Une autocéphalie est-elle conditionnelle ? ... ou : l'impérialisme du Phanar.
Le patriarcat dit de Constantinople, alias du Phanar, banlieue d'Istanbul où est sis son siège, tente de compenser sa fragilité numérique, donc politique, par un autoritarisme grandissant qui, si l'on n'y faisait obstacle, dégénérerait en un papisme orthodoxe - ce qui est une contradiction dans les termes, puisqu'un des fondements de l'ecclésiologie orthodoxe est l'absolue égalité entre toutes les Eglises sœurs.
L'Eglise orthodoxe russe a toujours fait obstacle à cette prétention. Il est intéressant de voir qu'elle est contestée même au sein de l'Eglise de Grèce.
Sous le titre "Le Christ est le seul
Primus sine Paribus", l'agence d'informations ecclésiastiques grecque
"Romfea" a publié hier un texte de la Sainte Métropole du Pirée où
celle-ci, par son Bureau chargé de la lutte contre les hérésies, répond à la
prise de position du Métropolite de Prousse du Patriarcat de Constantinople contre la Résolution-Déclaration du Saint Synode de
l'Eglise de Russie sur la primauté dans l'Eglise Orthodoxe.
Pour donner en bref les éléments principaux de cette réponse
du Bureau antihérétique de la Métropole du Pirée:
La primauté sur toute l'Eglise appartient au Christ, seul
véritable "Premier sans égal". De cette première et unique source
d'autorité découle toute autre autorité dans l'Eglise, comme le montre Eph
4,11: "C'est Lui qui a donné aux uns
d'être apôtres" etc. C'est Lui aussi qui a institué le régime synodal
dans Son Eglise. Ainsi, en-dessous du Christ, il y a la primauté du Concile Œcuménique
et non pas celui de quelque évêque individuel. Ce sont les Saints Conciles
Œcuméniques qui constituent la source des primautés d'honneur (ou plus
exactement: "privilèges d'honneur", en grec:"τα πρεσβεία
τιμής"), autant au niveau des éparchies qu'au niveau universel. Ces
primautés sont donc des primautés de troisième ordre, après celle du Christ et
celle du Concile œcuménique, puisqu'elles ont été instituées, comme on sait,
par les Saints Conciles Œcuméniques II (canon 3), IV (canon 28) et VI (canon
36), confirmées historiquement tout au long des siècles par la vie ecclésiale.
Ainsi est réfuté l'affirmation du métropolite de Brousse comme quoi la primauté
du Patriarche œcuménique aurait sa source en lui-même ! Il n'est pas source,
mais réceptacle des privilèges d'honneur, souligne la réponse du Bureau
antihérétique de la Métropole du Pirée. Quant à l'affirmation du Métropolite de
Brousse que le Patriarche œcuménique serait, en tant que tel, "premier sans égal", elle est "entièrement arbitraire",
disent les auteurs de cette réponse, sans aucune base dans les saints canons et
dans les témoignages des Saints Pères.
Concernant "le
glissement plus grave encore" que constitue la tentative du
Métropolite de Brousse de fonder cette primauté du Patriarche œcuménique sur
les relations entre les Personnes de la Sainte Trinité, accusant le Saint
Synode Russe d'ignorer "la monarchie" du Père, les auteurs montrent
d'abord que le texte de St Grégoire le Théologien , sur lequel le Métropolite
de Brousse prétend fonder cette thèse, dit en réalité tout le contraire. Ils expriment ensuite leur
affliction devant "cette déformation
des paroles du Saint, affliction d'autant plus grande qu'elle provient d'un
universitaire et même professeur à l'Université!" Ils signalent
ensuite que des thèses du Métropolite de Brousse en cette matière, il découle
qu'il faut considérer le Fils comme un Dieu second et donc inférieur au Père,
ce qui aboutit aux théories hérétiques d'Origène, lesquelles ont été condamnées
par le 5e Concile Œcuménique.
Enfin, le Bureau antihérétique de la Métropole du Pirée
examine la question de la teneur concrète de la primauté de Constantinople et
notamment sa prétention au privilège d'accorder et de révoquer l'autocéphalie.
Les auteurs se réfèrent au canon 9 du IVe Concile
Œcuménique: "... Au cas où un clerc
a un différend avec son propre évêque ou avec une autre évêque, qu'il soit
décidé par le Synode de la province. Et si un évêque ou un clerc a un différend
avec le Métropolite de la province, qu'il ait recours à l'Exarque du Diocèse ou
au trône de la ville impériale de Constantinople et que l'affaire soit décidée
par celui-ci." Puis ils citent le commentaire de ce canon par Saint
Nicodème du Mont Athos: "Que le
(patriarche) de Constantinople n'ait pas l'autorité d'agir dans les diocèses et
paroisses des autres Patriarcats et que le présent canon ne l'élève pas non
plus en instance d'appel pour l'ensemble de l'Eglise..., c'est évident."
St Nicodème cite pour cela deux éléments qui confirment sa position:
1. "Les lois
civiles et impériales ne stipulent pas que seul le jugement et la décision du
(patriarche) de Constantinople soient sans appel, mais que ceux de chaque
Patriarche et des Patriarches tous ensemble le sont, sans restriction.
2. Le cas du
patriarche de Constantinople Anatolios, lequel "ayant agi au-delà de ses
frontières .... fut réprimandé pour cela aussi bien par les autorités d'Etat
que par le Concile (le IVe Œcuménique)".
"Et en ce qui
concerne enfin le droit d'accorder ou de retirer l'autocéphalie",
soulignent les auteurs de cette réponse, "nous
notons que le Patriarcat œcuménique, dans la marche historique de l'Eglise, a
en effet accordé l'autocéphalie et même la dignité de patriarcat à diverses
Eglises locales, comme par exemple l'Eglise de Grèce, l'Eglise de Serbie, de
Bulgarie, de Russie etc. Cependant, toutes ces périphéries ecclésiastiques
locales avaient appartenu auparavant à la juridiction du Patriarcat œcuménique
lui-même et non pas à un autre patriarcat. Il n'a jamais existé de cas où
l'autocéphalie ou la dignité de patriarcat ait été octroyée par le Patriarcat
œcuménique à une juridiction ecclésiastique d'un autre patriarcat. De plus,
toutes ces décisions d'octroi de l'autocéphalie étaient des décisions synodales
et non pas des décisions d'une seule personne, du (patriarche)
œcuménique."
Le texte du Bureau pour la lutte contre les hérésies de la
Métropole du Pirée conclut en rappelant l'exhortation du Seigneur à Ses disciples
de ne pas suivre l'exemple des potentats de ce monde (cf Mc 10,42-44).
Il rappelle aussi que le fait que "les désirs pour les premières places et les disputes pour
celles-ci ont trop souvent été la cause de nombreux schismes et scissions, dont
le principal fut le grand schisme entre Est et Ouest, provoqué, comme on sait,
tout d'abord et surtout par la prétention des papes à la domination
ecclésiastique universelle. Il est particulièrement regrettable que les
tendances hégémonistes au niveau universel qu'on observe ces derniers temps,
démontrent de la manière la plus claire qu'on tente de construire une primauté
analogue à celle du papisme, c'est à dire une primauté "de droit
divin", fondée cette fois-ci non pas sur le "dogme Pétrinien" du
papisme, mais sur le dogme de la Sainte Trinité.
Source : http://www.egliserusse.eu/ forum : Parlons d'orthodoxie
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