vendredi 6 juillet 2012

Homélie pour Abel Chennouf, caporal parachutiste, mort pour la France


On se souvient de l’assassinat par un tueur fou, Mohamed Merah, de trois parachutistes à Montauban, le jeudi 15 mars 2012, succédant à l’assassinat à Toulouse d’un autre parachutiste, le dimanche 11 mars, et précédant la tuerie de l’école juive Ozar-Hatorah, toujours à Toulouse, le lundi 19 mars.

Lors de la cérémonie funèbre en l’honneur d’un de ces parachutistes, qui était  chrétien, le père Christian Vennard, aumônier du 17e régiment du génie parachutiste, a prononcé une très belle homélie que je désire partager avec mes lecteurs. 




"Abel, mon camarade parachutiste, mon frère, voilà une semaine, jour pour jour et presque heure pour heure, je tenais ta main, encore chaude de la vie que venait de te prendre un assassin. Je tenais ta main en priant pour toi, en pensant à ta maman et en te confiant à notre Maman du Ciel, la Vierge Marie. Je ne connaissais pas encore Caroline, mais si tel avait été le cas, je t’aurais aussi parlé pour elle et pour ce petit bébé que vous attendez.

Puis je me suis penché sur ton camarade Mohamed Legouad qu’essayaient de maintenir en vie les remarquables équipes d’urgentistes. Enfin, j’ai assisté au départ vers l’hôpital de Loïc Liber, qui à cette heure même se bat, entouré de son papa et de sa maman, pour rester en vie. Que de souffrances. Que d’incompréhensions. Mais aussi que de solidarité, de soutien, d’hommages et, pour nous chrétiens, de foi (comme le rappelait hier l’évêque aux armées en la cathédrale de Montauban) et d’espérance, malgré tout !
Il y a deux mille sept cents ans, à Rome, au cœur même du forum, symbole et centre de la vie de la Cité, un gouffre s’ouvrit. L’oracle consulté livra cette réponse : pour combler ce gouffre, Rome devait y engloutir ce qu’elle avait de plus précieux. Chacun s’interrogeait encore sur ce qui pouvait être de plus précieux, quand un jeune cavalier, un jeune homme armée, Curtius, se jeta avec son cheval dans le gouffre qui se referma aussitôt. Oui, ce que Rome avait de plus précieux était un jeune militaire défenseur de la Cité. Le criminel terroriste qui a mené ces actions dans lesquelles tu as perdu la vie, Abel, a tenté d’ouvrir un gouffre. Le prix à payer pour le combler est bien sûr infiniment trop lourd ; mais mon ami Abel, tu es devenu, comme Curtius, symbole de ce que notre pays, la France, possède de plus précieux. Et désormais, c’est ainsi que tu nous apparaît : jeune caporal parachutiste, mort pour la France, dans un attentat terroriste qui voulait mettre à bas notre Patrie.

Abel, je veux aller encore plus loin. C’est parce que tu portais l’uniforme français, parce que tu étais fier de ton béret rouge, que ce criminel t’a visé. Ce que ce meurtrier ne pouvait savoir c’est aussi tout ce que tu représentes aujourd’hui pour notre Patrie. Issue d’une famille à la fois alsacienne (avec tout ce que cette région fait ressortir en notre pays des souffrances liées aux deux conflits mondiaux) et kabyle (et comment ne pas évoquer ici les douloureux événements d’Algérie), ta famille choisit la France avec (et je reprends les mots mêmes de ton cher papa), avec toutes ses traditions, y compris ses racines les plus profondes, qui sont chrétiennes. Comment ne pas voir, mon ami Abel, dans une telle accumulation de symboles, ce que nous avons de plus précieux cette capacité que possède notre Patrie française de prendre en son sein, tous ceux qui veulent devenir ses fils.

Au moment où nous allons te porter en terre, dans cette terre pétrie des ossements de nos pères (c’est cela la Patrie aussi), Abel, avec toute ta famille, tes amis, tes camarades parachutistes, je te fais le serment que nous soutiendrons Caroline et ton enfant. Que nous resterons présents auprès des tiens. Désormais c’est à Dieu que nous te confions, au travers des rites catholiques qui accompagnent nos défunts. Nous savons que tu es vivant auprès du Père. Tu as rejoint Jésus, ce Dieu fait Homme, cet innocent mort à cause de la méchanceté et la violence qui habitent trop souvent le cœur des hommes. Ton sacrifice se trouve comme enveloppé dans celui du Christ Jésus. En te retrouvant jeudi dernier, gisant sur le sol montalbanais, en prenant ta main et en voyant couler de tes blessures ce sang si rouge et si pur, je confiais au Seigneur de la Vie, cette vie qui s’écoulait de toi. Et si aucune larme ne sortait de mes yeux, comme tant de tes camarades, c’est mon cœur qui pleurait sur toute violence faite aux innocents sur cette pauvre terre. Et c’est à l’Innocent qui a versé son Sang pour nous réconcilier avec son Père, qui a versé son propre Sang en rançon pour toutes les violences, que je confiais ta belle âme. Abel, français d’origine alsacienne et kabyle, catholique par choix, parachutiste au service de la France, que notre grand saint patron, que l’Archange saint Michel t’accueille et te fasse entrer au sein du Père, avec le Fils et le Saint-Esprit. Amen."

Requiescat in pace.

vendredi 29 juin 2012

Lettre à un CBCS


LETTRE A UN CHEVALIER BIENFAISANT DE LA CITE SAINTE

Très cher et Révérend Chevalier,
Je partage entièrement votre sentiment.  Mais je crois qu'il faut nuancer fortement 1'affirmation selon laquelle les rituels de 1808 pour l'Ordre Intérieur de Jean-Baptiste Willermoz, n'ont reçu l'agrément d'aucun convent. La lettre de Willermoz au Prince Charles de Hesse-Cassel du 10 septembre l810 nous permet d'y réfléchir. Elle se trouve imprimée en tête des Archives secrètes de Steel-Maret (que j'abrégerai en S.M.)
En fait, les frères d'Auvergne et par suite Jean-Baptiste Willermoz avaient-reçu une sorte de mandat du Couvent de Wilhelmsbad en général, et plus particulièrement de leurs frères d'Alsace, pour mener à son terme la rédaction des  rituels, ce qui semble bien avoir été fait pour les trois premiers grades et pour l'Ordre Intérieur avant la
Révolution.
C'est à la suite d'un curieux concours de circonstances que le quatrième grade ne fut vraiment rédigé qu'en 1809 par J.B. Willermoz qui a tenu à s'en expliquer' auprès du Prince de Hesse-Cassel (S.M. p. 6-7-8 ; 12-13). Les arguments qu'il donne en faveur de la légitimité de sa démarche (et non seulement sur la rédaction de ce rituel, mais aussi sur l'octroi de Patentes à divers organismes et en particulier à la Préfecture de Neustrie au sein du Centre des Amis (S.M. p. II) sont très forts et n'ont jamais été contestés, que je sache, en 1810, ou peu après, alors qu'il y avait tout de même encore des participants ou des contemporains de Wilhelmsbad (Charles de Hesse-Cassel lui-même et, par exemple, Bacon de la Chevalerie qui ne mourut qu'en l82l). Pourquoi, je vous le demande, le seraient-ils en 1977 par des hommes qui peut-être ignorent presque tout de l'histoire de notre Ordre ?
Le bilan de la question des rituels est, grâce à cette lettre de Willermoz, assez facile à faire.
Les rituels des trois grades bleus furent achevés en 1786-1787 (S.M. p. 7). J'ai eu 1a bonne fortune - et je revendique l'honneur de cette découverte - de retrouver leurs textes authentifiés aux Archives départementales de la Drôme, à Valence, provenant de la loge rectifiée L'Humanité à l'O.°. de Crest.
Le rituel du quatrième grade a été rédigé en 1809 par J.B. Willermoz, et à cette date lourdement chargé d'enseignements. Jusqu'alors le rituel de 1778 était resté en vigueur. On connaît ce dernier par le fonds de Valence (même remarque que ci-dessus) et par un Ms de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris qu'il m'a été facile d'authentifier d'après le précédente. Ce grade s'appelait simplement Maître Ecossais, ne comportait pas de 4ème tableau et le bijou était sans revers, ce qui confirme le propos de J.B. Willermoz (S.M. p. 6).
Les rituels de l'Ordre Intérieur semblent avoir été rédigés assez rapidement après Wilhelmsbad (S. M. p, 8). Je ne me suis vraiment intéressé jusqu'ici qu'à la copie faite par J.B. Willermoz en 1808 pour la Préfecture de Neustrie, mais je vais m'attacher dès que possible à la comparer avec les états antérieurs. Celui de 1784 pour l’Armement des Chevaliers est très proche.
Que conclure de tout cela, sinon que la campagne de travail et de rédaction qui s'est étendue de 1782 à 1809, avec l’interruption de la Révolution, s'est bien faite dans le prolongement des pouvoirs donnés par le Convent de Wilhelmsbad, avec des retards sans doute dus aux circonstances - certaines vraiment exceptionnelles - mais sans aucune usurpation  ?
Un sentiment personnel maintenant :
Les fondateurs du Rectifié étaient des précurseurs, rituellement (par leur précision, sans équivalent, en 1782, en Europe continentale et en Angleterre) et spirituellement (par leur incroyable élévation). Après eux, il y a eu le creux de la vague.
En particulier, j'ai acquis la forte présomption que, sous l'influence notamment de l'ordre néo-templier de Fabré-Palaprat, un retour s'est fait à Genève aux conceptions néo-templières de la Stricte Observance. A mes yeux, c'est une régression qui n'a fait que s'accentuer par les campagnes de "modernisation" qui ont sévi depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
Comme vous 1e dites si pertinemment il ne servirait à rien de patauger dans ces "tripatouillages". II faut étudier très sérieusement les textes de 1782 à l809, adopter des états de cette période selon des critères à déterminer et y revenir sans phrases en laissant froidement les amateurs d'ersatz se délecter de leur saccharine. C'est une affaire où il faut bien sûr respecter la courtoisie et les usages fraternels, mais son enjeu spirituel est si important que le moment arrivera assez rapidement de briser là.
Une dernière considération. Les lectures que je fais à longueur d'année pour Renaissance Traditionnelle m'ont amené à survoler les problèmes du christianisme et de la maçonnerie. Il apparaît que dans les pays maçonniquement très importants, une branche chrétienne de la maçonnerie a persisté, mais que, ô ironie, c'est rarement la même. Le caractère chrétien des Maçonneries Scandinaves, dérivées du système suédois du XVIIIe siècle, est bien connu et il n'est pas sans humour de noter, incidemment, qu'en 1976 la Grande Loge de Suède ne reconnaissait pas encore celle d'Israël.
En Allemagne ce type de maçonnerie est représenté par le Freimaurer Orden. [1]En -Suisse, le Grand Prieuré d'Helvétie s'inspire évidemment de la tradition chrétienne, même si c'est avec modération.
En Angleterre, le Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et. Accepté, appliquant une logique qu'on aurait du mal à trouver .sollicitée, n'admet que des chrétiens au l8ème grade et, par suite, au delà.
En Amérique, la vocation chrétienne est représentée par le Rite d'York qui culmine avec des Chevaliers Templiers (Knights Templar) restés eux aussi cohérents avec eux-mêmes.
Tout cela représente un secteur maçonnique, curieusement disparate certes, dans la forme sinon dans le fond, mais important quantitativement et qualitativement.
J'aimerais que l'on me dise ce qu'il y aurait de scandaleux à ce qu'en France - terre chrétienne parmi les toutes premières - non pas tout le Rectifié, mais une partie de celui-ci (quelle incroyable concession déjà à la tolérance…) en toute fraternité, maintienne avec netteté une tradition ésotérique chrétienne, étant bien entendu qu'un ésotérisme valable ne va pas sans l'exotérisme correspondant ?
L'idée viendrait-elle à un chrétien de demander à entrer dans les B'naî-Berith ? Y serait-il admis ? et s'il l'était, demanderait-il à ce que tout soit modifié pour que .sa conscience ne soit pas heurtée ?
Et quelles sont dans le monde les sociétés ésotériques non chrétiennes où un chrétien est admis ? Et si cela se trouve en effet, dans lesquelles accepterait-on de modifier radicalement les enseignements fondamentaux pour ne pas aller contre son exotérisme ?
Je ne pense pas qu'il soit besoin de plaider cette cause bien longtemps, elle est excellente et se soutient aisément par toutes ses données propres, traditionnelles et historiques. Le réveil de 1911, mal préparé et mal dirigé, a abouti en France a une regrettable déviation et tout C.B.B.S. régulièrement armé selon la filiation helvétique, qui est aussi celle de Lyon, a le droit imprescriptible de revenir aux sources de la Province d'Auvergne. Simplement, s'il est vraiment un Chevalier Bienfaisant, il doit le faire avec douceur et fraternité, ce qui n'exclut pas pour autant la fermeté et la détermination.
Croyez, -très cher et Révérend Chevalier, à mes sentiments d'affection fraternelle
Eques a Latomia Universa




[1]  Voir R.T. n°29 La Franc-Maçonnerie en République Fédérale d’Allemagne aujourd’hui par Fritz Bolle. Le titre de Freimaurer Orden désigne communément l’organisation n°2 de notre liste (. 54-56 : la G.L. Nationale des Francs-Maçons d’Allemagne dont le siège est à Berlin.



Le rédacteur en chef de Renaissance Traditionnelle, Pierre Mollier,  m'a fraternellement autorisé à reproduire cette lettre parue dans le numéro 30, avril 1977, de la revue. Elle m'a paru en effet utile pour rappeler, 35 ans plus tard, quelques vérités méconnues, si j'en juge par certains propos. Premièrement au sujet des rituels (rappelons que cette question a fait l'objet dans cette même revues d'études définitives, d'une part par René Désaguliers, et d'autre part par Roger Dachez). Secondement au sujet du travail opéré postérieurement à Wilhelmsbad (que Jean Granger avait jadis critiqué). Et enfin au sujet du caractère chrétien de la maçonnerie rectifiée, question toujours débattue. Essentielle à cet égard est l'affirmation selon laquelle l'ésotérisme chrétien, pour être "valable", doit aller de pair avec l'exotérisme correspondant...
Dernier point : on va m'accuser de nouveau de dévoiler un incognito, mais n'importe, d'autant que c'est là un secret de Polichinelle : l'Eques a Latomia Universa, c'était le fondateur de la Loge nationale Française et de la revue Renaissance Traditionnelle, à savoir René Guilly, alias René Désaguliers.

jeudi 28 juin 2012

le combat contre le désespoir


Le combat avec les pensées blasphématoires et le désespoir
  
Le saint nouveau hiéromartyr Kronid (dans le monde Constantin Petrovich Lioubimov) est né en 1859 dans le village de Levkievo, dans la région de Volokolamsk, dans la province de Moscou. En 1915, l'archimandrite Kronid a été nommé supérieur de la Laure de la Trinité-Saint-Serge, et resta à ce poste jusques en 1920, quand elle fut fermée par les bolcheviks.
L'archimandrite Kronid a alors vécu pendant dix-sept ans à Zagorsk (connue avant et après la période communiste sous le nom de Serguiev Possad, ville qui entoure la Laure), au cours de laquelle il a continué à servir de facto de supérieur de la fraternité monastique. L'archimandrite Kronid a été arrêté en Novembre 1937, à ce moment, il était devenu aveugle, et il fut incarcéré à la prison Taganka à Moscou. Il a été jugé avec une quinzaine de personnes, dont dix étaient des moines de la Laure. Accusés d'activités contre-révolutionnaires, onze ont été abattus et quatre ont été condamnés à dix ans de travaux forcés. A la question de savoir comment il considérait la puissance soviétique, il a répondu: "Je suis par conviction monarchiste, adepte de la Véritable Eglise orthodoxe, et je reconnais le pouvoir soviétique existant en tant que croyant: il a été envoyé aux gens comme un épreuve de la foi dans la Providence de Dieu." Père Kronid a été condamné en tant que "chef de file d'un groupe contre-révolutionnaire monarchique de moines et du clergé." Il a été fusillé à Butovo et enterré dans une fosse commune.
L'archimandrite Kronid a été glorifié comme saint parmi les Nouveaux Martyrs et Confesseurs de Russie par le Patriarcat de Moscou en août 2000.
Ce qui suit est une remarquable et courageuse source d'inspiration de première main par saint Kronid au sujet de ses combats avec des pensées blasphématoires et le désespoir qui les accompagnent:

Un soir, alors que je me tenais dans l'église des Saints Zosime et Sabbace au cours des Vigiles, des pensées terribles, horribles d'incrédulité, de doute et de blasphème apparurent de façon soudaine et inattendue dans ma tête comme un éclair. Ceci arriva si vite et tout à coup que, comme la foudre, ces pensées me brûlèrent avec le feu de l'enfer. Puis ces pensées se déversèrent comme une rivière à travers ma conscience. Je restai muet de peur et d'horreur. Quelque chose d'indescriptible et d'impénétrable, d'horrible et d'étrange, eut lieu dans mon âme. Ces pensées ne me quittaient pas, après que je sois allé de l'église dans ma cellule. Ces souffrances n'étaient en effet en rien de cette terre, mais [elles venaient]de l'enfer. Je fus privé de nourriture et de sommeil. Puis quelques jours, semaines, mois se sont écoulés; un an, deux, trois, quatre passèrent, mais ces pensées infernales continuèrent à s'écouler involontairement, en continuant à me hanter. Je ne pouvais trouver un lieu de soulagement de l'angoisse et de la tristesse, moi, le pécheur, dans mon désespoir, j'ai même demandé la mort au Seigneur.
Cette guerre mentale était indescriptiblement difficile. Imaginez l'état de quelqu'un dans la bataille, quand deux mondes sont en vous: un monde est lumineux, de foi et d'espérance en Dieu et de désir ardent pour le salut, et l'autre, un monde de ténèbres, qui n'inculque que des pensées destructrices et blasphématoires et l'incrédulité. Cette guerre insupportable me visitait en particulier lors de la célébration de la Divine Liturgie. A l'autel de Dieu devant le Saint des Saints et prononçant la prière pour l'action de l'Esprit Saint à la consécration des Saints Dons, je continuais à ce moment même à être vaincu mentalement par des pensées impures d'incrédulité et de doute. Par conséquent, mes larmes de repentir ne connaissaient pas de limites. Même le hiérodiacre Jonathan, qui concélébrait avec moi, voyait comment je pleurais amèrement, il me considérait comme ayant l'esprit dérangé. Lui, bien sûr, pensait cela par ignorance. Il ne savait pas ce qui se passait dans la profondeur de mon âme.
Ma seule consolation et joie était, dans mes minutes de liberté, d'ouvrir le livre des Vies des Saints pour lire sur Niphont, le thaumaturge de Chypre, qui avait subi les mêmes pensées pendant quatre ans. Les pensées destructrices m'attaquaient avec une force particulière les douze jours de grandes fêtes. Mes nerfs s'épuisaient par tout cela, et les pensées de désespoir et la dépression me poursuivaient partout. Perdant le contrôle de moi-même, je fus obligé d'éloigner de moi-même les couteaux, les fourchettes, les cordes, et toutes sortes d'autres objets et d'armes qui pourraient être utilisés pour me suicider. Les mots me manquent pour tout décrire, et les larmes d'horreur et la souffrance que j'ai endurées. Il y avait des moments dans la nuit où j'étais incapable de prendre le contrôle de moi-même et je me précipitais hors de ma cellule, j'allais à la cathédrale, et je courais autour d'elle, en sanglotant, incapable d'attendre l'heure où la cathédrale serait ouverte et où je pourrais pleurer sur ma douleur et mes difficultés insupportables devant les reliques de saint Serge.
Je me souviens maintenant des paroles d'un ascète: "Cherchez par vous-même un staretz et un père spirituel non pas tant empli de sainteté, mais ayant de l'expérience dans la vie spirituelle." J'ai pu éprouver ce conseil sur moi-même d'abord. Lorsque dans mes grandes souffrances je me suis tourné vers une personne spirituellement respectée et lui ai parlé de ma douleur mentale, il m'a écouté et a dit: "Qu'est-ce qui ne va pas chez toi? Seigneur soit avec vous, comment pouvez-vous céder la place à de telles pensées? "J'ai quitté mal compris par lui, ni vivant ni mort de chagrin désespéré. Je n'ai pas dormi toute la nuit. Dans la matinée, dès que je m'étais mis sur mes pieds, je suis allé, en fonction de mes responsabilités, à la classe de peinture, et sur la façon dont je suis tombé sur le chef de l'atelier de peinture, hiéromoine Micah. En me voyant bouleversé, il s'écria avec étonnement:
"Père Kronid! Qu'est-ce qui ne va pas chez toi? Tu es méconnaissable! Ton visage a un air particulier de souffrance, plein de douleurs, exprimant sans le vouloir ta souffrance spirituelle. Parle, quel est ton problème? "
Alors je lui ai dit de tous mes chagrins et mes pensées intérieurs. Il a écouté les larmes aux yeux, avec un sentiment spécial de compassion et d'amour chrétien, comme si lui-même avait enduré ces douleurs avec moi. Il a dit:
"Détends-toi, Père Kronid. Cette grande guerre, cet ennemi insupportable, qui est le lot de beaucoup de gens. Nous ne sommes pas les premiers. Beaucoup, vraiment beaucoup en souffrent. J'ai souffert de cette guerre pendant sept ans et j'ai atteint un tel état que, une fois, allant à la cathédrale de la Dormition pour les vêpres, je ne pus même pas y rester, à cause de pensées d'incrédulité et de blasphème. Sortant de l'église, je suis allé dans la cellule de mon père spirituel, le hiéromoine Avraamy, toujours tremblant et incapable de parler. Le staretz m'a demandé plusieurs fois: "Que t'arrive-t-il? Qu'est-ce qui ne va pas chez toi? Dis-moi!"
Après beaucoup de larmes tout ce que je pouvais dire était: "Batiouchka, je péris" Alors le staretz m'a dit:« Tu ne te complais pas dans ces pensées et tu n'es pas heureux par elles, n'est-ce pas? Pourquoi es-tu si intolérablement alarmé? Détends-toi! Le Seigneur voit ton martyre spirituel, et Il t'aidera en toutes choses."
Puis il a lu la prière d'absolution sur moi, m'a béni, et m'a renvoyé en paix, et depuis ce jour, avec l'aide de Dieu, elles [les pensées blasphématoires] ont complètement disparu. Elles apparaissent parfois à l'occasion, mais je ne leur prête aucune attention, et elles disparaissent, et je me calme rapidement."
Les paroles de Père Micah furent comme un baume précieux versé sur mon âme, et depuis ce temps j'ai eu une diminution significative de cette guerre spirituelle."
Comme nous le savons par sa vie, le Père Kronid a non seulement subi cet assaut de ce qu'aujourd'hui on pourrait appeler une dépression majeure, mais il a quitté cette vie avec la couronne du martyre. Puisse son exemple saint de patience et de longanimité servir à tous nous encourager et nous raffermir!

Saint hiéromartyr Kronid, prie Dieu pour nous!


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
ORA ET LABORA

Source :
http://orthodoxologie.blogspot.fr

Ceux qui suivent un chemin spirituel, s'ils n'ont jamais subi à un degré plus ou moins accentué des épreuves telles, c'est que leur chemin n'est pas le bon. Et si j'ai voulu répandre un tant soit peu ce témoignage, c'est parce qu'il m'a paru très consolant. D'une part en éloignant la culpabilité que, bon gré mal gré, on éprouve parce qu'on croit avoir ouvert la porte à de tels pensers. Et d'autre part en inspirant une confiance absolue dans le Sauveur, dont nous savons, mais en l'oubliant souvent, qu'il ne permet jamais que nous soyons tenté au-delà de nos forces (aidées des siennes, bien sûr).
Ce qui m'a le plus frappé dans cette confession, c'est que cette horrible tentation puisse se produire durant la Divine Liturgie, lorsque le Fils de Dieu se rend corporellement présent, alors qu'on pourrait imaginer que sa Présence fait fuir Satan. Eh bien, non. Et si cela se produit, c'est qu'Il le permet...  

Sur saint Irénée


Sur saint Irénée de Lyon,
Père de l’Eglise,
Fêté le 28 juin

(extraits d’une homélie)




Selon la tradition, les premiers qui apportèrent sur le sol de Gaule la lumière de l’Evangile furent les amis les plus proches de Notre Seigneur, ses familiers, à savoir les saintes femmes que l’on vénère sous le nom des « Saintes Marie de la Mer » : sainte Marie Madeleine, sainte Marthe et leur servante sainte Sarah, ainsi que leur frère saint Lazare, le ressuscité de Béthanie ; on leur attribue d’avoir évangélisé la Provence, de Marseille à Tarascon jusqu’à la Sainte-Baume.

Libre à chacun d’ajouter foi, ou non, à cette très antique tradition, que l’histoire ne confirme ni n’infirme ; ce qu’elle nous dit, c’est qu’il y a des traces de communautés chrétiennes (au pluriel) à Marseille dès le IIe siècle. Ce qu’il faut retenir de cela, c’est un caractère que le christianisme gaulois a toujours revendiqué : la familiarité avec la personne même du Christ Jésus.

Si maintenant on quitte le terrain de la tradition pour celui de l’histoire, elle nous montre à Lyon, en plein cœur du IIe siècle, non seulement une communauté chrétienne, mais une Eglise pleinement constituée, avec à sa tête un évêque, saint Pothin, martyrisé en 177 alors qu’il était nonagénaire, en même temps que ceux que l’on appelle les « martyrs de Lyon », parmi lesquels saint Eléazar, saint Minerve, saint Alexandre, saint Epipode, le diacre saint Sanctus et sainte Blandine, qui avait alors 15 ans.

Les épisodes de leur exécution sont connus de source sûre, ils ne relèvent pas de l’hagiographie imaginative, puisqu’ils firent l’objet d’un rapport officiel – le deuxième connu dans l’histoire après celui sur le martyre de saint Polycarpe dont je reparlerai – rapport adressé par l’Eglise de Lyon à toutes les autres Eglises, dont celle de Rome.

Irénée, alors prêtre, n’avait pas été enveloppé dans cette persécution parce qu’il se trouvait justement en mission à Rome, porteur auprès de l’évêque de cette Eglise, la plus glorieuse d’Occident parce que fondée par les apôtres Pierre et Paul, d’un rapport exposant les sentiments de sa propre Eglise sur un mouvement en pleine expansion et qui devait plus tard dégénérer en hérésie, le montanisme - qui était une sorte de prophétisme charismatique enseignant un ascétisme rigoriste hostile à la chair et refusant la hiérarchie ecclésiastique : comme tel, un ancêtre lointain du catharisme.

De retour de Rome, Irénée succéda à saint Pothin comme évêque de Lyon, en 177, et le demeura jusqu’à son propre martyre, dont le jour calendaire est certain : le 28 juin, mais dont l’année oscille entre 202 et 208.

Qui était Irénée ? Un Grec, originaire de Smyrne. Comme lui-même le rapporte, il a été un disciple intime du grand évêque saint Polycarpe de Smyrne, auprès de qui il a passé son adolescence – saint Polycarpe, illustre figure de l’épiscopat, par son action, par son enseignement (il a écrit de nombreuses épîtres dont la plupart sont, hélas, perdues) et aussi par son martyre, à l’âge de 86 ans, martyre qui est lui aussi connu de source sûre, puisque lui aussi a fait l’objet d’un rapport officiel, celui dont je vous parlais, le premier qui nous reste avant celui des martyrs de Lyon.

Or Polycarpe avait été lui-même un disciple proche de saint Jean l’Evangéliste qui, comme vous le savez, finit sa longue vie à Ephèse. Ainsi donc, saint Irénée fut le fils spirituel de saint Polycarpe, lui-même fils spirituel de saint Jean – raison pour laquelle, dans les litanies que nous chanterons tout à l’heure en son honneur, il est nommé « petit-fils spirituel du disciple bien-aimé ».

Nous touchons ici à une réalité ineffable mais tout à fait consistante, celle de la « filiation spirituelle ». De même qu’il y a, dans l’ordre matériel, des filiations par le sang qui transmettent un certain héritage qu’on appelle le patrimoine génétique, de même il y a, dans l’ordre immatériel, des filiations par l’esprit qui transmettent un héritage spirituel, un patrimoine génétique spirituel. C’est à ce phénomène mystérieux que fait allusion le Christ lorsqu’il dit de Jean Baptiste que « l’esprit d’Elie reposait sur lui. » Ce qui est à l’œuvre là, c’est ce que saint Paul appelle l’ « esprit d’adoption » et qui est un mode d’opération du Saint-Esprit. Celui qui devient par l’esprit d’adoption fils d’un « ancien », reçoit par là-même une part, ou la totalité, de la capacité de compréhension intérieure, par l’esprit et par le cœur, de son père spirituel. Tout en demeurant lui-même il devient en esprit ressemblant à son père.

Ce double mouvement de la paternité et de la filiation spirituelles est porteur de ce qu’on appelle dans l’Eglise la Tradition. Il n’y a pas d’autre moyen de transmettre la tradition vraie que la paternité et la filiation, parce que c’est le rapport que Dieu entretient avec son Fils, le Verbe-Logos, de même qu’avec l’homme, créé à son image.

On peut donc dire d’Irénée que l’esprit de Jean le Bien-Aimé reposait sur lui, et en effet toute sa théologie est issue en droite ligne de celui que la tradition orthodoxe nomme « Jean le Théologien » - c’est-à-dire le théologien par excellence, parce que, selon la même tradition, en reposant à la Sainte Cène sur le cœur de son divin Maître, il a été initié, par transmission directe, par l’effet de la filiation spirituelle dont je viens de parler, à la connaissance des mystères les plus sublimes : la Divinité du Logos et son Incarnation, proclamées par lui dans le Prologue de son Evangile ; et l’essence divine, ou plus exactement la manifestation de l’essence divine, également proclamée par lui dans ses épîtres, et qui est l’amour : « Dieu est amour ».

L’Eglise de Lyon que dirigea saint Irénée pendant un quart de siècle était donc, très expressément, johannite. Et il est bon de noter que cette caractéristique johannite, en même temps que celle que j’ai signalée au départ, à savoir la familiarité avec le Christ, se retrouvent toutes deux dans le rite ancien des Gaules, qui a été en vigueur dans presque tout l’Occident, de l’Espagne à la Germanie inférieure, jusqu’à la réforme carolingienne – et qui a été restauré dans l’Eglise dont je suis le ministre. Sa liturgie est extrêmement proche dans sa structure de la liturgie jérusalémite, en usage dans la première Eglise chrétienne, celle de Jérusalem, dont le premier évêque fut « Jacques, frère du Seigneur », c’est-à-dire son cousin. En outre, tous les textes de la liturgie des Gaules sont entièrement imprégnés de l’Apocalypse, ils sont tissés de motifs empruntés aux visions de l’Aigle de Patmos ; deux caractéristiques qui ne sont pas du tout partagés par les liturgies orientales : de saint Jean Chrysostome, de saint Basile ou de saint Marc. Au demeurant, ces caractéristiques ne se sont jamais vraiment perdues en Occident – indépendamment de la restauration dont je parlais. En effet, lorsque Charlemagne qui, en tant que militaire, aimait ce qui est uniforme, imposa à tout son Empire le rite romain, en réalité ce qui fut mis en œuvre, notamment grâce au grand Alcuin, fut un rite gallo-romain où subsistaient une bonne part des richesses du rite ancien des Gaules, ainsi préservées jusqu’au concile de Vatican II.

Revenons à saint Irénée. Deux choses font sa gloire : ses écrits, et d’avoir rétabli la paix dans l’Eglise. En effet, un dissentiment sérieux opposait les Eglises entre elles à propos de la date de Pâques. Les Eglises d’Asie mineure, interprétant à la lettre l’évangile de saint Jean et s’appuyant en cela sur l’autorité de saint Polycarpe, célébraient la Pâque le 14 du mois hébreu de Nisan. Partout ailleurs, on la célébrait le dimanche suivant. (On sait que, depuis, les chrétiens ont fait beaucoup mieux en matière de désunion et que, si les dates de Pâques selon le calendrier occidental et selon le calendrier oriental peuvent parfois, mais rarement, coïncider, comme ce fut le cas en cette année 2001, l’écart entre elles peut atteindre jusqu’à cinq semaines !). Les papes successifs de Rome ayant échoué à établir par la persuasion l’unité de célébration, le pape Victor décida d’agir par voie d’autorité et menaça d’excommunication les Eglises d’Asie. Bien que saint Irénée fût lui-même, comme je l’ai dit, originaire d’Asie et disciple de saint Polycarpe, l’Eglise de Lyon avait adopté l’usage général. Cependant, il se rendit à Rome pour dissuader le pape Victor de briser la paix de l’Eglise en agissant par la force, surtout contre des Eglises aussi anciennes et aussi vénérables, qui avaient été fondées par d’aussi glorieux apôtres que saint Jean et saint Paul. Il réussit pleinement. En cela, il se conforma à son nom, qui signifie « pacifique » ou « pacificateur », réalisant ainsi la cinquième béatitude : « Bienheureux les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu ».

Son autre titre de gloire, toujours actuel, ce sont ses écrits. Beaucoup sont perdus, mais peut-être certains se retrouveront-ils : c’est ce qui s’est produit avec la Démonstration de la prédication apostolique, découverte en 1904 seulement dans une traduction arménienne au fin fond des archives du patriarcat d’Arménie, à Erevan. Lisez cette Démonstration, c’est un exposé catéchétique simple et lumineux.

Mais lisez surtout le grand traité de saint Irénée en cinq volumes – dont l’original grec ne subsiste qu’en partie mais qui est connu par une traduction latine très fidèle, traité intitulé en latin Contre les Hérésies et, plus explicitement en grec, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, de la fausse gnose. Ces deux œuvres sont disponibles dans la collection des « Sources chrétiennes » - dont le siège, et ce n’est pas un hasard, se trouve à Lyon.

Si vous lisez – ou parcourez, car c’est assez fastidieux – l’examen détaillé des diverses hérésies à l’œuvre au temps de saint Irénée, et dont, souvent, nous ne connaissons plus l’économie exacte que par lui, ainsi que par son disciple saint Hippolyte de Rome, qui écrivit une vingtaine d’années plus tard, vous verrez que les mêmes sont toujours à l’œuvre de nos jours, quoique masquées sous des noms nouveaux et s’exprimant en termes différents. Toutes ces hérésies sans exception reviennent à nier ou à vider de leur substance les trois dogmes de la foi chrétienne, dogmes dont le refus fait que la foi ne peut plus être dite chrétienne :

1)    Dieu est à la fois Un et Trine. Comme il est confessé dans le Symbole dit de saint Athanase :

« La foi catholique consiste à adorer un seul Dieu en trois Personnes et trois Personnes en un seul Dieu, sans confondre les Personnes ni séparer la Substance. Car autre est la Personne de Dieu, autre est celle du Fils, autre est celle du Saint-Esprit. Mais la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est une, leur gloire égale, leur majesté coéternelle. »

2)    Le Verbe, deuxième Personne de la Divine Trinité, est vrai Dieu et vrai homme. Toujours selon le même Symbole :

« La pureté de la foi consiste à croire et à confesser que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme. Il est Dieu, étant engendré de la substance du Père avant tous les temps, et il est homme, étant né dans le temps de la substance de sa Mère. Dieu parfait et homme parfait, ayant une âme raisonnable et une chair humaine. Egal au Père selon la divinité, et moindre que le Père selon l’humanité. Et quoiqu’Il soit Dieu et homme, Il n’est pas, néanmoins, deux personnes mais un seul Jésus-Christ. Il est un, non que la divinité ait été changée en humanité, mais parce que Dieu a pris l’humanité et l’a unie à sa divinité. Un enfin, non par confusion de nature, mais par unité de Personne ».

3)    Dieu est amour. La caractéristique qui manifeste la vie divine ad intra et ad extra, c’est-à-dire les rapports des Personnes divines entre elles et les rapports de Dieu avec sa création, c’est l’amour, l’amour total, sans restriction ni réserve, qui est don et donation.

Les hérésies, toutes sans exception, reviennent à nier tout ou partie de ces dogmes, et tout particulièrement la réalité de l’Incarnation du Verbe, car si le Verbe ne s’est pas incarné, il n’y a plus de salut possible pour l’homme. Et l’ennemi du genre humain, ne pouvant empêcher que le salut de l’homme s’opère, qu’il s’est déjà opéré, s’efforce au moins – et réussit souvent – de faire que tel ou tel homme pris individuellement n’y croie pas, ce qui empêche en effet le salut de s’opérer pour lui.

Donc elles nient, ou la réalité de l’humanité du Christ, ou la réalité de sa divinité – et donc dans les deux cas la réalité de sa double nature ; ou bien elles nient qu’il y ait un abîme absolu entre Dieu Créateur et sa créature, ce qui ferait par conséquent que cette dernière pourrait par ses propres efforts se diviniser elle-même – ce qui est le processus orgueilleux de Babel ; ou bien au contraire elles affirment que cet abîme est infranchissable et que Dieu est un Dieu souverainement indifférent à sa création, un Dieu lointain dénué d’amour ; ce Dieu pouvant même être tellement lointain qu’il sombre dans le néant, qu’il est totalement absent – alors pourtant que cet abîme absolu a été franchi par Dieu qui nous aime et parce qu’Il nous aime.

Cherchez autour de vous, vous reconnaîtrez des silhouettes ô combien familières !

Saint Irénée ne se contente pas de démonter les mécanismes pervers de l’esprit de l’homme déréglé par les insinuations du Malin, il affirme en contrepartie l’axiome lumineux du christianisme, qui est : « Dieu s’est fait homme pour l’homme devienne Dieu ».

La doctrine de saint Irénée est résolument optimiste parce qu’il sait, par cette connaissance intérieure reçue, je l’ai dit, du disciple bien-aimé, que Dieu est amour, qu’il est mû par ce que les Pères grecs appellent la philanthropie, c’est-à-dire l’amour pour l’homme, et qu’Il ne retire jamais ce qu’une fois il a donné.

Cette doctrine est celle-ci. L’homme a été créé originellement dans un état glorieux, il jouissait de l’immortalité et de la joie parfaite de la familiarité avec la présence de Dieu. Il a donc été créé dans un état de perfection – mais dans un état de perfection relative, car cet état était un état d’enfance ; et le programme prévu pour lui était de devenir adulte à la mesure parfaite de Dieu. En d’autres termes, il a été créé à l’image et selon la ressemblance de Dieu, c’est-à-dire qu’il lui fallait compléter la ressemblance de manière à la rendre complète, parfaite, jusqu’à l’identité. Ce qui était proposé à l’homme – et ce qui lui reste toujours proposé – c’est de devenir par grâce ce que Dieu est par nature : divin.

Ce pourquoi il était prévu de toute éternité que le Fils de Dieu s’incarnerait afin d’unir en Lui la divinité à l’humanité, pour qu’en retour l’homme unisse en lui l’humanité à la divinité : réversibilité totale !

L’Incarnation du Verbe n’a donc pas été nécessitée par la chute ; ce que la chute a en revanche rendu nécessaire, à cause de son amour totalement gratuit pour l’homme, c’est sa Passion et sa Mort sur la Croix ; Croix qui devient du même coup l’instrument du triomphe sur la mort, et sur le maître de la mort : Satan, puisqu’elle ouvre les portes de la Résurrection.

Ainsi, le plan divin, qui est la déification de l’homme et la transfiguration universelle, en d’autres termes l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle, de la nouvelle Jérusalem venue d’en haut d’auprès du Père, ce plan s’accomplit-il de nouveau. Et il s’accomplit au sein de l’Eglise « catholique » au sens propre, c’est-à-dire universelle ; car l’Eglise est le milieu, le creuset, l’athanor, dans lequel, par l’action du Christ et du Saint-Esprit - « ces deux mains du Père à l’œuvre », comme les décrit saint Irénée - l’univers entier est en marche vers la transfiguration et l’homme vers la déification. L’Eglise sera accomplie en plénitude lorsque la totalité de la nature créée sera réunie dans la Nouvelle Jérusalem par et dans l’Agneau Emmanuel, « Dieu-avec-nous ».

Autre point : ce qui, en l’homme, est porteur de la ressemblance divine, c’est son esprit, cependant que son corps et son âme participent de la nature matérielle créée. Ainsi donc il unit originellement en lui les cieux et la terre. Les cieux nouveaux et la terre nouvelle annoncés par saint Jean dans son Apocalypse, ce sera l’Homme Nouveau, à la mesure parfaite du Christ, le Premier Adam renouvelé, redevenu nouveau, par sa similitude et son union avec le Nouvel Adam, Jésus-Christ.

Telle est la théologie fulgurante de saint Irénée – et pourtant exposée avec une simplicité et une limpidité saisissantes, qui sont la marque de la vérité. La vérité est évidence !

A notre Dieu qui nous a aimés d’un tel amour qu’Il nous a donné son propre Fils pour nous communiquer et partager avec nous son amour, et qui nous a donné de tels apôtres pour nous réunir dans le lieu de son amour qui est l’Eglise, au Dieu Tri-Unique, soient honneur, gloire et adoration aux siècles des siècles.

mercredi 27 juin 2012

Willermoz théologien


 J.-B. Willermoz


Mon ami A Valle Sancta a naguère publié sur le blog qui porte son nom une succession d’articles (29 octobre 2010, 31 octobre 2010, 4 novembre 2010, 11 décembre 2010) sur un sujet d’un vif intérêt : Rite écossais rectifié et Christianisme primitif. Certains seront peut-être perplexes à cette lecture : quel rapport entre les deux ? Le rapport ? c’est évidemment Martines de Pasqually, qui ressortit d’une manière flagrante, comme l’a montré Robert Amadou, du christianisme primitif, ou du judéo-christianisme – les deux s’étant confondus pendant un peu plus d’un siècle. Or le christianisme primitif est fort peu connu et même ignoré des milieux ésotérisants (à part une marge peu représentative). Pourtant, on ne peut étudier convenablement Martines sans se référer à ce courant, qui, dans l’histoire, a irrigué aussi bien les milieux orthodoxes que les milieux hétérodoxes. Ensuite de quoi, on pourra rapporter ces notions à celles du XVIIIe siècle chrétien (très précisément catholiques romaines et luthériennes) qui ont pris corps dans le Régime écossais rectifié. D’où la grande utilité du travail d’A Valle Sancta lorsqu’il sera achevé.

La quatrième de ces études http://blog.avallesancta.com/2010/12/rite-ecossais-rectifie-et-christianisme.html  avait donné lieu de ma part à un commentaire (14 décembre 2010) qu’il me paraît utile de remettre au jour. Le voici :

La mise en miroir de différents textes de Jean-Baptiste Willermoz consacrés à un même sujet se révèle une fois encore fructueuse et instructive, ce que j’avais constaté et appliqué pour mon compte sur un autre sujet il y a un certain nombre d’années. Avec le travail précis d’A Valle Sancta, nous est une fois de plus confirmé à quel point Willermoz était un esprit exceptionnel : il montre dans ses analyses une justesse et une précision qui ne sont pas sans étonner en un siècle où la théologie, non moins que la métaphysique, étaient décriées et moquées par l’ « esprit de l’Encyclopédie », la « philosophie des Lumières ».
Justesse, précision et finesse aussi, car il trouve le moyen de « rectifier » l’enseignement de Martines dans le double sens du terme : « corriger » et « enrichir ».
Jean-Marc Vivenza a écrit quelques lignes sur « Willermoz lecteur de saint Augustin ». La manière dont ce dernier « rectifie » l’opinion erronée, parlons clair : hérétique, de Martines sur la Trinité sort en effet en droite ligne de saint Augustin, revu par saint Thomas d’Aquin.
En bref : la théologie trinitaire latine est ascendante : elle part des catégories de l’âme humaine pour élaborer une compréhension de la réalité intime de la Trinité. Cette doctrine a été énoncée d’abord par saint Augustin (IVe-Ve siècles), perfectionnée par saint Anselme de Cantorbéry (XIe siècle) et parachevée par saint Thomas d’Aquin (XIIIe siècle). Elle met en relation les catégories de l’âme intellectuelle que sont la pensée, la volonté et l’action avec les trois Personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans sa formulation technique, elle est indissociable de la théorie du Filioque en vertu de laquelle le Saint-Esprit procède du Père « et du Fils ».
Au contraire la théologie trinitaire orientale, dite « orthodoxe » est descendante. Elle part des réalités premières et principielles que sont les Hypostases divines – celle du Saint-Esprit procédant « du Père seul » (ek monou tou patros) pour expliquer par analogie la constitution de l’homme, et non pas seulement celle de son âme.
Pour résumer à grands traits, dans la théologie latine Dieu est expliqué par l’homme, dans la théologie orthodoxe l’homme est expliqué par Dieu (pour tout cela voir l’étude IV de l’essai de Vladimir Lossky « A l’image et à la ressemblance de Dieu », étude intitulée « La Procession du Saint-Esprit dans la doctrine trinitaire orthodoxe »).
Avec ces notions apportées par la théologie latine, Willermoz se trouvait en terrain solide pour aligner les propositions de Martines sur la foi catholique.
Très subtil est le commentaire que Willermoz donne du quatrième élément constitutif du « quaternaire divin », quaternaire qui, si l’on n’y prenait pas garde, pourrait se transmuer en une « quaternité ». En faisant de l’ « opération » le résultat de l’activité des trois « puissances » divines, Willermoz distingue formellement son plan de celui de ces trois autres. Cette présentation ingénieuse écarte le risque dont je parlais (même si, ailleurs, « opération » et « action » sont assimilées) ; je l’avais remarqué jadis à l’époque où j’étudiais les Conférences des Elus Coëns de Lyon dans édition procurée en 1974 par Antoine Faivre.
Assimiler à cette opération l’homme « appelé à participer à la triple essence qui devient ainsi quatriple » est une supputation qui mérite intérêt. J’avoue qu’elle ne me convainc pas absolument, et, selon moi, les « êtres spirituels qu’elle [l’essence divine une] contient en elle de toute éternité » sont, non seulement les humains, mais aussi les anges.
Au passage, je noterai un détail. L’expression « triple essence… du Père, du Fils et du Saint-Esprit », me choquait, je l’avoue, dans la Profession de foi des chevaliers. Or je dois reconnaître que le commentaire que Willermoz en donne : « C’est pourquoi nous parlons souvent d’une triple essence en Dieu, et ne disons jamais trois essences, parce qu’il n’y a pas trois Dieux. C’est par l’action et le concours simultané de ces trois puissances créatrices que l’unité se manifeste hors d’elle-même dans toutes ses productions divines… », ce commentaire me donne entière satisfaction. Il eût certes été encore meilleur de parler d’une « essence trine et unique », mais à l’impossible nul n’est tenu !
Lecteur de saint Augustin, Willermoz l’est aussi, assidûment, de saint Paul. Les citations explicites ou implicites de l’apôtre des nations sont légion dans ses écrits. Le membre de phrase : « Aussitôt la sagesse incréée, le Verbe de Dieu, qui est Dieu, le fils unique, l’image et la splendeur du père Tout-puissant… » est du saint Paul presque mot pour mot ; cet autre membre de phrase : « …puisque c’était l’homme qui par son crime avait fait entrer la mort dans le monde… » est une reprise de ce passage de l’épître aux Romains (5,12) qui a fait couler tant d’encre au sujet du « péché originel ».
Willermoz s’inscrit donc d’une manière parfaitement juste dans la « théologie de la rédemption » qui prédomine en Occident, en particulier depuis saint Anselme qui l’a théorisée, et qui, mettant l’accent sur le rachat, plante la croix au sommet de toute l’œuvre accomplie par le Christ. Au contraire, la théologie orthodoxe ne sépare pas la rédemption de l’homme par le Christ de sa déification par le Saint-Esprit. « La Passion ne peut être séparée de la Résurrection, et le corps glorieux du Christ assis à la droite du Père, de la vie des chrétiens ici-bas. » Et : « Le mystère de la Pentecôte est aussi important que celui de la Rédemption. L’œuvre rédemptrice du Christ est une condition indispensable de l’œuvre déificatrice du Saint-Esprit ». Ces quelques lignes sont extraites du chapitre V de l’ouvrage de Lossky déjà cité, intitulé « Rédemption et déification ». Pour cette théologie-là, la résurrection du Christ, prémices de la résurrection universelle, est l’accomplissement du salut des hommes, la restauration de la nature humaine, et la remise en marche de la race humaine vers ce qui est sa vocation : la déification de l’être créé par la grâce incréée.
On ne saurait faire grief à Willermoz de l’avoir ignorée. En revanche on ne saurait assez louer son œuvre de purification du martinésisme, sans quoi celui-ci serait resté un avatar tardif du judéo-christianisme

lundi 25 juin 2012

Mémoire des nouveaux martyrs de la foi orthodoxe



Actuellement en Russie un mouvement est apparu pour renseigner les gens là-bas sur les labeurs ascétiques de leurs frères dans la foi. Il est intitulé "De la Nativité à la Résurrection", et comprend des représentants des Eglises orthodoxes et des organisations de Grèce, Chypre,  Russie, et de la diaspora grecque du Kazakhstan - lieux où la mémoire de ceux qui ont souffert pour leur foi sous la domination ottomane est maintenue vivace. Un des organisateurs de ce forum culturel, Pavel Illarionov, nous parle des leçons que nous pouvons apprendre de l'histoire d'une persécution de masse relativement récente des chrétiens.

Pavel Ilarionov

Pourquoi les représentants des Eglises de  la Fédération de Russie, de Constantinople, de Chypre, de Grèce se rassemblent-ils? Quels sont les événements qu'ils se remémorent?

-Il est bien connu que dans l'histoire des peuples balkaniques, les nombreux siècles de la domination ottomane sont d'une importance particulière. Cette période historique a commencé après la chute de Constantinople en 1453. La persécution des chrétiens dans l'Empire ottoman a continué jusques au XXe siècle. Beaucoup de gens sont aussi morts en martyrs dans les années 1920, pendant le temps du génocide du Pont, lorsque les Grecs de la région côtière de la mer Noire de la Turquie ont été transférés en masse vers des territoires de l'ancien Empire russe. Ce qu'ils eurent à subir est également quelque peu familier à notre  peuple (de Russie), qui a également été soumis au XXe siècle à une longue période de persécution contre les chrétiens.

Ces dernières années, les nouveaux martyrs de Russie ont accédé à la vénération en Grèce et à Chypre, et avant la révolution communiste, les Russes ont honoré la mémoire de ces courageux peuples orthodoxes qui ont souffert sous la domination turque. L'Eglise russe vénère les saints grecs, serbes, bulgares qui sont morts pour leur foi. Cette commémoration, a même déterminé dans une large mesure la politique orientale de l'Empire russe.

Maintenant, nous revivons cette commémoration, les initiateurs de ce renouveau sont les descendants de ces Grecs déplacés qui vivent actuellement dans les pays de l'ex-URSS. Il s'agit d'une continuation de la communion spirituelle entre nos deux pays orthodoxes.

Par ailleurs, nos compatriotes d'origine grecque ont également eu à endurer la persécution dans notre pays pendant l'ère stalinienne, ils ont également été massivement déplacés vers le Kazakhstan. Il y a encore de nombreuses communautés grecques là-bas, pour qui ce thème est très important.

Où le thème "De la Nativité à la Résurrection" aura-t-il lieu, et quels événements comprendra-t-il?

-Les événements auront lieu tout au long de l'année 2012. Ils commencent à Moscou et se poursuivront à Rostov-sur-le-Don, Alma-Ata, puis au Mont Athos.

À l'Agence d'informations RIA Novosti le 23 Janvier, il y aura une table ronde; les participants comprendrnt des moines du Mont Athos, des prêtres russes, et des organismes communautaires orthodoxes.

Leur principal objectif est de parvenir à une relance digne de la mémoire historique. Ils demanderont le soutien de Sa Sainteté Kirill, Patriarche de Moscou et de Toutes les Russies.

Le 25 Janvier il y aura une cérémonie solennelle à l'issue des conférences de la Nativité du XXe internationales dans la salle de réunion de la cathédrale du Christ Sauveur, qui comprendra un concert commémoratif intitulé "confesseurs de l'orthodoxie après la chute de l'Empire", avec la participation des meilleurs artistes et musiciens grecs et russes. L'organisateur de cet événement est le chef Constantin Haralampidis. Les participants aux conférences de la Nativité des différents diocèses sont les bienvenus pour assister au concert, tout comme d'autres qui souhaiteraient venir.


Nouveaux Martyrs du joug turc.

Quels saints sont représentés sur cette icône?

-Cette icône est la première d'une série qui est en cours de création sur le Mont Athos. Le travail est actuellement en cours pour créer une nouvelle iconographie de la Synaxe de tous les Saints Nouveaux Martyrs et Confesseurs de Grèce, d'Asie Mineure, du Pont, et de Chypre. Elle est basée sur l'icône des Nouveaux Martyrs de Russie. Il n'y a pas d'icône similaire en Grèce-différents Nouveaux Martyrs ont été vénérés dans différentes régions, mais maintenant le temps est venu d'unir la recherche hagiographique complétée par les Eglises de Constantinople, de Grèce et de Chypre dans leurs différents diocèses. Dans le cadre de ces événements, nous allons distribuer des copies de cette icône, une fois qu'elle sera terminée, dans tous les coins du monde orthodoxe, ceci comprendra les églises russes.

La vénération des nouveaux martyrs de Russie et de Grèce peut-elle être comparée?

-La signification des labeurs ascétiques et des prouesses de leurs propres compatriotes a toujours été très importante pour l'identité nationale du peuple grec. Cependant, elle unit non seulement les Grecs, mais aussi le peuple russe et le peuple grec sur leur trajectoire historique. C'est la lutte pour la foi et le dépassement de la peur de la mort qui est devenue la base d'un renouveau spirituel dans les deux pays.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
English Edition

J'ai un peu hésité à ajouter des commentaires à cette information qui me paraissait devoir s'en passer.  Si pourtant je l'ai fait, c'est parce qu'en ces temps d'islamophilie dominante, il est de bon ton de prêcher la coexistence pacifique avec un Islam qui n'en demande pas tant et n'en a jamais demandé tant : l'histoire le démontre.
Je ne méprise pas l'Islam, c'est une religion exigeante si du moins on la pratique intégralement, ce qui est loin d'être le cas des dirigeants de nombreux pays où les autres religions sont interdites et leurs fidèles pourchassés - je n'ai pas besoin de citer de noms. Mais justement, en tant que religion exigeante et qui se considère comme la seule religion vraie, elle ne peut considérer pareille coexistence qu'à titre transitoire en attendant la conversion du monde.
Je citerai de nouveau cette phrase d'un mufti à un évêque (orthodoxe, mais il aurait pu être catholique romain) : "Vous êtes nos seuls ennemis, car vous et nous nous avons une visée universelle. Ne soyons donc pas naïfs.
J'ajoute que si l'Islam, par son culte d'un Dieu absolument transcendant et sans "associés" est un excellent antidote contre les dévotions idolâtriques, il ignore entièrement la miséricorde et la charité. Allah est qualifié de "très clément" mais il l'est uniquement pour les fidèles "soumis", c'est-à-dire musulmans, et n'éprouve aucune miséricorde envers les pécheurs et les infidèles. "Dieu est amour" est une phrase incompréhensible pour un musulman.
(On m'objectera sans doute les soufis, mais chacun sait qu'ils sont très mal vus par les musulmans orthodoxes et instruits, en particulier les ouléma.)


mercredi 20 juin 2012

Sur l'Homme, petit monde

Mon cher Laurent Drelincourt (voir mon billet du 11 juin 
http://www.blogger.com/blogger.g?blogID=8209942322429192152#editor/target=post;postID=7997304978815549210)
n'a guère eu de succès... : sept visites seulement !


Je persiste pourtant - d'autant que les thèmes qu'il traite auraient de quoi parler aux maçons rectifiés !

Sur l’Homme

PETIT MONDE

                                               Portrait de la divine Essence [1],
                                               Incomparable Bâtiment,
                                               Où l’Eternel, en le formant,
                                               Déploya sa Toute-puissance :

                                                           Simple Etre, par ton  Existence ;
                                               Plante, par ton Accroissement ;
                                               Animal, par ton Sentiment ;
                                               Ange, par ton Intelligence :

                                                           Temple vivant, Monde abrégé,
                                               Où le Créateur a logé
                                               Tant de différentes Images :

                                                           Chef-d’œuvre, admirable & divers ;
                                               Homme, rends à Dieu les Hommages
                                               Des Etres de tout l’Univers.



[1] Sa Beauté publie que Dieu est son Auteur, et quelle figure ferai-je à Dieu, puisqu’à le bien prendre l’Homme lui-même est sa figure ? (Minucius Felix). C’est un Miracle qui surpasse de bien loin et les Eléments, et le Ciel même, disent quelques Anciens. Et d’autres le qualifient : Animal Divin, Etincelle de Dieu, Temple de Dieu, Roi du bas univers, Dieu visible, Dieu mortel, Merveille du Monde, Monde de Merveilles, et Microcosme : c’est-à-dire : Petit Monde.


                        Laurent Drelincourt, Sonnets chrétiens, livre premier, sonnet XI