Franc-maçonnerie
et religion :
liaisons
dangereuses ou entente cordiale ?
Ceci est le texte d'une conférence donnée le 2 avril dernier à Nantes devant un parterre de maçons, de maçonnes et de "profanes", comme on dit.
Pour débuter, je vais vous conter une histoire. Pas une histoire
légendaire: une histoire vraie. Pourquoi ? Parce qu’une bonne partie de
mon propos sera historique, sera de l’histoire. Or qu’est-ce que l’histoire,
sinon la vie des gens ou, pour être plus précis, un compte-rendu fidèle de la
vie des gens. En sorte que si, en écrivant l’histoire,
on ne conte pas des histoires, cette
vie des gens n’est pas véridique, elle n’est pas vivante, elle est factice et desséchée.
Cette histoire, c’est celle d’un long conflit, tantôt larvé,
tantôt véhément, entre ces deux champions de la religion et de la maçonnerie
que sont, d’une part, l’Eglise catholique romaine et, d’autre part, le Grand Orient
de France. Pourquoi ces deux organismes parmi d’autres ? Parce qu’ils sont
éminemment représentatifs de ces deux domaines aux yeux du Français moyen, je
veux dire du Français moyennement informé, le lecteur des hebdomadaires. Pour
ce Français middle class, la
religion, c’est pour l’essentiel le catholicisme, les autres religions étant ou
marginales ou exotiques ; et, statistiquement, il n’a pas tort. Et pour le
même Français, LA franc-maçonnerie,
c’est le Grand Orient, le reste du paysage maçonnique n’étant qu’un fouillis
incompréhensible, et, statistiquement, il n’a pas tort.
A vous, qui êtes bien ou très bien informés, cette vue des
choses paraît sommaire et simpliste, donc extrêmement inexacte. Et vous avez
bien sûr raison. Mais l’histoire n’est pas seulement le compte rendu des choses
et des gens, c’est aussi le compte rendu de la manière dont les choses et les gens sont perçus. Et c’est à cet
exercice que je vais me livrer pour commencer. Mais, rassurez-vous :
j’élargirai ensuite le spectre de ma vision.
Histoire d’une brouille
C’est l’Eglise romaine qui a dégainé la première, il y a plus
de deux siècles et demi, en 1738 exactement ; et, disons-le tout de suite,
elle n’a depuis jamais rengainé. Depuis le premier texte, la constitution
apostolique In Eminenti, on ne compte
pas moins de 15 condamnations et même 17 si l’on inclut les deux codes de droit
canonique sur lesquels je reviendrai : six excommunications au XVIIIe
siècle (en 1738, 1751, 1758, 1759, 1766, 1775) ; huit au XIXe siècle
(1821, 1826, 1829, 1832, 1846, 1849, 1865, 1884) et une au XXe siècle (1906),
plus les deux codes de droit canon de 1917 et de 1983. Ces derniers couronnant
le tout comme le bouquet d’un feu d’artifice.
Qu’est-ce qu’un code droit canonique, ou de droit canon (les deux
expressions sont synonymes) ? C’est à la fois le code civil et le code
pénal d’une Eglise organique : toutes en ont, les Eglises orthodoxes comme
l’Eglise romaine (mais pas les communautés protestantes, qui sont des
fédérations plutôt que des Eglises organiques). Les plus récents et les mieux
codifiés ayant trait à notre sujet sont ceux de 1917 et de 1983.
Le code de 1917, promulgué par le pape Benoît XV, contient un
canon (c’est-à-dire un article) appelé à un certain retentissement, le canon
2335, qui stipule :
« Ceux qui
adhèrent à une secte maçonnique ou à
toute autre association semblable qui complote contre l'Eglise ou les pouvoirs
civils légitimes encourent de ce fait l'excommunication réservée simplement au
Saint-Siège. »
(« Réservée simplement au Saint-Siège » signifie
que nulle autorité autre que le pape ne peut relever de cette excommunication.)
Il faut citer aussi (ce que personne ne fait) le canon 1339 qui
stipule ceci :
« Sont frappés
d'interdit les livres […]: qui soutiennent que le duel, le suicide ou le
divorce sont permis ; qui traitent des sectes
maçonniques et autres sociétés du même genre, soutiennent qu'elles sont
utiles et qu'elles ne sont pas nuisibles à l'Eglise et à la société
civile. »
(Notez ces mots : « les
pouvoirs civils légitimes » et « la
société civile », nous reviendrons là-dessus.)
Une révision de ce code fut entreprise (de 1963 à 1983) à
l’initiative du pape Jean XXIII. Nous allons en parler, car cette nouvelle réglementation
fut à l’origine de ce qu’on peut appeler, au choix, un quiproquo ou un marché
de dupes.
Entre temps, étaient intervenus quelques faits non
négligeables. En premier lieu, les relations tissées entre un jésuite, le père
Berteloot (1881-1955) et Albert Lantoine (1869-1949), poète, romancier, membre
éminent de la Grande Loge de France, et
réputé surtout comme historien de la franc-maçonnerie, en particulier de la
franc-maçonnerie dite « écossaise », c’est-à-dire celle des hauts
grades. Il adressa en 1937 une « Lettre au Souverain Pontife » dans laquelle
il proposait, sinon une union, du moins une collaboration de ces deux forces
spirituelles qu’étaient la franc-maçonnerie symbolique (vous verrez ce que
j’entends par cette expression) et l’Eglise catholique pour faire front contre
les Etats totalitaires. Inutile de préciser que cette adresse ne reçut aucune
réponse.
De plus amples conséquences furent les initiatives d’un autre
jésuite bien plus renommé, le père Riquet. Le père Riquet fut, entre cent
autres occupations, le « conférencier de Notre-Dame » le plus réputé
depuis Lacordaire. Ces conférences prononcées à la cathédrale de Paris chaque
dimanche de carême avaient été à l’origine de la notoriété de Lacordaire, leur
fondateur, et elles valurent au père Riquet, durant douze ans (de 1946 à 1955)
une notoriété équivalente. Je me souviens : elles étaient diffusées en direct
par la radio nationale, sans que personne y trouve à redire. Il faut dire que
la personnalité de Michel Riquet était presque intouchable : grand
résistant, déporté à Mauthausen puis à Dachau, il n’aurait pas fait bon s’en
prendre à lui, d’autant qu’il avait du répondant… Bref, ces conférences de
Notre-Dame, après lui, retombèrent dans la grisaille dont il les avait sorties.
Mais pour l’instant, nous sommes hors sujet. Revenons-y.
Dans la résistance comme en déportation, le père Riquet avait
cohabité avec les Français les plus divers : des juifs, des communistes,
des francs-maçons – nous y voici – et il s’était lié d’amitié avec certains. De
là plusieurs engagements dans sa vie ultérieures. D’abord la défense des
anciens résistants et déportés[1].
Ensuite la mise en œuvre des « amitiés judéo-chrétiennes », étendues
ensuite à toutes les « religions du Livre » (christianisme, judaïsme,
islam) avec la fondation de l’association dénommée « La Fraternité
d’Abraham »[2]
(par la suite une loge du même nom fut fondée par Jean Granger au sein de la
Grande Loge Nationale Française). Et enfin
la cause devant le Vatican des francs-maçons croyants (cette épithète
est capitale), plus précisément « croyant en Dieu », ou, en un mot
« théistes ». Convaincu que ces maçons-là n’entraient pas dans le
champ d’application du code 2335, à savoir qu’ils n’adhèrent pas
« à une secte maçonnique ou à toute autre association semblable qui complote contre l'Eglise ou les
pouvoirs civils légitimes », bien au contraire, il s’employa avec
persévérance à faire lever officiellement cette excommunication. Il mit en branle ses réseaux, qui étaient
fournis, et, avec la promulgation par le pape Jean-Paul II en 1983 du nouveau
code de droit canonique, il pense avoir partie gagnée car il n’y est plus fait
mention de la franc-maçonnerie. On y lit simplement ceci (canon 1374) :
« Qui s'inscrit à
une association qui conspire contre l'Église sera puni d'une juste peine ; mais
celui qui y joue un rôle actif ou qui la dirige sera puni d'interdit ». Plus aucune mention de la
franc-maçonnerie, plus aucune mention de la peine d’excommunication.
Ainsi donc, selon l’interprétation du père Riquet et de
beaucoup, voilà l’excommunication levée pour les catholiques. Ceci en janvier
1983.
Hélas, en novembre de la même année (26 novembre 1983),
explose une bombe : une Déclaration de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi (c’est l’ancien Saint-Office) où on lit
notamment ceci :
Le jugement négatif de
l’Eglise sur les associations maçonniques
demeure donc inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés
comme inconciliables avec la doctrine de l’Eglise, et l’inscription à ces
associations reste interdite par l’Eglise. Les fidèles qui appartiennent aux
associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion.
Les autorités
ecclésiastiques locales n’ont pas compétence pour se prononcer sur la nature
des associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à
ce qui a été affirmé ci dessus […]
Le Souverain Pontife
Jean-Paul II, dans l’audience accordée au cardinal préfet soussigné, a approuvé
cette déclaration, qui avait été délibérée en réunion ordinaire de la
Congrégation, et en a ordonné la publication. […]
Et c’est signé :
Joseph, card.
Ratzinger, Préfet.
Nul n’ignore que le cardinal Ratzinger n’était autre que le futur
pape Benoît XVI…
Bref, retour au commencement. Sauf que la situation nouvelle
est singulièrement ambiguë (pour ne pas employer d’autres qualificatifs) :
les francs-maçons ne sont plus spécifiquement excommuniés mais… ils restent
interdits de communion. Où est la différence ?[3]
D’où des commentaires
juridiquement et casuistiquement astucieux du père Riquet et de son comparse
maçon catholique de la Grande Loge Nationale Française maître Alec Mellor, pour
démontrer que les catholiques ne peuvent pas être visés, puisque la lettre du
code 1374 est explicite et que la congrégation pour la doctrine de la foi en a
donné une interprétation lato sensu qui
contredit cette lettre même. En bref, le canon 1374, c’est la loi ; une
interprétation qui contredit et l’esprit et la lettre de la loi est illicite,
elle est nulle et de nul effet. On doit observer que nombreux ont été les catholiques
romains qui ont pensé et continuent de penser de même, et sont entrés en maçonnerie
croyante, souvent avec l’accord
implicite, ou même explicite, de leur prêtre, voire de leur évêque. C’est pour
eux affaire de conscience qu’on ne peut pas trancher à leur place.
Cette Déclaration provoqua aussi un commentaire d’une tout
autre encre, par un autre jésuite éminent, le père Ferrer Benimeli. Je vais en
parler tout bientôt.
Suivre le fil de l’histoire m’a amené presque à nos jours, il
faut maintenant rebrousser chemin.
Je viens d’aborder un sujet qui entre parfaitement dans notre
propos : la réception par les catholiques romains des décisions papales.
Au début, au XVIIIe siècle, il n’y eut aucune réception, pour la bonne et simple raison qu’en vertu du
concordat dit de Bologne passé en 1516 entre le roi François Ier et le pape
Léon X, aucune décision du pape, bulle ou constitution apostolique ou autre, ne
pouvait avoir force de loi en France qu’une fois enregistrée par le parlement
de Paris. Or ni la constitution In Eminent
de 1738, ni la constitution Providas de
1751, ni aucun des quatre autres textes (mineurs) du XVIIIe siècle
ne furent jamais enregistrés. C’est pourquoi les catholiques ne voyaient nulle
difficulté à adhérer à la franc-maçonnerie, et ils le faisaient en masse, non
seulement laïcs, mais aussi ecclésiastiques de toutes sortes : prêtres,
moines, évêques…
A ce propos, il est temps de dire un mot du père Benimeli que
je viens de nommer. Le père Benimeli est un jésuite espagnol qui a consacré son
existence de chercheur et d’universitaire à l’histoire de la franc-maçonnerie.
C’est même, je crois, le plus grand historien vivant de la franc-maçonnerie.
Maintenant à la retraite, il a longtemps dirigé le Centro de Estudios historicos de la Masonerìa espanola de
l’université de Saragosse[4].
Son opus majeur est sa thèse de doctorat soutenue et éditée à Caracas en 1976
(on comprend pourquoi à Caracas et pas à Madrid…sous le règne du général
Franco) et publiée en traduction française par Dervy en 1982, puis de nouveau
en 1989 - avec une préface… du père Riquet (comme cela s’imposait). Cet
ouvrage, établi sur la base d’une documentation monumentale tirée des archives
du Vatican, des archives nationales de maints pays et de nombreuses bibliothèques
et fonds documentaires, est absolument indispensable à quiconque veut avoir une
vision concrète, complète et précise du phénomène maçonnique en Europe à l’âge
des Lumières. Son titre en français est : Les Archives secrètes du Vatican et de la franc-maçonnerie. Histoire
d’une condamnation pontificale. A noter tout de suite que le titre en
espagnol est bien plus explicite : Los
Archivos segretos vaticanos y la masoneria. MOTIVOS POLITICOS de una condena
pontìficia. « Motifs
politiques » : le terme a fait reculer l’éditeur français, mais la
couleur est annoncée. J’y reviendrai plus tard.
Pourquoi vous parler d’ores et déjà de cet ouvrage ?
Pour appuyer mon propos. Le père Benimeli publie en effet sur cent pages une
table nominative des ecclésiastiques appartenant à des loges dont il a trouvé
mention, et il précise qu’elle est incomplète ! Pour l’anecdote, plusieurs
couvents, dont Clairvaux ou Fécamp en France (mais ailleurs aussi) possédaient
leur propre loge…
C’est la révolution qui modifia de fond en comble l’état des
lieux. Les loges se vidèrent des aristocrates et des ecclésiastiques, soient
qu’ils aient émigré, soit qu’ils se soient camouflés, soit encore qu’ils aient
été tout simplement exécutés. Les loges elles-mêmes cessèrent leurs travaux sous
la Terreur et ne les reprirent que lentement.
J’accélère. Sous l’Empire, la franc-maçonnerie (dont Napoléon
n’était pas membre mais son frère Joseph et la plupart des maréchaux, si) fut
un instrument de la domination du pouvoir. Pour l’empereur, la loge idéale
avait pour vénérable maître le préfet, pour premier surveillant le maire et
pour second surveillant le commissaire de police !
Instrument du pouvoir, la maçonnerie le demeura jusqu’en
1870. L’exemple le plus flagrant est celui du maréchal Magnan (1791-1865). Pour
écarter le grand maître du Grand Orient, le prince Lucien Murat (1803-1878)[5],
pourtant son cousin, mais avec lequel il était en dissentiment politique, Napoléon III nomma à cette
fonction le maréchal Magnan, un de ses intimes (il avait activement participé
au coup d’Etat de 1851). Celui-ci n’était pas franc-maçon : il reçut en
conséquence les 33 degrés maçonniques en 48 heures. Cela se passait en 1862.
Il va de soi que ni l’ancienne aristocratie, demeurée
royaliste dans son immense majorité, ni a
fortiori les ecclésiastiques, ne rejoignirent les rangs de cette
franc-maçonnerie politisée. Le franc-maçon typique de cette partie du XIXe
siècle peut s’identifier grosso modo (il
y a évidemment des exceptions) au bourgeois louis-philippard, cossu, en
méfiance du peuple, et voltairien, voire agnostique. Deux figures emblématiques ? Le duc Decazes,
ministre favori de Louis XVIII mais surtout grand industriel capitaliste[6] ;
et le ministre favori de Louis-Philippe, François Guizot (qui n’était pas tout
à fait agnostique, mais protestant libéral).
Il est clair que durant toute cette période, en France (je
précise bien : en France), l’Eglise catholique, qui pactisait plus ou
moins, mais plutôt plus que moins, avec le pouvoir, n’avait aucune raison de s’en
prendre à la franc-maçonnerie, instrument docile de ce même pouvoir.
Après l’effondrement de l’Empire en 1870, une réaction
politique au sein de la maçonnerie française était inévitable ; et elle ne
fut pas évitée.
Je viens d’écrire les mots « maçonnerie
politisée ». Mais ne le fut-elle pas dès le départ ? Ma réponse
est : oui. Ceci est ma certitude, que beaucoup sans doute contesteront.
Peu importe. J’ai fait complètement mienne la thèse que développe depuis 1996
et surtout depuis une dizaine d’années André Kervella, brillant historien
iconoclaste, lui-même franc-maçon (membre du GODF). J’y ai adhéré d’autant plus
que j’en avais depuis longtemps l’intuition, sans pouvoir étayer cette
intuition[7].
Quelle est-elle ? Pour résumer sommairement et d’une façon un peu
simpliste : que la franc-maçonnerie moderne, dite spéculative, n’est pas
du tout née à Londres en 1717, comme l’enseigne sans broncher la vulgate
maçonnique, mais qu’elle est bien antérieure, et écossaise d’origine. Selon
lui, elle serait née en 1689 dans l’entourage du roi Stuart détrôné Jacques II
d’Angleterre - Jacques VII d’Ecosse (1633-1701), en exil au château de
Saint-Germain en Laye où Louis XIV, son cousin germain, lui avait offert
l’hospitalité On se souvient que la « glorieuse révolution », comme
les Anglais l’appellent non sans forfanterie, détrôna Jacques II pour cause de
conversion au catholicisme romain et lui
substitua son neveu et gendre Guillaume d’Orange, prince protestant. Après la
mort de Guillaume III (1701), puis de la reine Anne, fille de Jacques II et
épouse du précédent (I714), la dynastie des électeurs de Hanovre (Georges Ier
et la suite) fut appelée à occuper le trône de ce qui, entre temps, était
devenu le Royaume uni.[8]
Les partisans de Jacques II-VII, puis de son fils Jacques III-VIII (1688-1766)
- (dit « le chevalier de Saint-Georges », ou encore « le vieux
prétendant »), puis de son petit-fils Charles III –Edouard (1720-1788) -
(dit «Bonnie prince Charlie », ou encore « le jeune prétendant »)
n’acceptèrent pas cet état de choses, et ils lancèrent plusieurs expéditions de
reconquête dont plusieurs réussirent un temps, en particulier celle de 1715 et
surtout celle de 1745 (qui mena Charles-Edouard jusqu’à Derby, à moins de 200
km de Londres)[9]. Les réfugiés « jacobites », comme
on les appelle (ne pas confondre avec les jacobins !), en France ne furent
pas moins de 50 000, Ecossais, Irlandais et Anglais mêlés, non seulement
catholiques, mais aussi protestants partisans de la monarchie légitime.
Beaucoup (quelque 25 000) formèrent des régiments au service du roi de
France. Le sort des autres ressembla beaucoup à celui des émigrés français aux
temps de la révolution. La cour du roi Jacques à Saint-Germain en Laye comptait
toutefois environ 2500 personnes, ce qui est à la fois peu (par rapport à
Versailles) et beaucoup (pour un souverain exilé). Chose importante à
noter : la plupart des seigneurs anglais et écossais avaient conservé
leurs fiefs sur place, soit qu’ils les aient confiés à des parents de
confiance, soit même qu’ils aient prêté mensongèrement un serment d’allégeance
au souverain de Londres. On en voit beaucoup faire des allers et retours entre
le continent, c’est-à-dire la France, et les îles.
Pourquoi ce rappel historique détaillé? Parce que la
thèse de Kervella, fondée sur un dépouillement quasi exhaustif de documents
d’archives jusqu’à présent délaissés, en particulier des correspondances
diplomatiques et des correspondances privées, cette thèse, je le répète
iconoclaste, est la suivante : les premières loges sont apparues à
Saint-Germain en Laye autour de Jacques II à partir de 1689, et elles n’étaient
pas autre chose que (le vocabulaire est de moi) des cellules de conspirateurs
travaillant à la restauration du roi, notamment en réunissant fonds et
armements en vue de ces expéditions par mer que j’ai déjà mentionnées. Et cela
se poursuivit avec Jacques III son fils, puis Charles-Edouard son petit-fils
jusque vers 1750, où, après l’échec déconcertant de 1745, le découragement
gagna tous les jacobites et le prince lui-même.
Et les loges anglaises, notamment celles de la soi-disant
Grande Loge d’Angleterre créée en 1717 ? Eh bien ? elles furent la
réponse du berger à la bergère, c’est-à-dire la réplique des hanovriens aux
jacobites, légitimité contre légitimité. Et j’avoue que cette explication me
paraît bien meilleure que celle qui prévalait jusqu’à présent – et qui en
réalité n’en était pas une. La théorie dite de la « transition »,
selon laquelle les loges « opératives », composées de bâtisseurs, de
techniciens de la construction, se seraient peu à peu transformées en loges
« spéculatives » par l’entrée en nombre croissant de nobles et de
bourgeois, théorie brillamment défendue en son temps par le grand
« docteur en maçonnerie » anglais Harry Carr, est aujourd’hui
définitivement abandonnée faute de document qui vienne à l’appui. Mais le problème
demeurait pendant. Pourquoi diable ces nobles et ces bourgeois auraient-ils eu
l’idée saugrenue de se réunir pour faire semblant d’édifier fictivement le
temple de Salomon ? Si en revanche cette symbolique est une sorte de
paravent et que Salomon représente, pour les uns Jacques III et pour les autres
Georges Ier, et le temple leur royaume, alors tout change, et l’on a affaire à
une explication rationnelle.
Et c’est ainsi que les jacobites, pour ne pas être en reste
devant le plagiat des hanovriens, inventèrent des grades
« supérieurs » à celui de maître, notamment un quatrième grade
dénommé (à juste titre) écossais, et aussi des grades chevaleresques templiers.
C’était dans l’air du temps. En effet se produit à l’époque un retour à un
moyen-âge assez mythique et à une chevalerie tout aussi mythique. Cela se
manifeste en littérature comme dans les arts plastiques : on dénomme cette
mode « le style troubadour ». Il débute sous Louis XV et se poursuit
jusqu’au Consulat en marge et en réaction du style pseudo-romain dont les
révolutionnaires étaient friands. Son apogée fut le Génie du Christianisme publié par Chateaubriand en 1802 (mais écrit
bien avant) ; et je voudrais mentionner aussi la première pièce de théâtre
inspirée par l’Ordre du Temple, la tragédie Les
Templiers de François Raynouard (1761-1836) publiée et jouée en 1805. Cette
mode « médiévale » était tellement établie que Voltaire lui-même
produisit en 1756 une épopée intitulée La Pucelle d’Orléans.
Tout cela pour dire que Ramsay (mort et enseveli, notons-le,
à Saint-Germain en Laye en 1743) avec son Discours,
ou plutôt ses Discours (car il y en a
deux versions, une qui fut prononcée en loge en 1736, et une autre qui devait
être prononcée en grande loge en 1737 et ne le fut jamais, à cause de
l’interdiction du premier ministre, le cardinal de Fleury), Ramsay, donc, en
faisant remonter au moins allégoriquement aux croisés l’institution de la
franc-maçonnerie[10],
n’était pas un farfelu isolé, contrairement à ce que les historiens maçonniques
affirment volontiers, et que son entreprise s’inscrivait dans un contexte qui
lui donne une perspective politique – ou, pour être précis, une perspective
politico-maçonnique précise.
Je pense que, pour la majorité de ceux qui connaissent un peu
l’histoire des débuts de la franc-maçonnerie, cette thèse d’une origine, j’y
insiste, « politique » de ce mouvement est, pour dire le moins,
déconcertante, tant elle bouscule les idées reçues… Et pourtant : le
croisement qu’André Kervella a fait des noms des émissaires occultes de Jacques
III avec les membres répertoriés des loges est tout à fait convaincant :
il est des similitudes qui ne peuvent être le fruit du hasard.
Pour ceux que cela intéresse, je recommande particulièrement
le dernier en date des ouvrages d’André Kervella (il en a publié une douzaine),
qui s’intitule Les rois Stuart et la
franc-maçonnerie, paru l’an dernier en 2013 aux Editions Ivoire-Clair. Je
l’ai beaucoup aimé, comme tous ceux à qui je l’ai recommandé.
Et c’est là que nous retrouvons ce qu’on appelle inexactement
la bulle In Eminenti de 1738, qui est en réalité une constitution
apostolique. Dans son ouvrage monumental déjà cité, le père Benimeli prouve que
les motifs réels de ce texte (auquel le pape Clément XII n’a pas mis la main,
sauf pour la signature) sont purement politiques car liés à la politique du
pape en tant que souverain temporel
au sein d’une Italie en pleine mutation politique (j’insiste de nouveau sur
cette épithète), les motifs théologiques invoqués n’étant que rideau de fumée.
Rappelons-les pourtant brièvement, ces motifs, car ils seront reproduits ultérieurement
à satiété.
Premièrement, ces « sociétés,
assemblées, réunions, conventicules », se font en secret : preuve
qu’elles sont criminelles, car « si
elles ne faisaient point de mal, elles ne haïraient pas ainsi la lumière ». Preuve en est que, « dans plusieurs Etats [qu’on ne
nomme pas], elles ont été […] proscrites et bannies comme contraires à la sûreté des royaumes ». Le motif
politique fait ici plus que transparaître. Il est confirmé quelques lignes plus
loin par une référence à « la tranquillité des Etats
temporels ».
Le second grief est la coexistence d’« hommes de toute religion et de toute secte », situation
évidemment impensable en un temps où les rapports interreligieux n’étaient que
polémiques au sens propre, c’est-à-dire des rapports de guerre.
Le troisième grief s’exprime ainsi : « … et pour d’autres causes justes et
raisonnables connues de nous… ». Et c’est tout ! On avouera que
c’est plus que léger. Ajoutons que la constitution Providas de 1751 du pape Benoît XIV n’en dit guère plus et se
contente de broder sur le texte d’In
Eminenti.
La preuve que les motifs profonds de cette condamnation
furent politiques résulte clairement du rapprochement avec l’ouvrage de Kervella cité précédemment. Il apparaît que
Robert Walpole, premier ministre anglais durant cette période cruciale, de 1721
à 1742, franc-maçon lui-même, utilisait
les membres des loges hanovriennes comme émissaires, comme « honorables
correspondants », c’est-à-dire comme agents secrets et comme espions,
principalement en Italie où le prétendant avait trouvé refuge[11].
Il apparaît non moins clairement que les loges jacobites des Etats pontificaux
ne furent jamais vraiment inquiétées ; et même lorsque l’Inquisition,
prenant à la lettre la constitution In Eminenti,
voulut s’en occuper, la procédure fut rapidement stoppée. Jacques III était
lui-même maçon et son fils Charles-Edouard aussi, contrairement à ce que ce
dernier affirma mensongèrement quelques années plus tard[12].
Simplement, il avait promis au pape de faire profil bas.
Tout cela éclaire d’un jour nouveau la condamnation papale de
1738. Souvenons-nous qu’il est question de la « sûreté des royaumes »,
de la « tranquillité des Etats temporels ». Mais qui était le roi
légitime de Grande-Bretagne aux yeux du Saint-Siège ? Certainement pas
l’électeur de Hanovre, ce prince hérétique et schismatique, fauteur de troubles
dans le Saint-Empire dont il était un des électeurs, mais bien le roi Stuart,
fidèle de la sainte Eglise catholique romaine.
N’oublions pas (c’est un défaut fréquent que de déconnecter
l’histoire de la maçonnerie du panorama historique européen qui est en toile-de-fond)
que cette époque est celle de la guerre de succession d’Autriche (1740-1738) où
l’on voit souverains catholiques et protestants s’affronter en Allemagne – la
France jouant, comme souvent depuis Richelieu, à contre-camp[13].
Et par conséquent les décisions papales s’inscrivent dans ce contexte, je le répète une fois de
plus, politique.
Toutefois, je l’ai déjà dit, ces condamnations furent en
France nulles et de nul effet.
Mais quid de la maçonnerie elle-même ? André Kervella a
bien débrouillé la question. Il y eut au départ en France une maçonnerie
jacobite – et il n’est pas inutile de noter que les premiers grands maîtres de
la grande loge, Mac Lean et Derwentwater étaient des aristocrates écossais[14].
Puis se formèrent concurremment des loges hanovriennes. Ainsi, contrairement à
ce qui s’écrit, les origines de la maçonnerie française ne doivent rien à
Londres, mais tout à Saint-Germain-en-Laye, puis à Rome. Point à retenir, si
ces maçons se faisaient la guerre en Ecosse et en Angleterre, ils entretenaient
en France (et plus tard en Italie) des rapports courtois. L’esprit
maçonnique ?
Et les Français dans tout cela ? Le fait est que les
grands maîtres suivants[15]
furent des aristocrates de haute volée, d’abord Louis de Pardaillan de Gondrin,
duc d'Antin (1707-1743), puis Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont (1709-1771),
prince du sang, c’est-à-dire proche parent du roi, et enfin Louis Philippe d'Orléans
(1747-1793), cousin du roi, premier prince du sang[16],
montre à suffisance que la maçonnerie fit l’objet d’un véritable engouement et
que la noblesse d’épée, de robe et d’église s’y engouffra. Inutile de dire que
la maçonnerie française avait alors perdu jusqu’au souvenir du ou des
caractères politiques de ses débuts. Elle était devenue tout uniment, comme la
décrira peu après Joseph de Maistre[17],
une « société de plaisir » où l’on se consacrait, comme je me suis
plu à l’écrire dans une de mes études, en citant le titre d’une célèbre valse
de Johann Strauss, à « Aimer, boire et chanter ». Plus de politique,
pas d’ésotérisme – le mot n’existait pas, ni la chose non plus, sauf dans une
société dont je vous parlerai plus tard – rien que du divertissement.
Cette franc-maçonnerie était, précisons-le, à double face. De
même que coexistent au sein de l’Eglise d’Angleterre une High Church et une Low
Church, de même coexistaient, sans se fondre, ce qu’on pourrait appeler une
« haute franc-maçonnerie » et une « basse
franc-maçonnerie ». Une franc-maçonnerie modeste, faite de boutiquiers, de
cabaretiers, de clercs de justice, de curés… Et une franc-maçonnerie de haut
vol, emplie de la plus haute aristocratie de la cour, de la ville et de
l’Eglise, où se côtoyaient les deux frères du roi, les comtes de Provence et
d’Artois, futurs Louis XVIII et Charles X, des princes du sang, de grands
aristocrates comme le duc de Montmorency-Luxembourg, « premier baron de
France », c’est-à-dire issu de la plus ancienne famille de France (et
adjoint du grand maître le duc d’Orléans), des cohortes d’archevêques et
d’évêques, de parlementaires (c’est-à-dire de hauts magistrats)[18]
… et même la reine et son amie intime la princesse de Lamballe – car il
existait aussi une maçonnerie féminine[19].
Inutile de dire que tout ce beau monde ne conspirait pas.
Même si ces grands seigneurs étaient pour la plupart « libertins »
dans les deux sens du terme, à savoir quant aux mœurs et quant aux idées[20],
ils étaient bien trop attachés à leurs privilèges qui leur garantissaient les
agréments de la vie pour mettre en cause le trône et l’autel d’où ils tenaient
ces privilèges. Quant au petit peuple des loges, même s’il grognait contre les
impôts trop lourds (surtout avec les guerres)…, rien ne lui répugnait plus que
le républicanisme, qui sentait le fagot, avec l’exemple peu attrayant de
« ces messieurs de Genève »[21].
Ce qui fait que lorsque la politique rattrapa cette
franc-maçonnerie devenue complètement apolitique, ce qui se produisit en plein
cœur de la révolution, elle le fit d’une façon tout à fait nouvelle et
inattendue et, disons-le d’emblée, complètement à contre-sens. De 1797 à 1799,
un polygraphe, l’abbé Augustin Barruel, ancien (et futur) jésuite[22]
publia des Mémoires pour servir à
l'histoire du jacobinisme (Hambourg, P. Fauche, 5 vol.) qui furent un immense succès de
librairie et ont engendré une postérité innombrable. Il fallait en effet
trouver des causes à cette révolution française qui avait englouti sans
explication rationnelle la plus ancienne monarchie du monde civilisé. Ces
causes, ou plutôt cette cause unique, Barruel, qui affirmait avoir lui-même été
reçu en loge, la dévoilait au grand jour : c’était l’action des
francs-maçons. Ou, pour être plus précis : l’action conjuguée « des
philosophes athées, des nouveaux templiers, des rosicruciens et des
francs-maçons » occultement dirigés par les Illuminati, afin de détruire les pouvoirs en place, à savoir
l’Eglise et la monarchie.
Vu la description que j’ai donnée de la franc-maçonnerie française
pré-révolutionnaire, il est clair que ces assertions sont un non-sens total.
Mais il fallait un coupable : la recherche d’un ou de coupables est une
constante de l’action politique, qui dispense d’un effort toujours difficile
d’analyse. Le coupable était tout trouvé, et pour longtemps, car on continue
encore de nos jours à désigner comme telle la franc-maçonnerie dans les milieux
contre-révolutionnaires. On en était arrivé – et on reste encore dans certains
milieux – à ce comble d’absurdité d’accuser le convent maçonnique de
Wilhelmsbad de 1782 d’avoir été la réunion européenne des conjurés planifiant
la destruction de l’Eglise et des monarchies, alors que ce convent réunissait
les partisans résolus d’un type de maçonnerie chrétienne, et exclusivement
chrétienne, dont je parlerai au terme de cet exposé. Alexandre Dumas disait
qu’il faut parfois violer l’histoire pour lui faire de beaux enfants : ce
n’est pas le cas ici !
Il y a dans les accusations que je viens de relater plusieurs
termes qui retiennent l’attention. « Nouveaux
templiers » : ce sont ces grades chevaleresques que j’ai déjà
mentionnés, et il y avait en effet en Allemagne un système chevaleresque
dénommé la Stricte Observance qui prétendait reconstituer l’Ordre du Temple,
lequel n’aurait été, affirmait-on, aboli qu’en apparence par le concile de
Vienne en 1312. Toutefois ce système était dirigé par des proches de princes
régnants ou même de rois, qu’on voit mal, osons dire, scier la branche sur
laquelle ils étaient assis ! Et rappelons que l’empereur Joseph II, fils
de Marie-Thérèse, était franc-maçon, à la suite de son père l’empereur François
Ier, ainsi que le roi de Prusse Frédéric II le Grand, pour ne parler que d’eux.
« Rosicruciens » : il
s’agit des fameux « rose-croix », dont je ne veux rien dire, il y
faudrait une conférence entière, mais sachez qu’ils n’ont strictement rien à
voir avec la franc-maçonnerie. Les Illuminati
non plus, mais il s’en fallut de peu. Pour faire bref, les « Illuminés
de Bavière » (pour donner à cet ordre sa véritable dénomination) furent
fondés en 1776 dans ce pays par un professeur de droit canonique, Weishaupt, mais
– paradoxe ! – sur la base d’une philosophie matérialiste, progressiste et
égalitaire, qui visait effectivement à renverser le trône et l’autel. Ils
tentèrent de noyauter progressivement la maçonnerie allemande : ce qui
leur fut fatal, car les princes et clercs reçus dans leurs rangs furent
épouvantés, l’ordre fut interdit dès 1786 et Weishaupt révoqué et exilé. De
toute façon l’Ordre des Illuminés n’eut jamais de ramifications en France.
Pour en revenir à Barruel, son arsenal s’enrichit à partir de
1806, sur la base de « révélations » d’un correspondant italien, de
l’arme de l’antijudaïsme, les « forces occultes » de la maçonnerie
(pour reprendre le titre d’un film violemment antimaçonnique de mars 1943)
étant en réalité les juifs travaillant à la domination du monde.
Pourquoi insisté-je sur tous ces détails ? Parce que
vous avez là, constitué une fois pour toutes, le thème du « complot
judéo-maçonnique » qu’on retrouve inchangé jusqu’aux temps présents. Cette
thèse – anticipons quelque peu - devait recevoir son habillage théologique des
mains d’un jésuite allemand, archevêque de Bombay, Mgr Leo Meurin, avec la
publication en 1893 d’un ouvrage au titre qui fit mouche : La Franc-maçonnerie, synagogue de Satan. Cette
formule a été attribuée à bien des personnes, rendons-en la paternité à Mgr
Meurin !
Cette rhétorique, avec ses formules, a défié les temps et on
l’a retrouvée telle quelle successivement au moment de la séparation de
l’Eglise et de l’Etat dans les années 1900, dans les polémiques de La Libre Parole d’Edouard Drumont avant
la guerre de 1914, dans celles de L’Action
française de Charles Maurras et de Léon Daudet entre les deux guerres, dans
les publications officielles sous le régime de Vichy, et de nouveau de nos
jours à l’occasion des débats « sociétaux », comme on les appelle.
Elle s’est simplement accrue chemin faisant, lors de l’affaire Dreyfus, d’un
autre élément : l’anti-germanisme. Ainsi, selon Maurras, les quatre
constituants de l’Anti-France étaient : les francs-maçons, les juifs, les
protestants et les métèques.
Mais, m’objecterez-vous peut-être, je m’éloigne de mon sujet
? Point du tout. Car ce sont exactement ces armes-là qui furent utilisées par
l’Eglise de France dans ce qu’il faut bien appeler la guerre d’une part
antimaçonnique et d’autre part antireligieuse, guerre politico-religieuse qui
fit rage dès les premières décennies de la IIIe république. Je vous ai montré
plus haut que l’autel avait pactisé avec le trône jusqu’en 1870. La réaction
antimonarchique qui suivit devait forcément prendre le tour d’une réaction
anticatholique. Il fallait en finir avec le règne conjoint du sabre et du goupillon ! Et ce combat, ce fut le Grand
Orient de France qui le mena. D’autant plus vigoureusement que l’Eglise de
France était dans son immense majorité demeurée très hostile à la république –
en dépit du « ralliement » aux institutions républicaines prôné par le pape
Léon XIII (1810-1903) dans son encyclique «
Au milieu des sollicitudes » (16 février 1892)[23],
mais il ne fut guère écouté en France.
Le premier coup de canon fut tiré dès 1877 par Gambetta (qui
avait été initié à la fin du Second Empire) avec cette formule passée à la
postérité : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Dès lors, il y eut
identification, on pourrait dire osmose, de la franc-maçonnerie et du pouvoir
républicain, et des deux avec la « libre pensée » et
l’anticatholicisme.
On a pu dire, sans
vraiment exagérer, qu’au moins jusqu’en 1914, les gouvernements se faisaient et
se défaisaient au sein des loges. C’est à la même époque que le Grand Orient de
France décida, si l’on me passe ce néologisme, de s’« athéiser ». Je
m’explique. Depuis 1849, à l’initiative de son grand maître le prince Murat que
j’ai déjà signalée, l’article Ier des constitutions de ses constitutions était
ainsi libellé :
« La Franc-Maçonnerie,
institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a
pour base l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. »
Ce qui en faisait une obédience théiste.
Or en septembre 1877, sur le rapport du pasteur Desmons (cela
ne s’invente pas !) qui était aussi député républicain, le convent du
Grand Orient à une très forte majorité modifia ainsi cet article Ier :
« La Franc-Maçonnerie,
institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, [le début ne change pas, mais la
suite, si] a pour objet la recherche de
la vérité, l'étude de la morale universelle, des sciences et des arts et
l'exercice de la bienfaisance. Elle a pour principes la liberté absolue de
conscience et la solidarité humaine. Elle n'exclut personne pour ses croyances.
Elle a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité.[24]
»
Dix ans plus tard, un nouveau pas fut fait et l’invocation au
Grand Architecte de l’Univers devint facultative ; dans les faits, elle
disparut complètement.
Ainsi, officiellement, l’obédience était devenue agnostique ; mais, dans la réalité,
elle développa non seulement un anticléricalisme mais aussi un anticatholicisme
militant, (et parfois provocateur avec les banquets du vendredi-saint au cours desquels
on mangeait – et on mange toujours – du cochon)[25].
Dès lors, la presque totalité des présidents du conseil qui
se succédèrent furent des « frères trois points » (comme on les appelait
désormais d’après le titre éponyme d’un ouvrage[26]
du célèbre mystificateur Léo Taxil), le plus célèbre étant Emile Combes,
« le p’tit père Combes », un ancien séminariste devenu athée militant.
Ils prirent toute une série de mesures destinées à abattre la puissance
politique et sociale de l’Eglise catholique : interdiction d’enseignement
sauf autorisation aux congrégations religieuses (juillet 1904) puis refus
systématique d’autorisation à ces dernières, ce qui entraîna leur exil et la
fermeture de milliers d’établissements[27] ;
rupture des relations diplomatiques avec le Vatican (mai 1904) ;
séparation de l’Eglise et de l’Etat (loi du 9 décembre 1905) [28],
d’où les inventaires des 68 000 édifices religieux existants, inventaires
qui provoquèrent des échauffourées avec les fidèles qui s’y opposaient en foule
- et même quelques morts – ainsi que des refus d’obéissance de nombreux officiers[29] ;
puis confiscation des biens du clergé (loi du 2 janvier 1907) passant aux
mains, soit de l’Etat, soit des communes ; enfin épuration du personnel
préfectoral et surtout de l’armée, jugée peu loyaliste. Cette dernière
épuration donna lieu à un scandale inouï, « l’affaire des fiches ».
Elle éclata lorsqu’il fut révélé publiquement en 1904 que le général André,
ministre de la guerre du cabinet Combes, demandait au Grand Orient de faire
établir par ses loges des fiches sur les opinions politiques et religieuses des
officiers, et que cette pratique durait depuis trois ans[30] ;
l’indignation fut à son comble, ce qui provoqua la chute – et la mort politique
– d’Emile Combes [31].
Et l’Eglise, dans tout cela ? Eh bien, elle réplique,
avec non moins de virulence. Son artillerie, c’est le journal La Croix qui s’en charge. Fondé en 1880
par la congrégation des assomptionnistes en visant délibérément un public
populaire, ce fut dès le départ un journal de combat, qui dénonça avec
virulence la république, la franc-maçonnerie et les juifs dont on opérait
l’amalgame dès avant Maurras. La Croix
se vantait d’être « le journal catholique le plus anti-juif de
France ». Quant à son antirépublicanisme, il était si marqué qu’il refusa
avec force le « ralliement » décidé par Léon XIII et que le pape, par
mesure d’autorité, fit révoquer en 1900
son rédacteur en chef le père Bailly. La même année, douze assomptionnistes,
surnommés « les douze moines ligueurs » sont condamnés par le
tribunal de la Seine pour menées séditieuses mettant en danger l’ordre public
républicain, et leur congrégation est dissoute.
La suite de l’histoire de La
Croix n’est plus de notre ressort. Le journal devint le porte-parole fidèle
du Vatican, y compris pour la condamnation de l’Action française en 1927,
marqué par des orientations de plus en plus sociales (l’Action catholique, la
JOC, jeunesse ouvrière catholique), soutenant après la Libération le parti de
la démocratie chrétienne (le MRP, mouvement républicain populaire), ce qui en
fit un journal très souvent progouvernemental. De nos jours, c’est un journal
sinon de gauche, du moins de centre gauche. On est loin du quotidien ligueur
des origines !
Cette chronique déjà longue va bientôt s’achever. La Grande
Guerre, celle de 1914-18, par la cohabitation forcée dans les tranchées de
Français de toutes catégories et de toutes opinions, opéra une sensible
réconciliation entre le curé et l’instituteur franc-maçon, qui se manifesta
dans la politique nationale avec, en particulier, le rétablissement en 1921 des
relations diplomatiques avec le Saint-Siège.
La deuxième guerre mondiale et l’établissement de l’Etat
français faillirent être fatales à cette réconciliation, la majorité des membres du haut clergé ayant fait allégeance
au Maréchal[32]
et approuvé au moins tacitement, et encore pas toujours, les mesures
antimaçonniques du gouvernement de Vichy (lois du 13 août 1940 et du 11 août
1941)[33]
et le statut des juifs (octobre 1940 et juillet 1941). Fort heureusement,
d’autres prélats (très minoritaires, il faut bien le reconnaître) avaient
publiquement dénoncé le sort fait aux juifs : ainsi l’archevêque de
Toulouse, Mgr Salièges[34],
et même l’archevêque de Lyon, le cardinal Gerlier, pourtant pétainiste. Et
surtout, quantité, non seulement de laïcs catholiques (tels Georges Bidault et
Edmond Michelet) mais aussi de prêtres et de religieux, avaient participé à la
résistance et avaient été déportés (tel le père Riquet) ou exécutés (environ
600, dit-on). Ce qui facilita bien les choses à la Libération.
L’histoire ensuite s’accélère car elle s’apaise. Pourtant
deux éruptions sont encore à signaler durant la IVe et la Ve
républiques, toutes deux dues à l’école, qui a constamment été un abcès de
fixation entre le camp catholique d’une part, et le camp laïque d’autre part,
le principal acteur de ce dernier étant toujours la franc-maçonnerie. Ce fut
d’abord, après la Libération (les établissements catholiques d’enseignement
ayant été favorisés par le régime de Vichy, d’où remise en cause), la
« querelle scolaire » qui dura plus de dix ans et fut résolue au
moins momentanément par la loi Debré du 31 décembre 1959 réglementant les
établissements d’enseignement libre sous contrat. Cette querelle rebondit en
1984 lorsque le gouvernement Mauroy et son ministre de l’éducation nationale
Alain Savary entreprirent de mettre en œuvre un des 101 engagements du candidat
François Mitterrand, à savoir la réalisation d’un «grand service public unifié
de l'éducation nationale», dont les conditions d’application revenaient à
intégrer l’enseignement libre dans l’enseignement public. Ce projet jeta dans
la rue des centaines de milliers, voire un million ou plus, de manifestants,
ensuite de quoi le président Mitterrand retira en juillet 1984 le projet de
loi, ce qui entraîna la démission du ministre Savary puis du gouvernement
Mauroy tout entier. Ce malheureux texte avait d’ailleurs suscité le
mécontentement des deux camps : le camp catholique, on vient d’en parler,
mais aussi le camp laïque avec pour fer de lance le Grand Orient de France, qui
le jugeait édulcoré – et le fit savoir au président Mitterrand, qui n’apprécia
guère…
Y a-t-il de nos jours une reprise de l’affrontement ? On
pourrait le penser avec le clivage assez violent de l’opinion qu’ont suscité
les problèmes dits «sociétaux », le premier en date étant le « mariage
pour tous », pour parler clair le mariage homosexuel, et ce qui s’ensuit
et s’ensuivra. Toutefois l’affrontement n’a pas la même allure que ceux du
passé.
Les autorités religieuses catholiques, le cardinal
Vingt-Trois en tête, archevêque de Paris et président à l’époque de la
conférence épiscopale, si elles ont condamné vigoureusement le mariage
homosexuel au nom des valeurs sociales et naturelles - et non pas religieuses
-, ainsi que du respect de la dignité humaine, etc., se sont bien gardées de
s’en prendre à la franc-maçonnerie qui avait pourtant pris parti non moins
vigoureusement en faveur dudit mariage et de ce qui doit s’ensuivre. Même,
interrogé à propos de ce prêtre catholique qui a beaucoup fait parler de lui à
cause du fait qu’il a été sanctionné pour être membre du Grand Orient de
France, le père Pascal Vesin, le cardinal s’est contenté de dire : « C’est un peu difficile d’être représentant
d’une Église et membre actif d’une corporation dont l’un des thèmes est de dire
que l’Église est nuisible[35]. »
De son côté, au contraire, le Grand Orient de France s’en est
pris avec virulence et nommément au cardinal-archevêque de Paris. Je
cite :
Communiqué du Grand Orient de
France en date du 5 novembre 2012
Le Grand Orient de France condamne fermement les propos de l’Eglise Catholique
au sujet du projet de loi sur l’ouverture du mariage civil à tous les couples
[…]
Ainsi, l’évocation par le Cardinal André Vingt-Trois de « mutations
profondes de notre législation qui pourraient transformer radicalement les
modalités des relations fondatrices de notre société » témoigne de positions arriérées voire obscurantistes en décalage complet avec les
nécessaires évolutions sociales et politiques de notre temps […]
Au nom de la Laïcité, le Grand Orient de France rappelle que les
Eglises doivent se restreindre à la seule sphère spirituelle, et ne pas
interférer, par des imprécations stigmatisantes et des amalgames violents et
haineux, avec les légitimes débats publics et démocratiques qui président à
l’évolution et au progrès des droits civils.
Communiqué du Grand Orient de
France en date du 14 janvier 2013
[…] Depuis la mise en ouvre concrète de cette promesse de campagne
présidentielle, un vaste mouvement de contestation a été lancé par les
religions monothéistes confondant à dessein le contrat de mariage régi par le
Code civil, issu de lois votées par le Parlement de la République française, et
l’organisation du mariage religieux au gré des croyances des pratiquants de
tout culte. […]
Devant la violence du débat qui s’instaure, le GODF en appelle à la
sérénité et au respect des régles démocratiques dans le fonctionnement des
services publics.
Ainsi, aux responsables religieux qui s’érigent en conscience morale,
il pourrait être rappelé quelques entorses à la légalité : l’utilisation,
à des fins de propagande, des émissions religieuses diffusées par le service
public France Télévision le dimanche matin […] ; le non respect de
propagande politique dans les lieux de culte affectataires au titre de la loi
de séparation des Eglises et de l’Etat […] ; l’aggravation de la loi Debré
du 31 décembre 1959 sur les établissements sous contrat, par une utilisation
abusive du « caractère propre » des établissements […].
En poursuivant de telles actions, les Eglises, qui disposent déjà de
nombreux avantages matériels, en terre concordataire comme ailleurs, prennent
le risque de réveiller des querelles que la loi de 1905 avait pourtant permis
de dépasser […]
Ainsi le ton n’était plus
seulement véhément, il se faisait menaçant…
Enfin, dernier communiqué du Grand Orient de France en date du 25 janvier 2013 sous l’intitulé :
Enfin, dernier communiqué du Grand Orient de France en date du 25 janvier 2013 sous l’intitulé :
Projet de loi en faveur du mariage pour tous –
Décision du conseil de l’ordre
[…] C’est une avancée en matière d’égalité des droits et qui illustre
le pouvoir des élus de la République de déterminer les termes du contrat civil
de mariage, en dehors des pratiques et croyances religieuses sur le mariage
religieux.
Le conseil de l’Ordre, réuni ce vendredi, a décidé de laisser libres
les maçons du Grand Orient de France de s’associer à toutes mes manifestations
en faveur de ce texte : chacun pourra y participer en cordon de maître,
etc. […].
On notera au passage que liberté
est donnée de manifester publiquement pour
le texte, mais pas contre lui…
La déclaration la plus tranchée, la plus claire et,
j’ajouterai, la plus franche, émane du ministre de l’éducation nationale
d’alors, Vincent Peillon, qui affirmait à qui voulait l’entendre :
« le catholicisme est incompatible avec la démocratie ». Et si l’on
m’objecte qu’il n’est pas lui-même maçon, je répondrai qu’il inscrit
formellement sa pensée et son action dans la lignée de Ferdinand Buisson, cet
éminent franc-maçon libre penseur de la fin du XIXe siècle que j’ai mentionné
plus haut, et dont il entendait parachever l’œuvre. Autant dire que, selon la
formule bien connue, Vincent Peillon est « un maçon sans tablier ».
A tout cela, l’Eglise catholique romaine en tant que telle
s’est prudemment abstenue de répliquer. S’en sont chargés à sa place les
innombrables mouvements catholiques
traditionnalistes qui ont surgi à l’occasion des manifestations de masse contre
le « mariage pour tous ».
Je citerai uniquement un manifeste du « Printemps Français »[36],
en date du 21 mai 2013, qui est suffisamment éloquent.
Représentant une équerre et un compas encadrant un G majuscule,
le tout barré d’un panneau de sens interdit , il lance l’appel suivant :
Le Printemps
Français organise une manifestation antimaçonnique à Paris le vendredi 24 mai 2013 à 19
heures (rendez-vous Métro Cadet) devant le siège de la secte
maçonnique du Grand Orient de France (GODF) ;
Afin de protester
contre les inspirateurs de la déconstruction du mariage
[…] et de la famille traditionnelle […]
et contre l’embrigadement idéologique des enfants
[…].
Et pour finir :
Notre pays est occupé par un pouvoir anti-France. Libérons la
France. Non à la république maçonnique[37].
Si l’on ajoute à cela la multitude de messages diffusés sur
les réseaux sociaux, en particulier facebook, par les milieux réactionnaires
(au sens propre), voire contre-révolutionnaires, on est sidéré de retrouver,
cent ans et deux cents ans plus tard, toute la logorrhée de Maurras et même de
Barruel (sans parler de celle du régime de Vichy) : le complot
judéo-maçonnique, la maçonnerie responsable de la révolution et du renversement
du trône et de l’autel, l’anti-France, etc. – à la différence qu’à
l’anti-germanisme d’autrefois s’est substitué un vif anti-européisme (ce qui
revient à peu près au même, l’Europe étant représentée comme dirigée par Angela
Merkel), lui-même conjugué à un anti-américanisme non moins viscéral. On peut
lire des slogans venimeux sur « la ripoublique judéo-maçonne », et
même (je cite littéralement) « la ripoublique
sodomite-judéo-maçonne ».
Quelles conclusions provisoires tirer de cette chronique, qui
n’est pas celle d’une guerre de cent ans, mais d’une guerre de deux siècles et
demi ? D’abord, que ni l’Eglise ni
la maçonnerie ne sont des organismes hors sol. L’une et l’autre sont incarnées dans les
sociétés de leurs temps (au pluriel, car ces temps changent) ; elles sont
des réalités socio-politiques qui interagissent avec leur environnement, et
très souvent, nous l’avons vu, pour des motivations politiques qui n’ont pas
grand-chose à voir, ni avec l’évangile, ni avec l’initiation. Toutes les deux ont une présence dans la
société, donc une action sur la société, qui les amènent à se côtoyer, parfois
(comme maintenant) à s’affronter, voire à guerroyer.
L’Eglise catholique, pour les raisons que j’ai décrites et
qui tiennent à l’histoire de la France, n’a jamais été absente de la scène
publique. La franc-maçonnerie, qui avait occupé le premier rôle sous la IIIe
et la IVe républiques, s’était faite discrète (sans être jamais
absente, j’y reviendrai) depuis le retour au pouvoir du général de Gaulle jusqu’à
élection de François Hollande, qui a marqué son retour en force. Au point
qu’après avoir longtemps été réduite au rang des « marronniers », ces
sujets bouche-trou dont la presse a besoin en période de disette, au mois
d’août, elle fait maintenant la une des hebdomadaires les plus lus, introduisant
à des dossiers fournis, témoin ce numéro récent du Figaro-Magazine (28 février – 1er mars 2014). Sur la
couverture, en lettre majuscules : « LES
FRANCS-MACONS LA GRANDE OFFENSIVE » puis, en caractères plus
petits : « - Leurs objectifs
pour 2014 – Comment ils réactivent leurs réseaux ». A l’intérieur, le
dossier (de 10 pages) est introduit par ce titre : « LES FRANCS-MACONS à la manœuvre », avec ce résumé qui
dit tout : « Piqués au vif par
certaines attaques, soucieux de défendre leurs amis et leurs idées, les
francs-maçons repartent à l’offensive. De leurs réseau élyséens à leurs fiefs
ministériels, voici comment ils s’activent en coulisse, dans la campagne des
municipales comme sur la laïcité et la fin de vie. » Et l’on peut observer
que dans les illustrations (trois pleines pages) figurent uniquement des dignitaires
du Grand Orient, grand maître en tête – tous en sautoir ou cordon, comme décidé
par le conseil de l’Ordre.
Or il est temps de nous évader de ce duel entre deux
protagonistes seulement, car derrière les combats d’Achille et d’Hector se
profilent l’affrontement de la Grèce et de Troie – si l’on veut bien me passer
cette métaphore homérique. Qui m’amène à cette question que je suis censé élucider
devant vous : cet affrontement est-il inexpiable ? ne tolère-t-il
aucun accommodement ?
Nous allons donc en tenter maintenant l’ « analyse
spectrale » (pour plagier Keyserling[38]).
Ce qui me conduit à élargir mon spectre, mais non démesurément, ce qui serait
source de confusion. Posons donc des limites.
I ) La franc-maçonnerie
est un phénomène occidental, une invention occidentale, qui ne concerne que les pays occidentaux ou
occidentalisés (comme par exemple le Japon) et ne concerne par conséquent que
les religions de ces pays occidentaux ou occidentalisés, autrement dit, pour faire bref, uniquement les religions
dites « du Livre ».
Enonçons tout de suite un fait qui ne souffre aucune
exception : les éléments radicaux et fanatiques de ces religions, tous
sans exception, condamnent et combattent avec virulence la franc-maçonnerie.
Règle : le fanatisme et la
franc-maçonnerie sont antinomiques ; pour la bonne et simple raison
que le fanatisme proscrit la liberté, qui est un des principes de base de la franc-maçonnerie.
A cette lumière, passons en revue ces trois religions :
· L’islam est hostile par principe à la
franc-maçonnerie. Il n’en est pas question dans le Coran, et pour cause ;
mais c’est une invention des occidentaux, donc des infidèles. De plus on y
retrouve des relents de sionisme. Raison pour laquelle il n’existe pas de
franc-maçonnerie dans les pays intransigeants où règne la charia.
On en trouve au Maroc, par suite
d’une tradition de tolérance qui remonte à Mohamed V, de même qu’à l’égard des
juifs.
Mais :
On en trouvait en Iran : c’est
fini ;
On en trouvait en Irak : c’est
fini ;
On en trouvait en Egypte : c’est
fini ;
On en trouvait en Syrie : c’est
fini ;
On en trouve au Liban : cela
dure, à cause du caractère constitutionnellement pluriconfessionnelle du
pays ;
On en trouve encore en Turquie, mais
cela risque de finir vu l’évolution du régime de Recep Tayyip Erdogan.
· Pour
ce qui est du judaïsme, il faut
distinguer l’Etat d’Israël et le reste du monde. Partout en Occident, les juifs
sont des citoyens comme les autres, parfois depuis plus d’un siècle, ils
réagissent comme les autres, et je n’ai pas connaissance d’une quelconque
opposition de leur part à la franc-maçonnerie, je dirai même bien au contraire.
En Israël, la situation est contrastée.
Les juifs que je qualifierai, faute de mieux, d’« ordinaires »
réagissent comme leurs coreligionnaires des pays occidentaux (d’ailleurs Israël
n’est-il pas un pays occidental transplanté au Proche-Orient ?), et on
voit dans ce pays une franc-maçonnerie très prospère.
Celle-ci est en revanche honnie par
les juifs dits orthodoxes, les hassidim, mais
ceux-ci vivent comme dans un ghetto à l’intérieur de leur propre pays[39].
· Quant
au christianisme… C’est un
kaléidoscope ! Pour faire simple, on peut le réduire en trois branches
principales : le catholicisme romain ; le protestantisme ;
l’orthodoxie. Je commencerai par la fin :
1. L’orthodoxie
est un kaléidoscope à l’intérieur du kaléidoscope. Il y a unité de la foi –
c’est indispensable – mais il y a organisation éclatée, d’où quantité
d’Eglises.
On les
range en deux catégories : les Eglises dites « canoniques » et
les Eglises qui ne sont pas reconnues comme canoniques. Mais qu’est-ce que la
canonicité ? Exactement la même chose que la « régularité » en
franc-maçonnerie. L’une et l’autre découlent de la reconnaissance par un organisme de référence qui est, pour la
franc-maçonnerie, la Grande Loge Unie d’Angleterre, et, pour l’orthodoxie, le
Phanar, c’est-à-dire le patriarcat dit œcuménique de Constantinople[40].
Il est clair que cette qualité extrinsèque
n’est nullement satisfaisante. L’orthodoxie intrinsèque
résulte de la confession de la « vraie foi » (ce que signifie
d’ailleurs le terme orthodoxie) comme la régularité intrinsèque résulte de la pratique des vrais principes maçonniques.
Tout cela pour dire que cette distinction est inopérante pour notre sujet, mais
je tenais à en parler pour éliminer toutes les pierres d’achoppement.
Ceci posé,
quatre « grandes » Eglises orthodoxes seulement ont édicté des condamnations
de la franc-maçonnerie : d’abord l’Eglise de Grèce en 1933 et l’Eglise de
Roumanie en 1937. Ces deux dates, rapportées à la situation politique de
l’Europe d’alors, suffisent à prouver que ces décisions furent de nature
politique. Vinrent ensuite l’Eglise orthodoxe d’Amérique (Orthodox Church of
America, OCA) en 1955, et l’Eglise russe hors-frontières (Russian Orthodox
Church Outside of Russia, ROCOR) dans les mêmes années[41].
Il est bon de relever que les motifs théologiques invoqués sont quasiment du
copié-collé des décisions papales du XVIIIe siècle[42] .
C’est tout et c’est peu. D’autant que plusieurs hauts hiérarques orthodoxes
sont réputés avoir été francs-maçons, notamment le célèbre patriarche de
Constantinople Athénagoras, qui avait été reçu 33e degré du rite
écossais ancien et accepté aux Etats-Unis[43].
2. Le protestantisme, lui aussi est un kaléidoscope, lui aussi présente
une organisation éclatée – avec une unité de la foi moins assurée, mais je ne
m’aventurerai pas sur ce terrain. Le monde protestant a été pour la
franc-maçonnerie un terrain d’élection, du fait que la foi protestante est
fondée sur le « libre examen ». La maçonnerie est donc ostensiblement
présente dans les pays scandinaves, où l’Eglise protestante est une Eglise
d’Etat de confession luthérienne ; aux Pays-Bas, de confession majoritairement
calviniste ; dans plusieurs cantons de Suisse, dont Genève, également
calvinistes ; en Ecosse, qui possède une Eglise d’Etat (Kirk of Scotland) laquelle est de
confession presbytérienne, c’est-à-dire grosso
modo calviniste ; en Angleterre, où l’Eglise d’Etat (dont le chef est
la reine) est de confession anglicane ; aux Etats-Unis enfin, où
coexistent une multiplicité de denominations
protestantes.
Mais, dans
plusieurs de ces pays, la franc-maçonnerie qui jusque-là avait le vent en
poupe, rencontre des bourrasques contraires. La Church of England a pris une décision hostile en 1987-88 à la suite
d’une bataille rangée de plusieurs années, la Kirk of Scotland a fait de même en 1989. Ces décisions, loin d’être
aussi catégoriques que celles de l’Eglise romaine, ne semblent pas avoir été
suivies d’effets notoires ; cependant la franc-maçonnerie est en perte de
vitesse dans ces deux pays. En Angleterre, de tradition, les quatre piliers de l’Establishment étaient le Parlement, la
Couronne, l’Eglise et la franc-maçonnerie ; or cette dernière recrute de
moins en moins en moins et l’âge moyen des membres devient de plus en plus
élevé. Et, alors que tous les monarques et les princes royaux depuis la reine
Victoria jusques et y compris le roi Georges VI, père de la reine Elisabeth II,
étaient des dignitaires maçonniques, ni le duc d’Edimbourg, ni le prince de
Galles, ni les princes ses enfants ne sont maçons. Signe, inquiétant, d’un
discrédit des institutions établies.
3. Avec le catholicisme, la situation est apparemment très claire. J’ai énuméré
au début de mon exposé la vingtaine de condamnations papales qui ont frappé la
maçonnerie, j’ai cité le code de droit canonique et mentionné les
interprétations diverses auquel il a donné lieu. Il est patent – je ne me
prononce pas sur le fond, je me borne à constater - que de nombreux catholiques
romains se soustraient en conscience à
ces prescriptions disciplinaires qu’ils jugent infondées, comme ils le font
d’ailleurs relativement au divorce et aussi relativement à l’homosexualité. On
dit que, sous l’impulsion du nouveau pape, l’Eglise romaine pourrait
« bouger »… Attendons de voir. D’autant que les milieux
traditionnalistes se sont puissamment mobilisés sur ces trois registres
entremêlés.
II ) La franc-maçonnerie est un phénomène multiple. Simple au départ, il est allé se
compliquant à mesure qu’il s’amplifiait.
J’ai décrit plus haut sa nature
politique originelle et montré que son évolution suivait l’évolution politique
et économique de la société dans laquelle il s’inscrivait. Je n’y reviens pas.
D’ailleurs, pour être exhaustif, il faudrait retracer cette évolution pour
chacun des pays d’Europe et d’Amérique (du Nord et du Sud) dans lesquels la
franc-maçonnerie a pris racine : c’est évidemment impossible dans le cadre
du présent exposé.
A la place, je me livrerai à une analyse typologique qui aura l’avantage, je le pense, d’être éclairante.
Il existe quatre types essentiels de
franc-maçonnerie :
1. La franc-maçonnerie philosophique ;
2. La franc-maçonnerie symbolique ;
3. La franc-maçonnerie religieuse (ou
noachite) ;
4. La franc-maçonnerie chrétienne (ou
christique).
Elles ont un but commun : l’amélioration de l’homme ;
mais les méthodologies diffèrent du tout au tout. C’est pourquoi j’ai coutume
d’affirmer (au contraire de ce que j’ai fait jusqu’à présent pour la commodité
de l’exposé) qu’il n’y a pas UNE
franc-maçonnerie mais DES franc-maçonneries.
Passons-les en revue.
1.
La
franc-maçonnerie que je dénomme « philosophique »,
comme il est écrit dans les constitutions du Grand Orient de France, est
représentée essentiellement par cette obédience, à la fois la plus ancienne de
France (fondée en 1773) et la plus nombreuse (environ 50 000 membres,
1 300 loges), ainsi que par l’obédience mixte dite Ordre maçonnique mixte
international du Droit Humain (fondée en 1901, qui revendique 28 000
membres dans 60 pays), et quelques autres moins connues que je nommerai pas car
je ne me livre pas à une recension exhaustive. Cette maçonnerie se proclame
« adogmatique » ; je dirai plutôt athée dans les deux sens du
terme : le sens étymologique et technique, « sans dieu »
(a-theos) ; mais aussi le sens offensif car la grande majorité des loges –
je ne dis pas toutes, mais beaucoup, et ce n’est pas une condamnation, c’est un
constat – professent un laïcisme de combat, un anticléricalisme militant, qui a
depuis longtemps pris pour cible le catholicisme, auquel s’est ajouté depuis
quelques années l’islamisme. Pour ceux qui partagent ces positions extrêmes, la
« liberté de conscience » proclamée va de pair avec ce qu’on appelle
« la libre pensée » mais s’accommode très mal avec une croyance religieuse.
Comme cette maçonnerie refuse toute
transcendance, l’amélioration de l’homme qu’elle vise passe nécessairement et
uniquement par l’amélioration des conditions de vie politiques et sociales
dudit homme en tant que citoyen. D’où un interventionnisme constant, tantôt
discret, tantôt ostensible (et les deux ensemble), dans la vie publique. J’en
ai parlé plus haut.
En tant qu’historien, obligé à
l’objectivité, je dirai que, vu les prémisses de départ, ce mode d’action me
paraît tout à fait licite et légitime.
Toutefois, et là j’émettrai un point
de vue personnel, je me demande où, dans ce contexte, agit l’initiation qui,
pour moi, élève à une sorte de transcendance. Reste l’amitié fraternelle, qui
est cultivée à l’envi. Cela suffit-il pour un travail initiatique ? A
chacun de répondre suivant ses convictions.
Autre question : y a-t-il
incompatibilité avec la religion, avec les religions ? Je répondrai :
oui et non. En principe non, si l’on s’en tient à la règle de la liberté de
conscience, dont a excipé le père Vesin déjà nommé. Dans les faits, en revanche,
cette incompatibilité est proclamée par la majorité des membres du Grand Orient
de France[44],
au point que ceux d’entre eux qui appartiennent à des loges rectifiées
(c’est-à-dire à la maçonnerie chrétienne ou christique dont je parlerai plus
tard, maçonnerie qui existe bel et bien dans cette obédience) sont frappés
d’ostracisme et fréquemment qualifiés de « calotins », ce qui prouve
que cette liberté rencontre des limites.
2.
Le
deuxième type de maçonnerie est celui que je qualifie de « symbolique » car sa composante
principale, la Grande Loge de France (fondée en 1894, affichant 30 000
membres et 800 loges), a été constituée à partir d’un rite fondateur, le rite
écossais ancien et accepté[45]qui
fait un usage abondant des symboles. Je classerai dans la même catégorie la
Grande Loge Féminine de France, fondée (en 1959, 14 000 membres, 400 loges)
à partir du même REAA – même si d’autres rites sont pratiqués en son sein.
Pour cette maçonnerie, il existe une
transcendance, mais innommée, informulée. L’invocation au Grand Architecte de
l’Univers est d’obligation, mais chacun – j’ai entendu cela de la bouche d’un
grand maître de la Grande Loge de France, Jean Verdun - lui confère la
consistance qu’il veut : un Dieu personnel, un Principe supérieur
impersonnel, une Déité, une « âme du monde » (comme les anciens
stoïciens), une loi régissant le monde comme la loi de l’évolution, etc.
Dans ce contexte, l’initiation a une
action supra-individuelle, qui conduit à dépasser l’ego vers des réalités
supérieures.
Cependant, l’homme complet étant
aussi un citoyen, il ne faut pas négliger l’action dans la société, et les
membres de la Grande Loge de France s’y investissent à l’égal de ceux du Grand
Orient de France et selon les mêmes méthodes. Exemple emblématique : le
docteur Pierre Simon (1925-2008), à plusieurs reprises grand maître de la
Grande Loge, fut le pionnier de la légalisation de la contraception (loi
Neuwirth de 1967)), de l’interruption volontaire de grossesse (loi Veil de
1975), de la procréation médicale assistée, de l’accompagnement des patients en
fin de vie et de la légalisation de l’euthanasie (mouvement pour « le droit de
mourir dans la dignité ») ; mais aussi, et c’est à relever, en tant que
grand maître, l’artisan d’un dialogue avec l’Eglise catholique romaine.
En résumé, où y a-t-il là
incompatibilité foncière avec la religion, notamment catholique ? Nulle
part. Il s’est produit des heurts avec l’Eglise catholique romaine (mais pas
avec les Eglises protestantes), par exemple à propos de la contraception ou de
l’IVG, mais pour des raisons tenant à des considérations morales, et non pour
des raisons spirituelles ou de croyance.
3. J’appelle
le troisième type de maçonnerie : maçonnerie « religieuse », qualificatif que j’emprunte à mon regretté ami
Robert Amadou. Pourquoi ? Parce que pour cette maçonnerie-là, le Grand
Architecte de l’Univers est Dieu, le Dieu des religions révélées juive et chrétienne. Et pourquoi « noachite »[46] ?
Là encore je m’inspire de Robert Amadou : parce que le patriarche Noé
fut le bénéficiaire, non seulement de la première révélation divine, mais aussi
de la première alliance avec l’Eternel, comme il est relaté au livre de la
Genèse (chapitre 9, versets 11 à 17).
Je viens de citer la Bible :
elle est obligatoirement présente dans la loge, elle est ouverte au début des
travaux et fermée à la fin.
L’accent est exclusivement mis sur le
perfectionnement spirituel de
l’homme, et les discussions de nature politique, sociale et religieuse sont
strictement prohibées, a fortiori les prises de position publiques. Ainsi, une
manifestation comme celle dont la photographie a paru dans le Figaro Magazine est tout simplement
inconcevable.
Cette maçonnerie, très minoritaire en
France (la Grande Loge Nationale Française qui en était le parangon regroupait
avant son éclatement quelque 40 000 membres) est pratiquement la seule qui
existe dans les pays anglo-saxons. Il est clair qu’elle ne présente aucune
incompatibilité avec la religion juive (les juifs y sont d’ailleurs nombreux)
ni avec les confessions chrétiennes : non seulement les confessions
protestantes, avec lesquelles les liens sont étroits, mais aussi la confession
catholique romaine, puisqu’il ne s’y trouve aucune pierre d’achoppement et que
les motifs religieux invoqués à son encontre sont à la fois obsolètes et
inappropriés.
C’est d’ailleurs en faveur de cette
maçonnerie-là que le père Riquet a mené les combats que j’ai déjà décrits, et
je me souviens de l’avoir entendu, dans le grand temple de la GLNF en tenue
blanche fermée[47],
affirmer que s’il n’avait pas été jésuite, ce qui faisait qu’il n’était pas
« un homme libre » (condition indispensable pour être reçu maçon)
puisqu’étant engagé par des vœux, il aurait demandé son admission en
franc-maçonnerie[48].
J’ajoute – autre témoignage personnel
– que ce perfectionnement personnel à quoi travaillent ces maçons croyants a
souvent pour effet d’approfondir et d’accroître leur foi religieuse, j’en ai eu
maintes preuves, de la part de chrétiens, de juifs, et même de musulmans.
4.
Enfin,
quatrième type de maçonnerie (qui ressortit d’ailleurs au précédent) : la
maçonnerie chrétienne, ou, à la
rigueur, christique ; étant
bien entendu que « christique » ne signifie pas, contrairement à un
usage trop fréquent mais erroné, « sous-chrétien », chrétien
minimaliste, mais « qui se rapporte à la personne du Christ ». Cette maçonnerie-là
s’inscrit dans la lignée de l’ésotérisme chrétien, phénomène spirituel d’une
haute antiquité. Cet ésotérisme chrétien a pris forme maçonnique en Suède puis
dans les autres pays scandinaves dans la première partie du XVIIIe siècle
; et une autre forme maçonnique différente, mais proche, en France,
concomitamment à la fondation du GODF. Sous cette dernière forme, elle se
dénomme Régime écossais rectifié. Celui-ci est pratiqué en France
principalement par cinq obédiences : le Grand Prieuré des Gaules – Grande
Loge Réunie et Rectifiée de France, qui est la plus importante, le Grand Orient
de France (ce sont ces maçons rectifiés que j’ai déjà mentionnés et qui ne sont
pas toujours bien vus par leurs frères), la Loge Nationale Française (à ne pas
confondre avec la Grande Loge Nationale Française), la Grande Loge
Traditionnelle et Symbolique-Opéra et enfin la Grande Loge Ecossaise Réunie et
Rectifiée d’Occitanie ; on pourrait citer d’autres micro-organismes mais
j’ai déjà prévenu que je ne serais pas exhaustif. Ce rite est élitiste et ne s’en cache pas, car, pour
pouvoir en devenir membre, il faut ou pratiquer la religion chrétienne (quelle
que soit la confession) ou éprouver un vrai attachement pour la personne et les
enseignements du Christ.
Il est clair qu’il n’y a ici aucune
incompatibilité avec la religion chrétienne, il y a au contraire coopération,
renforcement réciproque et œuvre spirituelle et religieuse en commun
III. ) Esotérisme et
exotérisme
J’achèverai cet exposé factuel que je pense avoir été
objectif, par des considérations personnelles, donc subjectives, qui expriment
ce que je crois.
Pour opposer religion et initiation, Eglise et
franc-maçonnerie, on a souvent recours à une distinction théorisée par un
penseur et écrivain réputé en la matière, René Guénon : la distinction
entre l’exotérisme, qui serait le
domaine de la religion et de la foi, et l’ésotérisme,
qui serait celui de l’initiation et de la connaissance. Pour ceux à qui ces
termes ne seraient pas familiers, traduisons en disant qu’il s’agit de l’externe et de l’interne.
Je m’insurge depuis longtemps, non contre cette distinction,
mais contre son application à ces domaines précis. Je concède que mon
argumentation ne vaut que pour la maçonnerie qui postule une transcendance…
Cela posé, si la religion – et je ne parle pas seulement de la religion
chrétienne – est bien la recherche du Principe premier qui est Dieu,
c’est-à-dire le Dieu des philosophes, et à plus forte raison le Dieu vivant que
juifs et chrétiens ont en commun, qu’y a-t-il de plus intérieur, qu’y a-t-il de
plus intime ? Il est, ce Dieu, comme a dit Pascal, plus intime à moi-même
que moi-même. Il est donc ésotérique
essentiellement, absolument. D’un autre côté, l’initiation, l’initiation
maçonnique en particulier, fonctionne au moyen de rites, qui sont des formes et
donc exotériques. La frontière entre
l’ésotérique et l’exotérique ne réside donc pas où on la place habituellement.
Au surplus je pose en principe que ce qui est ésotérique n’est pas supérieur à
ce qui est exotérique, il est autre,
tout simplement.
Quelle est donc la différence vraie ? c’est une
différence de nature, donc de fonction. Le cœur de l’Eglise, sa fonction
centrale, c’est le sacrement, et tout
particulièrement ce sacrement des sacrements qu’est l’eucharistie ; le
cœur de la franc-maçonnerie, sa fonction centrale, c’est l’initiation. Pour dire les choses autrement, en reprenant la
formule lumineuse et forte d’un évêque orthodoxe de ma connaissance : l’Eglise est pour faire des saints, la franc-maçonnerie
est pour faire des chefs-d’œuvre.
C’est dire que les deux ne doivent pas, ne peuvent pas
rivaliser, mais s’accorder, se compléter, coopérer, œuvrer ensemble à la Gloire
du Grand Architecte de l’Univers, qui est Dieu.
[1]
Je me souviens de l’avoir vu dans une cérémonie commémorative en Essonne revêtu
de son vêtement rayé de déporté.
[2]
L’idée était du père Daniélou. Les fondateurs furent (7 juin 1967) le père
Riquet, Si Hamza Boubakeur, André Chouraki
et Jacques Nantet.
[3]
Les raisons pour lesquelles le cardinal Ratzinger, contredisant les positions
prises à plusieurs reprises par son prédécesseur à la tête de Congrégation pour
la Doctrine de la Foi le cardinal Seper, notamment dans un document publié le
19 juillet 1974, se démarqua de la position majoritaire des propres rédacteurs
du nouvel article 1374 comme aussi d’un grand nombre de conférences
épiscopales, et préféra endosser la position radicalement négative de la
conférence épiscopale allemande dont lui-même avait été le président, sont
exposées en détails par le père José A. Ferrer Benimeli, professeur à
l’université de Saragosse, ainsi que par le père Federico Aznar Gil, professeur
à l’université pontificale de Salamanque, au cours du colloque tenu à
l’Escurial en juillet 1995 sur le thème : « Masonerìa y religiòn : convergencias, oposiciòn,
incompatibilitad ? » (Actes publiés par Editorial Complutense,
1996).
[4]
Il m’a fait l’amitié de préfacer mon ouvrage paru en 2013 La franc-maçonnerie à la lumière du Verbe (Dervy).
[5]
Le prince Murat était, à l’opposé de la majorité du conseil de l’Ordre, hostile
à l’unité italienne et partisan du pouvoir temporel du pape. Il avait fait inclure
en 1849 dans la constitution du Grand Orient la « croyance en Dieu et en
l’immortalité de l’âme » qui n’y figurait pas auparavant, et fait accorder
au grand maître un pouvoir quasi monarchique durant sept ans.
[6]
Fondateur de Decazeville.
[7]
Je renvoie à mon introduction à la publication des rituels maçonniques de la
Stricte Observance dans les Travaux de la
loge nationale de recherches Villard de Honnecourt de la Grande Loge
Nationale Française, 2e série, n° 23, 1991.
[8]
Georges Ier (1660-1727) était un lointain descendant d’une sœur de Charles Ier.
Il n’était que le 56e dans l’ordre de succession, mais, les 55
précédents étant tous catholiques, ils avaient été éliminés d’office.
[9]
On n’a jamais vraiment compris pourquoi il fit retraite alors que le pouvoir
hanovrien commençait à s’affoler.
[10] « Notre Ordre par
conséquent, ne doit pas être regardé comme un renouvellement de bacchanales, et
une source de folle dissipation, de libertinage effréné, et d'intempérance
scandaleuse, mais comme un ordre moral, institué par nos Ancêtres dans la Terre
sainte pour rappeler le souvenir des vérités les plus sublimes, au milieu des
innocents plaisirs de la Société ».
[11]
D’abord en Lorraine, puis à Avignon, possession du pape, puis à Rome en 1717.
En effet le traité d’Utrecht (1713) réglant la guerre de succession d’Espagne
avait contraint Louis XIV de reconnaître Georges Ier comme roi de
Grande-Bretagne et donc de cesser de donner l’hospitalité à Jacques III Stuart.
[12]
En 1777 à Wächter, émissaire des dirigeants de la Stricte Observance, dont on
parlera plus tard. Kervella démontre cette imposture et ses raisons.
[13]
Marie-Thérèse, fille de l’empereur Charles VI, dut défendre les armes à la main
la succession des possessions héréditaires de la maison de Habsbourg que son père
lui avait léguées par la Pragmatique Sanction de 1751. Dans ce conflit,
les alliances furent
contre-nature : la France, l’Espagne et la Bavière, catholiques, avec la
Prusse, protestante, l’Angleterre et les Pays-Bas, protestants, avec
l’Autriche, catholique. C’est durant
cette guerre qu’eut lieu l’éclatante victoire de Fontenoy (11 mai 1745), remportée
par le maréchal de Saxe, prince allemand au service de la France.
Le traité d’Aix-la-Chapelle
conclu en 1748, cent ans après le traité de Westphalie de 1648, tenta d’imposer
un nouvel équilibre européen – lequel devait se révéler précaire et fut remis
en question par la guerre de Sept Ans (1756-1763), qualifiée par les historiens
de « première guerre mondiale ». Celle-ci s’acheva par le traité de
Paris (11 février 1763) qui consacra le début du déclin de la France face à
l’Angleterre, avec notamment la perte de son empire colonial (Canada,
Louisiane, Indes, Sénégal).
Le traité de Westphalie, quant à lui, reconnut Marie-Thérèse comme « archiduchesse d’Autriche, roi de Hongrie, reine de Bohême et de Croatie, etc. au prix de la perte de la Silésie et d‘une partie du Milanais.
Le traité de Westphalie, quant à lui, reconnut Marie-Thérèse comme « archiduchesse d’Autriche, roi de Hongrie, reine de Bohême et de Croatie, etc. au prix de la perte de la Silésie et d‘une partie du Milanais.
Il n’est pas mauvais de
signaler que les trois plus grands monarques du temps, furent deux femmes, à savoir Marie-Thérèse d’Autriche « la Grande » (1717-1780) et
Catherine de Russie « le Grand » (1729-1796) – le troisième étant
Frédéric II de Prusse « le Grand » (1712-1796).
[14]
Derwentwater trouva la mort à l’occasion de la grande équipée de 1745 ;
son frère aîné avait été exécuté lors de celle de 1715.
[15]
D’abord de la Grande Loge de France, puis, après sa suspension par le comte de
Clermont, pour cause de troubles, du Grand Orient de France, fondé en 1773.
[16]
Le duc d’Orléans n’est autre que le futur « Egalité », lequel vota la mort de son cousin Louis XVI,
ce qui ne l’empêcha pas d’être à son tour guillotiné. Dans une lettre du 22
février 1793, il écrivait notamment ceci : « …je m’étais attaché à la franche-maçonnerie qui offrait
une image de l’égalité […] ; j’ai depuis quitté le fantôme pour la
réalité. » Il fut le père du futur roi Louis-Philippe.
[18]
Par exemple Malesherbes, le futur défenseur de Louis XVI (et guillotiné pour
cela), ainsi que de Sèze (mais pas Tronchet).
[19]
« La maçonnerie tenait toutes les
avenues de la cour, toutes les antichambres des ministres, l'Académie, la
Censure, le Mercure de France, la Gazette de France, le ministère des Affaires
étrangères, les cultes même… » (Bernard Faÿ, Documents maçonniques n°11, août 1943 – voir plus loin).
[20]
Quant aux idées, « libertin », à l’époque, est à peu près synonyme de
« libre penseur ».
[21]
C’est-à-dire les calvinistes qui régentaient la « république de
Genève ».
[22]
Le pape Clément XIV cédant aux pressions des monarchies catholiques, en vint, le 21 juillet 1773, à supprimer la Compagnie
de Jésus partout dans le monde par le bref Dominus
ac Redemptor. Pied de nez au pape : Frédéric II et Catherine II
refusèrent cette décision et donnèrent asile aux jésuites…La Compagnie de Jésus
devait être restaurée en 1814 par Pie VII.
[23]
Et préparé par le fameux toast d’Alger (12 février 1890) du cardinal Lavigerie,
archevêque d’Alger : « Quand la
volonté d'un peuple s'est nettement affirmée, que la forme d'un gouvernement
n'a rien de contraire, comme le proclamait dernièrement Léon XIII, aux
principes qui peuvent faire vivre les nations chrétiennes et civilisées,
lorsqu'il faut, pour arracher son pays aux abîmes qui le menacent, l'adhésion
sans arrière-pensée à cette forme de gouvernement, le moment vient de sacrifier
tout ce que la conscience et l'honneur permettent, ordonnent à chacun de
sacrifier pour l'amour de la patrie. […] C'est ce que j'enseigne autour de moi,
c'est ce que je souhaite de voir imiter en France par tout notre clergé, et en
parlant ainsi, je suis certain de n'être démenti par aucune voix autorisée. »Cette
« voix autorisée », c’était évidemment celle du pape.
[24]
Devise de la IIe république figurant dans la constitution de 1848,
elle avait officiellement réapparu en 1880.
[25]
Un mien grand-oncle, franc-maçon et radical-socialiste, c’est-à-dire « rouge »,
est réputé en avoir été l’habitué.
[26]
Les frères trois points, Letouzey et
Ané, 1886. Léo Taxil (1854-1907), pamphlétaire tour à tour anticléricale et
antimaçonnique, mais toujours mystificateur.
[27]
Les chartreux sont expulsés en 1903 par la force armée – d’où scandale.
[28]
Le rapporteur du texte fut Aristide Briand et le président de la commission qui
le prépara fut Ferdinand Buisson (1841-1932), président de l'Association nationale
des libres penseurs, dont se réclamait le précédent ministre de l’éducation
nationale, Vincent Peillon, qui ambitionnait de parachever son œuvre.
[29]
Clemenceau, ministre de l’intérieur, mit fin à cette crise en 1906 en
suspendant la poursuite des inventaires ; il déclara à cette occasion à la
Chambre : « Nous trouvons que la question
de savoir si l'on comptera ou ne comptera pas des chandeliers dans une église
ne vaut pas une vie humaine ».
[30]
Les fiches furent vendues par un employé du Grand Orient, Bidegain, à un député
nationaliste qui les dénonça à la Chambre ; elles furent ensuite publiées
par plusieurs journaux, dont Le Figaro.
Au cours d’une des séances tumultueuses de la Chambre, ce député, Syveton,
gifla le général André.
[31]
En cette circonstance, le colonel Philippe Pétain, aux opinions religieuses
pourtant tièdes, interrogé sur ses subordonnés, aurait répondu : « Assistant moi-même à la messe au premier
rang, je ne tourne pas la tête pour voir qui est présent ».
[32]
Le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, déclara en chaire le 18 novembre
1940 : « Pétain c’est la France, et la France, aujourd’hui, c’est
Pétain ».
De même le cardinal Suhard,
archevêque de Paris, à qui en retour le général de Gaulle interdit de participer
au Te Deum de la libération de Paris célébré à Notre-Dame le 26 août 1945.
[33]
A noter que le service des sociétés secrètes, domicilié rue Cadet, à l’ancien
siège du GODF, fut confié à Bernard Faÿ, éminent professeur au Collège de
France, qui s’employa à recueillir, à classer et étudier toutes les archives saisies
dans les loges. A quelque chose malheur est bon : cela se révélera d’une
très grande utilité pour les futurs chercheurs, car les maçons d’alors
n’avaient aucun souci de leur passé. Sous couleur de dénoncer l’influence
néfaste de la franc-maçonnerie dans la revue qu’il dirigea durant quatre ans, Les Documents maçonniques, il y fit
paraître des documents d’un grand intérêt pour l’histoire. Son ouvrage La Franc-maçonnerie et la révolution
intellectuelle du XVIIIe siècle (1935) mérite la lecture.
[34]
Lettre pastorale du 23 août 1942 : « [...] Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine, qui
impose des devoirs et reconnaît des droits [...] Que des enfants, des femmes,
des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que
les membres d'une famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour
une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste
spectacle [...] Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes.
Tout n'est pas permis contre eux [...] un chrétien ne peut l'oublier [...] »
[35]
Thème récurrent, comme on voit.
36]
Description en février 1913 par maître Trémolet de Villers dans le magazine Présent :
« Si on se faisait, en France, en 2013, un printemps français ? Comme d'autres
se sont fait un printemps arabe ! C'est ça qui serait vraiment déroutant,
neuf... la vraie surprise, l'incroyable ? Toutes les conditions sont réunies :
il y a les troupes, qui sont à la fois jeunes et expérimentées. Il y a le
nombre, nous l'avons vu et nous le reverrons. Il y a l'intelligence, et, dans
cette intelligence celle qui domine les autres facultés : le coup d'œil et le
sens du terrain. Cette guerre est médiatique. Les grands médias nous sont, en
majorité, hostiles. Mais les grands médias, plus encore que les autres, sont à
la remorque de l'événement. Qui sait créer, intelligemment, l'événement, en surprenant
et en se rendant sympathique, occupe, bon gré, mal gré, les médias. »
[37]
Je reproduis à l’identique le format et les couleurs.
[38]
Hermann von Keyserling (1880-1946), Analyse
spectrale de l’Europe (1928).
J’ai aussi en mémoire
l’extraordinaire programme culturel du samedi sur France-Culture, Analyse spectrale de l’Occident, animé
par Pierre Sipriot de 1958 à 1968 – à une époque où le mot « culture »
avait un sens.[39]
Comme s’ils y avaient transporté les modes de vie du ghetto de Varsovie, comme
ils ont fait pour les habillements.
[40]
Le Phanar est une banlieue d’Istanbul où siège le patriarcat.
[41]
A noter que si l’Eglise russe hors frontières créée après la révolution
soviétique par des Russes émigrés)
et l’Eglise de Russie ont rétabli leur
communion en 2007, cette dernière n’a pas pour autant condamné la franc-maçonnerie.
[42]
Cf. mes études Freemasonry and the
Orthodox Churches dans le Handbook of
Freemasonry à paraître chez
Brill (Boston-Leiden) en juin
2014 ; et La Iglesia orthodoxa y la
masonerìa, publiée dans les Actes du colloque de l’Escurial cités en note
3, page 5.
[43]
Ses décors maçonniques sont exposés au siège de la Grande Loge de Grèce, à
Athènes.
Le fait n’était pas, semble-t-il, ignoré de tout le monde, car on prétend que
le général Franco interdit à l’avion qui l’amenait de New-York à Athènes de survoler
l’Espagne et qu’il dut faire un détour par le Marcoc ! Se non è vero…
[45]
Je ne vais pas me livrer ici à une étude des différents « rites »
maçonniques, ce n’est ni le lieu ni le moment.
[46]
Comme indiqué dans les Constitutions
d’Anderson, texte fondateur de la Grande Loge Unie d’Angleterre.
[47]
Une tenue blanche est une tenue rituelle que l’on suspend un temps pour
permettre d’accueillir des profanes. Elle est dite « fermée » si ce
ou ces profanes ont été expressément invités et sont seuls admis ; elle
est dite « ouverte » si elle et ouverte à tous.
[48]
Le père Riquet était vraiment masonfriendly,
comme on dit en anglais. Un autre souvenir personnel. Il avait connu ma
tante lorsqu’elle était jeune fille. A l’occasion d’un colloque sur la
franc-maçonnerie où je devais prendre la parole et lui aussi, je vais me
présenter à lui : « Je suis le neveu de Paulette V..– Ah ! très
bien. Et vous êtes franc-maçon ? – Oui.
– Dans quelle obédience ? – La GLNF. – Ah bon ! Très bien,
c’est très bien ! »
Bravo! Comme tout ce que vient de vous, votre parole est à la fois très juste et très claire. Je vous en remercie et je vous embrasse de tout mon coeur.
RépondreSupprimer"Benet de la Llena", i.o. Eques a Bona Fide et Fidelitate (à Barcelone)
Merci , Révérend Chevalier
Supprimerun grand bravo,(religion,maçonnerie) il y en a qui vont crier au loup.paix et amour en christ.
RépondreSupprimerMerci, Julien !
SupprimerLes chiens aboient, la caravane passe...
Paix, joie et amour dans le Christ ressuscité !
mon BAF ,
RépondreSupprimerA un franc-macon converti,Padre Pio dit :" Tous les sentiments , quelle que soit leur source, ont du bon et du mauvais . A vous de n'assimiler que le bon pour l'offrir à Dieu "
je t'embrasse en NSJC
Superbe !
SupprimerMerci beaucoup, mon bien aimé frère !
Bonjour, j'ai lu avec grand intérêt votre article, avec les réserves suivantes :
RépondreSupprimer- le facteur politique ne me semble nullement suffisant, bien qu'il ait pu jouer un rôle apparemment prépondérant, pour expliquer la formation de la Franc-Maçonnerie dite "spéculative". Il doit y avoir d'autres facteurs plus essentiels et plus en rapport avec sa fonction proprement initiatique, qui dépasse de loin les intrigues temporelles.
- votre conclusion concernant la distinction entre exotérisme et ésotérisme concorde finalement parfaitement avec celle de René Guénon, qui est en effet, pour moi tout du moins, la grande référence en la matière : il s'agit de deux plans distincts et complémentaires qui ne sauraient s'opposer tant qu'il n'y a pas de débordements hors de chacun de ces plans de part et d'autre. Votre seul différend avec la vision guénonienne est que vous refusez d'admettre une relation de subordination entre lesdits plans, relation qui semble pourtant couler de source, puisque l'intérieur (ou ce que Franz von Baader, sans doute d'après Saint-Martin, appelle l'Eglise invisible) ne peut qu'être plus proche du Principe que l'extérieur, qui lui sert pour ainsi dire d'écorce. De même, la complémentarité entre Foi et Connaissance doit pouvoir se résoudre en rapport de subordination (comme d'ailleurs toute dualité apparente), car la Gnose (en sens propre) apporte la Certitude, l'Intuition directe de la Vérité, tandis que la Foi, bien sûr nécessaire, apporte l'Espérance ou la Conviction sans certitude (ce qui explique d'ailleurs qu'elle puisse être dite "aveugle" dans certains cas). En dernier lieu, la fonction propre de l'Eglise "visible" ou "extérieure" est l'obtention du salut (qui part nature s'adresse à tous les croyants, tout comme les sacrements), tandis que celle de l'Eglise "invisible" ou "intérieure" est la "divinisation de l'homme" (pour utiliser un vocabulaire orthodoxe), c'est-à-dire l'élévation du niveau humain individuel à la Délivrance spirituelle (qui est Union parfaite avec le Principe, et ne peut s'adresser qu'à une minorité, voire à une élite de croyants, tous comme c'est le cas pour les rites maçonniques traditionnels et les différentes formes d'ésotérisme chrétien).
J'en conclue que si il y a eu tant d'échauffourées entre le Vatican et la FM, c'est avant tout le fait de Pseudo-Maçons et du comportement, inconcevable d'un point de vue initiatique, du Grand Orient de France, qui, par ses déclarations et ses actions, sort largement du cadre de la fonction propre à l'ésotérisme, et pour cause, il refuse d'ailleurs tout rattachement à un exotérisme quelconque. On peut donc bien supposer que l'interdiction papale et les autres du même genre partent d'une vision faussée de ce qu'est traditionnellement la FM, car si l'on ne saurait reprocher au Vatican comme aux Patriarches orthodoxes de verser dans l'ésotérisme, on ne peut pas en dire autant des "maçons philosophiques" ou autres qui se placent sur un terrain clairement extérieur à celui qui leur revient.
Cordialement,
Merlin Barthélémy
PS : je suis moi-même fort intéressé par l'Orthodoxie et j'aurais aimé pouvoir parler avec vous à ce sujet, si vous y êtes disposé.
Je ne lis votre billet aussi intéressant que contestable (de mon point de vue) qu'avec un grand vu la mise en sommeil forcée de mon blog (pour des raisons circonstancielles).
SupprimerMaintenant qu'il est rétabli, si votre envie subsiste, signalez-le moi ici. Nous verrons alors comment procéder.
* un grand retard
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