dimanche 20 avril 2014

Christ est ressuscité !

Christ est ressuscité !








Oui, il est ressuscité – vraiment !

De même qu’il est né, véritablement, dans notre humanité soumise à la mort, de même il est ressuscité, véritablement, dans notre humanité libérée de la mort.

Contemplons ce double mystère.

La naissance dans le temps, du sein de le Vierge, du Fils pré-éternel du Père sans commencement – « l’Ancien des jours », comme dit l’Ecriture – a été un événement capital, unique, qui a totalement changé le cours de l’Histoire en lui donnant un sens nouveau : l’Histoire de la chute est devenue l’Histoire du salut.

La chute d’Adam, l’Homme premier – chute volontaire, même si elle n’était pas entièrement consciente, car la conscience de l’homme n’était pas complètement éveillée, c’était en quelque sorte celle d’un enfant, disent les Pères, qui parlent de « l’enfantillage » du péché – cette chute avait précipité la race humaine dans la prison du péché et de la mort. Et le temps était devenu en quelque sorte la muraille infranchissable de cette prison dans laquelle l’homme tournait en rond, entraîné par la roue de la destinée, courbé sous le joug de la fatalité de la destruction inexorable sous ses deux aspects, la mort corporelle, et la mort spirituelle, c’est-à-dire le péché qui coupe de la source de vie, Dieu.

L’incarnation du Verbe a fait éclater cette roue, elle a renversé cette muraille. Comme l’écrit notre Père saint Irénée :

«  Afin de nous procurer la vie, le Verbe de Dieu se fit chair selon l’économie de la Vierge afin de détruire la mort et de vivifier l’homme : car c’est dans la prison du péché que nous nous trouvions,  pour avoir cédé au péché et être tombés sous le pouvoir de la mort. Riche en miséricorde, Dieu le Père nous envoya donc son Verbe industrieux. Celui-ci, venant pour nous sauver, descendit jusque dans les endroits et les lieux mêmes où nous nous trouvions, et il brisa de la sorte les chaînes de notre prison. »

« Le Verbe descend dans les endroits et les lieux où nous nous trouvons », cela veut dire qu’il endosse notre humanité pécheresse, tombée sous le joug du péché, il fait sien notre « corps de mort », comme dit l’apôtre Paul,  c’est-à-dire condamné à la mort et porteur de mort. Comme nous le disons à chaque liturgie, dans le Canon eucharistique :

« Il est descendu des cieux, a pris la forme d’esclave [les esclaves du péché et de la mort, c’est nous] acceptant de plein gré de souffrir pour libérer son œuvre et la reformer à l’image de sa gloire. »

Oui, il a pris sur lui toutes les souffrances du monde, souffrances physiques, morales et spirituelles – c’est ce que nous récapitulons tout au long de la Semaine sainte. Lui, le Juste, l’Immaculé, il a pris – et il prend – sur lui tous nos péchés, tous nos crimes, tous ceux de tous les pécheurs et de tous les criminels de tous les temps passés, présents et à venir – et cela c’est l’agonie au jardin de Gethsémani. Lui, l’Innocent, il se soumet aux insultes, aux humiliations, aux tortures, celles de toutes les victimes de tous  les temps – et c’est la comparution devant Pilate, la flagellation, le couronnement d’épines, le chemin de croix. Lui l’Immortel, il se soumet à la mort sur le gibet dans les souffrances de tous les condamnés – coupables ou innocents – de tous les temps.

Sur la croix, il expérimente l’abandon de tous – ses disciples qu’il vient auparavant d’appeler ses amis ont fui ; seule sa Mère et quelques femmes, avec le disciple bien-aimé, restent, à l’écart. Et cet abandon va jusqu’à une limite inconcevable : l’abandon de Dieu. D’où ce cri « : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Lui Dieu, abandonné par Dieu ! quel abîme de mystère ! En quelque sorte, il accepté l’occultation de sa propre Divinité afin de descendre au fin fond du désespoir humain.

Or, de sa part, pas un cri de refus, de révolte : seulement acceptation totale, abandon à la volonté du Père – et pardon.

Et don, également : il nous lègue, en la personne de Jean (qui nous représente tous car chacun de nous est le disciple bien-aimé), ce qu’il a de plus cher : sa Mère ; c’est-à-dire cette humanité qu’il a reçue d’elle, qui est la nôtre, qu’il a sanctifiée et qu’il va glorifier.

Car voici, événement foudroyant : « il brise les chaînes de la mort et sort victorieux des enfers ténébreux » ; il ressuscite par sa propre puissance, non pas Dieu seulement mais Dieu ET Homme. Il est né, comme nous, homme mortel, il nous fait, comme lui, hommes immortels. Il ressuscite personnellement,  et il nous ressuscite aussi avec lui, « lui, Adam nouveau, père d’une nouvelle humanité, Premier-né d’entre les morts », et cela parce que nous sommes désormais les membres de son corps, que nous sommes un avec lui comme lui est un avec son Père.

Et où et comment sommes-nous un avec lui ? Dans l’Eglise, qui est son corps et dont il est la tête ; et par les mystères que l’Eglise célèbre et pour lesquels elle a été instituée.

Oui, l’Eglise est porteuse de la Résurrection. Non seulement, elle l’annonce, elle en témoigne, elle la proclame à la face du monde ; mais, plus encore, elle actualise, elle rend présente, effective et réelle cette résurrection du Christ et de nous tous dans la célébration du mystère eucharistique et en particulier chaque dimanche, « jour du Seigneur », qui est à chaque fois la Pâque renouvelée.

Soyons conscients de cela : dans le mystère eucharistique, si nous le vivons pleinement, c’est-à-dire dans la plénitude de la foi, nous accomplissons notre propre résurrection en même temps que celle du Christ ; nous sommes libérés de la prison du péché, nous sommes sauvés ! En tant que nous sommes « dans le monde », nous sommes encore assujettis au péché et à la mort ; mais en tant que nous ne sommes plus « du monde », nous ne sommes plus esclaves du péché ni de la mort, nous pouvons les dominer avec et dans le Christ. Nous sommes pécheurs, mais justifiés ; nous sommes mortels, mais immortels : féconde antinomie si nous savons tenir ensemble ces deux éléments, ces deux bouts de la chaîne.

Pour nous, chrétiens, qui sommes du Christ, qui sommes le Christ (c’est le sens du terme « chrétien »), la Résurrection est le seul motif de notre vie. Sans la Résurrection, comme dit l’apôtre Paul, vaine est notre foi, vaine est notre prédication, et nous sommes de faux témoins devant la face de Dieu.  Mais si la Résurrection est le motif de notre vie, il faut la vivre concrètement et effectivement chaque jour ; chaque jour nous devons vivre concurremment et notre mort et notre résurrection ; pas l’une sans l’autre : les deux ensemble.  Vivre la Résurrection et vivre en Christ  sont deux choses rigoureusement synonymes, car le Christ  a dit : « Je suis la Résurrection et la Vie ». Notre seule préoccupation doit donc être de faire croître en nous le Christ ressuscité.

Comment faire ? comment y parvenir ? Il y a maintes méthodes, mais deux sont parfaitement éprouvées, que le Christ lui-même a enseignées par la parole et par l’exemple : le don et le pardon.

Le don de soi : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » - étant entendu que, selon l’enseignement du Christ, nos ennemis sont aussi nos amis. Le don de soi ne requiert pas forcément de grands actes héroïques : ce peut être simplement donner du temps, de l’attention, de l’écoute, du respect, de la bienveillance, un sourire… comme on peut, chacun à sa mesure ; mais avec constance, pas par éclipses.

Le pardon : c’est le moyen le plus sûr de nous rendre conformes au Christ. « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » : telle est la prière du Christ  au moment même où on le crucifie ; et ce sera aussi la prière de saint Etienne le protomartyr, le premier martyr.  Le pardon est libérateur : c’est un moyen assuré de nous libérer de la loi du péché, qui est la loi de la haine.

Les deux ensemble, don et pardon, peuvent se dire autrement : charité et amour. « Là où est la charité et l’amour, là est Dieu. C’est l’amour du Christ  qui nous rassemble et nous unit et au milieu de nous demeure le Christ  notre Dieu ». Voilà ce que nous chantons le Jeudi-Saint. Et aujourd’hui : « C’est la joie de la résurrection. Pardonnons tout à cause de la résurrection ». Le pardon prolonge pour nous et en nous la réalité de la résurrection.

Tout à l’heure, nous allons bénir et ensuite vous distribuer les œufs de Pâques, symboles d’immortalité ; dans les églises coptes, héritières de traditions antiques, un œuf d’autruche pend en face de chaque autel, précisément pour signifier cela : l’immortalité, que nous buvons à la coupe eucharistique.

Puis venez, venez nombreux tout au long de cette semaine pascale, la « semaine des sept dimanches », célébrer les mystères de la vie immortelle. Laissez-vous inonder et transporter de joie devant la beauté du Christ ressuscité, le plus beau des enfants de l’Homme, notre Beau Dieu ! Et ensuite partagez cette joie avec la terre entière, soyez partout les porteurs de la Bonne Nouvelle. Annoncez-la à toute créature, aux hommes, aux animaux, aux plantes, aux arbres, aux pierres du chemin, aux rivières et aux océans, en proclamant, le cœur rempli d’allégresse et d’action de grâces :

Christ est ressuscité !








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