Dans les Eglises orthodoxes qui, dans leur immense majorité, suivent pour la date de Pâques le calendrier julien, le « Dimanche de l’Orthodoxie », qui coïncide avec le premier dimanche de carême, va être célébré dimanche prochain. L’infime minorité d’entre elles qui suivent le calendrier grégorien (l’Eglise orthodoxe de Finlande, l’Eglise orthodoxe de France…) l’ont célébré le dimanche passé. Quelle que soit la date, la célébration est la même.
Qu’est-ce que ce dimanche a de particulier ? on y célèbre le « triomphe de l’Orthodoxie ». Qu’est-ce à dire ?
Cette fête est étroitement liée à l’iconoclasme. Cette doctrine condamnait les icônes comme objets de cultes idolâtres à l’instar des représentations des divinités païennes et en prescrivait la destruction. Pareille doctrine était tributaire, des études l’ont prouvé, d’une part du judaïsme, toujours présent dans l’empire byzantin, et d’autre part de l’islam, de plus en plus présent aux frontières du même empire, et qui renouvela avec force l’interdiction des images figurées déjà présente dans la Thora.
Pour des raisons trop longues à expliquer ici, cette doctrine devint la doctrine officielle de l’empire de 717 à 843, avec un répit de 780 à 813. Tous les empereurs de ces deux périodes iconoclastes déclenchèrent contre les « iconodoules », partisans de la vénération des icônes, qualifiés d’ « iconolâtres » des persécutions qui ne le cédèrent en rien aux persécutions des empereurs païens, avec destruction des icônes et de lieux de cultes, tortures et mise à mort de ceux, en particulier des moines, qui s’y opposaient.
Ce fut grâce à deux impératrices que la piété orthodoxe l’emporta. La première fut l’impératrice Irène qui, devenue régente, réunit à Nicée le septième et dernier concile œcuménique, dit Nicée II, en 780. Ce concile décréta l’iconoclasme comme hérésie, anathématisa ses sectateurs, ordonna la destruction des écrits iconoclastes et rétablit solennellement le culte des icônes.
A partir de 813 se succédèrent jusqu’en 843 une nouvelle série d’empereurs qui rétablirent l’iconoclasme comme doctrine officielle, sans cependant à se livrer à autant de persécutions physiques, tant la situation de l’empire face aux armées musulmanes était critique. Ce fut cette fois l’impératrice Théodora qui, devenue à son tour régente, réunit un synode qui révoqua les rescrits impériaux antérieurs et rétablit les canons du 2e concile de Nicée. Ce fut la fin à la fois officielle et réelle de l’iconoclasme. Décision fut alors prise de célébrer le concile de Nicée II par la grande fête du « triomphe de l’Orthodoxie ».
Pourquoi « triomphe de l’Orthodoxie » ? Parce que, théologiquement, les icônes ne sont pas des images pieuses ou religieuses. Elles sont des témoignages tangibles à la fois de l’incarnation de Dieu et de la déification de l’homme. Elles montrent Dieu fait homme selon des formes terrestres, figurées par des lignes, courbes et couleurs, et des hommes transfigurés, « déifiés » - les saints – dont les formes terrestres sont transfigurées par la gloire divine. Elles représentent donc un autre monde, le monde à venir – d’où le refus des caractéristiques du monde présent : ombres, perspective, etc. L’acte de peindre ou, selon l’expression traditionnelle, « d’écrire » une icône, est un acte liturgique qui requiert prières et ascèse préalables.
La production et la vénération – non l’adoration – d’une icône sont des actions théologiques qui donnent accès au monde transfiguré où l’image de Dieu en l’homme a recouvré la ressemblance.
C’est pourquoi, en cette fête, on décroche toutes les icônes de l’église que le clergé présente au peuple tandis qu’est proclamé le « symbole de saint Athanase », qui résume la totalité et l’intégrité de la foi orthodoxe. Puis à la fin de la liturgie il est fait mémoire des « défenseurs de la foi des sept conciles œcuméniques », et des « Pères parmi les saints » saint Athanase le Grand, saint Basile le Grand, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Léon le Grand, l’empereur Justinien, saint Maxime le Confesseur et saint Jean Damascène. Ensuite sont souhaitées « beaucoup d’années » à tous les patriarches et primats actuels des Eglises orthodoxes de par le monde.
Bien belle cérémonie en réalité. Le symbole de saint Athanase est particulièrement édifiant pour la compréhension de la foi.J'attache aussi pour ma part une importance particulière au rejet des hérésies condamnées par les 7 conciles. Il est en particulier fait mention des thèses consistant à rejeter la vénération des saints et des anges et dont il est important de souligner le caractère hérétique (à ne pas confondre avec le culte ou l'adoration qui eux sont hérétiques). Merci de nous rappeler cette belle fête.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerOn peut en effet qualifier de grandiose cette fête qui, dans certaines Eglises, est qualifiée de "fête du triomphe de l'Orthodoxie dans son intégralité" : j'ai expliqué pourquoi.