dimanche 29 août 2010

Saint Augustin

Nous fêtions hier saint Augustin, évêque d'Hippone. Un géant de la pensée, laquelle a prédominé dans l'Occident chrétien pendant mille ans, obnubilant celles, pourtant lumineuses de saint Hilaire de Poitiers et de saint Ambroise de Milan (pourtant son professeur). Comme l'écrivit le savantissime historien Henri-Irénée Marrou, "Augustin a été l'instituteur de tout le Moyen-Age". On me permettra d'ajouter : hélas !
Augustin ? L'homme ne peut que susciter l'amitié et l'attachement, ne serait-ce que par le fait qu'il ne cache rien des désordres de sa vie passée, qui le font si proche de nous...Il n'est pas comme ces saints que décrivent les hagiographes, qui le sont dès leur conception et qui, probablement, se tenaient déjà à genoux les mains jointes dans le sein de leur mère ! Il fut aussi un évêque modèle, remplissant avec acharnement toutes les missions attachées à sa charge, et d'autres en plus à cette époque où les invasions des Vandales faisaient s'écrouler l'administration impériale. Mais il fut aussi théologien, ce qui, pour un évêque, paraît naturel. Sauf que sa théologie causa des dégâts immenses et immensément durables. La raison ? C'est qu'Augustin avait été professeur de rhétorique et de philosophie, et que les philosophes font toujours de piètres théologiens. Pourquoi ? Parce qu'ils s'efforcent d'enfermer Dieu dans leurs concepts alors que Dieu est par nature inconcevable et insaisissable. Ils font, au mieux, de la philosophie religieuse. Or celle-ci raisonne et parle à propos de Dieu, qui devient donc objet - l'extrême caricatural de cela est la tentative de "prouver Dieu". Mais Dieu n'est pas objet, il est sujet. Dans la théologie vraie, Il parle de Lui, Il se révèle aux esprits aptes à recevoir cette révélation par l'ascèse et la prière. D'où l'axiome: celui qui prie vraiment est vraiment théologien.
Augustin avait sûrement cette aptitude, mais son armature intellectuelle fit obstacle à la réception de cette révélation. Chez lui, le Logos fit ombrage au Noûs.
D'où une série d'erreurs graves qui ont empoisonné pendant des siècles la pensée occidentale. L'inventeur du Filioque, c'est lui. C'est lui aussi qui a inventé que le Saint-Esprit était le lien d'amour entre le Père et le Fils, en établissant une distiction rhétorique parfaitement arbitraire entre l'Aimant (le Père), l'Aimé (le Fils) et l'Amour (le Saint-Esprit). Outre le fait que le Fils est aussi l'Aimant et le Père l'Aimé, si le Saint-Esprit n'est qu'un sentiment, même divin, Il n'est plus une Personne, une Hypostase. C'est à saint Augustin que l'on doit le presque total effacement du Saint-Esprit dans la théologie occidentale. Ce qui a eu de graves conséquences, en particulier de faire jouer à la Vierge Marie, en partie, le rôle incombant normalement au Saint-Esprit.
Autre fait. Saint Augustin ne s'est jamais vraiment consolé de sa vie de débauche dans sa jeunesse, et cette permanente culpabilité a encore été aggravée par le fait qu'avant d'être chrétien il avait été manichéen. D'où un discrédit confinant au rejet, à la fois conceptuel et pénitentiel de la chair et de ses oeuvres, qui ne pouvaient qu'être pécheresses. Cette condamnation a pesé pendant un millénaire et demi sur la conscience européenne, qu'on s'y soumette ou qu'on la combatte.
Enfin, dans sa lutte contre les pélagiens qui poussaient à l'extrême la capacité de l'homme à se sauver par ses propres moyens, il versa dans l'extrême opposé en niant totalement cette capacité. C'est en vertu de cette conception extrémiste que le grand saint Jean Cassien, qui établissait une synergie entre la volonté de Dieu et celle de l'homme, fut classé dans une catégorie spéciale d'hérétiques : les semi-pélagiens. On trouve ce qualificatif encore dans les années 50.
Conclusion : certains orthodoxes fanatiques, ne pouvant dénier toute sainteté à Augustin mais ne voulant pas la lui reconnaître entière, l'appellent "le bienheureux Augustin". C'est à la fois stupide et discourtois. Mais s'il y a un conseil à donner, lisons et relisons les Confessions. Comme le disait l'évêque Jean de Saint-Denis de bienheureuse mémoire, ce qui différencie saint Augustin et Rousseau, c'est que Rousseau se confesse devant les hommes et que saint Augustin se confesse devant Dieu.

mercredi 25 août 2010

Roi très-chrétien

Nous fêtons aujourd'hui saint Louis, roi de France et protecteur de la France. Nul monarque dans l'histoire ne mérita mieux que lui l'apppellation traditionnellement donnée aux souverains français de "roi très-chrétien". Sa piété, sa charité, sa sainteté même furent universellement reconnues en Europe, en sorte qu'il fut canonisé 27 ans seulement après sa naissance au ciel en 1270. L'église bâtie au lieu même de son trépas subsiste encore sur les hauteurs de Carthage, désaffectée, vide, à l'abandon.
Cette piété, cette charité et cette sainteté ne l'empêchèrent pas d'être un très grand roi, qui réorganisa et modernisa en la rendant plus efficace et plus juste l'administration du pays, et qui, par ses victoires sur Henri III d'Angleterre (Taillebourg puis Saintes en 1242), suivies du traité de Paris (1243) qui sanctionna l'annexion à la France de la plupart des possessions féodales des Plantagenêt, rétablirent la paix pour presque un siècle.
Véritablement saint Louis fut un des plus grands rois de l'histoire de France. C'est là un beau démenti à ceux qui prétendent que, si la Révolution française a eu lieu, c'est parce que Louis XVI, étant très pieux, était nécessairement faible. Non, si cet événement s'est produit, ce n'est parce que le roi était trop chrétien, c'est parce que la société ne l'était plus.

les signes des temps

Non, ce n'est pas une parodie de Guénon ! Non, ce n'est pas un horoscope ! Comme je le disais dans mon précédent billet, le temps, qui fait partie intégrante, et même constitutive, de la nature, nous adresse des signes, comme le fait la nature tout entière : des signes symboliques.
"La nature est un temple où de vivants piliers
laissent parfois sortir de confuses paroles ;
l'homme y passe à travers des forêts de symboles
qui l'observent avec des regards familiers."
Les poètes ont tout compris, et Baudelaire plus que beaucoup d'autres.
Mais revenons à ces signes des temps. J'en ai mentionné deux dans mon précédent billet - en omettant de signaler que saint Séraphin de Sarov est fêté le 1er août, ce qui ôtait à ma référence une partie de sa portée.
En voici deux autres qui intéressent la France.
 Qui a noté que Paris fut libéré le 25 août, fête de saint Louis, roi de France, patron de notre pays ? Que l'armistice de 1918 fut signé un 11 novembre, fête de saint Martin, si vénéré (et enterré) dans notre pays ? Bien peu.
Coïncidences ? Je n'en crois rien, cher Monsieur, car, voyez-vous, je ne crois pas au hasard.

lundi 23 août 2010

humanisation et déshumanisation

Ce blog étant tout récent, cela m'oblige à revenir un peu en arrière.
Le mois d'août, mois "auguste", est riche en célébrations glorieuses, qu'on pourrait dire solaires. Mais bornons-nous à ce qu'elles nous enseignent, qui n'est pas méprisable.
Le 6 août, nous avons célébré la transfiguration de Notre Seigneur. Cette fête, mal comprise généralement, est une fête de la glorification de l'Homme, de l'humanité, car ce que les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean, contemplent - et ils ne peuvent pas soutenir cette contemplation - ce n'est pas Jésus Dieu, mais Jésus Homme, dans l'humanité déifiée qui est sienne en tant que nouvel Adam, qui était celle dont Adam avait les prémices avant la chute, et qui sera celle de tout homme christifié. Bref, répétons-le, c'est la fête de l'Homme en gloire.
Or que se passe-t-il le 6 août 1945 ? La bombe atomique, première de l'Histoire, lancée par les Américains sur Hiroshima, provoque par une fulguration létale la mort de quelque 170 000 personnes. Une véritable transfiguration inversée, grimace satanique de la vraie;
Autre "signal". Tout orthodoxe - les catholiques romains moins, mais les choses changent - connaît saint Séraphin de Sarov, qui fit expérimenter à son disciple Motovilov la réalité concrète de la transfiguration de l'homme (nous pourrons plus tard présenter à nos lecteurs, s'ils le souhaitent, saint Séraphin de Sarov). Or qu'y a-t-il à Sarov ? Le principal site russe de mise au point de la bombe atomique, qu'il a fallu évacuer d'urgence à cause des incendies qui viennent de ravager toute la Russie. Nous sommes dans la même inversion. 
Et on pourrait continuer longtemps comme cela.
Conclusion. Il faut être attentifs aux signes des temps car ils portent la trace du combat du Grimaçant contre notre Dieu. Il est vaincu d'avance, nous le savons, mais non sans combats dans lesquels nous avons notre place, sans faiblesse et sans découragement. En effet, Xristos Nika : Christ est vainqueur. Mais nous ne sommes vainqueurs avec Lui que si nous combattons avec Lui. Amen.