Christ est ressuscité !
Oui, il est
ressuscité – vraiment !
De même qu’il est
né, véritablement, dans notre
humanité soumise à la mort, de même il est ressuscité, véritablement, dans notre humanité libérée de la mort.
Contemplons ce
double mystère.
La naissance dans le
temps, du sein de le Vierge, du Fils pré-éternel du Père sans commencement –
« l’Ancien des jours », comme dit l’Ecriture – a été un événement
capital, unique, qui a totalement changé le cours de l’Histoire en lui donnant
un sens nouveau : l’Histoire de la chute est devenue l’Histoire du salut.
La chute d’Adam,
l’Homme premier – chute volontaire, même si elle n’était pas entièrement
consciente, car la conscience de l’homme n’était pas complètement éveillée,
c’était en quelque sorte celle d’un enfant, disent les Pères, qui parlent de
« l’enfantillage » du péché – cette chute avait précipité la race
humaine dans la prison du péché et de la mort. Et le temps était devenu en
quelque sorte la muraille infranchissable de cette prison dans laquelle l’homme
tournait en rond, entraîné par la roue de la destinée, courbé sous le joug de
la fatalité de la destruction inexorable sous ses deux aspects, la mort
corporelle, et la mort spirituelle, c’est-à-dire le péché qui coupe de la
source de vie, Dieu.
L’incarnation du
Verbe a fait éclater cette roue, elle a renversé cette muraille. Comme l’écrit
notre Père saint Irénée :
« Afin de nous procurer la vie, le
Verbe de Dieu se fit chair selon l’économie
de la Vierge afin de détruire la mort et de vivifier l’homme : car c’est
dans la prison du péché que nous nous trouvions, pour avoir cédé au péché et être tombés sous
le pouvoir de la mort. Riche en
miséricorde, Dieu le Père nous envoya donc son
Verbe industrieux. Celui-ci, venant pour nous sauver, descendit jusque dans les
endroits et les lieux mêmes où nous nous trouvions, et il brisa de la sorte les
chaînes de notre prison. »
« Le Verbe
descend dans les endroits et les lieux où nous nous trouvons », cela veut
dire qu’il endosse notre humanité pécheresse, tombée sous le joug du péché, il
fait sien notre « corps de mort », comme dit l’apôtre Paul, c’est-à-dire condamné à la mort et porteur de
mort. Comme nous le disons à chaque liturgie, dans le Canon
eucharistique :
« Il est descendu des cieux, a pris la forme d’esclave [les esclaves du péché et de la mort, c’est
nous] acceptant de plein gré de souffrir
pour libérer son œuvre et la reformer à l’image de sa gloire. »
Oui, il a pris sur
lui toutes les souffrances du monde, souffrances physiques, morales et
spirituelles – c’est ce que nous récapitulons tout au long de la Semaine
sainte. Lui, le Juste, l’Immaculé, il a pris – et il prend – sur lui tous nos
péchés, tous nos crimes, tous ceux de tous les pécheurs et de tous les
criminels de tous les temps passés, présents et à venir – et cela c’est
l’agonie au jardin de Gethsémani. Lui, l’Innocent, il se soumet aux insultes,
aux humiliations, aux tortures, celles de toutes les victimes de tous les temps – et c’est la comparution devant
Pilate, la flagellation, le couronnement d’épines, le chemin de croix. Lui
l’Immortel, il se soumet à la mort sur le gibet dans les souffrances de tous
les condamnés – coupables ou innocents – de tous les temps.
Sur la croix, il
expérimente l’abandon de tous – ses disciples qu’il vient auparavant d’appeler
ses amis ont fui ; seule sa Mère et quelques femmes, avec le disciple
bien-aimé, restent, à l’écart. Et cet abandon va jusqu’à une limite
inconcevable : l’abandon de Dieu. D’où ce cri « : « Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Lui Dieu, abandonné par Dieu !
quel abîme de mystère ! En quelque sorte, il accepté l’occultation de sa
propre Divinité afin de descendre au fin fond du désespoir humain.
Or, de sa part, pas un cri de refus, de
révolte : seulement acceptation totale, abandon à la volonté du Père – et
pardon.
Et don, également : il nous lègue,
en la personne de Jean (qui nous représente tous car chacun de nous est le
disciple bien-aimé), ce qu’il a de plus cher : sa Mère ; c’est-à-dire
cette humanité qu’il a reçue d’elle, qui est la nôtre, qu’il a sanctifiée et
qu’il va glorifier.
Car voici, événement foudroyant :
« il brise les chaînes de la mort et sort victorieux des enfers
ténébreux » ; il ressuscite par sa propre puissance, non pas
Dieu seulement mais Dieu ET Homme. Il
est né, comme nous, homme mortel, il nous fait, comme lui, hommes immortels. Il
ressuscite personnellement, et il nous
ressuscite aussi avec lui, « lui, Adam nouveau, père d’une nouvelle
humanité, Premier-né d’entre les morts », et cela parce que nous sommes
désormais les membres de son corps, que
nous sommes un avec lui comme lui est un avec son Père.
Et où et comment sommes-nous
un avec lui ? Dans l’Eglise, qui est son corps et dont il est la
tête ; et par les mystères que l’Eglise célèbre et pour lesquels elle a
été instituée.
Oui, l’Eglise est porteuse de la Résurrection. Non seulement,
elle l’annonce, elle en témoigne, elle la proclame à la face du monde ;
mais, plus encore, elle actualise, elle rend présente, effective et réelle
cette résurrection du Christ et de nous tous dans la célébration du mystère eucharistique
et en particulier chaque dimanche, « jour du Seigneur », qui est à
chaque fois la Pâque renouvelée.
Soyons conscients de
cela : dans le mystère eucharistique, si nous le vivons pleinement,
c’est-à-dire dans la plénitude de la foi, nous accomplissons notre propre
résurrection en même temps que celle du Christ ; nous sommes libérés de la
prison du péché, nous sommes sauvés ! En tant que nous sommes « dans
le monde », nous sommes encore assujettis au péché et à la mort ; mais
en tant que nous ne sommes plus « du monde », nous ne sommes plus
esclaves du péché ni de la mort, nous pouvons les dominer avec et dans le
Christ. Nous sommes pécheurs, mais
justifiés ; nous sommes mortels, mais immortels : féconde
antinomie si nous savons tenir ensemble ces deux éléments, ces deux bouts de la
chaîne.
Pour nous, chrétiens, qui
sommes du Christ, qui sommes le Christ (c’est le sens du terme
« chrétien »), la
Résurrection est le seul motif de notre vie. Sans la Résurrection,
comme dit l’apôtre Paul, vaine est notre foi, vaine est notre prédication, et
nous sommes de faux témoins devant la face de Dieu. Mais si la Résurrection est le motif de notre
vie, il faut la vivre concrètement et effectivement chaque jour ; chaque
jour nous devons vivre concurremment et
notre mort et notre résurrection ; pas l’une sans l’autre :
les deux ensemble. Vivre la Résurrection
et vivre en Christ sont deux choses
rigoureusement synonymes, car le Christ
a dit : « Je suis la Résurrection et la Vie ». Notre
seule préoccupation doit donc être de faire
croître en nous le Christ ressuscité.
Comment faire ? comment
y parvenir ? Il y a maintes méthodes, mais deux sont parfaitement
éprouvées, que le Christ lui-même a enseignées par la parole et par
l’exemple : le don et le pardon.
Le don de soi :
« il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses
amis » - étant entendu que, selon l’enseignement du Christ, nos ennemis
sont aussi nos amis. Le don de soi ne requiert pas forcément de grands
actes héroïques : ce peut être simplement donner du temps, de l’attention,
de l’écoute, du respect, de la bienveillance, un sourire… comme on peut, chacun
à sa mesure ; mais avec constance, pas par éclipses.
Le pardon : c’est le
moyen le plus sûr de nous rendre conformes au Christ. « Père, pardonne-leur,
car ils ne savent pas ce qu’ils font » : telle est la prière du
Christ au moment même où on le
crucifie ; et ce sera aussi la prière de saint Etienne le protomartyr, le
premier martyr. Le pardon est
libérateur : c’est un moyen assuré de nous libérer de la loi du péché, qui
est la loi de la haine.
Les deux ensemble, don et
pardon, peuvent se dire autrement : charité et amour. « Là où est
la charité et l’amour, là est Dieu. C’est l’amour du Christ qui nous rassemble et nous unit et au milieu
de nous demeure le Christ notre
Dieu ». Voilà ce que nous chantons le Jeudi-Saint. Et
aujourd’hui : « C’est la joie de la résurrection. Pardonnons tout à cause de la
résurrection ». Le pardon prolonge pour nous et en nous la réalité
de la résurrection.
Tout à l’heure, nous allons
bénir et ensuite vous distribuer les œufs de Pâques, symboles
d’immortalité ; dans les églises coptes, héritières de traditions
antiques, un œuf d’autruche pend en face de chaque autel, précisément pour
signifier cela : l’immortalité, que nous buvons à la coupe eucharistique.
Puis venez, venez nombreux
tout au long de cette semaine pascale, la « semaine des sept
dimanches », célébrer les mystères de la vie immortelle. Laissez-vous
inonder et transporter de joie devant la beauté du Christ ressuscité, le plus
beau des enfants de l’Homme, notre Beau Dieu ! Et ensuite partagez cette
joie avec la terre entière, soyez partout les porteurs de la Bonne Nouvelle.
Annoncez-la à toute créature, aux hommes, aux animaux, aux plantes, aux arbres,
aux pierres du chemin, aux rivières et aux océans, en proclamant, le cœur
rempli d’allégresse et d’action de grâces :
Christ
est ressuscité !
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