J'ai attendu pour ce faire la fin de ce qui m'a paru, qu'on me pardonne, un spectacle mi-sérieux mi-bouffe en je ne sais combien d'épisodes. Maintenant que l'affaire est tranchée au plan civil, j'estime pouvoir m'exprimer.
Je ne me fais guère d'illusions : ce que j'écris ne plaira ni aux uns ni aux autres, ni aux pour ni aux contre, du moins les plus déterminés. Mais peut-être cela en incitera-t-il d'autres à réfléchir au fait que les cas humains ne sont pas justiciables de solutions tranchées, et que la miséricorde dont en tout l'emporter.
En
préambule, je veux dire combien je suis gêné par les termes
« homosexuel » et homosexualité ». Car c’est une donnée
d’expérience qu’une inclination, et même une inclination amoureuse, pour une
personne du même sexe ne passe pas forcément
par la sexualité, ne débouche pas forcément sur la copulation. Souvent, mais
pas toujours, ni nécessairement. Dans ce domaine aussi les amours platoniques
existent… Ces termes greffés sur celui de sexualité brouillent la réflexion et
risquent de la biaiser. Je préférerais « homophile » et
« homophilie », moins charnels. Mais enfin l’usage est là, et on doit
s’y plier pour se faire entendre. Il faudra à chaque fois préciser de quoi il
retourne.
Second
préambule, les réflexions qui suivent s’adressent aux croyants. Les autres, qu’ils passent leur chemin ! Ils
perdraient leur temps, puisque je pars de postulats, donc de présupposés,
qu’ils n’admettent pas. J’entends par « croyants » ceux qui croient
fermement en la véracité des Saintes Ecritures, c’est-à-dire qui ont la
certitude que les Saintes Ecritures nous
révèlent, au moyen des symboles, des vérités sur les problèmes essentiels et
existentiels de l’Homme. Vérités que Dieu enseigne de la sorte à l’Homme, car
les Ecritures sont un message que Dieu adresse à l’Homme de tous les
temps ; d’où l’usage des symboles, car si la compréhension des symboles
peut varier, les symboles sont pérennes et les vérités qu’ils symbolisent sont
immuables. Cela signifie aussi que le littéralisme a toute chance de mener à
des impasses.
Troisième
préambule. Ces réflexions sont totalement miennes. Bien que je m’inspire
beaucoup des Pères de l’Eglise – qui pourrait avoir la prétention de réfléchir
sans leur aide ? – je ne retiens pas toujours leurs conclusions morales ; et je crains bien d’être
sur ce terrain, celui de la morale, en dissentiment avec l’Eglise catholique
romaine et avec les Eglises orthodoxes, dont la mienne. (Je sais que les
Eglises protestantes ont sur la question des positions très variées et dans
l’ensemble plus « laxistes »). Si j’en suis venu là où j’en suis
venu, ce n’est pas avant tout pour des raisons théologiques mais pour des
raisons pastorales. C’est l’économie qui
vient assouplir, mitiger le canon.
J’y reviendrai.
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Les
problèmes dont je parle plus haut sont en petit nombre mais fondamentaux :
les rapports de Dieu avec l’Homme, les rapports de l’Homme avec Dieu (ce ne sont pas les
mêmes), les rapports de l’Homme avec l’Homme, les rapports de l’Homme avec l’univers ou le
cosmos. Sur tous ces points, je postule que Dieu a dit vrai, et je partirai
donc de ses paroles.
« Puis Dieu dit :
Faisons l’Homme à notre image, selon notre ressemblance […] Dieu créa l’Homme à son image, à l’image de
Dieu il le créa, il les créa homme-et-femme. » (Genèse 1, 26-27)
« Homme-et-femme », et non pas
« mâle et femelle », comme on traduit souvent par pusillanimité. L’Homme premier était androgyne. Et il était à la fois unique
et multiple.
EXCURSUS
Le texte sacré est difficile à traduire car
la réalité qu’il restitue est inconcevable,
c’est-à-dire qu’elle heurte nos concepts.
Le texte hébreu dit : אֹ תָ ם בָּ רָ א וּנְ קֵ בָ ה זָכָ ר, ce que le grec de la
Septante transcrit mot à mot : ἄρσεν
καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτούς.
On rend cela
un peu facilement par « mâle » et « femelle ». Mais les
termes grecs signifient très exactement « sexe masculin » et
« sexe féminin », ou (et la notion de « genre » est ici
utile) : « genre masculin » et « genre féminin ».
Etant précisé que « genre masculin », ἄρσεν, signifie la totalité des hommes, des ἄνδρες, et
que « genre féminin », θῆλυ, signifie la totalité des femmes, des γυναί, comme ἄνθροπος anthropos signifie « le genre
humain ».
On a donc :
« Il LES
fit genre masculin-et-genre féminin, » et cela inséparablement, car il ne
faut pas oublier qu’en grec (comme en hébreu) le début de la phrase est :
καὶ ἐποίησεν ὁ Θεὸς τὸν ἄνθρωπον, κατ᾿ εἰκόνα Θεοῦ ἐποίησεν αὐτόν, « et
Dieu fit l’Homme (au singulier), il LE (toujours au singulier) fit à l’image de
Dieu… »
Ce qui donne
la phrase suivante :
« Et Dieu
créa L’Homme, il LE créa à
l’image de Dieu, il LES créa masculin-et-féminin »,
en passant du
singulier au pluriel.
Qu’il s’agisse
là d’une entité unique, la suite de
la Genèse le prouve, où l’on peut lire (Genèse 5, 1-2) :
ᾗ ἡμέρᾳ
ἐποίησεν ὁ Θεὸς τὸν ᾿Αδάμ, κατ᾿ εἰκόνα Θεοῦ ἐποίησεν αὐτόν· 2 ἄρσεν καὶ θῆλυ
ἐποίησεν αὐτοὺς καὶ εὐλόγησεν αὐτούς· καὶ ἐπωνόμασε τὸ ὄνομα αὐτοῦ ᾿Αδάμ, ᾗ
ἡμέρᾳ ἐποίησεν αὐτούς·
mot-à-mot :
« Le jour où Dieu fit Adam, il LE fit à l’image de Dieu ; il LES fit
masculin-et féminin [mêmes termes ἄρσεν et θῆλυ] et il LES bénit ; et il
nomma SON nom Adam, le jour où il LES fit. »
Ce balancement
entre le singulier et le pluriel montre de la façon la plus évidente et
grammaticalement la plus dérangeante que l’Homme premier, dont le nom « Adam » est maintenant formulé,
est à la fois unique et multiple. Adam premier rassemble en lui-même toute
l’humanité, constituée de tout le genre masculin et de tout le genre féminin.
Adam premier est donc homme+femme et non pas homme+homme
ni femme+femme.
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