Oui, je vous convie aujourd’hui à faire une place à la poésie, au théâtre, au roman, en un mot à la littérature. Et nul à mon sens ne l'incarne mieux dans tous ses états à l'Académie française, cette littérature, que le juvénile René de Obaldia du haut de ses 94 printemps. Je demande pardon à ses confrères de ce que le viens de proférer, mais, oui, Obaldia est un écrivain complet. Et non conformiste. Quelques titres, dans tous les genres que je viens d'énumérer : Sur le ventre des veuves, Tamerlan des coeurs, le Satyre de la Villette, le Cosmonaute agricole, Monsieur Klebs et Rosalie..Ah ! l'art des titres...
Et je garde pour la bonne bouche Du vent dans les branches de Sassafras, cette comédie étourdissante, ébouriffante, étincelante, qui fut le presque ultime immense succès de Michel Simon sur ses vieux ans... Je m'en souviens comme si c'était d'hier.
Comme tous ceux qui mettent en jeu un comique profond, René de Obaldia est triste. Triste n'est peut-être pas le mot ; disons désabusé, désenchanté. Lui-même déclare : "Je serais plutôt de la famille des pessimistes gais que des optimistes modérés". Et d'ajouter : "Le monde aberrant dans lequel nous vivons me laisse ébaubi, mais je préfère me dépêcher d'en rire plutôt que d'en gémir." Autre citation : "J'ai toujours éprouvé ce que l'écrivain espagnol Miguel de Unamuno nomme le sentiment tragique de la vie. Ce qui ne m'empêche pas d'admirer le monde et de le trouver fabuleux. Et puis il y a l'amour.."
Les vrais comiques ne sont pas des fabricants de gaudrioles, ils sont profonds, quelquefois amers - les romantiques l'avaient bien vu à propos de Molière. Le burlesque est l'autre versant du malaise de l'être. Chez Obaldia, c'est patent. C'est comme chez Molière : il faut se dépêcher d'en rire pour ne pas avoir à en pleurer. Voici une déclaration qui en dit long : "Le problème du mal m'obsède. Il y a eu Auschwitz. Pourquoi Dieu laisse-t-il faire ? La théologie explique que le mal relève de la liberté humaine. Mais si j'étais éternellement heureux par volonté divine, je ne serais pas contre. Par pudeur, je ne vais pas montrer aux autres que je peux sangloter la nuit. J'ai ce recul que donne l'humour espagnol, qui est un humour métaphysique, bien différent de l'anglais".
Lisez, si vous m'en croyez, son Théâtre complet (Grasset, "Les Cahiers rouges", 40 €) et son Exobiographie (même éditeur, même collection, 13 € 50).
« On y parle l'obaldien vernaculaire (c'est une langue verte, savante et bien pendue, qui se décline en alexandrins, calembours et parodies). On y tient que l'absurde est plus sérieux que la raison. On y pratique un doux anarchisme. On y croise, selon la saison, Queneau, Jarry, Ionesco et Giraudoux. » (Jérôme Garcin, "Le roi René", Le Nouvel Observateur, 4 décembre 2008.)
Pour vous mettre en bouche, voici quelques vers qui relèvent du registre grave, et sont presque baudelairiens :
Nous avons vu partout et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché.
Du levant au ponant c'est partout la bêtise.
La bêtise applaudie allumant ses flambeaux.
La bêtise. La bête. Inlassable prêtrise !
Et le meurtre installé sur de mouvants tombeaux.
Pas difficile à illustrer : l'actualité s'en charge !
merci de m avoir fait connaitre rené de obaldia.paix et amour en christ mon frére.
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