lundi 22 juin 2020

A PROPOS DE LA PROFESSION

A propos de la Profession


Il est des sujets qui reviennent périodiquement, ici, là ou ailleurs. Ils sembleraient devoir être épuisés tant on a apporté de précisions, tant fait de mises au point, tant dénoncé d'erreurs. Rien n'y fait. Et toujours reviennent les idées fausses, les imputations mensongères, les contre-vérités flagrantes. Sans parler des comportements aberrants. Ainsi, un Grand Prieuré rectifié que par charité je ne nommerai pas, a purement et simplement interdit en son sein la Profession et le Grande Profession, ce qui n'est autre chose qu’une trahison  envers Willermoz dont c'était le chef-d'oeuvre auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Ainsi encore, une obédience maçonnique que je ne nommerai pas davantage a créé une multitude de collèges de Grands Profès auxquels elle a remis la direction de l'ensemble de cette même obédience, en violation des statuts élaborés avec soin par Willermoz de manière à traduire précisément et expressément sa pensée : autre trahison. D'autres enfin, jaloux de défendre la doctrine chrétienne contre les atteintes supposées que Willermoz lui aurait portées, ou jettent l'anathème sur les enseignements qu'il propose dans les Instructions, ou s'emploient à les corriger, on n'ose pas dire à les rectifier.
Il se révèle donc nécessaire de remettre une fois encore les choses au clair. Et à qui mieux s'adresser qu'à l'auteur lui-même, Jean-Baptiste Willermoz ? C'est ce que j'avais fait dans le tome 2 de mon ouvrage La franc-maçonnerie à la lumière du Verbe, en publiant des extraits significatifs d'une lettre de Willermoz  (Annexe E, pages 232 à 235). Je les reprends ici, en omettant mon introduction.
J'ai mis en gras les passages sur lesquels il m'a paru bon d'attirer l'attention.
On remarquera, j'espère, outre le talent pédagogique hors du commun et bien connu de Willermoz, la subtilité presque casuistique de ses distinctions. Hormis quoi, la conclusion est nette et sans appel : la (Grande) Profession est, par ses Instructions, un instrument de la foi chrétienne.
Rien de gnostique là-dedans, si ce n'est la vraie gnose au sens de saint Clément d'Alexandrie et de saint Irénée de Lyon.

[…] La septième et dernière classe qui complète le Régime Rectifié et doit rester ignorée des six précédentes jusqu'à ce qu'on y appelle individuellement chacun de ceux qui sont jugés propres à y entrer, est une initiation particulière qui consiste en diverses instructions écrites dans lesquelles on développe les principes et les bases fondamentales de l'Ordre, et dans lesquelles on explique les emblèmes, symboles et cérémonies de la maçonnerie symbolique ; mais cette initiation toute lumineuse qu'elle est, reste imparfaite, insuffisante, peut même occasionner des erreurs par les fausses interprétations auxquelles on se livre trop souvent, si elle n'est pas accompagnée d'autres instructions explicatives qui, n'étant point écrites, ne se donnent que verbalement par ceux qui, par de longs travaux et méditations sont parvenus en état de les distribuer à chacun convenablement, selon ses besoins, son aptitude et dans la juste mesure qui lui est nécessaire. Elles ont été transmises de temps immémorial par une tradition orale qui a traversé les siècles et appuyées sur de bons témoignages. Voilà pourquoi on doit laisser ignorer cette classe et en fermer l'entrée à ceux en qui on ne découvre pas l'aptitude nécessaire pour en bien profiter ; ainsi qu'à ceux qui, trop pressés par leurs affaires personnelles ou par des soucis temporels, ne peuvent pas y apporter la liberté d'esprit qu'elle exige, ni accorder le temps nécessaire pour la connaître dans la plénitude : et vous devez sentir que ce temps ne peut pas être court. Vous devez sentir aussi que, parmi ceux qui la reçoivent d'une manière suffisante à leur instruction personnelle, il y en a bien peu qui deviennent en état de la vouloir distribuer aux autres comme il faut, car c'est l'effet d'une disposition et d'une vocation particulière ; voilà pourquoi le dépôt de ces instructions est rarement confié dans des lieux où il ne se trouve pas des hommes assez forts pour les expliquer et les faire valoir. De plus cette initiation ne peut pas convenir également à tous les chevaliers, quoique tous y ayant un droit égal si les dispositions personnelles de chacun sont égales. Elle est inutile et très inutile à un grand nombre. Elle a des dangers pour quelques-uns. Elle est utile à beaucoup, et pour quelques autres elle est nécessaire et très nécessaire. Je reprends ces quatre distinctions qu'il importe que vous saisissiez bien. 1°) Elle est inutile à la multitude de ces hommes bons, simples, privilégiés, dont toute la science est dans leur cœur, qui ont le bonheur de croire religieusement et sans examen tout ce qu'il est nécessaire qu'ils croient pour leur tranquillité et leur bonheur présent et futur, et de le croire de cette foi implicite que l'on nomme vulgairement la foi du charbonnier ; pour ceux-là la profession de foi des chevaliers suffit absolument. Ce serait sans aucun profit pour eux qu'on leur présenterait d'autres objets qui ne pourraient que fatiguer ou exalter leur imagination et troubler leur jouissance actuelle, d'autant plus que pour l'ordinaire, l'intelligence de ceux-là n'est ni bien active, ni bien pénétrante. 2°) Elle peut avoir des dangers pour ceux qui, soit par l'effet de leur éducation religieuse, ou par leur disposition naturelle, se sont fait un devoir d'étouffer leur propre raison pour adopter aveuglement toutes les prétentions, opinions et décisions ultramontaines, et par conséquent l'esprit d'intolérance qui les a toujours accompagnées au grand préjudice de la religion, qui a tant souffert et qui souffre encore tant de ces fatales entreprises suggérées par l'esprit d'orgueil, d'ambition, de domination et du plus sordide intérêt. Pour ceux qui veulent exiger pour des décisions humaines, souvent intéressées, variables et de simple discipline momentanée, le même degré de foi absolue qui est due essentiellement aux dogmes fondamentaux de la religion établis par Jésus-Christ et ses apôtres, constamment professés, soutenus et confirmés par l'Eglise universelle dans ses conciles généraux. Pour ceux qui, prenant textuellement et à la lettre tous les mots et expressions qui sont employés dans la Genèse et plusieurs autres Livres saints, sans chercher à pénétrer jusqu'à l'esprit qui est voilé sous la lettre, sont toujours prêts à se scandaliser de toute interprétation ou explication qui ne s'accorderait pas parfaitement avec le sens particulier qu'ils y attachent. Ce serait les exposer sans fruit à un travail aussi ingrat qu'il leur serait pénible, d'autant plus que, quand ces idées se sont une fois assises dans l'intelligence humaine, elles en sortent rarement et je crains fort qu'il y en ait plus d'un de cette classe parmi vos frères chevaliers. 3°) Elle est bien utile au grand nombre de ceux qui croient, mais faiblement, les vérités fondamentales de la religion chrétienne, qui sentent un besoin intérieur de croire plus fermement, mais qu'à défaut de connaître la vraie nature originelle de l'homme, sa destination primitive dans l'univers créé, le genre de sa prévarication, sa chute, sa dégradation et les terribles effets qu'elle a produits dans la nature, ne trouvent point en eux ni hors d'eux d'appuis assez solides pour fixer invariablement leur croyance, désirent plus de croire qu'ils ne croient en effet, et voient écouter [sic pour écouler ?] leur vie dans le trouble et les anxiétés d'une pénible incertitude. Pour ceux-là, il faut en convenir, elle est d'un grand secours, puisqu'elle leur rend le calme et la foi qu'ils désirent. 4°) Enfin l'initiation est non seulement utile, mais très nécessaire à cette classe d'hommes de bonne foi, bien plus nombreuse qu'on ne pense, qui croient fermement à l'existence d'un Dieu créateur de toute chose, bon, juste, qui punit et récompense ; mais qui, à défaut d'avoir des connaissances suffisantes sur les points de doctrine primitive déjà cités dans l'article précédent, ont peine à concevoir la divinité de Jésus-Christ et encore plus la nécessité de la rédemption par l'incarnation d'un Dieu fait homme. A ces hommes méditatifs pour qui les démonstrations théologiques les plus usitées, présentées ordinairement comme des preuves irrésistibles, mais qui sont si souvent combattues, ne sont pas des preuves suffisantes ; pour qui enfin tous les lieux communs qui retentissent habituellement dans les chaires sont insuffisants pour leur conviction. Oui, c'est à ceux-là qu'elle est très nécessaire, et auxquels elle doit être spécialement destinée. Je ne puis en douter, ayant été souvent témoin de ses heureux résultats, car ces hommes de bonne foi, une fois convaincus et repliés sur eux-mêmes par la force des conséquences immédiates des points de doctrine qui leur étaient présentés, ont fait éclater leur changement par des larmes d'amour et de reconnaissance envers Celui qu'ils avaient eu jusque-là le malheur de méconnaître, et sont devenus dès lors jusques à leur fin des colonnes inébranlables de la Foi chrétienne.
 Voilà pourquoi l'Ordre exige pour les hauts-grades une croyance absolue en l'Unité de Dieu, l'immortalité de l'âme humaine, et l'exige moins absolue pour la personne divine de Jésus-Christ, et on voit que, même dans la Profession de foi des chevaliers comme dans plusieurs autres actes relatifs, il se montre plus indulgent à cet égard et se contente presque d'une bonne et ferme volonté de croire aux vérités qui lui sont montrées nécessaires. C’est parce qu'il sait qu'il a des moyens particuliers d'amener à cette croyance et de convaincre de cette importante vérité les hommes de bonne foi. Voilà pourquoi aussi il exige de tous ses membres une tolérance universelle dont il fait un principe et un devoir absolu à tous ; et en cela il imite l'exemple de celui qui a dit : Je ne suis pas venu dans ce monde pour les hommes qui se portent bien, mais j'y suis venu pour soulager et guérir ceux qui sont malades. Et comme Jésus-Christ au milieu de cette foule de malades ne rejeta hors de lui ni les ignorants, ni les savants, ni les pharisiens, ni les publicains, et les accueillit tous avec la même bonté, faut-il s'étonner que l'Ordre à son exemple accueille dans son sein avec la même charité tous les chrétiens bien disposés, quoique divisés d'opinions et formant des sectes différentes sur des points de doctrine plus ou moins importants. Après les avoir amenés par l'Instruction à la croyance religieuse fondamentale et nécessaire, il laisse à la grâce divine le soin d'opérer en eux les changements intérieurs ou extérieurs qu'elle juge nécessaire au dessein de sa providence. L'Ordre s'interdit de juger et encore plus de condamner aucun de ceux qui restent fermement attachés aux vrais principes et abandonne le jugement à Celui qui peut seul juger dans la vérité les pensées et les intentions des hommes. Vous voyez par cet exposé, mon Bien Aimé Frère, que l'initiation est spécialement réservée aux frères malades c'est-à-dire à ceux qui sentent vivement les souffrances et la cause de leur maladie et désirent sincèrement en guérir. Elle est inutile aux autres et ne ferait le plus souvent qu'un nouvel aliment à l'orgueil, à la vanité et à la curiosité humaine. Vous voyez donc aussi combien ce choix est délicat et combiens il exige, avec ceux que l'on ne connaît pas, de temps et de précaution pour le bien faire. […]

 
 

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