Par Serge Caillet et
Xavier Cuvelier-Roy
(Grenoble, Le Mercure
Dauphinois, septembre 2012)
Que voilà un bon livre, aussi agréable qu’il est
utile !
Imaginez une conversation entre hommes de bonne compagnie,
en un mot, civilisés (vertu qui n’est plus de mode), à laquelle on se sent
courtoisement convié, ce qui est un agrément de plus...
Oh, ce ne sont pas les soirées de Saint-Pétersbourg, cette
brillante escrime à fleurets mouchetés ; non, c’est un de ces entretiens
aimables et érudits tels qu’il pouvait s’en tenir autour du Philosophe inconnu
dans les salons de la marquise de la Croix (manifestations spirites
exclues !) Qu’on ne s’attende pas à de grandes théories métaphysiques ou
mystiques, à des thèses fracassantes : elles ont sagement été laissées aux
penseurs patentés ou autoproclamés. Bien plus modestement, comme les auteurs
l'annoncent, ils se sont assigné pour but d’instruire ceux qui manquent des
connaissances de base sur Martines de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin ,
Jean-Baptiste Willermoz, Papus et la suite, tous « hommes de désir »
relevant à quelque titre que ce soit du « martinisme » , cette notion
polysémique dont est rappelée d’emblée la précieuse définition qu'en donna Robert Amadou (dont l’ombre bienveillante plane
sur ces entretiens) ; sur ces hommes mais aussi sur ce qui fut créé par eux,
à cause d’eux et en se référant à eux.
C’est donc un livre documentaire, un livre factuel, un livre
d'histoire "événementielle" (ce genre honni et proscrit du temps que
le marxisme triomphait à l'université – honni et proscrit et dont pourtant le public n’a cessé
de raffoler), et c’est en en même temps une galerie de portraits. Le risque
était grand de l’aridité, tant est complexe et embrouillée la matière du
martinisme et du martinésisme, déjà du temps de Papus et plus encore après
lui ! Quel foisonnement d’ordres, de contre-ordres, de désordres… Une
vraie forêt de Brocéliande où ne manquent ni les mages, ni les bonnes et les
mauvaises fées ! Combien de fois ai-je pensé m’y perdre… Eh bien, j’y vois
plus clair, conduit que j’ai été par la main de ce guide assuré qu’est Serge
Caillet, qui en arpente les tours et détours pour ainsi dire les yeux bandés –
et son complice Xavier Cuvelier-Roy ne paraît pas davantage désorienté !
Or le risque d’aridité que je viens de mentionner est
complètement esquivé par ce ton de conversation agréable et plaisante, honnête
comme on disait au grand siècle, où deux amis se donnent la réplique, sans
pédanterie, sans affectation, sans commérages non plus (autre risque
soigneusement évité). Serge Caillet enseigne en contant, en racontant, et Xavier
Cuvelier-Roy est un partenaire efficace et habile. Nous serions au théâtre, je
dirais qu’il tient à merveille son emploi de second rôle afin de mettre en
valeur la vedette… Qu’ils me pardonnent cette apparente irrévérence, mais je
suis convaincu que c’est dans cet esprit qu’ils se sont distribués les rôles.
Et les amateurs de théâtre ou de cinéma tomberont d’accord qu’un second rôle a
autant d’importance qu’un premier rôle.
Qu’on n’aille pourtant pas croire que l’ouvrage soit
purement narratif et dépourvu d’idées, de notations, de réflexions souvent
précieuses. Que non pas ! mais elles ne se haussent pas du col, elles
surgissent à l’improviste, sans affectation, aux détours de la promenade. Je ne
les cite pas, je laisse au lecteur le soin de les découvrir. Il en est une
néanmoins que je mentionnerai car elle m’est chère et je me réjouis de la partager avec Serge : c'est que les
filiations spirituelles, et les transmissions spirituelles qu'elles véhiculent,
ne sont assujetties ni au temps ni à l'espace, car l'Esprit souffle où il veut et
ne tient aucun compte de cette chaîne successorale mécanique à quoi Guénon veut
l’assujettir et qu’il appelle à tort Tradition.
Par ce travail en commun, Serge et Xavier ont remis les
faits en place. Vu ce qu’on lit ici ou là, c'était une nécessité. Attendons
maintenant les ouvrages annoncés sur Martines de Pasqually (envisagé sous un
autre angle que dans l’utile travail historique de Michelle Nahon) ainsi que
sur le martinisme en général, dont nul n’est mieux à même de traiter que Serge
Caillet depuis la naissance au ciel de Robert Amadou. Nous en espérons qu’ils
remettent en place les idées et conceptions, ce qui est d’une nécessité encore
plus urgente.
SERGE ET XAVIER, UN GRAND MERCI.
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RépondreSupprimerJe ne vais pas jouer les précieuses : je suis ravi de lire sous la plume de Tribus Lillis, une critique aussi heureuse que non complaisante. Il a pris la peine non de parcourir, mais de lire, et de fouiller au travers des lignes. Il remet à sa juste (et modeste) place un petit livre qui n'a d'autre prétention que d'avoir voulu - en si peu de pages - donner du plaisir, de l'information et pourquoi pas, du goût à poursuivre vers d'autres oeuvres d'érudition cette fois !
RépondreSupprimerXavier Cuvelier-Roy, co-auteur
Paix sur terre aux hommes de bonne volonté
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