jeudi 30 mai 2013

(6/6) Quelques réflexions théologiques sur l'homosexualité et le mariage homosexuel

J’ai encore d’autres flèches dans mon carquois. Les premiers chrétiens, qui avaient une conception radicale et intransigeante du péché, n’en connaissaient que de trois sortes : l’idolâtrie, l’adultère et l’homicide, péchés quasiment irrémissibles car ils ne pouvaient être pardonnés qu’une seule fois dans la vie ; en cas de récidive, aucun pardon n’était possible, sauf à l’article de la mort. C’est d’ailleurs pour échapper à cette rigueur que beaucoup de catéchumènes ne se faisaient baptiser que sur leur lit de mort, par exemple l’empereur Constantin… Ces péchés étaient (et sont toujours) des péchés contre l’amour : l’idolâtrie, un péché contre l’amour dû à Dieu en retour de celui qu’il donne gratuitement ; l’adultère, un péché contre l’amour réciproque des conjoints béni par Dieu ; l’homicide enfin, parce que c’est s’approprier indûment par haine une vie humaine que Dieu a donnée par amour. Très vite, l’Eglise abandonna cette conception extrême qui faisait peu de cas de la repentance. Néanmoins, ces trois catégories fondamentales demeurent, et leur déclinaison scande la vie de ceux qui cherchent à vivre chrétiennement.

Que conclure, par rapport à la vie chrétienne, autrement dit la vie en Eglise ? Comme prêtre, et tout simplement comme homme, je connais un nombre non négligeable d’homosexuels célibataires ou en couple qui sont des chrétiens fervents. Au nom de quoi, au nom de quel principe leur refuserais-je, puisqu’ils ne sont pas pécheurs du fait de leur inclination (et même s’ils l’étaient…) l’accès aux sacrements, et singulièrement au sacrement vivifiant par essence, l’eucharistie ? L’Eglise – les Eglises – n’a que trop souvent et trop longtemps emprisonné les hommes dans des ghettos : jadis le ghetto des sacrilèges, le ghetto des hérétiques, le ghetto des sorciers, maintenant le ghetto des divorcés, le ghetto des homosexuels, le ghetto des francs-maçons…Et quand certains combinent les trois qualifications (je connais des cas) ! Est-ce à l’Eglise d’incarcérer quand l’existence quotidienne s’y emploie suffisamment ! Non. L’Eglise doit communiquer les dons du Christ par le Saint-Esprit : la liberté, la vie, et l’amour.

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L’étude qui précède vient s’articuler à celle que j’ai publiée sur mon blog le 22 janvier 2013 sous le titre Le mariage pour tous. J’y exposais les deux conceptions types du mariage qui s’affrontent dans le débat qui agite notre pays, conceptions qui ont toutes deux leur justification : ce que j’appelle « le mariage patrimonial », qui a en sa faveur son universalité et son ancienneté multiséculaire ; et « le mariage  conjugal » qui prédomine de plus en plus dans nos sociétés occidentales depuis environ un siècle. Qu’on ne s’y trompe pas : c’est ce dernier qui va l’emporter. L’autre est un système d’organisation sociale archaïque qui va disparaître, à mesure que les droits et libertés de l’individu – qui sont un apport du christianisme et point du tout une conquête de la révolution française – gagneront en étendue. Peu importe le temps qu’il faudra, cette évolution est inévitable. Autant la prendre en compte.

Beaucoup affirment avec sincérité que le mariage homosexuel sera le commencement de la fin de la société organisée, disons de la société traditionnelle. Mais ce commencement de la fin, il a déjà débuté, avec la généralisation du divorce ! Quand on constate le nombre de familles décomposées et recomposées, avec la cohabitation dans un même foyer d’enfants issus de chacun des conjoints, peut-on raisonnablement soutenir que ces familles-là sont « traditionnelles » ? Elles n’en sont pas moins légitimes. 

Il est donc temps pour moi de prendre parti, ou plutôt de l’exprimer. Je le ferai en me référant à la distinction courante en orthodoxie entre le canon et l’économie, entre la règle, qui exprime la justice, et son application, qui est guidée par la miséricorde. Ainsi, selon le principe, je ne puis qu’être opposé au mariage homosexuel ; selon l’économie, je dois l’accepter.

Ceci pour la société civile. Et l’Eglise ? Serais-je prêt à bénir une union homosexuelle ? Quitte à être incohérent, franchement non, le pas serait trop important à franchir pour moi. Du moins maintenant. Il me faut encore réfléchir et prier. En revanche je ne verrais aucune difficulté à bénir individuellement chacun des membres du couple. Hypocrisie ? En aucune manière. C’est l’état présent de ma conscience, qui a déjà beaucoup concédé. Et nul ne peut aller contre sa conscience.

5 mai 2013


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