jeudi 13 septembre 2012

Exaltation universelle de la vénérable et vivifiante Croix


Pourquoi le Fils de Dieu s'est-il fait homme ?

(Saint Irénée, Démonstration de la Prédication apostolique, § 31 à 34)

L'Eglise aujourd'hui célèbre une des deux fêtes de la Croix de notre Seigneur : la découverte, en latin l' "invention" en 320 par sainte Hélène de la croix qui avait été ensevelie avec l'ensemble du Golgotha lorsque l'empereur Trajan avait fait niveler Jérusalem et avait fait d'elle une ville païenne sous le nom d'Aelia Capitolina ; et en même temps la dédicace de la basilique Sainte-Croix à Jérusalem en 325. L'autre fête célèbre, le 3 mai, le retour à Jérusalem de la Croix conquise en 614 par le roi perse Chosroës et reconquise en 630 par l'empereur Héraclius.

Il m'a paru judicieux de publier en la présente occasion le passage que saint Irénée consacre à la Croix du Sauveur dans son traité Démonstration de la Prédication apostolique à cause de la dimension cosmique qu'il donne à son exégèse. En effet, tout en inscrivant comme d'ordinaire la Croix dans l'économie du salut, il la replace aussi dans l'économie de la création : c'est parce que la Croix est en quelque sorte la charpente de l'univers créé dans ses quatre dimensions, dimensions qui sont celles que l'apôtre Paul attribue à l'amour (divin), c'est pour cette raison même que le Christ devait être attaché à une croix. Ainsi l'action créatrice du Fils de Dieu et l'action salvatrice du Fils de l'Homme, nouvel Adam, se répondent-elles l'une l'autre par le moyen du même symbole. Et, comme il est dit dans une hymne liturgique, celui qui, comme Créateur porte sa créature, est porté par elle comme sauveur. Et cette Croix, à la fois symbole et réalité ô combien concrète, a les dimensions de l'amour.

Pour une parfaite compréhension du texte et pour en respecter la logique, je l'ai fait partir de l'origine : la création de l'homme et sa faute. Mais j'ai mis en caractères gras le passage, court mais dense, qui se rapporte à la Croix.



icône de Léonide Ouspensky


31 Le Fils a uni l'homme à Dieu, et de cette façon l'homme a reçu la communion avec Dieu. Le Fils s'est fait homme, et le monde entier l'a vu. En effet, nous ne pouvions pas participer à la vie avec Dieu pour toujours, sauf si cette vie venait parmi nous. Cette vie, c'est le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité de la mort pour nous. Comme la vie qui ne finit pas était invisible, elle n'était d'aucun secours pour nous. C'est pourquoi elle est devenue visible. Il le fallait pour que, à tous points de vue, nous participions à la vie avec Dieu. Dans le premier homme, Adam, nous avons tous été enchaînés à la mort à cause de la désobéissance. Il a donc fallu que, par l'obéissance de celui qui se ferait homme pour nous, nous soyons libérés de la mort pour toujours. La mort a régné sur les humains. Il fallait donc qu'elle soit détruite par un homme, et que les êtres humains soient ainsi libérés de son pouvoir.

Le Verbe du Père s'est donc fait homme pour détruire, par sa vie d'homme, les mauvais désirs humains qui avaient dominé sur l'humanité. De cette façon, le péché n'a plus été en nous. Et c'est pourquoi le Seigneur a reçu un corps d'homme pour combattre pour ses ancêtres et vaincre en Adam celui qui nous avait vaincus en Adam.

32. C'est quand la terre était encore vierge que Dieu a pris de la boue de la terre et qu'il a modelé l'homme. Et cet homme devait être le point de départ de l'humanité. Le Seigneur a voulu récapituler en lui-même cet homme. C'est pourquoi il a reçu un corps formé d'une manière semblable à celui d'Adam, en naissant d'une Vierge par la volonté et la sagesse de Dieu. Ainsi le Seigneur a montré qu'il avait un corps formé d'une manière semblable à celle d'Adam. Il a montré qu'il est cet homme même que les Livres saints décrivent ainsi :  depuis le commencement, il est à l'image et à la ressemblance de Dieu.

33. Par la désobéissance d'une vierge, Ève, l'homme a fait une faute et il est mort. Pareillement, par l'obéissance de la Vierge Marie à la parole de Dieu, l'homme a vraiment retrouvé la vie. Car le Seigneur est venu chercher la brebis qui était perdue, et cette brebis, c'est l'homme. C'est pourquoi il n'y a pas un nouvel homme modelé par Dieu. Mais parce que le Seigneur est né de Marie qui descend d'Adam, il descend du premier homme, Adam, qui a été modelé à la ressemblance de Dieu. En effet, il fallait qu'Adam soit récapitulé dans le Christ. Alors ce qui était mort pourrait être rendu vivant par ce qui ne meurt pas. Il fallait aussi qu'Ève soit récapitulée en Marie. Alors Marie, en défendant Ève, pourrait détruire la désobéissance d'une vierge par l'obéissance d'une Vierge.

Et la faute qui a été commise par le moyen du bois a été détruite par l'obéissance qui s'est accomplie aussi par le moyen du bois. Cette obéissance, c'est l'obéissance du Fils de l'homme à Dieu quand il a été cloué sur le bois de la croix. De cette façon, le Fils a détruit ce qui conduit à faire le mal. Et il a offert ce qui conduit à faire le bien. Car le mal, c'est de désobéir à Dieu, de même que le bien, c'est de lui obéir.

34 Le prophète Isaïe a fait connaître à l'avance les choses à venir. C'est, en effet, le rôle des prophètes de faire connaître les choses à venir. C'est pourquoi le Verbe de Dieu dit par l'intermédiaire du prophète Isaïe : « Je ne désobéis pas et je ne discute pas. J'ai présenté mon dos aux fouets et mes joues aux coups et je n'ai pas détourné mon visage quand ils ont craché dessus (Isaïe 50, 5-6). 

Donc l'obéissance a conduit le Fils jusqu'à la mort, cloué sur le bois de la croix. Ainsi il a détruit la vieille désobéissance qui avait été commise par le moyen du bois.

Et le Fils est le Verbe du Père tout-puissant. Ce Verbe, par lequel le Père a créé le monde, s'étend aussi loin que la création tout entière. Il la soutient dans sa longueur et sa largeur et dans sa hauteur et sa profondeur (cf. Éphésiens 3, 18). En effet, c'est le Verbe du Père qui domine sur l'univers. C'est à cause de cela que le Fils de Dieu a été cloué sur le bois de la croix selon ces quatre dimensions. En effet, il se trouvait déjà comme imprimé en forme de croix dans l'univers. Car il fallait que le Fils de Dieu, en devenant visible, se montre au grand jour comme imprimé en forme de croix dans l'univers. De cette façon, par sa place visible d'homme cloué sur une croix, il a révélé son action sur le monde invisible.

Voici ce qu'on peut comprendre. C'est lui qui illumine les hauteurs, c'est-à-dire les choses qui sont dans les cieux. C'est lui qui soutient les profondeurs, c'est-à-dire les choses qui sont sous la terre. C'est lui aussi qui étend la longueur depuis le levant jusqu'au couchant. C'est encore lui qui dirige comme un pilote la longueur du pôle au midi. C'est lui enfin qui appelle de partout les dispersés pour leur faire connaître le Père.

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