vendredi 24 février 2012

Lettre d'une moniale à un nouvel orthodoxe

Cher Jean,

Je comprends que vous êtes sur la bonne voie pour devenir orthodoxe. Je ne sais rien sur vous, au-delà du fait que vous êtes Anglais.

Avant d'aller plus loin, il y a un point je tiens à souligner. On ne m'a pas dit pourquoi vous êtes sur le point de vous convertir, mais je vous assure qu'il n'y a pas le moins du monde à le faire, si c'est pour des raisons négatives. Vous trouverez autant de "mauvais" (si ce n'est plus) dans l'Orthodoxie que dans les églises anglicanes ou romaines.

Donc - le premier point est le suivant : êtes-vous prêt à faire face aux mensonges, à l'hypocrisie, au mal et à tout le reste, tout autant dans l'Orthodoxie que dans toute autre religion ou confession?

Vous attendez-vous à une sorte de paradis terrestre et avec beaucoup d'encens et le bon type de musique?

Vous attendez-vous à aller tout droit au paradis si vous vous signez lentement, pompeusement et avec la forme correcte en partant du côté droit?

Avez-vous un livre de cuisine avec toutes les recettes russes authentiques pour les fêtes de Pâques?

Etes-vous un expert pour embrasser trois fois à chaque occasion possible, ou inappropriée?

Pouvez-vous vous prosterner avec élégance sans perdre une grande variété d'articles de papeterie de vos poches?

OU...

Avez-vous lu les Evangiles?

Avez-vous rencontré le Christ crucifié? En esprit avez-vous assisté à la Cène - [connaissez-vous] le sens de la Sainte Communion?

ET...

Êtes-vous prêt, en toute humilité, à comprendre que vous ne saurez jamais rien, dans cette vie, au-delà de la foi; que la foi, c'est accepter la vérité sans preuve. La foi et la connaissance sont la contradiction ultime et l'absorption ultime l'une dans l'autre.

L'Orthodoxie vivante est basée sur le paradoxe, qui est reporté sur le culte - privé ou public.

Nous savons parce que nous croyons et nous croyons parce que nous savons.

Par-dessus tout, êtes-vous prêt à accepter toutes choses comme venant de Dieu?

Si nous sommes censés, toujours, être "heureux", pourquoi la crucifixion? Êtes-vous prêt, quoi qu'il arrive, à croire que quelque part, d'une certaine manière, il doit y avoir un sens? Cela ne signifie pas l'acceptation passive, mais cela signifie une vigilance constante, l'écoute, pour ce qui est exigé, et surtout, l'amour.

Pauvre, vieux, malade, jusqu'à notre dernier souffle, nous pouvons aimer. Pas un non-sens sentimental si souvent confondu avec l'amour, mais l'amour du sacrifice - la crucifixion intérieure de l'avidité, de l'envie, de l'orgueil.

Et ne jamais confondre l'amour avec la sentimentalité.

Et ne jamais confondre le culte avec l'affectation.

Soyez humble - aimez, même quand c'est difficile. Non pas l'amour sentimental- et ne traitez pas l'office de l'église comme une représentation théâtrale!

J'espère qu'un peu de tout cela a du sens,

Avec mes meilleurs vœux,

Mère Thekla
(Autrefois higoumène du monastère de l'Assomption, à Normanby)

Mère Thekla a écrit ce qui précède en 2009 quand elle avait 91 ans.

Version française Claude Lopez-Ginisty d'après PRAVMIR citant: The Orthodox Parish of St Aidan and St Chad

Claude Lopez-Ginisty me pardonnera (j'espère) de lui emprunter cette lettre ; elle est trop belle, et je n'ai pas résisté.



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