Vœu de Louis XIII
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à
tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Dieu, qui élève les rois au
trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l'esprit qu'il départ à
tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre
un soin si spécial et de notre personne et de notre Etat, que nous ne pouvons
considérer le bonheur du cours de notre règne sans y voir autant d'effets
merveilleux de sa bonté que d'accidents qui nous menaçaient. Lorsque nous
sommes entré au gouvernement de cette couronne, la faiblesse de notre âge donna
sujet à quelques mauvais esprits d'en troubler la tranquillité ; mais cette
main divine soutint avec tant de force la justice de notre cause que l'on vit
en même temps la naissance et la fin de ces pernicieux desseins. En divers
autres temps, l'artifice des hommes et la malice du démon ayant suscité et
fomenté des divisions non moins dangereuses pour notre couronne que
préjudiciables à notre maison, il lui a plu en détourner le mal avec autant de
douceur que de justice ; la rébellion de l'hérésie ayant aussi formé un parti
dans l'Etat, qui n'avait d'autre but que de partager notre autorité, il s'est
servi de nous pour en abattre l'orgueil, et a permis que nous ayons relevé ses
saints autels, en tous les lieux où la violence de cet injuste parti en avait
ôté les marques. Si nous avons entrepris la protection de nos alliés, il a
donné des succès si heureux à nos armes qu'à la vue de toute l'Europe, contre
l'espérance de tout le monde, nous les avons rétablis en la possession de leurs
Etats dont ils avaient été dépouillés. Si les plus grandes forces des ennemis
de cette couronne se sont ralliées pour conspirer sa ruine, il a confondu leurs
ambitieux desseins, pour faire voir à toutes les nations que, comme sa
Providence a fondé cet Etat, sa bonté le conserve, et sa puissance le défend.
Tant de grâces si évidentes font que pour n'en différer pas la reconnaissance,
sans attendre la paix, qui nous viendra de la même main dont nous les avons
reçues, et que nous désirons avec ardeur pour en faire sentir les fruits aux
peuples qui nous sont commis, nous avons cru être obligé, nous prosternant aux
pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la
Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l'accomplissement des
mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du Fils de Dieu en notre
chair, de " nous consacrer à la grandeur de Dieu " par son Fils
rabaissé jusqu'à nous et à ce Fils par sa mère élevée jusqu'à lui ; en la
protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la
Sainte Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son
autorité et exemple, nos mains n'étant pas assez pures pour présenter nos
offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le
porter, les rendront hosties agréables, et c'est chose bien raisonnable
qu'ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de
grâces.
A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que, prenant
la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre
royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre
couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte
conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses
ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur
de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des
voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la
postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés à ce sujet, pour monument et
marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons
construire de nouveau le grand autel de l'église cathédrale de Paris, avec une
image de la Vierge qui tienne entre ses bras celle de son précieux Fils
descendu de la croix ; nous serons représenté aux pieds du Fils et de la Mère,
comme leur offrant notre couronne et notre sceptre.
Nous admonestons le sieur Archevêque de Paris, et néanmoins
lui enjoignons, que tous les ans, le jour et fête de l'Assomption, il fasse
faire commémoration de notre présente Déclaration à la Grande Messe qui se dira
en son église cathédrale, et qu'après les Vêpres dudit jour il soit fait une
procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies
souveraines, et le corps de la ville, avec pareille cérémonie que celle qui
s'observe aux processions générales plus solennelles. Ce que nous voulons aussi
être fait en toutes les églises tant paroissiales, que celles des monastères de
ladite ville et faubourgs ; et en toutes les villes, bourgs et villages dudit
diocèse de Paris.
Exhortons pareillement tous les Archevêques et Evêques de
notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la même solennité
en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs diocèses ; entendant
qu'à ladite cérémonie les cours de parlement, et autres compagnies souveraines,
et les principaux officiers des villes y soient présents. Et d'autant qu'il y a
plusieurs églises épiscopales qui ne sont point dédiées à la Vierge, nous
exhortons lesdits archevêques et évêques en ce cas, de lui dédier la principale
chapelle desdites églises, pour y être faite ladite cérémonie ; et d'y élever
un autel avec un ornement convenable à une action si célèbre, et d'admonester
tous nos peuples d'avoir une dévotion toute particulière à la Vierge, d'implorer
en ce jour sa protection, afin que, sous une si puissante patronne, notre
royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu'il jouisse
longuement d'une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement que
nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour
laquelle nous avons tous été créés ; car tel est notre bon plaisir.
Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février,
l'an de grâce mil-six-cent-trente-huit, et de notre règne le vingt-huitième.
Louis.
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