vendredi 17 mai 2013

(1/6) Quelques réflexions théologiques sur l'homosexualité et le mariage homosexuel

Je commence ici la publication d'une étude qu'il m'a paru nécessaire de faire, car rien de ce que j'ai lu jusqu'à présent ne m'a satisfait. C'est peut-être présomptueux de ma part, mais c'est la réalité.
J'ai attendu pour ce faire la fin de ce qui m'a paru, qu'on me pardonne, un spectacle mi-sérieux mi-bouffe en je ne sais combien d'épisodes. Maintenant que l'affaire est tranchée au plan civil, j'estime pouvoir m'exprimer. 

Je ne me fais guère d'illusions : ce que j'écris ne plaira ni aux uns ni aux autres, ni aux pour ni aux contre, du moins les plus déterminés. Mais peut-être cela en incitera-t-il d'autres à réfléchir au fait que les cas humains ne sont pas justiciables de solutions tranchées, et que la miséricorde dont en tout l'emporter. 



En préambule, je veux dire combien je suis gêné par les termes « homosexuel » et homosexualité ». Car c’est une donnée d’expérience qu’une inclination, et même une inclination amoureuse, pour une personne du même sexe ne passe pas forcément par la sexualité, ne débouche pas forcément sur la copulation. Souvent, mais pas toujours, ni nécessairement. Dans ce domaine aussi les amours platoniques existent… Ces termes greffés sur celui de sexualité brouillent la réflexion et risquent de la biaiser. Je préférerais « homophile » et « homophilie », moins charnels. Mais enfin l’usage est là, et on doit s’y plier pour se faire entendre. Il faudra à chaque fois préciser de quoi il retourne.

Second préambule, les réflexions qui suivent s’adressent aux croyants. Les autres, qu’ils passent leur chemin ! Ils perdraient leur temps, puisque je pars de postulats, donc de présupposés, qu’ils n’admettent pas. J’entends par « croyants » ceux qui croient fermement en la véracité des Saintes Ecritures, c’est-à-dire qui ont la certitude que les Saintes Ecritures  nous révèlent, au moyen des symboles, des vérités sur les problèmes essentiels et existentiels de l’Homme. Vérités que Dieu enseigne de la sorte à l’Homme, car les Ecritures sont un message que Dieu adresse à l’Homme de tous les temps ; d’où l’usage des symboles, car si la compréhension des symboles peut varier, les symboles sont pérennes et les vérités qu’ils symbolisent sont immuables. Cela signifie aussi que le littéralisme a toute chance de mener à des impasses.

Troisième préambule. Ces réflexions sont totalement miennes. Bien que je m’inspire beaucoup des Pères de l’Eglise – qui pourrait avoir la prétention de réfléchir sans leur aide ? – je ne retiens pas toujours leurs conclusions morales ; et je crains bien d’être sur ce terrain, celui de la morale, en dissentiment avec l’Eglise catholique romaine et avec les Eglises orthodoxes, dont la mienne. (Je sais que les Eglises protestantes ont sur la question des positions très variées et dans l’ensemble plus « laxistes »). Si j’en suis venu là où j’en suis venu, ce n’est pas avant tout pour des raisons théologiques mais pour des raisons pastorales. C’est l’économie qui vient assouplir, mitiger le canon. J’y reviendrai.

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Les problèmes dont je parle plus haut sont en petit nombre mais fondamentaux : les rapports de Dieu avec l’Homme, les rapports de l’Homme avec Dieu (ce ne sont pas les mêmes), les rapports de l’Homme avec l’Homme, les rapports de l’Homme avec l’univers ou le cosmos. Sur tous ces points, je postule que Dieu a dit vrai, et je partirai donc de ses paroles.

« Puis Dieu dit : Faisons l’Homme à notre image, selon notre ressemblance […] Dieu créa l’Homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme-et-femme. » (Genèse 1, 26-27)
 « Homme-et-femme », et non pas « mâle et femelle », comme on traduit souvent par pusillanimité. L’Homme premier était androgyne. Et il était à la fois unique et multiple.


EXCURSUS

Le texte sacré est difficile à traduire car la réalité qu’il restitue est inconcevable, c’est-à-dire qu’elle heurte nos concepts.
Le texte hébreu dit : אֹ תָ ם בָּ רָ א וּנְ קֵ בָ ה זָכָ ר, ce que le grec de la Septante transcrit mot à mot : ἄρσεν καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτούς.
On rend cela un peu facilement par « mâle » et « femelle ». Mais les termes grecs signifient très exactement « sexe masculin » et « sexe féminin », ou (et la notion de « genre » est ici utile) : « genre masculin » et « genre féminin ». Etant précisé que « genre masculin », ἄρσεν, signifie la totalité des hommes, des ἄνδρες, et que « genre féminin », θῆλυ, signifie la totalité des femmes, des γυναί, comme ἄνθροπος anthropos signifie « le genre humain ».
On a donc :
« Il LES fit genre masculin-et-genre féminin, » et cela inséparablement, car il ne faut pas oublier qu’en grec (comme en hébreu) le début de la phrase est : καὶ ἐποίησεν ὁ Θεὸς τὸν ἄνθρωπον, κατ᾿ εἰκόνα Θεοῦ ἐποίησεν αὐτόν, « et Dieu fit l’Homme (au singulier), il LE (toujours au singulier) fit à l’image de Dieu… »
Ce qui donne la phrase suivante :
« Et Dieu créa L’Homme, il LE créa à l’image de Dieu, il LES créa masculin-et-féminin »,
en passant du singulier au pluriel.
Qu’il s’agisse là d’une entité unique, la suite de la Genèse le prouve, où l’on peut lire (Genèse 5, 1-2) :
ᾗ ἡμέρᾳ ἐποίησεν ὁ Θεὸς τὸν ᾿Αδάμ, κατ᾿ εἰκόνα Θεοῦ ἐποίησεν αὐτόν· 2 ἄρσεν καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτοὺς καὶ εὐλόγησεν αὐτούς· καὶ ἐπωνόμασε τὸ ὄνομα αὐτοῦ ᾿Αδάμ, ᾗ ἡμέρᾳ ἐποίησεν αὐτούς·
mot-à-mot : « Le jour où Dieu fit Adam, il LE fit à l’image de Dieu ; il LES fit masculin-et féminin [mêmes termes ἄρσεν et θῆλυ] et il LES bénit ; et il nomma SON nom Adam, le jour où il LES fit. »
Ce balancement entre le singulier et le pluriel montre de la façon la plus évidente et grammaticalement la plus dérangeante que l’Homme premier, dont le nom « Adam » est maintenant formulé, est à la fois unique et multiple. Adam premier rassemble en lui-même toute l’humanité, constituée de tout le genre masculin et de tout le genre féminin.


Adam premier est donc homme+femme et non pas homme+homme ni femme+femme.

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