samedi 29 décembre 2012

Pourquoi des aumôniers en maçonnerie ?


Pourquoi des aumôniers en maçonnerie ?

Une controverse va de jour en jour s’amplifiant sur une prétendue « cléricalisation » du Régime rectifié ; elle vise, et exclusivement lui, le Grand Prieuré des Gaules, et nommément son Grand Aumônier, c’est-à-dire moi-même. Elle ne s’en tient pas là, et s’en prend aussi à mon Eglise, qualifiée de fausse Eglise, de secte, etc. Ces derniers propos frisent à l’évidence la diffamation, car on ne peut légalement appeler secte qu’une organisation mentionnée dans le rapport parlementaire consacré à cette question. Mais l’impudence des sycophantes est sans limite car ils se doutent bien que nous n’allons pas gaspiller notre énergie, notre temps et notre argent pour les traîner devant la justice. Ils ont donc le champ libre, ils le savent et ils en profitent.

Ces critiques, il faut le savoir, proviennent d’un certain nombre d’individus qui ont fait sécession du Grand Prieuré des Gaules à la suite de trois ex-Grands Dignitaires et qui ont été rejoints par quelques autres en provenance d’autres juridictions. Ils s’imaginent nuire au Grand Prieuré des Gaules en nuisant à ma personne, mais ils se trompent doublement.

Laissons cela et consacrons-nous à la seule question qui importe, celle des principes. Selon ces procureurs, je me serais rendu coupable d’avoir transgressé les principes édictés par Jean-Baptiste Willermoz en constituant au sein du Grand Prieuré des Gaules une « Aumônerie », structure particulièrement haïssable à leurs yeux.

Je ferai d’abord observer que cette Aumônerie ne date pas d’hier, qu’elle figure depuis l’origine dans la Constitution du Grand Prieuré des Gaules, c’est-à-dire depuis 2005, et qu’elle n’a jamais été contestée, ni à l’époque, ni à l’occasion des cinq révisions statutaires qui ont suivi, dont la dernière est tout récente puisqu’elle date du 29 septembre dernier. A cette date, deux des trois Grands Dignitaires précités participaient aux assemblées délibérantes et aucun d’eux n’a élevé la voix. Ceci pour la forme. 

Les mêmes procureurs invoquent à l’appui de leurs accusations ce qu’ils présentent comme l’opinion vraie de Willermoz. Ils citent des extraits de sa correspondance. Ainsi :

« Du moment qu'on mêlera la religion à la maçonnerie dans l’O. symbolique on opérera sa ruine ; je la vois même se préparer en plusieurs endroits par la multiplicité peu sévère [...] et par le zèle imprudent qui en vue du bien du prochain se livre a l'esprit de prosélytisme ; pour faire préférer notre régime nous mettons à découvert ses principes et son but particulier, nos discours oratoires deviennent des sermons, bientôt nos Loges deviendront des églises ou des assemblées de piété religieuse....
[...]
Ce danger mon ami qui peut paraître chimérique est bien plus prochain qu'on ne pense, si on n'y met promptement ordre.... »

(Lettre de Willermoz à Bernard de Türckheim (1752-1831), du 3 février 1783,  in Renaissance Traditionnelle n°35, juillet 1978, p. 179).

Autre citation :
« (…) Je vous observe aussi que l'acquisition d'un bon Prêtre est toujours précieuse pour une Loge, mais il faut se garder d’y faire abonder cette classe d'hommes, parce que tôt ou tard la Robe fait son métier ; et on a malheureusement presque toujours remarqué que là où elle abonde trop elle travaille à acquérir de l'influence, à y jouer un rôle, devient intolérante, et presque toujours, si elle le peut, dominatrice ; voilà pourquoi à Lyon on recevait dans le symbolique tout ceux qui méritaient d'être estimés, mais on ne portait aux derniers grades que ceux qui étaient plus longtemps et plus rigoureusement éprouvés. »

(Jean-Baptiste Willermoz, Lettre à Achard, Lyon, le 23 Pluviose An 13, finie le 8 Ventose(17 au 27 février 1805), B.M. Lyon, MS 5456.)

Est-ce donc que la messe est dite, si j’ose m’exprimer ainsi ?

Remarquons tout d’abord que ces affirmations proviennent de correspondances privées de Willermoz et que ces correspondances sont toujours circonstancielles, car elles se rapportent à des événements que seul le contexte fait connaître et qui donnent aux lettres en question leur portée exacte. Deuxième remarque : ces lettres privées, qui expriment les sentiments de Willermoz en une circonstance précise, n’énoncent en aucun cas les principes et les règles auxquels il entend que le Régime obéisse. Un exemple : Willermoz a eu avec Bernard de Turkheim ci-dessus nommé des échanges épistolaires assez vifs sur, d’une part, le papisme, que Willermoz défendait non sans âpreté et d’autre part, la Réforme, dont Turkheim, président du synode luthérien de Strasbourg, était un fervent partisan. Esh en a donné des extraits significatifs dans le post en date du 4 décembre 2012 de son blog Réconciliation universelle (http://reconciliationuniverselle.over-blog.com/). Quel écho y a–t-il de cela dans les textes doctrinaux du Régime ? Aucun, absolument aucun ! Ce qui fait que les luthériens et les réformés y sont tout à fait à l’aise. (Les orthodoxes aussi, car rien non plus dans ces textes ne contredit leur foi).

Quant à la lettre à Achard, on lui donne en l’amputant un caractère absolu qu’elle n’a pas dans la réalité. Que dit-elle au vrai ? Qu’il ne faut pas trop de prêtres dans une même loge – on m’avouera que ce risque n’est guère à courir de nos jours… En revanche, « l'acquisition d'un bon Prêtre est toujours précieuse pour une Loge » : on n’est pas plus clair ! Et la recette, Willermoz la donne ainsi : « à Lyon on recevait dans le symbolique tout ceux qui méritaient d'être estimés, mais on ne portait aux derniers grades que ceux qui étaient plus longtemps et plus rigoureusement éprouvés. » Il ne s’agit en aucun cas d’exclusion mais de discernement.

Curieux, cet anticléricalisme, de la part de gens qui affirment professer le christianisme le plus épuré, qu’ils appellent « transcendant » ; à moins que cela ne signifie « hors l’Eglise », ce qui n’est pas impossible…

On vient de voir que leur position n’est pas conforme aux sentiments intimes de Willermoz. S’accorde-t-elle mieux avec les textes constitutifs du Régime rectifié, dont eux-mêmes se réclament, c’est-à-dire les deux Codes de 1778 ? Pas davantage ! Citons le Code Général des Règlements de l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, arrêté au Convent National des Gaules tenu en novembre 465/1778,  on y lit au Titre I, Article I :
« Les Chevaliers réguliers, c’est-à-dire ceux qui ont reçu les Ordres sacrés d’une communion chrétienne, recommandent en particulier l’amour des bonnes moeurs et d’une religion douce, bienfaisante et tolérante, remplissent les fonctions ecclésiastiques dans les cérémonies de l’Ordre, et veillent à l’observation du culte divin et d’une Sainte discipline dans les asiles, hôpitaux d’orphelins et autres hospices fondés par l’Ordre. ».

Mieux encore : chaque « Chapitre Préfectoral » doit compter un Prieur du clergé (Titre VIII, Chapitre I, Article I) qui a une responsabilité essentielle pour veiller au bon recrutement des Chevaliers :
« C’est le Prieur du clergé qui est chargé des informations sur les qualités morales du candidat ; il fait les enquêtes les plus sévères pour s’assurer de ses principes religieux, de ses mœurs et de son caractère. Il s’informera s’il respecte la religion, base du bonheur public, s’il n’attaque jamais les principes et surtout les sentiments religieux par ses sarcasmes, et s’il est pénétré de cette tolérance douce et éclairée, de cette charité que la loi chrétienne prescrit. » (Titre I, Article II).

Et ailleurs :
« Le Prieur ecclésiastique, Inspecteur des Chevaliers réguliers, est préposé à toutes les cérémonies religieuses et à la direction spirituelle des fondations bienfaisantes de l’Ordre.
« Il est chargé particulièrement de la conservation des règles et des mœurs. Par cette raison, il est préposé aux enquêtes sévères qu’on fait avant de recevoir un candidat au noviciat et donne par écrit sa permission au Commandeur qui la fait enregistrer. » (Titre VIII, Chapitre I, Article IV, paragraphes 1 et 2).   

Si ce n’est pas là du cléricalisme, c’est que ce terme n’a plus de sens !  Si jamais je m’étais avisé de tenter d’appliquer ces dispositions jamais révoquées donc toujours valables…grand Dieu ! quel hourvari !

Quant à l’Eléemosynaire, il en est dit :
« Il est élu en Chapitre à la pluralité des suffrages, de préférence dans la classe des Chevaliers réguliers. » (Titre VIII, Chapitre I, Article VIII).

[Ajoutons, pour l’histoire, que Willermoz avait recruté en particulier plusieurs chanoines-comtes du chapitre de la cathédrale de Lyon ; ainsi Guillaume de Castellas (Guillelmus a Lumine), Marie-Agathange de Bernard de Montessus de Rully, Henry de Cordon (Enricus a Griffone alato), César de Clugny, Anne-Hérard de la Magdeleine de Ragny… (J. Beyssac, Les chanoines de l’Eglise de Lyon, Lyon, P. Grange & Cie, 1914).]

Ce sont les mêmes fonctions, les mêmes missions que, dans des termes presque parallèles, la Constitution de 2005 du Grand Prieuré des Gaules a conféré aux « Aumôniers des Ordres », mais « modifiées selon l’état actuel de l’Ordre, le génie et les besoins du siècle ».

Que stipule-t-elle, cette Constitution, en son Titre VII ?
« L’Aumônerie est un organisme national dont la mission est de se mettre au service du soulagement matériel, moral et spirituel de l’humanité auquel les Ordres constituant le Grand Prieuré des Gaules sont spécialement voués.
« Les champs d’action de l’Aumônerie sont : 
les cérémonies religieuses des Ordres de Chevalerie ;
la bienfaisance et la charité chrétienne au sein et à l’extérieur du Grand Prieuré des Gaules ;
l’enseignement des principes spirituels des Ordres, en particulier la doctrine de la religion et de l’initiation chrétiennes." (Livre VII, Titre 1)

Au Titre 2,  il est énoncé :
« Le Grand Aumônier choisit, en accord avec le Grand Maître National, les Chevaliers ecclésiastiques qu’il estime aptes à agir au sein de l’Aumônerie. Il peut également faire appel à des Chevaliers qui ont reçu les ordres mineurs dans une confession chrétienne ou appartenant à un tiers-ordre, ou encore à des Chevaliers recommandables par leurs sentiments religieux et leur bienfaisance.   
« Les membres de l’Aumônerie ainsi nommés porteront le titre d’Aumôniers des Ordres. »

Ces Aumôniers devaient donc être, soit des clercs, soit des laïcs ; les circonstances ont fait qu’ils sont tous laïcs à une exception près.

On observera que leurs prérogatives sont infiniment moins étendues que celles de leurs devanciers, les Prieurs du clergé ou Prieurs ecclésiastiques.

Tout cela étant posé, quel chevalier chrétien, quel maçon chrétien de bonne foi et correctement informé peut s’en offusquer ?

Les Aumôniers  présentement en fonction remplissent leur office avec modestie, sans ostentation, avec charité et amour du prochain, à la satisfaction de tous. 

Je voudrais terminer cette notice en forme de mise au point par des propos que j’emprunterai à celui qui était Grand Maître National au moment de l’approbation de la Constitution et de la mise en place des structures qu’elle comporte, en particulier l’Aumônerie. 

Marcus, i. O. Eques ab Insula Alba, GCCS, Grand Maître National du Grand Prieuré des Gaules, Ordres des Chevaliers Maçons Chrétiens de France, dans son discours solennel de la Saint-Michel, déclarait :
« …J’ai tenu, avant de procéder à […] l’installation – de nature chevaleresque – du Grand Maître Adjoint, à immédiatement opérer une sorte de « réincrudation », de retour aux premiers principes, de la transmission propre au Grand Aumônier, pour le plus grand bénéfice de l’Ordre et singulièrement des Frères qui devaient être installés. »

Et d’ajouter en note - je cite intégralement, et quelle meilleure conclusion que celle-là ?

« A ce sujet, je tiens à rappeler que le fait d’avoir au service de la communauté un ecclésiastique dévoué à l’Ordre est une excellente chose. Il me semble que certains Frères n’en ont que faiblement conscience. Pour tout dire, j’ai l’impression que certains Frères craignent un peu notre Aumônier, non en tant que Frère, mais és-qualité sacerdotale.
« Il ne le faut pas. Il ne le faut pas pour plusieurs raisons dont celles-ci :
- Il est notre aumônier, c’est-à-dire à notre service, il n’est pas avec nous pour lui, mais pour nous. C’est un « Frère à talent » particulier ; il n’est pas là pour « convertir », diriger, convaincre, d’ailleurs qui serait concerné ? nous sommes un Ordre chrétien.
- Il est nommé par le Grand Maître, dont il dépend, et son action dans l’ordre est toute de service et de dévouement, j’en suis à la fois le témoin et, devant l’Ordre, le garant.
- Enfin, m’adressant plus précisément aux Chevaliers, je demande : qui n’a pas un souvenir poignant des veillées d’Armes qu’il préside ? »

Le 29 décembre 2012

Joannes Franciscus,
Eques a Tribus Liliis
Grand Aumônier des Ordres
du
Grand Prieuré des Gaules













6 commentaires:

  1. moi j aime bien les aumoniers.faire le bien , éviter le mal c est ça le paradis.(henri vincenot).paix et amour en christ mon frére.

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    1. Merci beaucoup, mon frère, tes mots me vont droit au coeur !
      Paix et amour en Christ !

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  2. mon BAF
    cher aumônier, qui d'autre aurait passé son dimanche après-midi à réconforter un F: . dans le désarroi
    je t'embrasse en NSJC

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    1. Si l'amour fraternel est une réalité, quoi d'étonnant à ça ?
      Je t'embrasse aussi en NSJC

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  3. Vu de l'extérieur, il me semble qu'il y a deux manières d'envisager un ordre chevaleresque fut-il maçonnique. Je ne dis pas ordre chevaleresque "chrétien" maçonnique car, il me semble, que le terme chevaleresque implique de facto d'être chrétien.
    La première manière d'envisager un pareil ordre est de l'inscrire spirituellement dans la grande tradition chevaleresque authentique, celle qui part de Saint Georges (ou plus loin encore du combat entre Michael et le Dragon)et parcours l'histoire jusqu'à aujourd'hui, s'épanouissant dans les ordres médiévaux avant de passer dans les ordres initiatiques. Dans cette optique il n'est pas un seul chapitre chevaleresque qui n'ait eu son aumônier, même la table ronde avait son guide spirituel en la personne de Merlin. Si l'on s'inscrit dans cette perspective, il est évident que la chevalerie est mise au service du Christ, donc de son corps : la Grande Eglise Indivise. Dans cette perspective, la présence d'un aumônier est des plus naturelle.
    La deuxième manière est de se considérer comme le disciple d'une personne en particulier : JB Willermoz et d'ergoter sur la moindre ligne écrite par cet auteur. Dans cette optique, Saint Martin et Willermoz apparaissent comme les fondateurs d'une nouvelle religion néo gnostique dont ils seraient les prophètes... bien malgré eux !

    Je t'embrasse en NSJC

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    1. Merci beaucoup pour ces commentaires qui sont de bon aloi car ils sont de bon sens.

      Il faut distinguer Saint-Martin et Willermoz. Willermoz était papiste face aux protestants (voir sa correspondance assez vive avec Bernard de Turkheim) et gallican face au pape : un parfait catholique français du XVIIIe siècle ! C'est donc une honte de le présenter comme en marge de son Eglise. Il a été conseiller paroissial de Saint-Polycarpe pendant plus de 30 ans, il a laissé des legs à la paroisse pour qu'on dise des messes à sa mémoire à dates fixes... Je m'insurge contre ce travestissement quasi stalinien de la vérité historique !
      Quant à Saint-Martin, il était bel et bien anticlérical. On dira qu'il avait des excuses, vu l'état de l'Eglise à son époque. Mais non, il l'était par principe. Il était contre l'Eglise comme il était devenu contre les coens : parce qu'il était contre les formes.

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