jeudi 20 juin 2013

A propos du suicide de Dominique Venner


En se suicidant en plein cœur et en plein chœur de Notre-Dame de Paris, devant le maître autel,  le 21 mai 2013, Dominique Venner a lancé un appel qu’il voulait retentissant. C’est ce qu’expliquent tous ceux qui l’ont connu de près. Il a voulu sonner l’alarme, « ébranler les somnolences », a-t-il écrit dans le billet ultime de son blog[1], réveiller un peuple endormi, hébété et anesthésié. Il a voulu rendre conscient ce peuple de la perte de substance dont il est de plus ou moins bon gré victime, non pas seulement par une sorte de déliquescence chaque jour aggravée, comme sous l’effet d’une septicémie, mais à cause d’un double phénomène sciemment délibéré, et pour dire le mot, d’un complot : d’une part les « projets pervers par lesquels les fanatiques de la déconstruction veulent détruire un peu plus les derniers fondements qui structurent encore les sociétés européennes »[2] ; et d’autre part « le crime visant au remplacement de nos populations »[3] Par cette double accusation, il visait la légalisation du mariage homosexuel, et  l’immigration.

Sur le mariage, il s’inscrit avec force dans cette tradition millénaire que j’ai décrite dans un de mes récents billets et qui est celle du « mariage matrimonial », comme je l’ai qualifiée, par opposition au « mariage conjugal » qui s’impose de plus en plus. Il la définit de la manière la plus rigoureuse :
« Le mariage […] ne se rapporte pas à l’amour, même s’il en est parfois [ !] la conséquence. Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme en vue de la procréation. Si l’on enlève la différence de sexe et la procréation, il ne reste rien, sauf l’amour qui peut s’évaporer. A la différence du Pacs, le mariage est une institution en vue des enfants à venir, et pas un simple contrat. »[4]
C’est pourquoi « il faudrait être aveugle pour ne pas voir dans cette mobilisation [celle des opposants au » mariage pour tous »] sa réalité : une révolte de masse contre la destruction de la famille, pilier ultime de notre civilisation européenne ébranlée. »[5]

A ces attaques sournoises contre le pilier de la civilisation, s’ajoute un péril de masse véritablement catastrophique : l’immigration « afro-maghrébine », phénomène qui n’est pas seulement subi passivement mais est activement encouragé et stimulé par tous les gouvernements qui se sont succédé « depuis 40 ans ». Et l’accomplissement et le parachèvement de ce mouvement historique sera « le « grand remplacement » de population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus »[6], changement de peuple qui entraînera automatiquement un changement de civilisation ; et, dans la civilisation, la religion.

(Le lecteur qui sait un peu d’histoire ne peut pas ne pas évoquer les invasions barbares en Occident, aux Ve et VIe siècles, qui eurent la même double et triple conséquence.)

J’ai cité Renaud Camus. J’estime intéressant de faire écho à quelques-unes de ses réflexions[7]. Interrogé sur le suicide de Dominique Venner et son « message posthume » il dit :

«Je l’ai reçu avec beaucoup d’émotion, beaucoup de tristesse, beaucoup de respect et une certaine exaltation. Ce geste tragique, et en même temps admirablement calculé, est un geste de désespoir qui s’inscrit dans la tradition des immolations de Prague[8], ou des immolations de bonzes tibétains aujourd’hui, pour essayer d’alerte le peuple sur l’horreur de ce qui survient, qui est très expressément désigné par Dominique Venner : c’est-à-dire le changement de peuple et le changement de civilisation que cela implique nécessairement.[…]
« Le geste de Dominique Venner est aussi un geste d’espérance contre l’hébétude dans laquelle nous sommes plongés. C’est un appel au réveil. Je trouve très  intéressant le rapport qu’il a établi avec les manifestations contre le prétendu mariage pour tous. Nous sommes exactement dans la même position à cet égard : le mariage pour tous est un indice et il s’étonne que cette question dérisoire [ce n’est pas exactement l’appréciation de Dominique Venner] tout-à-fait secondaire, absurde, arrive à mobiliser le peuple, particulièrement les chrétiens. C’est une bonne chose, mais il se lamente de voir que ce même peuple, notamment les chrétiens, sont incapables de se mobiliser contre le changement de peuple. Le symptôme les affole, et ils protestent à juste titre contre ce symptôme, mais ils ne protestent pas du tout contre la chose même, c’est-à-dire le changement de civilisation. C’est une bonne chose de se mobiliser contre le symptôme, mais, ce qui est désespérant, c’est de ne pas se mobiliser contre le mal. »
A propos du mariage homosexuel (et il ne faut pas oublier que Renaud Camus est un représentant brillant de « la cause homosexuelle ») :
«  C’est l’histoire du sexe des anges… Une civilisation menacée, qui est en train de mourir, se préoccupe d’une idiotie pareille qu’est le mariage pour tous ! » Intéressant.
Interrogé à propos de l’Eglise « catholique universelle », qui « ne s’occupe pas des races », Renaud Camus a ce jugement impitoyable :
« A propos de l’Eglise universelle, je pense toujours au mot terrible de Jaurès, lorsque l’Eglise a commencé à avoir une politique sociale : ‘’ L’Eglise a commencé à se préoccuper des pauvres quand elle a appris qu’ils allaient faire un gros héritage.’’ C’était assez bien vu. On a un peu le même sentiment aujourd’hui. Les chrétiens de France doivent bien se rendre compte qu’aujourd’hui l’Eglise n’a été associée à la France et à la patrie que quand elle a cru que c’était un pouvoir, une puissance, et elle se montre, à quelques notables exceptions qui sont admirables, fort indifférente au sort de la patrie et du peuple français. Ce ne sont pas ses affaires, si je puis dire… Elle est étonnamment favorable au changement de peuple, à la grande substitution… »
A propos de son dernier livre « Les inhéritiers » :
« Je pense que l’effondrement de l’héritage, la fin de la transmission, est absolument nécessaire à l’accomplissement du changement de peuple. Comme je le répète incessamment, et sans doute à l’excès, qui connaît ses classiques ne se laisse pas mener sans rechigner dans les poubelles de l’histoire… L’effondrement de la transmission est la condition absolue du changement de civilisation. 
L’industrie de l’ hébétude sous ses formes diverses, que ce soit l’effondrement  du système éducatif, l’imbécilisation par le biais des médias, l’économie parallèle et le développement de la drogue, tout cela crée un homme décultivé, décivilisé et déraciné, qui est nécessaire aux intérêts industriels et financiers mondiaux. Cet homme remplaçable est nécessaire au triomphe de l’économie mondialisée. Elle a besoin de ce pion que rien ne rattache à rien et que l’on peut placer où l’on veut et délocaliser. Tout cela se tient profondément. »

J’arrête là. Je n’adhère pas à tout, mais je tiens que cette analyse implacable – qui est aussi celle de Dominique Venner – dans son ensemble est hélas ! très lucide.

Revenons à lui, qui est l’objet du présent billet, et venons-en à mes propres réflexions. On a parlé de sacrilège, de scandale. Scandale oui, puisque d’aucuns se sont scandalisés. Mais sacrilège, je ne le pense pas. Il y a sacrilège dès lors qu’il y a volonté délibérée d’en commettre un. Les dépoitraillages des Femens dans la même cathédrale étaient des sacrilèges. Les tags, graffiti et autres actes de vandalisme qui se multiplient dans les églises sont autant de sacrilèges. Mais les réactions scandalisées dans les médias se font rares, timides, chuchotées… Dominique Venner a-t-il voulu commettre un sacrilège ? Evidemment non. Non seulement il n’était pas chrétien mais il n’était pas croyant. Il niait l’existence d’un au-delà. Il n’est que de lire ce billet du 21 mai qu’on peut considérer comme un testament :
« Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un « autre monde ». C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. »[9]
Non seulement  Dominique Venner n’était pas chrétien mais il était hostile au christianisme. Il lui reprochait d’avoir affadi,  amolli, efféminé la véritable civilisation occidentale, la civilisation gréco-romaine. Soit dit en passant, Maurras avait exactement la même appréciation. Et s’il est mort réconcilié avec l’Eglise, affirme-t-on, c’est qu’il n’a pas « été soi-même jusqu’au dernier instant ».

Dominique Venner était un intellectuel païen à l’ancienne, c’est-à-dire athée ; un stoïcien. Pour eux, le suicide était une porte de sortie honorable et noble. Je l’avais un peu vite comparé à Socrate : non, Socrate était croyant. Mais Caton l’ancien, oui ; Sénèque, oui ; et de nos jours, Montherlant. Son suicide est un suicide à l’antique.

Certains milieux religieux ont parlé à son propos d’ « offense à Dieu ». Franchement, c’est une stupidité. D’abord, puisqu’il ne croyait pas en Dieu, il n’avait évidemment nulle intention  de l’offenser. Ensuite, si offense à Dieu il doit y avoir, infiniment plus grave et criminelle celle dont se rendent coupables ceux qui tuent leurs frères humains, surtout dans les guerres entreprises par des motifs de religion. Ceux-là vont directement contre la loi d’amour.

Suicide à l’antique, ai-je dit. Ou à la japonaise. Au Japon, le seppuku est ou plutôt était la forme la plus honorable de suicide des samouraïs ; il n’est que de citer le seppuku le plus célèbre des temps modernes, celui de Yukio Mishima. Et justement doit paraître sous peu un ouvrage posthume de Dominique Venner intitulé « Un Samouraï d’Occident. Le bréviaire des insoumis » - ouvrage annoncé par lui dans l’éditorial de La Nouvelle Revue d’Histoire référencé en note, mais dont le titre a été amputé de son début : « Un Samouraï d’Occident ». Préméditation : il fallait éviter de mettre trop tôt les lecteurs sur la piste.

Pourquoi alors avoir choisi la cathédrale de Paris pour sa « seconde ultime » ? tout simplement parce qu’elle est la cathédrale de Paris, intimement liée depuis 850 ans aux vicissitudes de l’histoire du pays de France et de son peuple. Un monument historique pour donner à son acte une résonance historique. Ce qui appert  de son message d’adieu que je publie en annexe.

D’où ma seconde réflexion. A-t-il eu, cet acte, la résonance historique recherchée ? Nullement. A part les proches de Dominique Venner, à part les abonnés de sa Nouvelle Revue d’Histoire (dont je suis, parce qu’elle ne sacrifie ni au politiquement correct ni à l’historiquement correct, qui sont les deux faces de la même médaille), qui s’est ému ? Personne ! Qu’en est-il advenu dans les médias ? « Un écrivain d’extrême droite se suicide dans une église ». Point. Fermez le ban.
Dominique Venner  s’est complètement trompé de cible. Il fallait qu’il se suicide dans la grande  mosquée de Paris : là, on en aurait parlé ! Et comment ! Les plus grands esprits se trompent, et souvent.

Deux faits ont joué contre lui : sa position dans la droite extrême, son refus de l’immigration non européenne. Deux crimes irrémissibles. Et qui ont rendu sa voix inaudible. Et pourtant, ce qu’elle dit mérite attention.

Mais Cassandre n’est jamais entendue.

20 juin 2013


ANNEXE :
La lettre d’adieu de Dominique Venner
Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie et n’attends rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d’en tirer les conséquences. A défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d’abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu’à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l’explication de mon geste.
*Pour toute information, on peut s’adresser à mon éditeur, Pierre-Guillaume de Roux. Il n’était pas informé de ma décision, mais me connaît de longue date.







[1] « La manif du 26 mai et Heidegger », courrier publié sur son blog le 21 mai – le jour même de son suicide !
[2] La Nouvelle Revue d’Histoire, n° 66, mai-juin 2013, éditorial, page 5.
[3] L’Hebdo Bourseplus n° 698, 24 mai 2013, page 28.
[4] La Nouvelle Revue d’Histoire, n° 66, mai-juin 2013, éditorial, page 5.
[5] Ibid.
[6] Renaud Camus, Le Grand Remplacement, David Reinharc (2011) ; Le Grand Remplacement, suivi de Discours d'Orange, seconde édition augmentée, chez l'auteur (2012).
Dans cet ouvrage, Renaud Camus désigne le flot migratoire sous le terme de « contre-colonisation » de la France, notion censée représenter non seulement le phénomène démographique, mais aussi l'hostilité des nouveaux arrivants vis-à-vis de la civilisation de leur pays d'accueil. Mettant en cause les médias, il indique que la France est en guerre mais qu'aucun d'entre eux ne veut le dire. Cette situation lui rappelant le début de la guerre d'Algérie. (source Wikipédia).
On peut ajouter que les prises de position politiques de  Renaud Camus l’ont conduit à être privé d’éditeur (en l’occurrence Fayard). Et on critique la censure de l’ancien régime !
 [7] L’Hebdo Bourseplus n° 698, 24 mai 2013, page 28.
[8] L’étudiant thèque Jan Palach  s’immola par le feu le 16 janvier  1969 sur la place Venceslas (Vaclav) à Prague pour protester contre l’invasion de son pays par les forces russes et l’arrestation (et la mise à mort) du réformateur Alexandre Dubĉek. L’emplacement de son sacrifice (maintenant marqué par une plaque votive) est constamment fleuri. La même année, deux autres étudiants suivirent son exemple, mais ils sont bien moins connus.
[9]   « La manif du 26 mai et Heidegger », courrier publié sur son blog le 21 mai.

2 commentaires:

  1. suberbe billet mon frére , merci.les( identitaires),auteur d une action symbolique; à poitiers;voient toujours quatre d entres eux devoir chaque semaine, aller pointer au commissariat,ne pas pouvoir quitter leur département , et n avoir droit a aucun contact.or ils n ont fait que monter sur une mosquée en construction.pendant ce temps les femens vandalisent la cathedrale notre dame,multiplies les actions illégals , agressent des manifestants , et sont régulierement relachées au bout de dix minutes(pas en tunisie)et financées par le milliardaire soros et leur gourou fourest.a tunis, le pantin qui nous gouverne , aprés avoir confondu les chinois et les japonais, mélange la tunisie et l egypte,mais raconte que la france juge l islam compatible avec la démocratie(ce qui aurait faire rire rené guénon)...alors que plus de la moitiers des francais pensent le contraire.pour finir il lache un chéque de 500 millions à la tunisie, dirigée par des islamistes du parti ennahda, quand il demande à nos compatriotes de se serrer la ceinture.a j oublier mon frére, le ramadan démare dans une fanfare médiatique, politique et avec la bénédiction des responsables des supermarchés de banlieue.visible, communautariste, et éxotique,le ramadan semble devenir le rite religieux, le plus suivi en france, ce qui ne peut manquer de questionner tous les chrétiens(toutes les églises), et de le mettre en face de sa propre pratique.le contraste entre le battage médiatique autour du ramadan et le silence entre coupé de moqueries qui entour les pratiques religieuses des église est significatif de l ambiance idéologique qui régne en france.il suffit de sortirde sa sacristie pour constater que la pratique(confession,caréme pénitence,etc...)est percue comme ringarde ,y compris par de nombreux chrétiens,a contrario, il est extraordinaire pour tout ce beau monde de voir les fidéles musulmans respecter leurs rites et leurs pratiques plutot visible.merci pour se coup de gueule mon frére .paix et amour en christ.

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    1. Merci beaucoup, mon frère Julien.

      Le ramadan fait en effet beaucoup de ramdam, à Paris surtout. M. Delanoë ne s'est pas contenté de l'annoncer par voie d'affiches, il a aussi organisé une fête à la mairie de Paris qui a coûté 100 000 euros - aux frais des contribuables parisiens !
      Le comité d'action laïque s'en est ému. Pour une fois !

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