Voici
la première partie d'une collection d'extraits extirpés de l'œuvre de
quelques-uns des plus grands génies littéraires dont notre civilisation a
accouché.
C'est
avec un fragment propice à la controverse des Mémoires d'outre-tombe de
Chateaubriand que débute cette série polémique.
Chateaubriand en 1828 |
"On
affirme que dans cette civilisation à naître l'espèce s'agrandira ; je
l'ai moi-même avancé : cependant n'est-il pas à craindre que l'individu ne
diminue ? Nous pourrons être de laborieuses abeilles occupées en commun de
notre miel. Dans le monde matériel les hommes s'associent pour
le travail, une multitude arrive plus vite et par différentes routes à la chose
qu'elle cherche ; des masses d'individus élèveront les Pyramides ; en étudiant chacun de son côté, ces individus
rencontreront des découvertes dans les sciences, exploreront tous les coins de
la création physique. Mais dans le monde moral en est-il de la
sorte ? Mille cerveaux auront beau se coaliser, ils ne composeront jamais
le chef-d'œuvre qui sort de la tête d'un Homère."
"On
a dit qu'une cité dont les membres auront une égale répartition de bien et
d'éducation présentera au regard de la Divinité un spectacle au-dessus du
spectacle de la cité de nos pères. La folie du moment est d'arriver à l'unité
des peuples et à ne faire qu'un seul homme de l'espèce entière, soit ;
mais en acquérant des facultés générales, toute une série de sentiments privés
ne périra-t-elle pas ? Adieu les douceurs du foyer ; adieu les
charmes de la famille ; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs,
réputés vos compatriotes, vous ne pourriez vous jetez au cou d'un frère. N'y
avait-il rien dans la vie d'autrefois, rien dans cet espace borné que vous
aperceviez de votre fenêtre encadrée de lierre ? Au delà de votre horizon
vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait à peine l'oiseau de
passage, seul voyageur que vous aviez vu à l'automne. C'était bonheur de songer
que les collines qui vous environnaient ne disparaîtraient pas à vos
yeux ; qu'elles renfermeraient vos amitiés et vos amours ; que le
gémissement de la nuit autour de votre asile serait le seul bruit auquel vous
vous endormiriez ; que jamais la solitude de votre âme ne serait troublée,
que vous y rencontreriez toujours les pensées qui vous y attendent pour reprendre
avec vous leur entretien familier. Vous saviez où vous étiez né, vous saviez où
serait votre tombe ; en pénétrant dans la forêt vous pouviez
dire :"
"Beaux
arbres qui m'avez vu naître,
Bientôt
vous me verrez mourir." (1)
"L'homme
n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte avec lui l'immensité.
Tel accent échappé de votre sein ne se mesure pas et trouve un écho dans des
milliers d'âmes : qui n'a point en soi cette mélodie, la demandera en vain
à l'univers. Asseyez-vous sur le tronc de l'arbre abattu au fond des
bois : si dans l'oubli profond de soi-même, dans votre immobilité, dans
votre silence, vous ne trouvez pas l'infini, il est inutile de vous égarez aux
rivages du Gange."
"Quelle
serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier, qui ne
serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni
italienne, ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni indienne, ni
chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces
sociétés ? Qu'en résulterait-il pour ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa
poésie ? Comment s'exprimeraient des passions ressenties à la fois à la
manière des différents peuples dans les différents climats ? Comment
entrerait dans le langage cette confusion de besoins et d'images produits des
divers soleils qui auraient éclairé une jeunesse, une virilité et une
vieillesse commune ? Et quel serait ce langage ? De la fusion des
sociétés résultera-t-il un idiome universel, ou bien y aura-t-il un dialecte de
transaction servant à l'usage journalier, tandis que chaque nation parlerait sa
propre langue, ou bien les langues diverses seraient-elles entendues de
tous ? Sous quelle règle semblable, sous quelle loi unique existerait
cette société ? Comment trouver place sur une terre agrandie par la
puissance d'ubiquité, et rétrécie par les petites proportions d'un globe
fouillé partout ? Il ne resterait qu'à demander à la science le moyen de
changer de planète."
Chateaubriand, Mémoires
d'outre-tombe (conclusion, extrait)
(1)
Vers de Chaulieu
Source: www. Agoravox.fr
remarquable chateaubriand.paix et amour en christ.
RépondreSupprimerEntièrement de ton avis, mon cher frère. dans ses "Mémoires d'outre-tombe", Chateaubriand, avec une étonnante prescience, a décrit l'évolution de la France et du monde jusqu'à nos jours.
SupprimerPaix et amour en Christ.