mercredi 30 avril 2014

Les persécutions des coptes en Egypte

 LETTRE D'UN PRÊTRE COPTE À L'IMAM D'AL AZHAR

Abouna Yoannis vient d’être nommé son secrétaire particulier par le pape François.

Lettre ouverte d’Abouna Yoannis Lahzi Gaid à l’imam Ahmed al-Tayyeb



L’université Al Azhar, au Caire 


Les coptes, longtemps discriminés, ont demandé et demandent une solution juste à leurs problèmes pour mettre fin aux injustices.

Leurs exigences se fondent toujours sur le principe qui affirme « La patrie pour tous mais la religion pour Dieu » qui, selon leur conscience, est le fondement de tout état civil et de toute civilisation évoluée.

Malheureusement, après chaque attentat, ils ont toujours obtenu la même réponse courtoise,et les habituelles phrases de compréhension et de solidarité, qui ne sont pas suffisantes pour leur besoin de pouvoir s’exprimer librement dans le domaine politique, social et surtout religieux, et de pouvoir vivre tranquillement, sans avoir peur de l’oppression et des menaces.

Les coptes, dans toute leur longue et lumineuse histoire, n’ont jamais demandé l’intervention des pays étrangers pour être aidés dans leurs problèmes, cherchant toujours à éviter les possibles récriminations de la part de leurs compatriotes qui auraient pu voir dans une telle intervention étrangère, la trahison à leur patrie de la part des coptes; et exerçant toujours une résistance pacifique, malgré la douleur, les injustices et le silence des autorités nationales.

D’ailleurs, nous vivons dans un monde globalisé, dans lequel les nouvelles du monde entier circulent en temps réel; c'est pourquoi il est plus que naturel, Respectable Imam Al-Azhar, que s’élève une multitude de voix internationales face aux évènements aberrants des multiples attentats qui ont eu lieu et qui ont lieu, et face aux intimidations dont font l’objet les chrétiens, obligés à émigrer du Moyen-Orient pour ne pas être massacrés.

Il est donc naturel alors, d’écouter la voix du Saint Père Benoît XVI, chef de l’Église Catholique, son invitation à protéger les minorités persécutées dans notre cher Orient.

Ce qui surprend, Respectable Imam, ce ne sont pas les paroles du Pape, mais l’attitude de quelques responsables religieux et politiques qui restent calmes et se taisent devant la multitude d’homicides de gens innocents; et que face aux injustices perpétrées contre nos frères, ils se limitent à prononcer les typiques et courtoises phrases de condamnation.

Le plus triste, respectable Imam, c’est que Al-Azhar, la plus grande institution religieuse islamique, se limite à condamner timidement à travers de courtoises déclarations, sans jamais citer clairement la question de la violence et de l’assassinat des « non musulmans ». Sans rejeter clairement les fatwas islamiques qui consentent, voire incitent et légitiment, l’effusion de sang des non musulmans et invitent à s’approprier les biens et propriétés des chrétiens comme s’ils étaient des butins de guerre.

C’est incroyable, Respectable Imam, que vous, comme Imam (Chef) d’Al-Azhar, vous n’ayez pas encore fait une déclaration explicite pour interdire l’assassinat des non musulmans, pour clarifier la position de l’Islam face à la violence, en expliquant la signification de la djihad (guerre sainte) contre les non musulmans, que vous n’ayez pas fait une déclaration claire, de manière à éviter toute manipulation du Coran de la part de terroristes.

Il est honteux, Respectable Imam, que quand les compatriotes parlent, spécialement ceux qui se déclarent « modérés » et « intellectuels », le maximum qu’il leur arrive de dire des coptes, c’est qu’ils sont des Ahl-Zimma - confiés à la tutelle de l'Islam - une expression qui détruit tout espoir d'obtenir une cohabitation pacifique et civile basée sur l’égalité et le respect. Puisque, le terme « sous la tutelle de l'Islam » est un terme qui repose sur une définition basée sur l'inégalité, dès lors qu’elle confie à un groupe la tâche de protéger l’autre, et ainsi provoque le racisme et la discrimination entre des personnes qui devraient être égales et aussi être sous la tutelle d’une même constitution et des mêmes lois de l’État.

Respectable Imam, les tragédies que vivent les coptes tous les jours sont bien plus graves qu’une visite de courtoisie au pape Shenouda III, pape de l’Église Copte Ortodoxe d’Égypte, beaucoup plus urgentes que des déclarations verbales; c’est le signal qu’en Égypte et dans la plupart des pays arabes (ndt le Père Yoannis, semble atténuer sa phrase en utilisant le mot "arabe" car les arabes ne sont pas tous musulmans et seulement 1/7 des musulmans est arabe), il manque «l’égalité» entre des citoyens, c’est un signal de ce qu’on applique le concept d’un État policier, où les corps des forces de sécurité et les religieux contrôlent les idées des personnes, leurs actes, et finalement ce qu’ils respirent.

La solution, Respectable Imam, ne se trouve pas dans la condamnation des paroles du Pape ou des états étrangers, mais dans le fait de soigner nos maladies avec nos propres mains. Ni le Saint Père ni l’opinion publique internationale n’auraient parlé si nos conditions de sécurité et de justice étaient garanties, si nos lois assuraient les droits de tous, si elles ne traitaient pas une partie du peuple comme « une minorité perturbante », ou seulement comme des êtres Ahl-Zimma –confiés à la tutelle islamique.

Personne ne serait intervenu, Respectable Imam, si notre pays avait été fondé sur des lois égales pour tous, sur des lois appliquées sans discrimination de religion, de langue ou d’appartenance politique. Personne n’aurait parlé, si le sang de nos fils et de nos frères, n’avait été versé, le jour de la Nativité et de la fin de l’année. Personne n’aurait parlé si les pays musulmans du Moyen Orient avaient été au côté de leurs frères musulmans et avaient freiné cette hémorragie d’émigration, en assurant leur protection.

Personne n’aurait parlé si les pays islamiques avaient agi contre le terrorisme religieux et l’intégrisme islamique, qui légitiment le massacre des chrétiens; comme c’est arrivé avec les caricatures (ndt: de Mahomet) considérées comme offensantes pour l’Islam. Pourquoi affirme-t-on d’un coté le droit d'un être humain, et nie-t-on le même droit à un autre être humain ? Pourquoi affirme-t-on le droit de condamner tout acte ou toute parole, quand on les considère comme offensantes pour les musulmans dans les pays occidentaux, sans jamais dire que cela interfère dans les affaires intérieurs de ces pays, pendant que l’on condamne la prière du Pape contre les massacres, contre les injustices ?

Respectable Imam, personne ne serait intervenu si nous avions adopté une unique mesure de comportement, si depuis longtemps nous avions étudié et analysé notre situation intérieure, si nous avions résolu nos problèmes de façon civilisée et en respectant une loi unique égale pour tous. ..

Des chrétiens innocents ont été assassinés à l’Église de Notre Seigneur du Bon Secours à Bagdad par des terroristes qui criaient le nom de Dieu et récitaient des vers du Coran. Les coptes ont été assassinés cette fin d’année à Alexandrie, par des intégristes qui suivent la volonté d’Allah. C’est une maladie qui réside dans cette façon d’interpréter les préceptes coraniques. Mais dans cette même maladie se trouve la guérison. Les massacres que les terroristes commettent contre les chrétiens, sont-ils acceptables du point de vue religieux et islamique? Les versets coraniques et leurs arguments doctrinaux se fondent-ils sur la vérité ? Ces terroristes sont-ils vraiment de fidèles musulmans? Ce sont des questions qui méritent des réponses, Respectable Imam, parce que dans leur réponse, se trouve la clef pour freiner ou alimenter encore plus les fleuves de sang répandus.

En résumé, respectable Imam, le Saint Père n’est pas intervenu dans les affaires intérieures de l’Égypte, mais il a parlé en faveur des chrétiens opprimés et persécutés, car sa voix s’élève toujours contre toute discrimination ou injustice, contre tout homme chrétien ou non, parce que «le silence face aux injustices c’est le démon». Comment oublier que lui, il a condamné tous les actes extrémistes contre des chrétiens ou des musulmans, comme il a condamné toutes les actions offensantes contre les sentiments des fidèles de toute religion.

Cela aurait été très mal si sa Sainteté s’était tue face aux meurtres, aux massacres, aux persécutions, aux migrations forcées des chrétiens du Moyen Orient qui ont eu lieu devant les yeux de tout le monde. Cela aurait été mal si lui, il avait fermé les yeux devant des églises profanées et saccagées et s’il n’avait pas élevé la voix en voyant que ses fils sont assassinés et persécutés pour le seul motif qu’ils sont chrétiens.

Respectable Iman, vous auriez dû remercier le Saint Père pour ses émouvantes condoléances à ses/nos frères coptes, qui ont été assassinés le dernier jour de l’année, au lieu de condamner ses paroles comme une interférence. Vous auriez dû tendre la main au Saint Père, la lui tendre pour soutenir un dialogue pacifique entre les religions, au lieu de rejeter ses déclarations, provoquant contre lui, et évidemment contre tout chrétien, l’exacerbation d’une situation, déjà très délicate, et renforçant l’extrémisme.

Que le Seigneur ait pitié de notre bien aimée Égypte et écarte d’elle tout extrémisme, toute intolérance, en semant dans les coeurs, Sa compassion au service de la vérité et de la justice, pour travailler, coude à coude, dans le but d’établir l’égalité, la cohabitation pacifique et pour construire une nation fondée sur la liberté religieuse et sur l’égalité des droits et des devoirs de toutes les personnes. Qu’Il nous donne le courage de soigner sérieusement les maladies, au lieu de condamner ceux qui veulent notre bien, en les accusant d’intervenir dans nos affaires.

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