Eh bien, la voici enfin mise au jour la nouvelle Apocalypsis revelata¸ cette nouvelle « Apocalypse
révélée selon son sens spirituel… » si fébrilement attendue…
… Comment ? Vous dites ? Vous protestez ? Mais
en quoi est-il choquant, en quoi est-il désobligeant de comparer cet ouvrage à
l’un des traités majeurs de ce grand illuministe chrétien que fut Swedenborg ?
Pour moi, c’est au contraire flatteur ! C’est tout simplement à la mesure
du grand, du considérable événement
attendu, si j’en crois son éditeur :
« …en bref ...une
nouvelle "respiration " du RER tel qu'il est vécu aujourd'hui ...cela
montre au demeurant la "force "du livre comme
"arme-de-destruction-massive" des certitudes de certains quant au
devenir du RER ! » ; et encore : « Je crois qu'il nous faudra nous fédérer autour d'une personne
qui nous fédère et catalyse par ses réflexions nos aspirations les plus intimes
...la métamorphose est à ce prix ! Savoir quitter "la coque ancienne"
pour migrer dans un autre appareil...PERIT UT VIVAT ! » (Facebook 4
novembre 2012, 15h43 et 15h57)
Donc je l’ai ouvert, ce livre, non pas, comme aurait dit Kierkegaard, avec « crainte
et tremblement », mais avec une réelle curiosité, attisée qu’elle fut par
le concert de louanges anticipés qui ont précédé son apparition… C’est un
procédé publicitaire, me dit-on, qu'on appelle « teasing » ; je n’en sais rien, je n’y connais rien. Ce n’est
pas cela qui m’aurait incité à me le procurer si je n’en avais pas eu envie.
Je l’ai donc ouvert, et feuilleté. Livre volumineux :
226 pages en tout petits caractères, corps 11 si ma vue est bonne. Livre
important par la matière qu'il embrasse. Qu'on en juge : chapitre introductif : Origène et l’illuminisme, avec sept
sous-chapitres, dont un sur l’apocatastase ; chapitre 1 : Martinès de Pasqually et la doctrine de la
réintégration des êtres, avec huit
sous-chapitres ; chapitre 2 :
Louis-Claude de Saint-Martin et le corps de matière ténébreuse, avec neuf
sous-chapitres ; chapitre 3 :
Le Régime Ecossais Rectifié et la doctrine de la matière, avec huit
sous-chapitres ; enfin huit appendices
portant sur les sujets annexes aux matières déjà traitées, notamment sur l’ésotérisme
chrétien ou encore l’augustinisme et le jansénisme.
Certes, ce livre ne peut se lire que précautionneusement,
pas à pas. Indépendamment du style si particulier de l’auteur, qui (toute
qualité mise à part) se rapproche plus de Proust que de Pascal (écrivain qu’il
aime) en sorte qu’il faut prendre son souffle au début de chaque phrase – les phrases
de 18 à 20 lignes (en petits caractères !) abondent – la lecture n’est pas
rendue aisée par l’abondance des citations, généralement longues. Longues aussi
sont les notes, également farcies de citations ; et j’en ai repéré deux
qui occupent chaque fois une page et demie… Ce n’est pas là une critique (comme
des esprits malveillants seraient portés à le croire), c’est une constatation. Non, qu'on ne s’attende pas à une lecture
aisée, d’autant que la dialectique de l’auteur est serrée et argumentée.
De l’enseignement de l’Alma Mater, j’ai retenu (entre
autres) qu'il fallait toujours aborder un livre par la table des matières (c’est
fait), par l’introduction et surtout par la conclusion. C’est en effet dans la conclusion que l’auteur ramasse l’essentiel
de ses thèses. Et c’est le cas ici. Je citerai donc :
« De ce fait il
faut être cohérent.
Soit on tient les deux
bouts de la chaîne entièrement, d’un côté ou de l’autre :
1°) En adhérant
fidèlement à la foi de l’Eglise dans ses préalables au sujet de la Création –
en regardant le monde matériel ainsi qu'un don et le corps charnel de l’homme
de même -, comme dans ses conséquences, en espérant logiquement en une régénération
de la chair et sa vocation à l’éternité
par purification et spiritualisation de son essence, simplement flétrie et
affaiblie non substantiellement mais accidentellement
un instant par le péché, lors de la
résurrection des morts.
2°) Au contraire en
faisant siennes les thèses de Martinès, ce que firent Willermoz et Saint-Martin,
en considérant que la création matérielle a été tout d’abord une punition pour
les corps révoltés, et la chair une enveloppe ténébreuse ayant transformé substantiellement les fils d’Adam en êtres de matière impure,
regardant ainsi l’anéantissement des formes corporelles lors de la
réintégration comme une véritable libération et le retour à l’Unité spirituelle
originelle.
Ou bien alors,
fatalement en ne respectant pas la cohésion interne des doctrines, en oubliant
volontairement un bout de leur unité conceptuelle, on tombe dans le piège de l’assemblage
disparate, visant à faire tenir, dans un exercice à l’illogisme évident, une
origine ténébreuse du composé matériel créé en punition de la révolte des
esprits pervers et du crime d’Adam « souillé par une création si
impure », avec une destination
spirituelle en se fondant sur les Pères de l’Eglise, et en premier lieu saint
Irénée dont on peut citer intégralement bien sûr le livre V du Adversus
Haereses, mais auquel on pourrait aussi
ajouter avantageusement, pour faire bonne mesure, les décisions de tous les conciles
œcuméniques si l’on y tient, ce qui ne change rien au problème, car n’aboutissant
à nulle autre « chose » qu’à l’édification d’une abstraction
conceptuelle non seulement singulièrement bancale, mais surtout absolument
intenable, car ne pouvant être admise paradoxalement ni par l’Eglise – qui s’indignera
toujours que l’on puisse soutenir le caractère « nécessaire » de la
création et rejettera violemment cette idée d’une « matière prison »
que Martines partage avec Origène -, ni non plus par aucun Ordre authentique
issu de l’héritage martinésien, et l’on pense évidemment en premier lieu au
Régime Ecossais Rectifié qui est le seul à pouvoir se prévaloir par Willermoz
d’une transmission initiatique effective d’avec l’auteur du Traité sur la
réintégration, et dont les Instructions
à tous les grades regardent la volonté d’une
« spiritualisation de la chair » comme chimérique et appellent l’âme,
dès l’état d’Apprenti, à ses dégager des « vapeurs grossières de la
matière ». [21 lignes !]
C’est pourquoi cette
volonté de chercher à concilier de force martinésisme et foi dogmatique de l’Eglise
n’a strictement aucun sens sur le plan ecclésial, pas plus qu’elle n’en a sur
le plan initiatique, puisque conduisant à la constitution d’une impasse
catégorique, en forme de perspective fondée sur une analyse vouée à une
évidente impossibilité. La seule attitude cohérente, si l’on veut se considérer
comme participant véritablement des Ordres dont on prétend être membre, c’est d’assumer
clairement la pensée des fondateurs, bien sûr l’interroger, la travailler, l’approfondir
ce qui est plus que souhaitable, mais avant tout la respecter dans ses
affirmations et fondements essentiels, et non chercher à la tordre ou à la
transformer par d’inacceptables contorsions théoriques pour la rendre, dans un
exercice improbable, « doctrinalement compatible » avec l’enseignement
de l’Eglise.
Reste, ce qui est admissible
et sans aucun doute préférable si la contradiction devient trop pénible, la
solution de rejoindre l’Eglise et d’y vivre pleinement sa foi de manière non
schizophrénique. Nous pensons toutefois qu’une autre voie est envisageable,
consistant à admettre la différence doctrinale, la reconnaître honnêtement, et
à se considérer comme « cas particuliers » postulant la
non-incompatibilité entre la foi et l’anthropologie platonicienne au sein de l’épouse
du Christ. Si l’idée d’universalité signifie quelque chose – et les divergences
entre courants (augustiniens, thomistes, scotistes, etc.) très opposés, y
compris sur l’économie du salut, au sein de la catholicité, en est [sic] un très bon exemple – alors pourquoi l’illuminisme
mystique, qui en revient souvent à soutenir les thèses d’Origène après
christianisation de Martinès opérée par Willermoz et Saint-Martin lors des Leçons
de Lyon (1774-1776), n’aurait-il pas la
possibilité d’une humble place, avec sa singularité, à l’intérieur de la maison
du Père ? Nous avons la conviction qu'une réponse non fermée a priori peut être apportée à cette question, n’adhérant
pas à l’idée que la métaphysique grecque soit totalement contradictoire d’avec
le christianisme, ce que nous ne cessons de soutenir depuis longtemps déjà. »
(pages 202 à 204)
J’ai cité mot à mot sans y rien changer ce qui est à mon
sens le cœur de la thèse de l’auteur, que je répète pour que tout soit bien
clair : incompatibilité foncière entre la doctrine de l’illuminisme
chrétien abrité dans le willermozisme et l’enseignement dogmatique de l’Eglise
du Christ, de quelque confession qu’elle soit. L’auteur en tire ailleurs une
conséquence beaucoup plus radicale que celle qui est énoncée ci-dessus :
« Par ailleurs,
il convient de noter sur le plan maçonnique l’aspect doctrinal défini et précis
du Régime rectifié ce qui est une caractéristique unique dans tout le champ
rituel de la franc-maçonnerie, et confère au système willermozien une
originalité à nulle autre pareille en le distinguant entièrement des autres
Rites, ce qui n’est pas sans provoquer, souvent, de nombreuses
incompréhensions. Mais si l’on se dit maçon rectifié et qu’on souhaite le
rester – ce qui n’est imposé à personne et relève du libre arbitre de chacun –
il faut adhérer à cette doctrine et la
respecter, non chercher à la transformer en voulant la rendre conforme à l’enseignement
dogmatique des confessions chrétiennes, fusse-t-il [sic] pour un catholique, et nous mesurons ce qu’une
telle affirmation peut avoir d’étonnant, mais il en va ainsi sur le plan initiatique,
l’enseignement magistériel de l’Eglise.
C’est là un devoir
supérieur de nature impérieuse, que certains prêtent sous serment au niveau
ultime de l’Ordre. De ce fait la pensée de Willermoz, puisqu'il le
voulut et fit en sorte que cela soit, n’est pas négociable, adaptable ou
modifiable. Elle est un héritage, dont le régime rectifié possède, et lui seul,
le dépôt et le devoir de conservation de la sainte doctrine de Moïse ‘’parvenue
d’âge en âge par l’Initiation jusqu'à nous’’. » (page 27)
Voilà qui est catégorique et qui ne laisse place à
aucune des échappatoires que le texte précédent paraissait ménager.
Pour cerner, non pas complètement mais d’un peu plus près,
la pensée de l’auteur, je m’en voudrais, étant donné ce que je suis et où j’écris,
d’omettre ces très significatives remarques énoncées en note (page 207, note
128) :
"Gerberon, dans
son Histoire du jansénisme (t. I, p. 185), fit savoir : ‘’ Vous avez oublié que vous êtes enfant de l’Eglise
latine, et l’Eglise latine ne renvoie pas ses enfants aux Pères grecs, mais à
saint Augustin pour savoir ce qu'ils doivent croire et penser des mystères de
la grâce. » (dictionnaire de théologie catholique, t. VIII, col. 469). Ce rappel n’est pas sans évoquer l’avertissement
solennel de Thomas Bradwardine qui déclarait : « Les Pères grecs
sont des fauteurs de Pélagianisme ». (cf.
Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Dupin, 1730)."
J’en ai terminé pour aujourd’hui. On aura remarqué que je me
suis bien gardé d’émettre quelque remarque que ce soit. Je me réserve pour des
temps plus opportuns, quand j’aurai analysé à fond l’ouvrage. Il est appelé
sans nul doute à un certain retentissement. Sans mêler ma voix aux trompettes
de la renommée, j’ai tenu à en donner un aperçu objectif à ceux qui me font le plaisir
de fréquenter ce site.
11 novembre 2012
Fête de saint Martin de Tours, apôtre des Gaules
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