mardi 23 novembre 2010

La quasi perfection du premier Adam et sa chute selon S. Irénée de Lyon

11. Quant à l’homme, c’est de ses propres mains que Dieu le modela, en prenant, de la terre, ce qu’elle avait de plus pur et de plus fin et en mélangeant, dans la mesure qui convenait, sa puissance avec la terre. D’une part, en effet, il revêtit de ses propres traits l’ouvrage ainsi modelé, afin que ce qui apparaîtrait aux regards fût de forme divine : car c’est après avoir été modelé à l’image de Dieu que l’homme fut placé sur la terre. D’autre part, pour que l’homme devînt vivant, « Dieu insuffla sur sa face un souffle de vie », de telle sorte que, à la fois selon le souffle et selon l’ouvrage modelé, l’homme fût semblable à Dieu. Il était donc libre et maître de ses actes, ayant été fait par Dieu dans le but de commander à tous les êtres qui se trouvaient sur la terre. Et cette vaste création préparée par Dieu avant le modelage de l’homme fut donnée à l’homme comme un domaine renfermant toutes choses. Il y avait également dans ce domaine, y exerçant leur activité, les serviteurs du Dieu qui avait créé l’univers, et un intendant, mis à la tête de ses compagnons de service, régissait ce domaine : ces serviteurs étaient des anges, et l’intendant était un archange.
12. Ayant donc fait l’homme maître de la terre et de tout ce qu’elle renfermait, Dieu, secrètement, l’établit aussi comme maître des serviteurs qui s’y trouvaient. Cependant ceux-ci étaient dans leur état adulte, tandis que le maître, à savoir l’homme, était tout petit, car il n’était encore qu’un enfant, et il lui fallait, en grandissante, parvenir à l’état adulte. Par ailleurs, afin que son éducation et sa croissance se fassent dans les délices, il lui fut préparé un séjour meilleur que ce monde, l’emportant sur lui par l’air, la beauté, la lumière, la nourriture, les plantes, les fruits, les eaux et toutes les choses nécessaires à la vie : cet endroit avait nom Paradis. Telles étant la beauté et l’excellence de ce Paradis, le Verbe de Dieu s’y promenait assidûment et s’y entretenait avec l’homme, préfigurant de la sorte ce qui était à venir, à savoir qu’il habiterait avec les hommes, s’entretiendrait avec eux et se rendrait présent à eux pour leur enseigner la justice. Mais l’homme n’était alors qu’un petit enfant, n’ayant point encore le jugement mûr : c’est d’ailleurs pourquoi il fut facilement trompé par le séducteur.
13. Tandis que l’homme séjournait dans le Paradis, Dieu lui amena tous les animaux et lui ordonna de leur imposer des noms à tous « et tout nom dont Adam appela quelque être vivant, ce fut son nom ». Mais Dieu jugea bon de faire également une aide pour l’homme, car il parla ainsi : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; faisons-lui une aide en rapport avec lui » ; car, parmi tous les animaux, il ne se trouvait pas d’aide égale et semblable à Adam. Dieu lui-même fit donc tomber une extase sur Adam et l’endormit : pour qu’à partir d’une œuvre pût se réaliser une autre œuvre, le sommeil, qui n’existait pas au Paradis, survint sur Adam par la volonté de Dieu. Dieu prit alors une des côtes d’Adam et la remplaça par de la chair ; puis, de la côte qu’il avait prise, il bâtit une femme et l’amena de la sorte à Adam. A sa vue, celui-ci dit : « C’est maintenant l’os de mes os et la chair de ma chair ; elle sera appelée femme, parce que c’est de son mari qu’elle a été prise ».
14. Adam et Eve – car tel était le nom de la femme – « étaient nus et n’en avaient point honte », car il y avait en eux un esprit ingénu et enfantin et il leur était impossible de concevoir aucune de ces pensées que, d’une manière perverse, fait naître dans l’âme le désir des honteuses jouissances. Car ils gardaient alors en son intégrité leur nature, parce que ce qui avait été insufflé dans l’ouvrage modelé était un souffle de vie. Tant qu’il demeurait dans son rang et dans sa force, ce souffle ne pouvait concevoir ce qui est mal. Aussi n’avaient-ils point honte de se baiser et s’enlacer l’un à l’autre chastement à la manière des enfants.
15. Mais, de peur que l’homme ne s’enorgueillît et ne s’élevât, comme s’il n’avait pas de Maître, et que, à cause du pouvoir qui lui avait été donné et de l’assurance qu’il possédait à l’égard de Dieu son Créateur, il n’en vînt à pécher en dépassant la mesure qui lui avait été impartie et qu’en se complaisant ainsi en lui-même il ne conçût des pensées d’orgueil contre Dieu, une loi lui fut donnée par Dieu, afin qu’il sût qu’il avait pour Maître le Seigneur de toutes choses. Dieu lui imposa certaines bornes, de telle sorte que, s’il gardait le commandement de Dieu, il demeurât toujours tel qu’il était, c’est-à-dire immortel, mais que, s’il ne le gardait pas, il devînt mortel, c’est-à-dire voué à se dissoudre dans la terre d’où avait été pris son corps. Ce commandement était le suivant : « Tu prendras ta nourriture de tout arbre qui se trouve dans le Paradis, mais, pour ce qui est du seul arbre de la connaissance du bien et du mal, vous n’en mangerez pas : car, le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort ».
16. Ce commandement, l’homme ne le garda pas, mais il désobéit à Dieu : il fut égaré par l’ange, qui, jaloux de l’homme à cause des nombreux dons que Dieu lui avait accordés, tout ensemble se corrompit lui-même et rendit l’homme pécheur en le persuadant de désobéir au commandement de Dieu. Devenu ainsi l’initiateur du péché par son mensonge, l’ange fut lui-même rejeté pour avoir offensé Dieu et il fit expulser l’homme hors du Paradis. Parce que, de son propre mouvement, il se détacha de Dieu, il fut appelé Satan en hébreu, c’est-à-dire apostat, mais il est également appelé du nom de Diable. Dieu maudit donc le serpent qui avait porté le Diable : cette malédiction atteignit, avec l’animal lui-même, l’ange qui s’y trouvait caché, à savoir Satan ; quant à l’homme, Dieu l’éloigna de sa face et le fit habiter aux alentours du Paradis en ce temps-là, car le Paradis ne peut recevoir de pécheur.

Démonstrationde la prédication apostolique § 11 à 16

jeudi 11 novembre 2010

La perfection du premier Adam selon S. Séraphim de Sarov


Sur la condition du premier Adam, l’Homme paradisiaque, beaucoup d’approximations et d’incertitudes sont proférées, tant nos facultés intellectuelles sont inaptes à appréhender réellement ce qu’elle fut. En effet, ce n’est qu’en apparence que notre intellect est illimité. Il le paraît relativement à nos facultés corporelles ; néanmoins il est tributaire de conditionnements tels le temps et l’espace, qui sont hérités de la chute. Non que le temps ni l’espace n’existassent point dans l’existence paradisiaque, mais ce n’étaient ni notre espace géographiquement borné ni notre temps chronologiquement mesuré. C’étaient un méta-espace et un méta-temps (ce dernier probablement analogue au « temps des anges ») dont on peut seulement dire qu’ils étaient, sans plus, puisqu’ils nous sont, au sens propre, inconcevables.  
La raison est donc impuissante à nous dire là-dessus quoi que ce soit d’assuré. La raison, oui ; mais la sagesse venue de Dieu, l’illumination du Saint-Esprit ? Le Saint-Esprit, selon la promesse du Christ, « [nous] enseignera toutes choses » (Jn, 14, 26).
Ecoutons donc ceux dont l’esprit illuminé par l’Esprit a eu la révélation des mystères cachés aux intelligents. Ceux-là sont les saints, dont la parole n’est pas verbiage mais est inspirée en-haut.
Ecoutons ce que le Saint-Esprit nous révèle à travers les propos de saint Séraphim de Sarov.

Entretien avec Motovilov

« Le Seigneur Dieu a créé Adam de la glaise du sol dans l’état dont parle l’apôtre Paul quand il affirme : ‘‘Que votre esprit, votre âme et votre corps soient parfaits à l’avènement du Seigneur Jésus-Christ’’ (1 Th 5, 23).
« Toutes ces trois parties de notre être furent créées de la glaise du sol. Adam ne fut pas créé mort, mais créature animale agissante, semblable aux autres créatures vivant sur terre et animées par Dieu. Mais voilà qui est important. Si Dieu n’avait pas insufflé ensuite dans la face d’Adam ce souffle de vie, c’est-à-dire la grâce du Saint-Esprit procédant du Père et reposant sur le Fils et envoyé dans le monde à cause de lui, tout parfait qu’il était et supérieur aux autres créatures, Adam serait resté privé de l’Esprit déifiant et serait semblable à toutes les créatures ayant chair, âme et esprit conformément à leur espèce, mais privées à l’intérieur de l’Esprit-Saint qui apparente à Dieu. A partir du moment où Dieu lui donna un souffle de vie, Adam devint, d’après Moïse, une âme vivante¸c’est-à-dire en tout semblable à Dieu, éternellement immortel. Adam avait été créé invulnérable. Aucun des éléments n’avait pouvoir sur lui. L’eau ne pouvait pas le noyer, le feu ne pouvait pas le brûler, la terre ne pouvait pas l’engloutir et l’air ne pouvait pas lui nuire. Tout lui était soumis comme au préféré de Dieu, comme au propriétaire et roi des créatures. Il était la perfection même, la couronne des œuvres de Dieu et admiré comme tel.
« Le souffle de vie qu’Adam reçut du Créateur le remplit de sagesse au point que jamais il n’y eut sur terre et que probablement jamais il n’y aura un homme aussi rempli de connaissance et de savoir que lui. Quand Dieu lui ordonna de donner des noms à toutes les créatures, il les nomma selon les qualités, les forces et les propriétés de chacune conférées par Dieu.
« Ce don de la grâce divine supranaturelle, venant du souffle de vie qu’il avait reçu, permettait à Adam de voir Dieu se promener dans le paradis et de comprendre ses paroles, ainsi que la conversation des saints anges et le langage de toutes les créatures, des oiseaux, des reptiles vivant sur la terre, tout ce qui est nous dissimulé, à nous, pécheurs, depuis la chute mais qui, avant la chute, était tout à fait clair pour Adam.
« La même sagesse, la même force et le même pouvoir, ainsi que toute autre sainte et bonne qualité, avaient été conférés par Dieu à Eve, au moment de sa création, non de la glaise du sol, mais de la côte d’Adam dans l’Eden des délices, au paradis éclos au milieu de la terre.
« Afin qu’Adam et Eve puissent toujours commodément entretenir en eux leurs propriétés immortelles, parfaites et divines venant du souffle de vie, Dieu planta au milieu du paradis l’arbre de vie, dans les fruits duquel il enferma toute la substance et la plénitude des dons de son divin souffle. Si Adam et Eve n’avaient pas péché, ils auraient pu, eux et leurs descendants, en mangeant des fruits de cet arbre, entretenir en eux la force vivifiante de la grâce divine, ainsi qu’une plénitude immortelle, éternellement renouvelée, des forces corporelles, psychiques et spirituelles, un non-vieillissement perpétuel, un état de béatitude qu’actuellement notre imagination a de la peine à se représenter.
« Mais ayant goûté au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal avant l’heure et contrairement aux commandements de Dieu, ils connurent la différence entre le bien et le mal et devinrent la proie des désastres qui s’abattirent sur eux après qu’ils eurent enfreint le commandement divin. Ils perdirent le don précieux de la grâce du Saint-Esprit et, jusqu’à la venue sur terre de Jésus-Christ, Dieu-Homme, ‘‘ l’Esprit n’était pas dans le monde, car Jésus n’était pas encore glorifié’’ (Jn 7, 39). »
[…]
« Lorsque notre Seigneur Jésus-Christ acheva son œuvre de salut, ressuscité des morts il souffla sur les apôtres, renouvelant le souffle de vie dont jouissait Adam et leur redonnant la même grâce qu’Adam avait perdue […] »

Extrait de :
Séraphim de Sarov, Sa vie par Irina Goraïnov, Entretien avec Motovilov & Instructions spirituelles, traduit du russe  par Irina Goraïnov (Ed. Abbaye de Bellefontaine , coll. Spiritualité orientale n° 11, 1ère éd. 1973, rééd. 2004), pp. 158 à 160).

PS Je venais d'insérer ce billet lorsque j'ai constaté que l'excellent site "Les Amis de Martines de Pasqually" a fait paraître hier un autre extrait du même entretien. Heureux concours de circonstance !


samedi 6 novembre 2010

Du bon usage de l'exégèse


Du bon usage de l’exégèse

Citations extraites de
 La lecture chrétienne de la Bible
Par Dom Célestin Charlier
(Livre de Vie, 1957)

A la suite d'intéressants échanges qui sont parus sur l'excellent blog de l'Institut Eléazar http://www.institut-eleazar.fr/  il m'a paru bon de faire paraître une mise au point sur l'usage, bon ou mauvais, de l'exégèse. Je l'ai demandée à l'un des meilleurs exégètes de la deuxième moitié du XXe siècle, dom Célestin Charlier, moine de Maredsous.
Je lui cède la plume.


« (…) La seconde période, dite documentaire, marque un progrès notable [sur la période philosophique]. Faisant appel à une méthode plus objective et scientifique, des critiques comme Graff et Wellhausen s’efforcent de dégager les sources littéraires qu’ils mettent à la base de la composition du Pentateuque (1889). A leur suite, une foule de savants s’appliquent, avec plus ou moins de bonheur, à un examen minutieux des moindres particularités linguistiques ou littéraires des Livres saints. Ce dépeçage aboutit à un émiettement des textes, qui a rarement le mérite d’être universellement accepté. Il reste surtout entaché du préjugé anti-surnaturel de la période précédente, et vicié par l’esprit de système. Néanmoins de ces efforts, se dégagé un ensemble de conclusions qu’il n’a plus été possible de méconnaître. La critique littéraire a dès lors conquis droit de cité en histoire.
« Une autre méthode, née vers la fin du siècle, serait heureusement venue corriger ce que la précédente avait de trop rigide, si elle n’avait constitué par ailleurs un fâcheux retour au subjectivisme de la période philosophique. L’histoire des religions a provoqué la naissance de trois ou quatre écoles bibliques principales. (…)En tout ceci, beaucoup de science, beaucoup d’imagination, mais souvent trop peu d’objectivité et de bon sens. On manie les textes et les faits avec désinvolture.
« Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, les répercussions de cet immense effort furent incalculables. Sur le protestantisme d’abord. L’élite intellectuelle croyante y laissa ses derniers dogmes, et ne sauva sa vie religieuse qu’en la dégageant de toute révélation trop précise. De nobles personnalités comme A.Harnack et M. Goguel ont donné un éclat réel à cette position du protestantisme libéral. Mais le christianisme n’est plus, semble-t-il, pour eux que la plus belle religion naturelle, et Jésus la plus pure figure de l’Humanité.
« Dans le catholicisme, la crise éclata plus tardivement mais plus brusquement et avec une extrême violence. Durant la plus grande partie du XIXe siècle, la majorité des représentants de la pensée catholique s’était tenue à l’écart du mouvement des idées qui transformait le monde, et se cantonnait dans une attitude défensive. Jamais dans l’histoire de l’Eglise l’exégèse biblique, en particulier, ne tint positions plus délibérément conservatrices, voire rétrogrades. De la critique d’Outre-Rhin on ne connaissait guère que les outrances, et la Vie de Jésus de Renan, en faisant sombrer la foi de toute une jeunesse intellectuelle, vint accroître encore cette défense systématique. Tout était rejeté en bloc, au nom d’une tradition trop souvent compromise avec des conceptions figées et étroites. Mais la puissante personnalité de Léon XIII vint élargir ces horizons trop fermés. Plusieurs esprits remarquables trouvèrent dans son encyclique Providentissimus (1893) un encouragement à aborder de front les thèses de la critique indépendante et s’y initièrent rapidement. En 1890, le Père Lagrange fonde à Jérusalem une Ecole biblique qui cherche, avec courage et confiance, à introduire en exégèse une saine  méthode historique, et le Congrès catholique de Fribourg marque à son tour un vigoureux effort dans cette voie ;
«  Malheureusement, la plupart des esprits étaient mal préparés à une aussi rapide adaptation. L’écart était si grand entre les positions confortables de la veille et les hardiesses d’une certain critique, qu’un malais devait inévitablement en résulter. Une sorte de vertige saisit tous ceux qu’un jugement ferme et une théologie ouverte ne protégeaient pas. La majorité prit peur et se replia hâtivement sur une défensive volontiers soupçonneuse : ce fut l’Ecole stricte. Le reste, baptisé Ecole large, n’était pas homogène. A côté d’esprits solides et ferment attachés à leur foi, que soutenait la confiance dans la vérité, tels le Père Lagrange et ses disciples, se rencontraient des intellectuels hardis et pénétrants mais qui n’avaient pas su éviter l’écueil du rationalisme. Eblouis par les thèses critiques insuffisamment digérées, dépourvus de culture philosophique et théologique profonde, ils ne virent de salut que dans l’établissement d’une cloison étanche entre les domaines respectifs de la Foi et de l’Histoire. Dans son fameux « petit livre », L’Evangile et l’Eglise, paru en 1902, l’abbé Loisy croyait sincèrement mettre le catholicisme à l’abri de l’exégèse naturaliste de Harnack. Mais, en faisant de la Résurrection du Christ une vérité de foi dépourvue de toute réalité historique vérifiable, il rejoignait par un autre biais la pensée philosophique de son adversaire et volatilisait la révélation en lui refusant toute incarnation tangible.
(pp. 30-32)
« A moins d’un demi-siècle de distance, nous avons peine à comprendre le désarroi où ces événements plongèrent une génération de croyants. L’explication doit sans doute en être cherchée dans ce brusque effet de contraste dont nous parlions il y a un instant ; on ouvrait sans transition à des esprits trop souvent restés enfermés jusque là dans des cadres désuets, les perspectives illimitées d’une science nouvelle, où voisinaient pêle-mêle des conclusions rigoureusement scientifiques et des hypothèses arbitraires. Une sorte d’indigestion intellectuelle s’en suivit, où périt la foi d’une jeunesse brillante.
« Le fait est à souligner, car il garde une valeur d’avertissement. L’Eglise a toujours trouvé odieuse, surtout aux périodes glorieuses de son histoire, la prétention de ceux qui cherchent à compromettre les réactions saines et légitimes de son sens traditionnel, avec les pusillanimités de l’esprit humain que n’élargit pas suffisamment une foi vraiment confiante. En ce domaine, un conservatisme imperméable est aussi nocif qu’un libéralisme présomptueux. En voulant protéger la foi d’une manière toute négative, certains représentants de la pensée catholique au XIXe siècle l’ont plutôt compromise. Ils sont en partie responsables de l’équivoque moderniste.
(pp. 32-33)
(…)
« Le débat récent sur l’interprétation spirituelle de la Bible a toutefois mis en relief une lacune particulièrement regrettable de beaucoup de ces publications exégétiques. Même les ouvrages de vulgarisation s’avèrent souvent impuissants à satisfaire en profondeur le besoin de vérité authentique et vivante qui anime les courants jeunes du catholicisme moderne. Cette impuissance est certes en partie l’effet presque inévitable de la spécialisation scientifiques qui amis en relief l’importance indéniable des problèmes techniques. Mais la véritable cause du mal est ailleurs.
« Elle est à la fois d’ordre philosophique et théologique. En adoptant sans retouche et sans transposition suffisantes, comme allant de soi, les normes logiques de la dialectique occidentale et les méthodes des sciences expérimentales,  ces exégètes ont généralement admis ce postulat qu’il n’y avait pas d’autre manière de penser, pour l’homme universel, que celle qui leur était familière et qui s’est exprimée dans les formes aristotélicienne, cartésienne ou kantienne, qui ont moulé leur esprit dès l’enfance. On a cru pouvoir se contenter d’appliquer à des textes nés dans une autre ambiance mentale les lois de la philosophie, de la psychologie et de la logique d’Occident. On n’a pa assez soupçonné de façon vivante et concrète, l’existence de mondes de pensée et de sensibilité radicalement différents des nôtres, et surtout on n’a pa assez cherché à y pénétrer par le dedans. Du mémé coup, on s’est fermé l’accès aux véritables sources de la vitalité religieuse de la Bible.
« Car on n’arrange rien en ajoutant quelques paragraphes « pieux » aux exposés desséchants d’une science qui semble se croire d’autant plus objective et impartiale qu’elle réduit davantage l’intervention de la foi à un rôle de contrôle tout externe. 
(p. 34)
(…)
« Ainsi donc, on s’apercevra peut-être bientôt qu’une part notable des productions bibliques de ce demi-siècle sont devenues caduques parce qu’elles ont méconnu cette loi fondamentale de toute interprétation saine : un texte ne se comprend en profondeur que par une redécouverte intime de l’attitude mentale qui l’a inspiré, c’est-à-dire par une véritable communion à son génie propre. Le génie de la Bible est un génie d’engagement, et d’engagement religieux. En n’en tenant pas assez compte, une certaine  exégèse moderne n’a pas seulement déçu l’attente de ceux qui veulent vivre de la vérité, mais elle a commis une erreur de méthode sur son propre plan technique. »
(pp.35-36)

Les passages mis en rouge le sont évidemment par moi


mercredi 3 novembre 2010

Lectures en vrac

Voici les titres des ouvrages dont je recommande la lecture, en attendant de vous en dire  plus sur chacun dès que j'aurai un peu de loisir pour cela :

- Raimon Panikkar  La Trinité, une expérience humaine primordiale (tr. fr. Cerf, 2003)
- id.  L'expérience de Dieu, icônes du Mystère (tr. fr. Albin Michel 2002)
                                     (cf. mon billet du 13 octobre)
- Hiérothée Vlachos  Entretiens avec un ermite de la Sainte Montagne sur la prière du coeur (tr. fr.   Le Seuil, 1988, rééd. coll. Points Sagesse 1994)
                                    (un grand classique)
- Pierre Teilhard de Chardin  Science et Christ (Le Seuil, même coll. 1999)
                                    (une collection d'essais datés de 1919 à 1955 dûs à ce jésuite aussi célèbre que controversé)
- Marguerite Harl  La Bible en Sorbonne ou la revanche d'Erasme (Cerf, 2004)
                                    (par l'initiatrice de la grande entreprise de traduction en français de "La Bible d'Alexandrie, i.e. la Septante, qui se poursuit depuis un quart de siècle)
- Jean Meyendorff  Le Christ dans la théologie byzantine (Cerf, 1969, rééd. 2010)
- id.  Initiation à la théologie byzantine, l'histoire et la doctrine (Cerf, 1975, rééd. 2010)
                                    (deux grands classiques enfin réédités)
- Pierre Perrier & Xavier Walter  Thomas fonde l'Eglise en Chine (65-68 ap. J.-C.) (Ed. du Jubilé 2008)
- Saint Jean de Shanghaï et de San Francisco (1896-1966), Thaumaturge, Témpoignages rassemblés et édités par la Fraternité Saint-Herman-de-l'Alaska (Ed. F.-X. de Guibert, 2007)
- Catherine Lassagne  Le curé d'Ars au quotidien par un témoin privilégié (Ed. Parole et Silence 2003)

A chacun son choix !