Il m’est venu à l’idée de présenter
« ce que je suis », formule qui dans mon cas est exactement synonyme
de « ce en quoi je crois ».
Pour ce faire, je n’ai
rien trouvé de mieux que d’emprunter la plume de François-René de
Chateaubriand. Tout ce qu’il professe dans le texte qui suit, j’y adhère sans
restriction ni réserve, à la seule exception d’un terme obsolète qui peut
aisément être remplacé par un autre.
Voici donc sa
déclaration qui est aussi la mienne :
Je ne suis point chrétien par patentes de trafiquant en religion :
mon brevet n’est que mon extrait de baptême. J’appartiens à la communion
générale, naturelle et publique de tous les hommes qui, depuis la création, se
sont entendus d’un bout à l’autre de la terre pour prier Dieu.
Je ne fais point métier et marchandise de mes opinions.
Indépendant de tout, fors de Dieu, je suis
chrétien sans ignorer mes faiblesses, sans me donner pour modèle, sans être
persécuteur, inquisiteur, délateur ; sans espionner mes frères, sans
calomnier mes voisins.
Je ne suis point un incrédule déguisé en chrétien, qui
propose la religion comme un lien utile aux peuples. Je n’explique point
l’Evangile au profit du despotisme, mais au profit du malheur.
Si je n’étais pas chrétien, je ne me donnerais pas la peine
de le paraître : toute contrainte me pèse, tout masque m’étouffe ; à
la seconde phrase, mon caractère l’emporterait et je me trahirais. J’attache
trop peu d’importance à la vie pour m’amuser à la parer d’un mensonge.
Se conformer en tout à l’esprit d’élévation et de douceur de
l’Evangile, marcher avec le temps, soutenir la liberté par l’autorité de la religion,
prêcher l’obéissance à la Charte comme la soumission au roi, faire entendre du
haut de la chaire des paroles de compassion pour ceux qui souffrent, quels que
soient leur pays et leur culte, réchauffer la foi par l’ardeur de la charité, voilà,
selon moi, ce qui pouvait rendre au clergé la puissance légitime qu’il doit
obtenir ; par le chemin opposé, sa ruine est certaine. La société ne peut
se soutenir qu’en s’appuyant sur l’autel ; mais les ornements de l’autel
doivent changer selon les siècles, et en raison des progrès de l’esprit humain.
Si le sanctuaire de la Divinité est beau à l’ombre, il est encore plus beau à
la lumière : la croix est l’étendard de la civilisation.
Je ne redeviendrai incrédule que quand on m’aura démontré
que le christianisme est incompatible avec la liberté ; alors je cesserai
de regarder comme véritable une religion opposée à la dignité de l’homme. Comment
pourrais-je le croire comme émané du ciel, un culte qui étoufferait les
sentiments nobles et généreux, qui rapetisserait les âmes, qui couperait les
ailes du génie, qui maudirait les lumières au lieu d’en faire un moyen de plus
pour s’élever à la contemplation des œuvres de Dieu ? Quelle que fût ma douleur, il faudrait bien
reconnaître malgré moi que je me repaissais de chimères : j’approcherais
avec horreur de cette tombe où j’avais espéré trouver le repos et non le néant.
Mais tel n’est point le caractère de la vraie
religion ; le christianisme porte pour moi deux preuves manifestes de sa
céleste origine : par sa morale, il tend à nous délivrer des
passions ; par sa politique, il abolit l’esclavage. C’est donc une
religion de liberté : c’est la mienne.
Œuvres complètes de M.
le vicomte de Chateaubriand, membre de l’Académie française, tome deuxième
(Œuvres politiques), à Paris, chez
Firmin-Didot frères, libraires, imprimeurs de l’Institut de France, 1840. Préface (1828) aux Mélanges politiques (page
141).
fabuleux texte du génie.chateaubriand ne rejetais pas les théories théosophique, mais il garda ses distances, s en tenant au catéchisme de l église.moi aussi j adhére sans restriction a cette méditation de grande profondeur.paix et amour en christ.
RépondreSupprimerMon frère Julien, on a toujours intérêt à revenir à Chateaubriand car, outre le charme incomparable que procure la prose de celui qu'on a appelé l'Enchanteur, on découvre une intelligence vive, aiguë, simultanément traditionnelle et non conformiste, avec parfois des presciences inouïes.
SupprimerOui, vive Chateaubriand !
Merci mon frère Julien !