vendredi 13 décembre 2013

L'art des castrats : intermède

Un ami lecteur de ce blogue m'a récemment interrogé sur la différence entre "haute-contre" et "contre-ténor".

Je ne puis mieux faire que de reproduire l'étude suivante qui est d'un expert :



Le contre-ténor et la haute-contre
Par David Le Marrec, mardi 20 juin 2006

Nombre d'ouvrages de vulgarisation effectuent une confusion assez grossière entre contre-ténor et haute-contre, si bien que bon nombre d'amateurs, y compris éclairés, ne savent plus où donner de la tête.

Mettons simplement les choses en place.

Entre le type d'émission et le répertoire, il est impossible de se tromper après lecture de cette note !

Certes, il s'agit de deux voix d'homme, aiguës, essentiellement utilisées en musique baroque. Mais à part cela...

En une phrase :

La différence est très simple : la haute-contre est un ténor aigu (avec voix mixte) du répertoire baroque français, tandis que le contre-ténor est un falsettiste.

Le contre-ténor est un chanteur qui utilise la voix de fausset (également appelée voix de tête). On peut dire aussi « falsettiste », qui a l'avantage de la clarté. Ce chanteur peut être à l'origine ténor ou baryton, peu importe.
Il y a différentes tessitures en effet chez le contre-ténor : on parle surtout de l'alto et du mezzo-soprano (appelés « altiste » et « sopraniste »). On le trouve beaucoup dans la musique italienne du XVIIIe siècle, surtout dans la musique religieuse ou dans les seconds rôles d'opéra. Un peu dans certains opéras contemporains - depuis Britten ayant écrit pour Deller, le redécouvreur de cette voix, le rôle d'Obéron du Songe d'une Nuit d'Eté.
Exemples : Alfred Deller, Paul Esswood, Andreas Scholl, Bejun Mehta, David Daniels, Philippe Jaroussky, etc.

Attention, les castrats avaient une voix plus puissante, plus proche de la voix de femme, et ne chantaient pas forcément en fausset. On les remplace aujourd'hui par des contre-ténors pour chanter les opéras de Haendel, pour des affaires de vraisemblance contemporaine (un homme ne saurait être chanté par une femme), mais ce choix n'a rien d'authentique, leur voix n'est pas la même, seule leur tessiture est à peu près semblable .

Contrairement aux mezzos et contraltos qui ont toujours alterné avec les castrats dans ces rôles.

La haute-contre est un ténor, vraiment un ténor. Un ténor qui a une tessiture assez élevée (souvent des phrases à tenir entre l'ut3 et le sol3 sans tension), un timbre assez doux. Il doit savoir utiliser la voix mixte (mélange de voix de poitrine et de voix de tête).
Il est essentiellement utilisé pour chanter les héros de la tragédie lyrique française des XVIIe et XVIIIe siècle, un sujet souvent abordé ici. On n'en rencontre plus d'emplois depuis, y compris dans la musique contemporaine.
Exemples : Howard Crook et Cyril Auvity en sont probablement les deux meilleurs représentants. Disques recommandés : Phaëton de Lully par Minkowski pour le premier, Callirhoé de Destouches par Niquet pour le second.

Précisons qu'on trouve aussi un autre type de ténor, en France, essentiellement utilisé dans la musique religieuse : la voix de taille, un ténor grave à la couleur claire, tout à fait chantable par un baryton en termes de tessiture. Il peut partager l'affiche avec une haute-contre, comme dans les grands motets de Delalande. Voir par exemple le magnifique disque de Paul Colleaux (Erato 1991) où figure Jubilate Deo omnis Terra.

Pour finir, une curiosité : Gérard Lesne, qui chante à la fois comme haute-contre et contre-ténor (altiste), et le tout sans changer nettement son émission ! Il faut dire qu'il est autodidacte.

En bref :

Le castrat a disparu et n'a pas d'équivalent aujourd'hui. A rapprocher des voix de femme.
Le contre-ténor utilise la voix de fausset pour chanter. On le trouve dans le baroque italien (et un peu la musique contemporaine). Beaucoup de rôles de castrats sont aujourd'hui tenus par des contre-ténors pour des raisons essentiellement fantasmatiques.
La haute-contre est un ténor à la tessiture haut placée, "à l'émission haute", et intervient uniquement dans le baroque français, notamment les rôles de jeunes premiers dans la tragédie lyrique.


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