mardi 17 avril 2012

Christianophobie (suite) 2/3 Le nouveau fim de Pavel Lounguine


-         Dans un contexte de tension entre l’idéologie libérale et la vision religieuse du monde, le projet que vous avez réalisé en commun avec le réalisateur Pavel Lounguine – le film « le Chef d’orchestre » – revêt une importance particulière. Comment est venu l’idée de ce film, quels étaient vos objectifs ?
-         J’ai fait la connaissance de Pavel Lounguine il y a cinq ou six ans, peu après la sortie de son film « L’Île », qui m’avait fait très bonne impression, et peu après que j’ai écrit mon oratorio « La passion selon saint Mathieu ». Je lui ai offert un disque avec un enregistrement vidéo de la première, qui avait eu lieu en présence du Patriarche Alexis II, de bienheureuse mémoire, et du Primat actuel de l’Église orthodoxe russe, le Patriarche Cyrille (à l’époque Président du Département des relations extérieures) ; Vladimir Fedosseev était à la direction. Lounguine a apprécié cette musique et nous avons discuté d’un éventuel accompagnement vidéo permettant d’en accentuer l’effet.
Mes idées étaient assez simples, je pensais illustrer la musique de fresques antiques, disons byzantines, macédoniennes, serbes, avec des représentations des scènes de l’histoire de la passion du Christ dont parle l’Évangile et qui sont mises en musique dans l’oratorio. Lounguine m’a tout de suite signifié que cela ne l’intéressait pas, qu’il ne faisait pas de documentaires, mais seulement du cinéma de fiction et il m’a proposé d’unir musique et jeu d’acteurs. Ensuite, il s’est mis à travailler au scénario. Cela a pris un certain temps, puisqu’entre temps je suis devenu président du Département des relations ecclésiastiques extérieures et métropolite. Je sais qu’il a écrit plusieurs versions avant d’obtenir un scénario satisfaisant.
Je n’ai pas participé au tournage. Je n’ai assisté qu’au tournage d’un seul épisode, celui où le chef d’orchestre monte sur scène, où l’orchestre se met à jouer ma musique.
Au final, nous sommes parvenus à mon avis à un produit réussi d’alliance artistique.  La musique n’est pas une simple bande originale, elle est un des principaux personnages du film. Bien plus, certains épisodes s’inscrivent entièrement dans des numéros de l’oratorio « la passion selon saint Mathieu ».
-         Que peut offrir à nos contemporains l’alliance de la musique sacrée et de l’art cinématographique ? Peut-elle vraiment les rapprocher de Dieu, les rendre meilleurs, plus droits, plus profonds ?
-         Je pense que ce genre de film est important : ils obligent le spectateur à réfléchir au sens de la vie et à la responsabilité de ses actes, sans proclamer directement des idées ou des valeurs religieuses.
Ce film ne contient aucune morale religieuse à proprement parler. C’est-à-dire qu’il ne se termine pas, par exemple, sur l’image du chef d’orchestre allant à confesse et recevant le pardon de ses fautes ; on ne voit pas non plus les héros du film se précipiter tous ensemble à l’église pour y communier.
Lounguine est un réalisateur qui, comme il le dit lui-même, aime travailler en demi-teintes ; il n’aime pas mener les sujets à leur fin logique. Et ici non plus, aucun sujet n’est terminé. Nous devenons en quelque sorte les participants d’un drame qui se développe sur plusieurs jours, mais nous ne savons pas ce qui l’a précédé, ni ce qui viendra après.
Pourtant, ce film parle de thèmes très importants, de thèmes éternels comme les rapports entre parents et enfants, entre mari et femme. Et ce film nous montre que certains de nos actes sont parfois irréparables. Par exemple, les relations de ce chef d’orchestre et de son fils qu’il ne comprenait pas, qu’il ignorait. Et sa relation ne change que lorsque l’irréparable est survenu, son fils est mort.
-         Une parabole déçue du fils prodigue ?
-          Oui, c’est pourquoi je pense que ce film est important, dans le sens où il montre la vie quotidienne de gens ordinaires, une vie dans laquelle le malheur fait irruption, dans laquelle font irruption des problèmes, une vie dans laquelle la musique fait irruption. Et cette musique donne à l’intrigue un nouveau sens.
-         Peut-on dire que les héros du film vivent des moments forts, des passions, des douleurs, des peurs, des malheurs, des doutes que l’on pourrait comparer avec les souffrances du Christ, et que cela doit indiquer au spectateur qui réfléchit le chemin de l’église ?
-         Un des scénarios proposait de faire dépendre l’intrigue du sujet de la passion du Christ, autrement dit, de développer dans le film deux sujets parallèles. Finalement, la passion du Christ en tant que sujet n’est pas représentée dans le film, dont toute la durée est occupée par le déroulement de l’intrigue.
Malgré tout, il me semble que l’histoire de la passion du Christ se laisse deviner en filigrane, même si elle n’apparaît pas directement. Elle transparaît dans la musique, dans les fragments du récit évangélique qui y sont lus. Elle se laisse deviner dans le parallèle du drame humain qui se déroule sous nos yeux dans le film avec Jérusalem où, il y a deux mille ans, s’est déroulé un autre drame humain. Finalement, tous ces drames ramènent au thème de la relation de l’homme avec Dieu.

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