L'Incarnation réduit à néant tous les
négateurs de la résurrection de la chair
Saint
Irénée, Contre les
hérésies, Livre V,
chapitre 2, paragraphes 2 & 3
2,2 Vains, de
toute manière, ceux qui rejettent toute l'« économie » de Dieu, nient le salut de la chair, méprisent sa régénération, en déclarant
qu'elle n'est pas capable de recevoir
l'incorruptibilité. S'il n'y a pas
de salut pour la chair, alors le Seigneur ne nous a pas non plus rachetés par
son sang, la coupe de l'eucharistie n'est pas une communion à son sang et le
pain que nous rompons n'est pas une communion à son corps. Car le sang ne
peut jaillir que de veines, de chairs et de tout le reste de la substance
humaine, et c'est pour être vraiment devenu tout cela que le Verbe de Dieu nous
a rachetés par son sang, comme le dit son Apôtre : « En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des
péchés. » (Ephésiens 1,7) Et parce que nous sommes ses membres (1
Corinthiens 10, 16) et sommes nourris par le moyen de la création —création que lui-même nous
procure, en faisant lever son soleil et tomber la pluie selon sa volonté —, la
coupe, tirée de la création, il l'a déclarée son propre sang, par lequel se
fortifie notre sang (Luc 22, 20 ; 1 Corinthiens 11, 25), et le pain, tiré
de la création, il l'a proclamé son propre corps (Luc 22, 19), par lequel se
fortifient nos corps.
2, 3 Si donc la coupe qui a été mélangée et le pain qui a été confectionné reçoivent la parole de Dieu et deviennent l'eucharistie, c'est-à-dire le sang et le corps du Christ, et si par ceux-ci se fortifie et s'affermit la substance de notre chair, comment ces gens peuvent-ils prétendre que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu consistant dans la vie éternelle, alors qu'elle est nourrie du sang et du corps du Christ et qu'elle est membre de celui-ci, comme le dit le bienheureux Apôtre dans son épître aux Ephésiens : « Nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os » (Ephésiens 5, 30) ? Ce n'est pas de je ne sais quel « homme pneumatique » et invisible qu'il dit cela, « car l'esprit n'a ni os ni chair »(Luc 24, 39), mais il parle de l'organisme authentiquement humain, composé de chairs, de nerfs et d'os : car c'est cet organisme même qui est nourri de la coupe qui est le sang du Christ et fortifié par le pain qui est son corps. Et de même que le bois de la vigne, après avoir été couché dans la terre, porte du fruit en son temps, et que « le grain de froment, après être tombé en terre » (Jean 12, 24) et s'y être dissous, resurgit multiplié par l'Esprit de Dieu qui soutient toutes choses — ensuite, moyennant le savoir-faire, ils viennent en l'usage des hommes, puis, en recevant la parole de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, c'est-à-dire le corps et le sang du Christ —, de même nos corps qui sont nourris par cette eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s'y être dissous, ressusciteront en leur temps, lorsque le Verbe de Dieu les gratifiera de la résurrection « pour la gloire de Dieu le Père » (Philippiens2, 11) : car il procurera l'immortalité à ce qui est mortel et gratifiera d'incorruptibilité ce qui est corruptible (1 Corinthiens 15, 53), parce que la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse (2 Corinthiens 12, 9). Dans ces conditions, nous nous garderons bien, comme si c'était de nous-mêmes que nous avions la vie, de nous enfler d'orgueil et de nous élever contre Dieu en acceptant des pensées d'ingratitude ; au contraire, sachant par expérience que c'est de sa grandeur à lui, et non de notre propre nature, que nous tenons de pouvoir demeurer à jamais, nous ne nous écarterons pas de la vraie pensée sur Dieu ni ne méconnaîtrons notre nature ; nous saurons quelle puissance Dieu possède et quels bienfaits l'homme reçoit de lui, et nous ne nous méprendrons jamais sur la vraie conception qu'il nous faut avoir des êtres existants, je veux dire de Dieu et de l'homme. Au reste, comme nous le disions antérieurement, si Dieu a permis notre dissolution dans la terre, n'est-ce pas précisément afin que, instruits de toute manière, nous soyons dorénavant scrupuleusement attentifs en toutes choses, ne méconnaissant ni Dieu ni nous-mêmes.
Je commence aujourd'hui la publication d'une série de textes du Père dans la foi de l'Eglise des Gaules, saint Irénée de Lyon. Ils sont extraits de son grand et précieux ouvrage intitulé en latin Contre les hérésies et en grec Contre la gnose au nom menteur.
Ce combat est toujours d'actualité. Un des principaux champs de bataille est la question de la "chair". En réaction excessive, absolutisée, à la sublimation des passions charnelles qui caractérise notre époque et la fait tristement ressembler à la Rome de la décadence, des esprits enclins à l'ascétisme jettent l'anathème sur cette pauvre chair qui n'en peut mais - car ce n'est pas elle qui pèche mais l'esprit qui est en elle - la condamnent à la damnation et à l'anéantissement final. C'était la thèse des jansénistes que d'aucuns relaient aujourd'hui. Et elle a clairement des relents de gnosticisme.
Telle n'est pas la position de la Tradition apostolique dont saint Irénée est un des plus brillants champions. Cette position est comme en tout sujet équilibrée, à l'abri de tout "excès" : l'hubris, démesure, a toujours été considéré par les Pères comme une tentation dont il fallait se garder.
C'est cette position traditionnelle qui est explicitée dans ce texte et ceux qui suivront.
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