Tous les orthodoxes et les amis de l’Orthodoxie connaissent le chef-d’œuvre insurpassé de Vladimir Lossky Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’Orient, paru pour la première fois en 1944, maintes fois réédité depuis, et en dernier lieu en 2005 par les éditions du Cerf dans une nouvelle présentation.
Il faut y ajouter un autre ouvrage qui n’a pas connu le même retentissement lors de sa première parution en 1970 et que les éditions du Cerf viennent également de rééditer en mai dernier dans une nouvelle présentation.
Cet ouvrage est également un chef-d’œuvre, qui traite d’une manière admirable ce qui, aux yeux de l’Orthodoxie, est la substance même du dessein divin à l’égard de l’homme et ensuite du monde : Dieu s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu.
Bien que Vladimir Lossky ait, dans son Essai¸ traité de la question avec sa précision coutumière, le thème n’avait pas particulièrement frappé les esprits occidentaux. Le cardinal Daniélou, dans sa préface de 1970 que reproduit la présente édition, décrit l’émerveillement que produisit en lui la lecture des travaux de Myrrha Lot-Borodine consacrés à la question de la déification. Il écrit : "La lecture de cet ouvrage fut pour moi décisive. Il cristallise quelque chose que je cherchais, une vision de l'homme transfiguré par les énergies divines." Et il ajoute : "Ce qui fait la valeur exceptionnelle de l'œuvre de Madame Lot-Borodine, c'est qu'elle a retrouvé l'expression vivante de la mystique byzantine et qu'elle a su la faire percevoir."
C’est le recueil de ces travaux que présente l’édition de 2011 comme celle de 1970. Depuis lors, la notion de déification a fait son chemin dans le monde catholique romain. Elle est souvent présente dans les écrits du cardinal Daniélou sous le terme plus soft de « divinisation ». Surtout, elle a fait l’objet de la thèse de théologie du père François Brune Pour que l’homme devienne Dieu publiée en 1983. Ce qui donne à la réédition des travaux de Myrrha Lot-Borodine un caractère d’actualité.
Qui était Myrrha Lot-Borodine ? Une théologienne d’origine russe, épouse du grand médiéviste Ferdinand Lot, et qui a partagé ses recherches entre la littérature du Moyen-Age, et tout particulièrement les romans du cycle arthurien et du cycle du Graal (sa thèse de doctorat porta sur La femme dans l'œuvre de Chrétien de Troyes ) et la théologie orthodoxe, entre autres la pensée de Nicolas Cabasilas.
Qu’un ou une spécialiste de la théologie orthodoxe s’intéresse activement à la littérature médiévale n’est pas un cas unique, comme le prouve, entre autres, la thèse de doctorat (posthume, hélas) de Vladimir Lossky Théologie négative et connaissance de Dieu chez Maître Eckhart (1960) - Vladimir Lossky que passionnaient aussi la Table Ronde et la quête du Graal. Mais il faut bien avouer que ces cas sont rarissimes.
Dans ses essais Myrrha Lot-Borodine traite de la déification avec grande précision et à la grande manière universitaire, c’est-à-dire avec abondance de citations, en particulier, fait notable, de saint Maxime le Confesseur ; mais aussi, comme le note le cardinal Daniélou, avec un lyrisme presque mystique et d’une grande beauté d’expression.
Pas plus que de Vladimir Lossky on ne peut faire l’économie de Myrrha Lot-Borodine !
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