mercredi 1 décembre 2010

Où Guénon s'en tire bien... ou : Une occasion perdue



Ceux qui me connaissent bien savent ce que je pense de Guénon : c'est le plus grand hérésiarque des temps modernes, et le plus pernicieux. Aussi étais-je alléché par l'annonce de l'ouvrage de Jean van Win, Contre Guénon (Editions de la Hutte, 2010) Je n'aurais pas mieux demandé que de le recommander chaudement. Hélas, je ne le peux pas. Ce n'est pas un bon ouvrage.

Que Guénon soit insupportable à un maçon de la tendance « libérale » et « antidogmatique », je le comprends aisément. Mais cela ne suffit pas à fonder une argumentation. Que Guénon accumule les approximations, les contre-vérités, les affirmations sans preuve, voire les mensonges, nul plus que moi n'en est convaincu. Encore faut-il le prouver. Or les dénonciations à coups d'épithètes ne tiennent pas lieu de démonstrations. Aussi le discours tourne-t-il en rond sans vraiment progresser.

Au surplus, l'ouvrage est mal construit. Il est pour l'essentiel constitué de fiches souvent mal cousues ensemble, d'où des redites, des « copiés-collés » en assez grand nombre.

Le texte comporte quelques détails qui ne sont pas dépourvus d'intérêt mais sans grande importance. En revanche on y découvre des erreurs assez étonnantes, comme le fait qu'Origène était évêque (!!!) et qu'il fut « déposé » (!!!) pour « avoir été castré par souci de chasteté évangélique (page 184) ! Les spécialistes de l'histoire ecclésiastique seront heureux d'apprendre cette information sensationnelle ! De même, il est proprement ébouriffant de lire que Guénon aurait « emprunté » sa notion du Roi du monde à ... Louis-Claude de Saint-Martin (pages 140 à 142) ! Cela au prix d'un superbe contre-sens sur la signification de cette notion chez le Philosophe Inconnu...

La bibliographie dont le texte est assorti est fragmentaire. L'ouvrage de Jean-Marc Vivenza René Guénon et le Rite écossais rectifié (Editions du Simorgh, 2007) n'y figure pas. Dommage : cela aurait permis d'éviter cette affirmation aussi péremptoire qu'inexacte du prière d'insérer de la quatrième de couverture : « Pour la première fois enfin, quelqu'un s'attelle à radiographier sans concession l'œuvre et la personne du paradoxal auteur du Roi du Monde ».

Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'une bonne partie des références guénoniennes soient de seconde main. Il se peut que l'auteur ait effectivement lu La Crise du monde moderne, Le Règne de la quantité et les signes des temps, Le Roi du monde, peut-être les Aperçus sur l'initiation, mais la plupart des autres références et citations semblent provenir des ouvrages de Marie-France James, Esotérisme et christianisme autour de René Guénon, de Jeannine Fink-Bernard, L'Apport spirituel de René Guénon, et de Daniel Béresniak, Les Bas-fonds de l'imaginaire, qui sont abondamment appelés en notes.

Ce n'est pas encore cette fois qu'on pourra renverser l'idole Guénon !

Bref, au total, une occasion perdue.

2 commentaires:

  1. mon frere je pense pour mapart qu il vaut mieux lire le pere danielou sur le sujet.paix et amour en christ

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  2. C'est bien mon avis. Son "Essai sur le mystère de l'Histoire" - où il règle son compte à Guénon avec impartialité et sans acrimonie - est un petit chef d'oeuvre.

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