Au sujet du Régime écossais rectifié, on voit se répandre une affirmation censée provenir des Actes du convent de Wilhelmsbad. On l’entend dans des discours, on la lit dans des études, on la voit même sur des sites de loges ou même sur des convocations. Cette phrase, la voici : “La vraie tendance du Régime Rectifié est et doit rester une ardente aspiration à l’établissement de la cité des hommes spiritualistes, pratiquant la morale du Christianisme primitif, dégagée de tout dogmatisme et de toute liaison avec une Eglise quelle qu’elle soit.” Quelquefois même, on l'attribue à Willermoz lui-même.
D’emblée, elle m’a paru suspecte. Pour peu qu’on fréquente avec quelque assiduité les écrits du XVIIIe siècle, publics ou privés, il est clair qu’aucune plume de l’époque ne peut l’avoir tracée : la phraséologie, les idées, sont à l’évidence du XIXe finissant ou du XXe siècle commençant. Quant au fond, vu les sentiments profondément chrétiens du catholique Jean-Baptiste Willermoz et du luthérien Ferdinand de Brunswick, qu’ils eussent pu approuver pareille déclaration était pour moi d’une totale invraisemblance. Charles de Hesse, peut-être ; mais eux, sûrement pas.
Toutefois, puisqu’une date était mentionnée : le 16 juillet 1782, autant y aller voir. Il se trouve que j’ai à ma disposition l’intégralité des Actes du convent, minutes (procès-verbaux) et pièces annexes. La vérification fut donc aisée, quoiqu’un peu longue. Résultat : rien au 16 juillet, où se tint la séance d’ouverture, rien non plus dans les séances suivantes jusqu’au terme officiel du convent, le 29 septembre, ni jusqu’à son terme réel le 1er septembre.
Passons rapidement en revue la teneur des séances. Du 16 juillet au 23 juillet : examen des pouvoirs et « ordonnance des travaux ». Du 18 juillet au 24 juillet : lecture des résumés des (nombreuses : 30) réponses à la circulaire du Magnus Superior Ordinis, le duc Ferdinand de Brunswick. Début des discussions sur la filiation templière. Du 25 juillet au 26 juillet : suite des discussions sur la base d’une motion de Willermoz. Le 29 juillet : lecture et approbation du mémoire de Virieu sur la bienfaisance ; lecture par Willermoz de son « préavis ». Du 30 juillet au 2 août : poursuite des discussions sur la filiation templière ; lecture des résumés de différents membres ; votes. Le 3 août : constitution d’un « comité de la législation » et d’un « comité des rituels des grades ». Du 14 août au 29 août : présentation des travaux des comités et votes ; le 15 août : adoption de la règle maçonnique ; 16 août : lecture et approbation du catéchisme et de l’instruction morale du grade d’apprenti ; 17 août : confirmation de Ferdinand de Brunswick en sa qualité de Grand Maître des Loges et des Loges écossaises réunies et de Grand Supérieur de l’Ordre ; 19 août : suite de la lecture du nouveau Code ; 21 août : début de la discussion sur l’existence d’un grade de Maître écossais ; discussion et vote sur le maintien du Noviciat ; 22 août : vote sur le grade de Maître écossais ; lecture et adoption du rituel de compagnon ; 23 août et 24 août : discussion et vote sur le nombre maximum de membres d’une loge ; suite de la lecture du Code des loges ; 25 août : suite de cette lecture ; lecture et approbation du rituel de maître ; lecture de la règle en latin des Chevaliers de l’Ordre ; 26 août : décision d’ajouter des prières au début des travaux de loge et de banquet ; lecture du catéchisme du grade de maître ; adoption définitive des rituels des rituels des trois premier grades ; vote sur la dénomination des chevaliers : Chevaliers Bienfaisants (les provinces françaises continuent de pouvoir ajouter : de la Cité Sainte) ; début des discussions sur la matricule (i.e. dénomination, répartition et numérotation des provinces). 27 août : suite de ces discussions ; discussion sur les titulatures. 28 août : remise solennelle à Ferdinand de Brunswick de l’acte lui conférant la dignité de Grand Maître Général ; suite des discussions sur la matricule ; examen, discussion et approbation de l’ « esquisse » du rituel de Maître écossais ; lecture de la planche à tracer de la loge d’apprenti tenue la veille pour la réception selon le nouveau rituel du prince Frédéric de Hesse-Hombourg ; examen d’une lettre de la Grande Loge Ecossaise de Berlin ; lecture de la première partie du rituel de noviciat. 29 août : organisation de la rédaction du Code ; lecture de la suite du rituel de noviciat, approbation dudit ; lecture de l’esquisse du rituel de Chevalier, approbation de ladite, Jean de Turckheim désigné pour sa rédaction finale. Clôture officielle du convent.
Prorogation du 30 août au 1er septembre : affaires diverses.
Comme on voit, le convent n’a pas chômé, malgré quoi il n’a pas pu achever l’examen de tous les points de son ordre du jour, par exemple le Code. La question du christianisme primitif ou transcendant, puisque c’est de cela qu’il s’agit, christianisme réputé non confessionnel, n’a pas été abordée ni même posée. De même, notons-le en passant que celle de la Profession.
Donc il est patent que cette citation est apocryphe, c’est un faux. D’où vient-elle ? Mon sentiment est que sa source est l’Helvétie car sa teneur cadre bien avec les sentiments des Helvètes. Mais c’est pure conjecture.
Je serai tres interreqssé de pouvoir lire les minutes sur le nouveau code et le catechisme adopté et l'instruction morale de l'aprenti.
RépondreSupprimerlesrituels d'apprenti de compagnon et du maitre.
Ainsi que l'esquisse du rituel de mairtre ecossais. En parler et en faire réference c'est bien mais pouvoir le lire..
Le "projet d'ébauche pour servir de base au rituel du 4e grade (proposé au Convent dans la 28e séance du 28 août par le Comité des Rituels)" (Actes, cote 158) a été publié dans "les Cahiers Verts", numéro hors série (2005): "les Convents du Régime Ecossais Rectifié". On peut se procurer cette publication en allant sur le site : publications@gpdg.org.
RépondreSupprimerPour le rituels des trois premiers grades, les procès-verbaux ne donnent aucuns détails, il signalent simplement que le fr. Ab Eremo (cad Willermoz) en a donné lecture tel jour, et ils indiquent les discussions auxquelles ils ont donné lieu. Même chose pour la règle maçonnique, l'instruction morale, le catéchisme, etc. Nulle part le texte n'est donné.
Mais ces textes existent. Les rituels d'apprenti, compagnon et maître ont été imprimés sur place, je les ai vus et touchés aux archives de la Grande Loge du Danemark, à Copenhague. C'est avec ce rituel d'apprenti qu'a eu lieu la réception du prince de Hesse Hombourg.
Merci pour votre curiosité. J'espère l'avoir satisfaite.