jeudi 14 février 2013

L’héritage de Benoît XVI

Je reprends ici une analyse d'un jeune sociologue québécois, Mathieu Bock-Coté, publiée hier dans son blog Journal de Montréal.
Elle est vraiment excellente et projette une lumière crue sur la triste réalité du monde occidental.
Je partage entièrement ses idées, qu'il exprime sans complaisance.






Le pontificat de Benoît XVI a été sévèrement critiqué. À en croire les médias, il se réduirait à une série de scandales. Homophobie, sexisme, pédophilie: telles seraient les vérités du catholicisme de Benoît XVI.
Aussi, l’Église exprimerait un conservatisme sexuel rigoriste. Elle serait contre les capotes. C’est vrai. C’est une malheureuse fermeture. Mais est-ce vraiment l’essentiel de son message? En parler autant témoigne moins des obsessions de l’Église que de l’obsession sexuelle de notre époque.
Cette caricature nous éloigne de la réalité. Le bilan du pontificat de Benoît XVI est tout autre. Il correspond à une prise de conscience bouleversante de l’Église. Partout en Occident, la foi s’effondre. Inversement, la foi chrétienne rayonne dans le tiers monde.
Grand intellectuel
Il suffit d’aller lire les textes de Benoît XVI, avant comme après son accession à la papauté, pour prendre conscience de sa profondeur intellectuelle et philosophique. Benoît XVI réfléchissait à la crise de notre civilisation. Il cherchait à en comprendre les racines.
Il avait une obsession: la déconnexion entre la civilisation européenne et le christianisme. Il parlait de «déchristianisation». Une civilisation peut-elle survivre sans la foi qui l’a accompagnée d’une manière ou d’une autre sur deux millénaires?
Benoît XVI se demandait si à travers la détestation du christianisme, l’Occident ne détestait pas sa propre histoire. Une civilisation peut-elle abolir sa tradition spirituelle fondatrice sans saccager en même temps ses assises existentielles?
Car en renonçant au christianisme, les Occidentaux renoncent-ils seulement à l’idée de Dieu? Ne renoncent-ils pas aussi à une certaine culture? À une certaine vision de l’être humain? À toute une philosophie qui se trouve à l’origine de nos sociétés?
Plus encore, en renonçant à la culture chrétienne, notre société devient incompréhensible. Peut-on comprendre l’architecture de nos villes sans un minimum de culture chrétienne? Peut-on comprendre l’histoire des arts? Peut-on même comprendre l’histoire du Québec?
Car la religion n’est pas qu’une affaire de croyance personnelle. Elle structure une civilisation. Lorsqu’une religion s’effondre, c’est tout un univers mental qui se fracture et s’égrène. On assiste alors à un foisonnement de croyances loufoques.
Car ne croyons pas que nos sociétés sont désormais sceptiques. Faux. Elles croient plutôt à n’importe quoi. Le curé s’est fait remplacer par le gourou ou le coach de vie. C’est la grande spirituelle au profit des charlatans.
Éclatement du christianisme
L’effondrement du christianisme a placé la quête de l’absolu sous le signe de l’anarchie. La multiplication des sectes trouve en bonne partie son origine dans l’éclatement du christianisme. Cette crise frappe même intérieurement l’Église.
Autrement dit, Benoît XVI s’inquiétait de la déculturation des sociétés occidentales. De leur perte d’identité. De leur déracinement. Du relativisme généralisé qui s’installe dans un monde qui a remplacé Dieu tout puissant par le nombril tout puissant. Certains se demandent alors si les sociétés occidentales ne devraient pas se réapproprier leur tradition religieuse. Car après l’excitation de la libération, ne risque-t-on pas de faire l’expérience d’un profond nihilisme? Réapprendre le christianisme, cela ne veut pas dire recommencer à croire en Dieu. Cela veut dire savoir de quelle histoire nous sommes issus. Croyants et incroyants, nous partageons une même histoire: celle de l’Occident. Elle n’est pas honteuse.

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