Ce que je publie ci-dessous déplaira à beaucoup et encolérera quelques-uns, je pense notamment à un de mes amis intimes (il se reconnaîtra) qui est chaud partisan de l'oecuménisme. Or si celui-ci est souhaitable avec l'aide du Saint-Esprit, il n'en reste pas moins que l'écart théologique, sans parler de l'ecclésiologie, reste abyssal. Les deux méthodes, j'emploie ce terme à dessein, de la théologie dans les deux traditions, occidentale et orientale, ou, disons mieux, catholique romaine et orthodoxe, sont inconciliables. La théologie latine, formatée par la scolastique et par le thomisme (doctrine officielle de l'Eglise de Rome depuis Léon XIII), est dans l'incapacité d'appréhender la "théologie mystique de l'Eglise d'Orient" (Lossky) - il serait plus exact de dire "des Eglises orthodoxes", maintenant qu'il y en a partout dans le monde. Les seuls théologiens latins qui ont exprimé une vraie compréhension de la théologie orthodoxe, sont ceux qui se sont soustraits au carcan thomiste et ont fréquenté les Pères grecs : le cardinal Daniélou, le père Louis Boyer, le père Urs von Balthasar, de nos jours le père François Brune, et j'en oublie. Et aussi, notons-le, le pape Jean-Paul II. Mais de la part de la majorité, incompréhension complète.
Je n'adhère donc pas entièrement aux jugements abrupts que le métropolite Ephraïm porte sur les théologiens latins en bloc. Il n'empêche que la triste réalité qu'il décrit a bel et bien existé : une colonisation de l'enseignement théologiques en pays orthodoxe par la pensée théologique latine, le plus souvent exposée en latin par des enseignants catholiques romains. Ainsi, en Russie, c'est seulement le métropolite Philarète de Moscou, de sainte mémoire , métropolite de 1826 à 1867, qui mit fin à cet enseignement en latin.
Je n'adhère donc pas entièrement aux jugements abrupts que le métropolite Ephraïm porte sur les théologiens latins en bloc. Il n'empêche que la triste réalité qu'il décrit a bel et bien existé : une colonisation de l'enseignement théologiques en pays orthodoxe par la pensée théologique latine, le plus souvent exposée en latin par des enseignants catholiques romains. Ainsi, en Russie, c'est seulement le métropolite Philarète de Moscou, de sainte mémoire , métropolite de 1826 à 1867, qui mit fin à cet enseignement en latin.
Face à cette colonisation théologique , les réactions des décolonisés n'ont pas toujours été bienveillantes, ce qui explique la rudesse de propos comme ceux du métropolite Ephraïm. Il n'en reste pas moins que l'immense majorité des chrétiens d'Occident n'imaginent même pas cette situation inqualifiable où la pensée et la langue de certaines Eglises ont été vampirisées par celles d'une autre Eglise. Avec la complicité coupable des hiérarques desdites Eglises, il faut bien le reconnaître. Néanmoins de tels comportements furent en totale contradiction, et avec l'évangile, et avec les conciles, qui ont tous interdit qu'une Eglise domine sur une autre.
Source : http://stmaterne.blogspot.fr/
THÉOLOGIENS SANS DIPLÔMES
Métropolite Ephraïm de Boston
Le peloton d'exécution.
Il y a une cinquantaine d'années, alors que j'étais étudiant à l'académie de théologie, notre professeur de dogmatique, le père Ioannis Romanides, nous raconta une histoire de ses années d'étude à l'Académie Théologique de l'université d'Athènes. Afin d'obtenir son doctorat de l'université, père Ioannis, nouvellement ordonné prêtre à l'époque (années 50), avait à défendre sa dissertation devant un panel de professeurs de théologie. Le sujet de la dissertation était "Le péché des origines" (c-à-d le péché de nos ancêtres, Adam et Eve, terme que l'on traduit souvent mal par "péché originel"). Comme les questions fusaient de tous ces professeurs qui avaient tous reçu leurs titres et diplômes dans des universités catholiques-romaines ou protestantes en Europe occidentale, le père Ioannis répondait du mieux qu'il pouvait, avec tout son talent bien connu. Pour finir, le doyen du département de théologie, le grand ponte en personne, le professeur Panayiotes Trembelas, pointa du doigt le p. Ioannis, qui était habitué à ces interrogations et se tenait debout devant ce panel de professeurs assis :
"Dans votre mémoire, vous avez nombre de citations des écrits de Syméon le Nouveau Théologien," dit le prof. Trembelas.
"C'est exact, monsieur le professeur," répondit le père Ioannis, avec la déférence requise.
"Vous devez les supprimer toutes," continua le prof. Trembelas. "Syméon ne peut pas être cité comme source dans votre travail, car il n'a jamais reçu de diplôme théologique."
(Oui, vous avez bien lu!)
Sans sourciller face à l'incroyable remarque de Trembelas, le père Ioannis répondit calmement "Fort bien, ce que vous dites, monsieur le professeur. Voudriez-vous aussi que je supprime toutes mes références à Matthieu, Marc, Luc et Jean les Évangélistes, car eux non plus n'ont pas reçu de diplôme de théologie? Eux aussi n'étaient pas des théologiens diplômés."
Un léger murmure amusé se fit entendre parmi les distingués professeurs...
La captivité latine
C'est triste à dire, mais la remarque malheureuse de Trembelas était une preuve solide de la maladie qui a longtemps affligé les écoles théologiques "orthodoxes", et en frappe encore aujourd'hui. Cette maladie est appelée "la captivité latine." C'est l'histoire de quelque 200 ans pendant lesquels la théologie académique, scolastique et pédante (ou plus précisément du rationalisme) de l'Occident a été au coeur des académies théologiques orthodoxes, imprégnant tout de fond en comble. Le métropolite Anthony Khrapovitsky [Antoine de Kiev], père George Florovsky et père Ioannis Romanides se sont longuement plaints dans leurs écrits, de cette peste spirituelle. En certains endroits de Russie et d'Ukraine, cette "captivité" était si forte que même les cours théologiques dans certains séminaires orthodoxes étaient donnés en latin. A l'occasion, en ces terres, les séminaristes étaient obligés de prêcher en latin dans les paroisses avoisinantes! Imaginez un peu la pauvre babushka qui devait s'en tirer avec ça....
En ayant cela à l'esprit, on comprend plus facilement pourquoi les grands dirigeants religieux orthodoxes sont si empressés de s'unir aux non-orthodoxes dans le mouvement oecuménique. Pensez-y un instant : si vous avez toujours cru que l'Église Orthodoxe était si appauvrie théologiquement qu'elle n'avait pas même une théologie du Saint Esprit, ou avait des saints qui n'avaient pas leur diplôme de théologie et n'étaient pas des "docteurs en théologie", alors vous aussi vous auriez été attiré par d'autres appartenances religieuses.
L'Église a sa méthode traditionnelle pour préparer son clergé, et cette méthode a bien fonctionné pendant des siècles, bien avant que les séminaires ne furent inventés au 17ème siècle. Comme nous l'avons mentionné en d'autres occasions, le père George Florovsky, un des plus éminents théologiens orthodoxes du 20ème siècle, n'a jamais été étudiant dans la moindre académie théologique.
Son éducation théologique, il ne l'a tirée que des offices sacrés. Et si vous voulez être sérieusement étudiant en théologie, alors vous pouvez entamer des études théologiques telles que celles du tropaire final pour les saints moines : "par le jeûne, les vigiles et la prière, tu as obtenu les dons célestes," comme saint Syméon le Nouveau Théologien - malgré le fait que, selon le prof. Panayiotes Tremblas, ce saint n'était pas un "théologien diplômé".
Hélas, la "captivité latine" est toujours très présente. Un séminaire orthodoxe en Amérique avait un prêtre catholique-romain y enseignant la patristique, jusque récemment. Un autre séminaire orthodoxe en Amérique a plusieurs catholiques-romains dans son comité de direction. Dès lors, on comprend mieux pourquoi cette orthodoxie mondaine est si avide de s'impliquer dans le mouvement oecuménique. Un problème mène inexorablement à l'autre.
L'école du Saint Esprit
Mais, Dieu merci, l'Orthodoxie prévaut encore dans notre hymnologie et dans les divins offices, et dans le coeur de nombre de clercs et de fidèles.
Que nous enseigne par exemple le tropaire final de la Pentecôte?
Tu es béni, Ô Christ notre Dieu,
Toi qui fit descendre sur tes apôtres le Saint Esprit,
transformant par Ta sagesse de simples pêcheurs en pêcheurs d'hommes
Oooh, nous y voilà, c'est là que Matthieu, Marc, Luc et Jean ont obtenu leurs diplômes théologiques! De l'école du Saint Esprit. Je savais que la grâce divine devait avoir quelque chose à faire dans cette histoire. Rien d'étonnant que nous appelions nos saints "inspirés de Dieu" et "théophores!" Rien d'étonnant que nous les invoquions pour la guérison de l'âme et du corps! rien d'étonnant que nous vénérions leurs saintes reliques, et célébrions leur mémoire, et sollicitions leur intercession! Rien d'étonnant que nous vénérions des gens tels que saint Jean de Cronstadt, et saint Nectaire d'Égine, et le prophète Élie, et saint Seraphim de Sarov, et même ce saint Syméon le Nouveau Théologien qui n'avait pourtant pas de diplôme universitaire!
Anecdote
Il y a quelques années, avant mon ordination, je marchais en compagnie d'un des pères dans notre monastère à Brookline, Massachussets.
"Alors, tu es diplômé en théologie à présent?" me demanda-t'il.
"Je n''en sais trop rien. C'est ce qu'ils m'ont dit, en tout cas."
"Et alors, que va-tu faire avec ton diplôme?"
J'ai un peu réfléchi, et pour finir j'ai répondu "Eh bien je vais veiller à toujours le porter autour du cou lorsque je sortirai. Comme ça au moins, je suis sûr que je ne serai pas embarqué par la fourrière..."
Nb
Les académies théologiques ont leur place dans l'Église Orthodoxe. Cependant, elles doivent être convenablement dirigées, dans la prière et avec beaucoup de discrétion. Il n'existe pas de système éducatif parfait. Mais si on suit convenablement des règles bien précises, telles que celles des "Trois niveaux d'éducation chrétienne" qui ont été inspirés par Joseph l'Hésychaste de la sainte Montagne, alors on a un guide de très bonne qualité pour un tel système.
+ Ephraim
Riche site internet consacré au père Romanides :
http://www.romanity.org/
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