dimanche 11 novembre 2012

"La doctrine de la réintégration des êtres"





Eh bien, la voici enfin mise au jour la nouvelle Apocalypsis revelata¸ cette nouvelle « Apocalypse révélée selon son sens spirituel… » si fébrilement attendue…
… Comment ? Vous dites ? Vous protestez ? Mais en quoi est-il choquant, en quoi est-il désobligeant de comparer cet ouvrage à l’un des traités majeurs de ce grand illuministe chrétien que fut Swedenborg ? Pour moi, c’est au contraire flatteur ! C’est tout simplement à la mesure du grand, du considérable  événement attendu,  si j’en crois son éditeur :
« …en bref ...une nouvelle "respiration " du RER tel qu'il est vécu aujourd'hui ...cela montre au demeurant la "force "du livre comme "arme-de-destruction-massive" des certitudes de certains quant au devenir du RER ! » ; et encore : « Je crois qu'il nous faudra nous fédérer autour d'une personne qui nous fédère et catalyse par ses réflexions nos aspirations les plus intimes ...la métamorphose est à ce prix ! Savoir quitter "la coque ancienne" pour migrer dans un autre appareil...PERIT UT VIVAT ! » (Facebook 4 novembre 2012, 15h43 et 15h57)
Donc je l’ai ouvert, ce livre, non pas,  comme aurait dit Kierkegaard, avec « crainte et tremblement », mais avec une réelle curiosité, attisée qu’elle fut par le concert de louanges anticipés qui ont précédé son apparition… C’est un procédé publicitaire, me dit-on, qu'on appelle « teasing » ; je n’en sais rien, je n’y connais rien. Ce n’est pas cela qui m’aurait incité à me le procurer si je n’en avais pas eu envie.
Je l’ai donc ouvert, et feuilleté. Livre volumineux : 226 pages en tout petits caractères, corps 11 si ma vue est bonne. Livre important par la matière qu'il embrasse. Qu'on en juge : chapitre introductif : Origène et l’illuminisme, avec sept sous-chapitres, dont un sur l’apocatastase ; chapitre 1 : Martinès de Pasqually et la doctrine de la réintégration des êtres,  avec huit sous-chapitres ; chapitre 2 : Louis-Claude de Saint-Martin et le corps de matière ténébreuse, avec neuf sous-chapitres ; chapitre 3 : Le Régime Ecossais Rectifié et la doctrine de la matière, avec huit sous-chapitres ; enfin huit appendices portant sur les sujets annexes aux matières déjà traitées, notamment sur l’ésotérisme chrétien ou encore l’augustinisme et le jansénisme.
Certes, ce livre ne peut se lire que précautionneusement, pas à pas. Indépendamment du style si particulier de l’auteur, qui (toute qualité mise à part) se rapproche plus de Proust que de Pascal (écrivain qu’il aime) en sorte qu’il faut prendre son souffle au début de chaque phrase – les phrases de 18 à 20 lignes (en petits caractères !) abondent – la lecture n’est pas rendue aisée par l’abondance des citations, généralement longues. Longues aussi sont les notes, également farcies de citations ; et j’en ai repéré deux qui occupent chaque fois une page et demie… Ce n’est pas là une critique (comme des esprits malveillants seraient portés à le croire), c’est une constatation.  Non, qu'on ne s’attende pas à une lecture aisée, d’autant que la dialectique de l’auteur est serrée et argumentée.
De l’enseignement de l’Alma Mater, j’ai retenu (entre autres) qu'il fallait toujours aborder un livre par la table des matières (c’est fait), par l’introduction et surtout par la conclusion. C’est en effet  dans la conclusion que l’auteur ramasse l’essentiel de ses thèses. Et c’est le cas ici. Je citerai donc :

« De ce fait il faut être cohérent.
Soit on tient les deux bouts de la chaîne entièrement, d’un côté ou de l’autre :
1°) En adhérant fidèlement à la foi de l’Eglise dans ses préalables au sujet de la Création – en regardant le monde matériel ainsi qu'un don et le corps charnel de l’homme de même -, comme dans ses conséquences, en espérant logiquement en une régénération de  la chair et sa vocation à l’éternité par purification et spiritualisation de son essence, simplement flétrie et affaiblie non substantiellement mais accidentellement un instant par le péché, lors de la résurrection des morts.
2°) Au contraire en faisant siennes les thèses de Martinès, ce que firent Willermoz et Saint-Martin, en considérant que la création matérielle a été tout d’abord une punition pour les corps révoltés, et la chair une enveloppe ténébreuse ayant transformé substantiellement les fils d’Adam en êtres de matière impure, regardant ainsi l’anéantissement des formes corporelles lors de la réintégration comme une véritable libération et le retour à l’Unité spirituelle originelle.
Ou bien alors, fatalement en ne respectant pas la cohésion interne des doctrines, en oubliant volontairement un bout de leur unité conceptuelle, on tombe dans le piège de l’assemblage disparate, visant à faire tenir, dans un exercice à l’illogisme évident, une origine ténébreuse du composé matériel créé en punition de la révolte des esprits pervers et du crime d’Adam « souillé par une création si impure », avec une destination spirituelle en se fondant sur les Pères de l’Eglise, et en premier lieu saint Irénée dont on peut citer intégralement bien sûr le livre V du Adversus Haereses, mais auquel on pourrait aussi ajouter avantageusement, pour faire bonne mesure, les décisions de tous les conciles œcuméniques si l’on y tient, ce qui ne change rien au problème, car n’aboutissant à nulle autre « chose » qu’à l’édification d’une abstraction conceptuelle non seulement singulièrement bancale, mais surtout absolument intenable, car ne pouvant être admise paradoxalement ni par l’Eglise – qui s’indignera toujours que l’on puisse soutenir le caractère « nécessaire » de la création et rejettera violemment cette idée d’une « matière prison » que Martines partage avec Origène -, ni non plus par aucun Ordre authentique issu de l’héritage martinésien, et l’on pense évidemment en premier lieu au Régime Ecossais Rectifié qui est le seul à pouvoir se prévaloir par Willermoz d’une transmission initiatique effective d’avec l’auteur du Traité sur la réintégration, et dont les Instructions à tous les grades regardent la volonté d’une « spiritualisation de la chair » comme chimérique et appellent l’âme, dès l’état d’Apprenti, à ses dégager des « vapeurs grossières de la matière ». [21 lignes !]
C’est pourquoi cette volonté de chercher à concilier de force martinésisme et foi dogmatique de l’Eglise n’a strictement aucun sens sur le plan ecclésial, pas plus qu’elle n’en a sur le plan initiatique, puisque conduisant à la constitution d’une impasse catégorique, en forme de perspective fondée sur une analyse vouée à une évidente impossibilité. La seule attitude cohérente, si l’on veut se considérer comme participant véritablement des Ordres dont on prétend être membre, c’est d’assumer clairement la pensée des fondateurs, bien sûr l’interroger, la travailler, l’approfondir ce qui est plus que souhaitable, mais avant tout la respecter dans ses affirmations et fondements essentiels, et non chercher à la tordre ou à la transformer par d’inacceptables contorsions théoriques pour la rendre, dans un exercice improbable, « doctrinalement compatible » avec l’enseignement de l’Eglise.
Reste, ce qui est admissible et sans aucun doute préférable si la contradiction devient trop pénible, la solution de rejoindre l’Eglise et d’y vivre pleinement sa foi de manière non schizophrénique. Nous pensons toutefois qu’une autre voie est envisageable, consistant à admettre la différence doctrinale, la reconnaître honnêtement, et à se considérer comme « cas particuliers » postulant la non-incompatibilité entre la foi et l’anthropologie platonicienne au sein de l’épouse du Christ. Si l’idée d’universalité signifie quelque chose – et les divergences entre courants (augustiniens, thomistes, scotistes, etc.) très opposés, y compris sur l’économie du salut, au sein de la catholicité, en est [sic] un très bon exemple – alors pourquoi l’illuminisme mystique, qui en revient souvent à soutenir les thèses d’Origène après christianisation de Martinès opérée par Willermoz et Saint-Martin lors des Leçons de Lyon (1774-1776), n’aurait-il pas la possibilité d’une humble place, avec sa singularité, à l’intérieur de la maison du Père ? Nous avons la conviction qu'une réponse non fermée a priori peut être apportée à cette question, n’adhérant pas à l’idée que la métaphysique grecque soit totalement contradictoire d’avec le christianisme, ce que nous ne cessons de soutenir depuis longtemps déjà. » (pages 202 à 204)
J’ai cité mot à mot sans y rien changer ce qui est à mon sens le cœur de la thèse de l’auteur, que je répète pour que tout soit bien clair : incompatibilité foncière entre la doctrine de l’illuminisme chrétien abrité dans le willermozisme et l’enseignement dogmatique de l’Eglise du Christ, de quelque confession qu’elle soit. L’auteur en tire ailleurs une conséquence beaucoup plus radicale que celle qui est énoncée ci-dessus :
« Par ailleurs, il convient de noter sur le plan maçonnique l’aspect doctrinal défini et précis du Régime rectifié ce qui est une caractéristique unique dans tout le champ rituel de la franc-maçonnerie, et confère au système willermozien une originalité à nulle autre pareille en le distinguant entièrement des autres Rites, ce qui n’est pas sans provoquer, souvent, de nombreuses incompréhensions. Mais si l’on se dit maçon rectifié et qu’on souhaite le rester – ce qui n’est imposé à personne et relève du libre arbitre de chacun – il faut adhérer à cette doctrine et  la respecter, non chercher à la transformer en voulant la rendre conforme à l’enseignement dogmatique des confessions chrétiennes, fusse-t-il [sic] pour un catholique, et nous mesurons ce qu’une telle affirmation peut avoir d’étonnant, mais il en va ainsi sur le plan initiatique, l’enseignement magistériel de l’Eglise. 
C’est là un devoir supérieur de nature impérieuse, que certains prêtent sous serment au niveau ultime de l’Ordre. De ce fait la pensée de Willermoz, puisqu'il le voulut et fit en sorte que cela soit, n’est pas négociable, adaptable ou modifiable. Elle est un héritage, dont le régime rectifié possède, et lui seul, le dépôt et le devoir de conservation de la sainte doctrine de Moïse ‘’parvenue d’âge en âge par l’Initiation jusqu'à nous’’. » (page 27)
Voilà qui est catégorique et qui ne laisse place à aucune des échappatoires que le texte précédent paraissait ménager.
Pour cerner, non pas complètement mais d’un peu plus près, la pensée de l’auteur, je m’en voudrais, étant donné ce que je suis et où j’écris, d’omettre ces très significatives remarques énoncées en note (page 207, note 128) :
"Gerberon, dans son Histoire du jansénisme (t. I, p. 185), fit savoir : ‘’ Vous avez oublié que vous êtes enfant de l’Eglise latine, et l’Eglise latine ne renvoie pas ses enfants aux Pères grecs, mais à saint Augustin pour savoir ce qu'ils doivent croire et penser des mystères de la grâce. » (dictionnaire de théologie catholique, t. VIII, col. 469). Ce rappel n’est pas sans évoquer l’avertissement solennel de Thomas Bradwardine qui déclarait : « Les Pères grecs sont des fauteurs de Pélagianisme ». (cf. Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Dupin, 1730)."
J’en ai terminé pour aujourd’hui. On aura remarqué que je me suis bien gardé d’émettre quelque remarque que ce soit. Je me réserve pour des temps plus opportuns, quand j’aurai analysé à fond l’ouvrage. Il est appelé sans nul doute à un certain retentissement. Sans mêler ma voix aux trompettes de la renommée, j’ai tenu à en donner un aperçu objectif à ceux qui me font le plaisir de fréquenter ce site.

11 novembre 2012
Fête de saint Martin de Tours, apôtre des Gaules








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire