ses assertions sont présentées comme fondées sur la base (branlante) de connaissances (défectueuses) mais sont en réalité solidement ancrées sur le socle de préjugés bien arrêtés. En l’occurrence, les connaissances ne servent que de faire-valoir aux préjugés. La conclusion a été décidée bien avant la démonstration, que si besoin on fausse celle-ci pour mieux parvenir au résultat prédéterminé. C’est ainsi qu’au piteux Jacques Duquesne (Jésus, 1994), ont succédé les plus piteux encore Mordillat et Prieur, auteurs de la série télévisée Christus (1997) – qu’il eût été plus honnête d’intituler Anti-Christus ; puis, le succès ayant été au rendez-vous, ils produisirent plusieurs livres aux titres « raccrocheurs » destinés à exploiter le filon. Encore ne cachaient-ils pas leurs intentions : dénoncer, faire éclater, l’imposture du christianisme, fondé sur la fraude, la mystification et aussi la violence, et principal acteur de l’antisémitisme.
Si je qualifie ces deux journalistes de l’adjectif peu amène de « piteux », c’est que, si chacun est libre de proférer n’importe quelle opinion sur n’importe quel sujet, ce quelqu’un n’a pas le droit de torturer les preuves pour les contraindre à appuyer cette opinion. Or les preuves de nos deux lascars sont pipées, leur prétendue exégèse date de plus d’un siècle, au point que tous les spécialistes, même les plus « libéraux », ce qui veut dire agnostiques, l’ont abandonnée depuis belle lurette.
Mais, comme les journalistes sont censés connaître tout mieux que tout le monde, et le connaître en esprits libres et totalement indépendants (belle imposture que celle-là !), il se trouve suffisamment de gogos pour les croire sur parole. Et il n’est pas bon de mettre celle-ci en doute. C’est ainsi qu’une réplique que j’avais co-écrite à la suite d’un long article que ces messieurs avaient fait paraître dans Libération à leur propre gloire, ne fut jamais publié par ce quotidien comme inappropriée.
Quant à Jacques Duquesne, le pauvre homme ! Il se veut catholique, mais catholique dans le vent, catholique libéré ! Jacques Duquesne se lançant dans l’exégèse, c’est monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir.
Pourquoi ce long préambule ?
Pour annoncer la parution toute récente d’un Jésus écrit, celui-là par un historien véritable.
On ne présente pas Jean-Christian Petitfils aux amateurs d’histoire. Ecrivain fécond, il est un des meilleurs historiens français d’aujourd’hui. L’histoire est à la fois une science et un art. Comme toute science, elle a des règles, que Jean-Christian Petitfils applique avec méthode et rigueur. Comme art, elle s’apparente à la littérature, car elle doit captiver le lecteur et non le rebuter. Jean-Christian Petitfils sait narrer, et c’est cela qui fait son succès même auprès de ceux à qui la rigueur scientifique importe peu. Bref, c’est un historien à succès. Chose qui ne plaît guère à ses confrères universitaires ; car Jean-Christian Petitfils n’en est pas un. Produit de l’Alma Mater, il n’a pas eu la reconnaissance de se mettre à son service : cela ne pardonne pas ! d’où la réputation d’ « amateur ». Quiconque n’occupe pas une chaire et, de surcroît, vend bien ses livres ne peut être qu’un amateur. J’exagère à peine. Tel fut le sort du regretté Philippe Ariès, dont les qualités éminentes de découvreur d’un domaine jusque-là ignoré de l’histoire, la mort, furent reconnues…après la sienne ! Fort heureusement, ce mécompte a été épargné à Jean-Christian Petitfils qui jouit, hormis les envieux, d’une réputation de bon aloi.
Jean-Christian Petitfils avait jusqu’à présent deux domaines de prédilection, sans rapport l’un avec l’autre, mais auxquels ses études assez diverses l’avaient préparé. Le premier est l’histoire politique : il a publié plusieurs ouvrages sur La Droite en France, l’extrême Droite en France, la Démocratie giscardienne, les Socialismes utopiques, le Gaullisme…Le second domaine, ce sont des biographies de personnages illustres du XVIIe et du XVIIIe siècle : Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, le Régent, Lauzun, Fouquet, Mlle de la Vallière…
Et voici qu’il s’attaque au sujet le plus redoutable qui soit : Jésus. Pour cette redoutable entreprise, il mobilise toutes les ressources que les sciences actuelles procurent : archéologie, épigraphie, histoire socio-culturelle et politique, histoire des formes littéraires, physiologie aussi (pour le linceul de Turin)… ; car, comme le souligne l’auteur, les recherches sur le Christ sont désormais, et ne peuvent être autres que multidisciplinaires.
Quel est le but de cette entreprise redoutable ?
« Tenter d’esquisser un portrait historique du Christ, donner l’interprétation la plus plausible des événements, en utilisant les outils de la science moderne, tel est l’objet de ce livre. Il s’agit de trouver la voie étroite entre les études techniques, difficiles d’accès, réservées à un public érudit, et les reconstitutions naïvement concordistes qui fleurissent encore pour les besoins de la catéchèse, mais n’ont qu’un rapport très lointain avec la recherche. » (p. 18)
Et plus loin :
« Encore lui faut-il [à l’historien] se libérer des a priori de l’utopie rationaliste et des conceptions positivistes et scientistes qui ont longtemps prévalu. Cela suppose – tout particulièrement pour la vie de Jésus- de rester ouvert au mystère et au surnaturel. Nier l’existence possible des miracles par exemple, les récuser comme de simples enfantillages, relève non de la science historique, mais de présupposés philosophiques. » (p. 19)
Et encore :
« L’honnêteté historique s’accommode mal d’un militantisme antireligieux, tout comme du reste d’un fondamentalisme obsolète. A condition de respecter les strictes limites des deux domaines, il est possible d’arriver à une approche rationnelle – et non rationaliste – du fondateur de la seule religion qui se veut incarnée. » (p. 21)
Incarnée : le mot clé est prononcé. C’est parce Dieu s’est incarné en un homme donné, en un temps donné, en un lieu donné, parce qu’il a honoré l’histoire, qu’il est tellement important de la connaître, cette histoire.
Je serai certainement appelé à revenir sur ce livre. En attendant, jetez-vous dessus, et dedans. Vous apprendrez beaucoup, vous réfléchirez beaucoup.
Voilà qui promet ! Et bien merci de m'avoir fait découvrir cet ouvrage dans lequel je vais instamment me plonger !
RépondreSupprimermerci mon frére pour l info.je vais moi aussi me plonger dans cet ouvrage.paix et amour en christ.
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